Livv
Décisions

CA Paris, 5e ch. C, 12 février 1999, n° 1998-23809

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Dyson (SARL), Groupement Interprofessionnel des Fabricants d'Appareils Ménagers

Défendeur :

Electrolux LDA (SNC), Electrolux Filter (AB)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Desgrange

Conseillers :

Mme Cabat, M. Bouche

Avoués :

SCP Barrier-Monin, SCP Teytaud

Avocats :

Mes Kaplan, Greffe, Moissinac.

T. com. Paris, 15e ch., du 23 oct. 1998

23 octobre 1998

A la suite d'une campagne de publicité effectuée par la société à responsabilité limitée Dyson en vue d'implanter en France un nouveau modèle d'aspirateur sans sac à poussière, la société en nom collectif Electrolux LDA qui commercialise en France les aspirateurs du Groupe Electrolux, sous les marques Electrolux, Tornado, Progress et AEG ainsi que des sacs à poussière d'une part, la société Electrolux Filter AB, société de droits suédois, qui produit les sacs à poussière montés sur les aspirateurs commercialisés par la société Electrolux LDA d'autre part, ont le 6 avril 1998, été autorisées à assigner à bref délai dans les circonstances relatées par les premiers juges, la société Dyson devant le Tribunal de Commerce de Paris pour obtenir l'arrêt de la campagne de publicité engagée par la société Dyson et des réparations sous forme d'indemnités et de publications judiciaires, estimant que cette publicité était dénigrante, constitutive de concurrence déloyale et leur causait un grave préjudice.

Le Groupement Interprofessionnel des Fabricants d'Appareils Ménagers, ci-après dénommé GIFAM, est intervenu volontairement à l'instance pour demander l'interdiction sous astreinte de la campagne publicitaire de la société Dyson ainsi que des réparations pécuniaires et la publication du jugement.

La société Dyson a soutenu l'irrecevabilité de l'action du GIFAM, et s'est opposée à la demande des sociétés Electrolux LDA et Electrolux Filter AB en sollicitant une indemnisation pour ses frais irrépétibles.

Par jugement du 23 octobre 1998 le tribunal de Commerce de Paris après avoir joint les deux instances,

- a dit l'action du GIFAM irrecevable,

- a dit la campagne publicitaire de la société Dyson constitutive de concurrence déloyale,

- a ordonné la cessation immédiate de la publicité effectuée sur tous supports,

- a interdit à la société Dyson, sous astreinte de 50 000 F par infraction constatée, à compter du trentième jour suivant la signification du présent jugement, la poursuite de la campagne publicitaire en cours,

- a ordonné l'exécution provisoire sur ces mesures,

- a ordonné la publication du jugement dans un maximum de cinq journaux ou revues aux frais de la société Dyson pour un coût global hors taxes maximum de 200 000 F,

- a condamné la société Dyson à payer à la SNC Electrolux LDA et à la société de droits suédois Electrolux Filter AB la somme de 20 000 F chacune, en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,

- a condamné la société Dyson aux dépens,

- a rejeté toutes autres demandes.

La société Dyson a relevé appel de cette décision par déclaration du 12 novembre 1998 ainsi que le GIFAM par déclaration du 20 novembre 1998.

La société Dyson et le GIFAM ont présenté l'une et l'autre en application de l'article 917 du Nouveau code de procédure civile une requête pour être autorisés à assigner à jour fixe.

Par deux ordonnances, le Premier Président de cette Cour a fixé au 27 novembre 1998 le jour auquel l'affaire a été appelée à l'audience de cette chambre.

Il convient de joindre les instances d'appel, en raison de leur connexité.

Il est fait référence aux énonciations du jugement ainsi qu'aux conclusions des parties pour un exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens initialement soulevés.

Il suffit de rappeler les éléments suivants.

La campagne publicitaire litigieuse concerne un nouveau type d'aspirateurs développé par la société Dyson dont le système dit " dual cyclone " présente les caractéristiques suivantes, l'air absorbé va non dans un sac à poussière mais dans un réceptacle transparent dans lequel des filtres spécifiques qui doivent être changés périodiquement purifient l'air absorbé avant de le souffler à nouveau à l'extérieur par l'effet de la force centrifuge, la poussière étant conservée dans un collecteur à vider et à nettoyer régulièrement.

La société Dyson présente son aspirateur comme conservant, pour toutes les particules de poussière, les mêmes performances d'aspiration, que le collecteur soit vide ou plein, contrairement aux aspirateurs à sacs qui ne retiennent pas les particules de poussières les plus fines et dont l'efficacité diminue à mesure que le sac se remplit de poussière.

La campagne publicitaire qui fait l'objet du litige soumis à la Cour a été développée au printemps et à l'hiver 1997 par des annonces parues dans des magazines grand public, par un spot diffusé à la télévision nationale en décembre 1997 par des documents publicitaires distribués sur les lieux de vente et lors d'un salon professionnel Confortec tenu en janvier 1998 à Villepinte ; les emballages des aspirateurs Dyson comportent également des messages publicitaires.

Appelante, la société Dyson sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le GIFAM irrecevable.

Elle fait valoir que l'intervention en cours de procédure du Président du GIFAM est sans effet sur l'irrégularité de l'acte introductif d'instance.

Elle ajoute que le GIFAM n'a aucun intérêt à agir en la cause ; qu'en sa qualité de syndicat professionnel des fabricants d'appareils ménagers, le GIFAM n'est recevable à agir que pour la défense des intérêts collectifs des membres de la profession, et non pour la défense d'intérêts particuliers de certains de ses membres ; qu'il ne peut prétendre défendre les seuls fabricants d'aspirateurs avec sacs, les fabricants d'aspirateurs sans sac faisant également partie de l'industrie que défend le GIFAM.

Elle s'oppose à la prétention du GIFAM d'intervenir à titre principal en cause d'appel, celui-ci n'ayant pas la qualité d'un tiers au sens de l'article 554 du Nouveau code de procédure civile, puisque le GIFAM a été présent en première instance, a soutenu des prétentions et que le tribunal a statué à son égard.

A titre subsidiaire, au fond, la société Dyson sollicite le rejet des demandes d'interdiction et de publications requises par le GIFAM faisant valoir qu'il ne démontre aucune faute ni aucun préjudice.

Elle réclame la condamnation du GIFAM à lui verser la somme de 100 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

A l'égard de la société Electrolux LDA et de la société Electrolux Filter AB, la société Dyson sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit la campagne publicitaire de la société Dyson constitutive de concurrence déloyale, ordonné la cessation immédiate de la publicité déjà effectuée sur tous supports, interdit à la société Dyson sous astreinte la poursuite de la campagne publicitaire en cours et ordonné la publication de la décision.

A titre principal, la société Dyson soutient que les sociétés Electrolux n'ont pas d'intérêt à agir sur le fondement de la nature prétendument responsable de la publicité Dyson et sont irrecevables ; subsidiairement elle demande qu'elles soient déboutées de toutes leurs demandes, faute d'avoir établi le caractère dénigrant, mensonger et constitutif de concurrence déloyale de la campagne publicitaire de la société Dyson.

Elle fait grief aux premiers juges de s'être prononcés sans qu'aucun message publicitaire de Dyson n'ait désigné aucun concurrent ni permis leur identification, y compris Electrolux. Elle affirme que le salon professionnel, qui s'est tenu à Villepinte du 25 au 28 janvier 1998 où étaient reconnaissables, sur un panneau déposé sur le stand Dyson, parmi trente autres sacs à poussière les sacs fabriqués par Electrolux, a eu lieu après qu'aient cessé les campagnes publicitaires critiqués ; que le grand public visé par les campagnes de publicité litigieuse n'a jamais vu ce panneau qui n'a été utilisé que lors de cette exposition professionnelle.

Elle reproche au tribunal d'avoir ordonné la cessation immédiate de la publicité déjà effectuée et de s'être prononcée par voie d'interdiction générale, sans indiquer les slogans, messages ou supports concernés et d'avoir interdit la poursuite de la campagne publicitaire en cours, alors qu'il n'en existait aucune ni à la date de l'introduction de l'instance ni à celle du jugement.

Elle soutient que le message incriminé n'est pas dénigrant ni agressif, qu'il se situe dans le registre habituel des messages publicitaires, qu'il ne comporte aucune volonté de nuire, la référence aux sacs à poussière étant nécessaire pour mettre en valeur l'innovation du produit Dyson aux yeux du consommateur ; que son style didactique vise à donner des explications techniques sur les inconvénients des anciens procédés d'aspiration et l'avantage qui résulte de l'absence du sac quant à la constance de la force d'aspiration dans le nouveau procédé qu'elle commercialise.

Elle revendique la licéité des graphiques montrant la puissance de l'appareil Dyson comparée à celle d'autres appareils de marques concurrentes et affirme que les tests et analyses qui ont servi à l'élaboration de ces graphiques, ont été réalisés avec des matériaux (Kaolin et arbocel) identiques à la poussière domestique. Elle observe que ces tests confirment l'exactitude du message publicitaire de la société Dyson, corroboré par les articles parus dans les revues de consommateurs.

Elle réclame la condamnation des sociétés Electrolux LDA et Filter AB à lui payer chacune la somme de 200 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Le GIFAM, également appelant, demande à la Cour de réformer la décision déférée qui a déclaré son action irrecevable faisant valoir que l'intervention volontaire de Monsieur Brabant son président, fait disparaître la cause de nullité pour défaut de qualité retenue par le tribunal.

Au fond, il expose qu'en sa qualité de syndicat professionnel représentant les fabricants d'appareils ménagers et en particulier les fabricants d'aspirateurs, il compte parmi ses membres les titulaires des marques d'aspirateurs notoirement connues telles que Tornado, Electrolux, Progress, AEG, Rowenta, Philips, Moulinex, Miele, Hoover, Calor, Siemens, qui fonctionnent avec un sac à poussière ; il ajoute que la société Dyson a accompagné le lancement sur le marché français d'un aspirateur sans sac, d'actions publicitaires qui ne sauraient être admises en ce qu'elles constituent par leurs affirmations catégoriques et leur outrance des actes de concurrence déloyale et ce au préjudice de l'ensemble de la profession. Il relève le caractère mensonger de l'affirmation selon laquelle les appareils Dyson seraient en vente dans tous les magasins d'électroménager alors qu'il s'agit d'un produit qui vient seulement de s'introduire en France.

Il conclut à la confirmation du jugement qui a dit la campagne publicitaire de la société Dyson constitutive d'actes de concurrence déloyale et demande en conséquence à la Cour de l'interdire sous astreinte de 100 000 F par infraction constatée.

Il réclame la condamnation de la société Dyson à lui payer la somme de 100 000 F à tire de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la profession qu'il présente et sollicite la publication aux frais de la société Dyson de l'arrêt à intervenir dans les vingt journaux de son choix, le coût de chacune de ces publications ne devant être inférieur à 30 000 F HT. Il réclame enfin la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

La société Electrolux LDA et la société Electrolux Filter AB, intimées, concluent à la confirmation du jugement déféré.

Elles font valoir que les messages diffusés par la société Dyson lors de la campagne publicitaire lancée pour la mise sur le marché français de son aspirateur sans sac sont dénigrants, constitutifs de publicité mensongère et caractérisent des actes de concurrence déloyale.

Elles affirment que les effets nocifs de la campagne de la société Dyson lèsent les intérêts du Groupe Electrolux qui est leader en France sur le marché des aspirateurs à sacs, vend vingt millions de sacs d'aspirateurs par an et qu'en raison de l'ampleur de leur part de marché, il est évident qu'elles sont le principal concurrent visé par la campagne de dénigrement de Dyson, ce qui justifie leur intérêt à agir contre la société Dyson.

Elles dénient le caractère pseudo-scientifique de l'argumentation invoquée par la société Dyson, soulignant le discrédit manifeste porté au procédé d'aspiration avec sac, présenté comme inefficace, déversant un nuage de poussière et laissant au sol des immondices. Elles relèvent le caractère mensonger des graphiques présentant les performances comparées de l'aspiration Dyson et celles des trois marques leaders d'aspirateurs à sacs et dénoncent la tromperie résultant de l'emploi de poudres de kaolin et d'arbocel, non représentatives de la poussière domestique, dans les tests effectués en vue d'évaluer la puissance d'aspiration et la capacité de dépoussiérage d'un aspirateur.

Elles soutiennent que le caractère condamnable de la publicité litigieuse n'est en rien diminué du fait que la société Dyson s'est adressée à des professionnels lors du salon Confortec où la société Electrolux a été identifiée par les sacs exposés.

Elles incriminent les propos de la société Dyson sur l'économie directe qui résulterait de l'utilisation d'un aspirateur sans sac, en relevant la nécessité de changer les filtres de l'appareil Dyson qui génère également un coût d'utilisation.

Formant appel incident, les sociétés Electrolux sollicitent la réparation du préjudice que leur a causé la campagne publicitaire de la société Dyson, qui a déprécié leur image et a cherché à détruire le marché des aspirateurs à sacs en détournant la clientèle à son profit.

Elles demandent que leur soit allouée en réparation du préjudice qu'elles ont subi du fait des actes de publicité mensongère, de dénigrement et de concurrence déloyale, la somme de onze millions de francs majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation , cette somme étant chiffrée à partir du coût de la campagne de communication et de publicité qu'elles estiment devoir lancer pour rétablir, dans l'esprit des consommateurs, l'image positive des aspirateurs à sacs et souligner les qualités des aspirateurs de la gamme Electrolux.

Elles sollicitent que soit ordonnée la cessation immédiate de messages publicitaires et des représentations graphiques, quels que soient les moyens de leur diffusion ou de leur publication, y compris les indications sur les emballages des aspirateurs Dyson et ce sous astreinte de 50 000 F par infraction constatée.

Elles demandent la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir dans dix journaux ou revues de leur choix dans lesquels la société Dyson a fait paraître la publicité dans lesquels la société Dyson a fait paraître une publicité incriminée, aux frais de la société Dyson, sans que le coût de cette publication puisse être supérieur à la somme de 500 000 F majorée de la TVA.

Elle demande enfin la somme de 218 558,08 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR :

Sur la recevabilité de l'action du Groupement Interprofessionnel des Fabricants d'Appareils Ménagers :

Considérant que le Groupement Interprofessionnel des Fabricants d'Appareils Ménagers est un syndicat ayant pour objet l'étude et la défense des intérêts professionnels, économiques, industriels et commerciaux des industries des appareils d'équipement ménager.

Considérant que le Président de ce groupement, Monsieur Brabant, a seul qualité pour représenter le syndicat ; que l'acte introductif d'instance du GIFAM formé par Monsieur Planque, délégué général, qui n'avait pas qualité pour représenter du 24 juin 1998 par le Conseil d'Administration du GIFAM " à agir à l'encontre de Dyson pour agissements de concurrence déloyale par dénigrement au préjudice de la profession ", Monsieur Brabant, Président du groupement, est intervenu volontairement à l'instance ; que dès lors la cause de nullité invoquée a disparu au moment où le tribunal a statué par jugement du 23 octobre 1998.

Sur l'intérêt à agir du Groupement Interprofessionnel des Fabricants d'Appareils Ménagers :

Considérant qu'en sa qualité de syndicat professionnel, le GIFAM est recevable à agir pour la défense des intérêts collectifs de la profession qu'il représente ; que selon ses statuts mis aux débats, il ne peut s'agir que de la défense des intérêts professionnels économiques, industriels et commerciaux des fabricants d'appareils d'équipement ménagers ; que le litige dont est saisie la Cour est né de la campagne publicitaire réalisée par la société Dyson pour la promotion d'un nouveau type d'aspirateur sans sac à poussière dont les sociétés Electrolux LDA et Electrolux Filter AB qui sont fabricants d'aspirateurs avec sacs et de sacs à poussière ont estimé qu'elle était dénigrante et constitutive à leur égard de concurrence déloyale.

Considérant que le syndicat GIFAM ne saurait prétendre justifier d'un intérêt collectif à agir pour la défense des intérêts des industries d'appareils d'équipements ménagers, en prenant la défense des seuls fabricants d'aspirateurs avec sacs, les fabricants d'aspirateurs sans sac, tels la société Dyson faisant partie des industriels d'appareils d'équipements ménagers, dont le GIFAM a pour objet de défendre les intérêts; qu'en l'espèce, il n'est nullement établi que le dénigrement allégué par le GIFAM serait une attaque portée aux intérêts des industries des appareils ménagers, la campagne publicitaire de la société Dyson contre laquelle le GIFAM a engagé son action, portant sur la comparaison de deux techniques d'aspiration de la poussière qui relèvent toutes deux des appareils d'équipements ménagers ; qu'à défaut d'établir l'existence d'une attaque portée contre les intérêts des industries des appareils d'équipements ménagers, le GIFAM ne justifie pas de son intérêt à agir et sera déclaré irrecevable en son action.

Considérant que la Cour ne saurait davantage accueillir la demande d'intervention volontaire à titre principal que présente devant la Cour le GIFAM, en invoquant le fait qu'il n'a pas été partie en première instance ; que même ayant introduit son action par un acte jugé nul par les premiers juges pour défaut de qualité de son représentant, le GIFAM a été présent à l'instance, a soutenu des prétentions et a fait l'objet d'une décision ; qu'ayant ainsi été partie en première instance, il ne peut se prévaloir de l'article 554 du Nouveau code de procédure civile ; que l'action du GIFAM sera déclarée irrecevable, le choix d'une nouvelle forme d'intervention devant la Cour n'étant pas de nature à accorder au GIFAM l'intérêt à agir qu'il n'a jamais eu dans la présente instance.

Sur l'intérêts à agir de la société Electrolux LDA et de la société Electrolux Filter AB :

Considérant que la société Dyson soutient le défaut d'intérêt de l'action intentée pour dénigrement et concurrence déloyale par la société Electrolux LDA et par la société Electrolux Filter AB, au motif qu'aucun message publicitaire incriminé ne désigne directement ou indirectement l'une des sociétés Electrolux, ni d'ailleurs aucune autre société.

Considérant que le dénigrement est caractérisé lorsque le concurrent visé est nommément désigné, ou s'il n'est pas nommé, s'il est facilement identifiable.

Considérant que le tribunal a relevé avec pertinence que les sacs fabriqués par Electrolux étaient parfaitement reconnaissables sur le stand Dyson installé au Salon Confortec qui s'est tenu à Villepinte en janvier 1998 ; qu'il résulte des pièces mises aux débats et notamment d'un procès-verbal de constat dressé le 26 janvier 1998 par Maître Cabardis, huissier de justice, que lors de ce salon la société Dyson a exposé sur son stand différents sacs d'aspirateurs mentionnant le nom de sociétés commercialisant des aspirateurs à sacs et des sacs telles Hoover, Miele, AEG, Electrolux, Hitachi, Vax, Arlett, Panasonix, Gliedea, Rowenta ; qu'elle a disposé sous les sacs suspendus des demi-globes translucides renfermant des amalgames divers de poussières, de détritus, mégots et poils, et a placé sous les sacs et derrière les demi-globes l'inscription " Parce que les sacs se bouchent, les aspirateurs avec sacs perdent leur puissance d'aspiration et laissent cela chez vous ".

Considérant que les sociétés Electrolux qui commercialisent des aspirateurs à sacs et des sacs à poussières ont été, par la désignation claire et visible de leur nom sur les sacs exposés, directement visées par la société Dyson lors de la présentation, qu'a faite celle-ci sur son stand, des contre performances des aspirateurs avec sacs, de marque Electrolux montrés comme se bouchant et générant des tas de poussière sur le sol aspiré.

Considérant que la société Dyson ne peut prétendre s'exonérer en soutenant que cette présentation a eu lieu dans un salon destiné aux professionnels de l'électroménager, le fait que les destinataires de la publicité incriminée soient des professionnels étant sans influence.

Considérant qu'est dénuée de pertinence l'argumentation que sur ce point développe la société Dyson pour critiquer la décision des premiers juges, en faisant valoir que la démonstration péjorative des sacs Electrolux qu'elle reconnaît explicitement avoir faite sur les panneaux de son stand, pendant quatre jours est le seul fait retenu par le tribunal au soutien de sa décision de condamnation.

Considérant qu'en effet, l'identification des sociétés Electrolux désignées comme cible de la publicité incriminée de la société Dyson résulte également des documents que celle-ci a mis à la disposition du public sur les lieux de vente et de démonstration ; que son service consommateur dispensait encore dans plusieurs magasins parisiens ces documents quatre jours avant l'audience des plaidoiries, selon constat établi le 23 novembre 1998 par Maître Guinot, Huissier de justice, mis aux débats ; que ces documents produits démontrent que la société Dyson compare son appareil à ceux des " trois marques leaders d'aspirateurs à sac " ; que cette mention identifie nettement les deux sociétés intimées, dont il est établi et non contesté, que la société Electrolux LDA réalise le plus grand nombre de ventes parmi les opérateurs du marché français des aspirateurs à sacs, sous les marques Electrolux, Tornado, Progress et AEG et que la société Electrolux Filter AB fabrique les sacs à poussière montés sur les aspirateurs commercialisés par la société Electrolux LDA ainsi que des sacs à poussière adaptables à de nombreux autres aspirateurs à sacs autres que ceux commercialisés par la société Electrolux LDA ; qu'il est ainsi amplement démontré que les sociétés Electrolux ont été facilement identifiables par les lecteurs de la publicité affichée par la société Dyson sur les lieux de vente et d'exposition.

Considérant enfin que la société Dyson soulève à tort l'irrecevabilité de l'action engagée par les sociétés Electrolux sur le fondement de la nature mensongère de la publicité Dyson, en soutenant que le bénéfice des dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la Consommation est limité aux consommateurs et revendeurs de produits faisant l'objet de la publicité litigieuse, puisque les sociétés Electrolux ont fondé leur action sur le terrain de la concurrence déloyale en application de l'article 1382 du Code Civil en vue d'obtenir réparation de leur préjudice dans les conditions du droit commun.

Considérant en conséquence que la société Electrolux LDA et la société Electrolux Filter AB ont démontré leur intérêt à agir en concurrence déloyale contre la société Dyson.

Sur le contenu de la publicité litigieuse :

Considérant que faisant grief aux premiers juges d'avoir à tort qualifié dénigrante et mensongère la campagne publicitaire de la société Dyson, la société Dyson reproche au tribunal d'avoir statué par une disposition générale contrevenant aux prescriptions de l'article 5 du Code Civil, en ordonnant la cessation de la publicité déjà effectuée et en interdisant la poursuite de la campagne en cours, sans indiquer quels messages, slogans ou supports étaient concernés ; qu'elle sollicite sur ce fondement l'infirmation intégrale du jugement déféré.

Considérant que la société Dyson a utilisé lors de la campagne publicitaire litigieuse divers supports ; qu'il y a lieu de procéder à l'examen de chacun d'entre eux pour se prononcer sur leur caractère dénigrant ou mensonger.

1) S'agissant du film publicitaire projeté à la télévision nationale en décembre 1997 :

Considérant que le film d'une durée de trente secondes projeté à la Cour lors des débats, met en scène un utilisateur muni d'un sac à poussière neuf et non identifiable, qui essaie sans succès de trouver l'emplacement du sac dans l'aspirateur de type Dyson DC 02 ; sans décor et sans musique le film met en présence l'utilisateur et l'aspirateur à l'arrêt. Ne trouvant pas d'emplacement pour le sac, l'utilisateur le glisse sous l'aspirateur Dyson et s'éloigne. Une voix " off " dit : " Le Dyson est le premier aspirateur sans sac. Il est le seul aspirateur au monde à maintenir 100 % aspirée 100 % temps - Dyson - Pas de sacs. Pas de perte d'aspiration ".

Considérant que cette séquence audiovisuelle montre un aspirateur sans sac, indique que la société Dyson est la première à présenter cette nouvelle technologie et énonce que la puissance d'aspiration est constante pendant le temps d'utilisation de l'aspirateur.

Considérant qu'à aucun moment, ce film ne tourne en dérision un produit concurrent ; que la mine déçue du personnage, lorsqu'il se trouve face à l'aspirateur Dyson et ne sait que faire du sac, ne peut permettre au public large des téléspectateurs auquel ce film s'est adressé de penser que la publicité de la société Dyson critiquait les aspirateurs à sac de la société Electrolux ; que cette publicité constitue la présentation d'une technologie innovante, présentée en termes mesurés, dépourvus de toute ironie ; qu'il s'ensuit que les sociétés intimées ne sont pas fondées à se plaindre d'actes de dénigrement à raison de ce film à l'égard duquel il n'y a pas lieu de prononcer de mesure d'interdiction.

2) S'agissant des pages de publicité parues dans différents magazines de presse grand public au printemps 1997 et à l'automne 1997 :

Considérant qu'il résulte des pièces mises aux débats que sont parues, au printemps 1997, dans les revues VSD, Elle, Paris Match, Femme actuelle, Le Point, Prima, Télé 7 jours, le Nouvel Observateur, l'Express, des pages publicitaires constituées du titre " Le sac d'un aspirateur tue l'aspiration. Voilà pourquoi ", sous lequel figurent à côté d'un aspirateur, les affirmations suivantes :

" L'air et la poussière entrent ici

" L'air est censé remonter par les minuscules pores du sac.

" Mais la poussière bouche les pores du sac.

" L'air étant bloqué, l'appareil n'agit plus de façon efficace.

" La puissance d'aspiration peut être réduite de moitié après le nettoyage d'une seule pièce.

" Cette puissance ne cesse de diminuer à mesure que vous aspirez " ;

en dessous se trouve l'aspirateur Dyson avec la formule :

" Pas de sac - Pas de perte d'aspiration ".

Considérant que la présentation des performances comparées des prestations des deux types d'aspirateurs est faite en termes modérés, sans agressivité, pour inciter le lecteur à réfléchir sur le fait, non contesté par les enquêtes réalisées par des associations de consommateurs, telle celle parues dans la revue " Que Choisir " n° 334 de janvier 1997, qui est produite, que contrairement aux aspirateurs à sacs, dont les résultats sont moindres lorsque les sacs sont remplis de poussière, les performances de l'appareil Dyson sont stables dans le temps ; que cette présentation objective de deux technologies ne constitue pas le dénigrement allégué par les sociétés intimées que ne sont pas fondés à critiquer la parution de ces encarts publicitaires dont la rédaction n'est pas critiquable.

Considérant qu'en revanche la société Dyson a fait paraître en septembre, octobre, novembre et décembre 1997 dans les magazines Le Point, Femme Actuelle, VSD, Prima, Télé 7 jours, Paris Match, Madame Figaro, Elle, qui sont également produits aux débats, un nouveau message publicitaire tenant sur une page couleur ainsi conçu :

" Les preuves contre les aspirateurs à sac ne cessent de s'accumuler ".

Sous ce slogan figure un aspirateur et un sac laissant derrière eux un tas de poussière décrit comme constitué et pollen, germes, excréments d'acariens, poils d'animaux, avec la légende " Parce que les sacs se bouchent, ils réduisent l'aspiration... et laissent cela chez vous ".

L'aspirateur Dyson est représenté en dessous avec la légende : " Le Dyson n'a pas de sac. Il est le seul aspirateur au monde à maintenir 100 % d'aspiration, 100 % du temps " ; à côté de l'appareil Dyson se trouve un espace vide et immaculé.

Considérant que cette présentation des aspirateurs à sac vise à mettre en valeur les défaillances qui leur sont prêtées par la société Dyson, en visualisant le fait qu'une quantité de poussière dégoûtante, figurée par un tas d'immondices, constitué d'excréments d'acariens, de germes et de poils d'animaux, demeure au sol après le passage d'un aspirateur à sac, tant en ce qui concerne sa texture que sa quantité, est dénigrante dès lors que ces immondices sont directement associés à l'image d'un aspirateur traditionnel par la formule : " Les preuves contre les aspirateurs avec sac ne cessent de s'accumuler " ; que le caractère dénigrant de cette publicité réside dans la présentation d'immondices jonchant le sol aspiré ; qu'elle vise à souiller l'image des aspirateurs à sac, à jeter de manière manifeste le discrédit sur le procédé d'aspiration avec sac en associant des immondices à l'image d'un aspirateur traditionnel et en suscitant une vive répulsion chez le consommateur, sollicité par sa vue et son odorat.

Considérant qu'en raison de leur caractère dénigrant les sociétés intimées sont justifiées à critiquer la parution de tels messages publicitaires.

3) S'agissant des brochures publicitaires distribuées par le service consommateur de la société Dyson sur les lieux de vente et d'exposition et des mentions figurant sur les emballages des appareils Dyson :

Considérant que les brochures publicitaires disponibles sur les lieux de vente ainsi que celles qui sont distribuées par le service consommateur de la société Dyson, versées aux débats, sont tout autant condamnables que les encarts, que la société Dyson a fait paraître à l'automne 1997 dans la presse à grand public et dont la Cour vient de relever le caractère dénigrant.

Considérant que figurent en effet sur ces brochures publicitaires, outre les tas de poussières montrées dans les magazines parus à l'hiver 1997, l'image d'un aspirateur à sac déversant un nuage de poussière ainsi que la présentation suggestive de petits chiens s'échappant d'un aspirateur à sac en une émanation nauséabonde.

Considérant que cette présentation éveille chez le lecteur de la brochure, une aversion aiguë ; que vient renforcer les commentaires qui l'accompagnent : " Pas d'odeur de sac " " l'air qui sort de l'appareil Dyson n'a pas l'odeur de la saleté accumulée ".

Considérant que ces brochures présentent également des sacs froissés, éventrés, déchirés, desquels sort une poussière sale ; qu'elles axent leur impact sur le thème de la santé en développant une comparaison sur les mérites des appareils classiques et de l'appareil Dyson en recourant à l'emploi des formules suivantes :

" Le Dyson élimine deux fois plus de poussière nocive et d'allergène qu'un aspirateur classique avec sac,

- Les aspirateurs avec sac laissent derrière eux de la poussière nocive et des allergènes que le Dyson élimine facilement ;

- C'est pourquoi le Dyson est idéal pour les personnes souffrant de troubles respiratoires et soulage de l'asthme et des allergies ".

Considérant que ces affirmations portant sur l'hygiène et la santé sont de nature à induire en erreur le public en opérant un amalgame abusif entre propreté et lutte contre l'asthme et l'allergie ; que sont inexactes les allégations concernant la santé des utilisateurs, qui serait garantie par l'appareil Dyson et mise à mal par les aspirateurs à sac, dans la mesure où il est évident que l'opération de vidange du bas à poussière de l'appareil Dyson, à laquelle il est nécessaire de procéder de manière régulière, est également préjudiciable aux personnages souffrant d'asthme ou d'allergies ; que cette opération est même plus nocive que la manipulation du sac à poussière des aspirateurs moteurs classiques que cette analyse a été faite par des spécialistes dans des revues de consommateurs ; que le magazine " Testé pour Vous ", n° 6 de février 1998, mis aux débats, a relevé, au titre des points faibles de l'aspirateur Dyson " Nous avons souligné les avantages du réservoir transparent mais faire sa vidange n'est pas aisée ; en effet pour le vider il faut ouvrir, ce qui rejette dans l'air de la pièce une quantité importante de poussière. Pour le coup, on peut préférer un sac à poussière que l'on jette directement à la poubelle et qui ne nécessite pas d'entretien ".

Considérant que ces éléments démontrent que contrairement à ce que prétend la société Dyson, la comparaison des deux technologies à laquelle celle-ci procède, ne repose pas sur un argumentaire précis, mais sur des arguments pseudo-scientifiques touchant à l'hygiène et à la protection de la santé ; qu'ils visent à donner à l'ensemble des publicités Dyson un caractère sérieux et véridique dont ils sont dépourvus, tout en donnant parallèlement des défauts des aspirateurs à sacs une description à coloration scientifique convaincante ; que cette manière de procéder qui induit en erreur le consommateur est fautive.

Considérant que la société Dyson articule également dans ses documents publicitaires le thème du coût des sacs, non pas en procédant à une simple comparaison entre le prix de revient de deux technologies mais en utilisant des slogans dont le caractère dénigrant et mensonger est établi par l'emploi de formules telles que : " Finis les problèmes agaçants liés aux sacs. Ils se déchirent, s'éventrent, éclatent souvent " ; qu'elle affirme que " l'utilisation d'un appareil Dyson évite à son propriétaire d'acheter des sacs à poussière et qu'il résulte une économie directe " ; que la référence à sac est fallacieuse puisque la notice d'utilisation de l'aspirateur Dyson indique qu'il faut changer les filtres au moins tous les trois mois et qu'il est évident que cette opération génère un coût dont la société Dyson n'établit pas qu'il soit inférieur à celui d'un aspirateur classique nécessitant le remplacement des sacs à poussière lorsqu'ils sont pleins.

Considérant qu'à l'examen de l'ensemble de ces slogans et brochures, la Cour constate que le mode opératoire de la société Dyson ne consiste pas à se contenter d'exposer simplement les mérites de son invention technique mais à procéder par comparaisons dénigrantes, agressives, mensongères et exprimées sur un ton malveillant pour attirer l'attention du consommateur sur les inconvénients liés à l'utilisation des aspirateurs à sacs, sans démontrer pour autant la supériorité prétendue de l'aspirateur sans sac par rapport au précédé classique.

Considérant que figurent également sur les brochures publicitaires et notamment sur un dépliant publicitaire dépliable en quatre parties mis aux débats, ainsi que sur les emballages des aspirateurs Dyson, des informations présentant, sous forme graphique à partir de tests comparatifs, concernant la puissance d'aspiration associée à la quantité de poussière collectée, les performances de l'appareil Dyson et celles de " trois marques leaders d'aspirateurs avec sac ".

Considérant que le tribunal a relevé avec pertinence que l'utilisation graphique des résultats des tests que la société Dyson a fait pratiquer est de nature à tromper le consommateur d'attention moyenne ; qu'en effet les matériaux utilisés par les laboratoires sollicités par la société Dyson pour tester les capacités d'aspiration ne sont pas comparables à la poussière domestique ; que les tests ont été pratiqués avec du Kaolin et de l'arbocel, poussières très fines dont il est établi tant par les notices d'utilisation des fabricants d'appareils à sac concurrents des sociétés intimées que par les articles de journaux spécialisés versés aux débats, qu'une très légère quantité de ces poussières suffit à rendre un aspirateur normal totalement inefficace, ce phénomène se vérifiant lors de toute aspiration de poussière de plâtre, de ciment ou de sciure.

Considérant que la société Dyson affirme que les mesures granulométriques menées pour la mesure du diamètre aérodynamique de différentes poussières démontre que la poussière domestique est " quasi identique à la poussière d'essai de type kaolin " et que la poussière de type arbocel ou sciure de bois " a quasiment le même diamètre que la poussière domestique " ; que l'emploi des termes auxquels elle recourt pour comparer ces matériaux à la poussière domestique démontre de manière explicite que la société Dyson reconnaît qu'il n'y a pas adéquation totale entre les poussières de kaolin et d'arbocel ayant servi aux tests et la poussière domestique destinée à être aspirée ; qu'à juste titre les premiers juges ont estimé que la pertinence des matériaux utilisés pour ces tests était douteuse ; que dans ces conditions l'indication donnée par la société Dyson que les tests ont été réalisés selon des normes reconnues, n'est pas de nature à donner à cette approche pseudoscientifique un caractère convaincant alors que les sociétés intimées invoquent d'autres normes tout aussi pertinentes ; que d'ailleurs les sociétés intimées relèvent le fait, non contesté par la société appelante, qu'au lieu d'effectuer les tests d'aspiration de poussière sur des modèles Dyson et Electrolux, de capacité comparable, la société Dyson a utilisé non pas le modèle Excellio d'Electrolux vendu 2.490 F comparable au Dyson DC 02, mais le modèle Mondo d'Electrolux d'un coût de 600 F, bien moindre mais n'offrant pas à l'évidence les mêmes capacités d'aspiration que le haut de gamme de la marque Electrolux qui est d'un coût comparable au Dyson ; que de ce fait les tests pratiqués n'ont pas de valeur probante.

Considérant que cette comparaison pseudo-scientifique des performances des deux types d'aspiration est amplifiée par la présentation imagée du résultat de l'aspiration et le commentaire publicitaire dénigrant ainsi rédigé : " Le flux d'air diminue dans les sacs d'un aspirateur dont la poussière bouche les pores empêchant l'air de passer et qu'au fil des mois, un aspirateur avec sac inefficace peut littéralement laisser derrière lui des centaines de grammes de poussière néfastes dans toute la maison ; tandis que l'air chargé de poussière et de saleté est accéléré à l'intérieur des deux cyclones du Dyson à une vitesse atteignant 1486 km à l'heure, ce qui élimine deux fois plus de poussière et d'allergènes dans l'habitation " ; que le commentaire ajoute à l'attention du consommateur " Avec le Dyson vous vivrez dans un environnement non seulement plus propre mais aussi plus sain ".

Considérant enfin que la présentation des courbes graphiques figurant sur les broches publicitaires ainsi que sur les emballages des aspirateurs Dyson, démontre que l'inclinaison des courbes de performances " des trois marques leaders des aspirations à sac " a été, sur certaines de ces brochures très accentuées, sur d'autres tellement simplifiées qu'elles en sont erronées, qu'enfin, ces courbes ne tiennent pas compte du nombre et de la variété des aspirateurs à sac sur le marché, dont les capacités sont très variables ; que cette méthode, tout comme celle qui vient d'être exposée, notamment pour les tests, démontre que la société Dyson a gravement manqué aux règles élémentaires de bonne conduite que doit observer un professionnel dans la comparaison des mérites respectifs de ses produits avec ceux de ses concurrents.

4) S'agissant de la participation à des manifestations commerciales :

Considérant que la présentation faite sur le stand Dyson installé au salon professionnel Confortec qui s'est tenu à Villepinte du 25 au 28 janvier 1998 est dénigrante parmi lesquels sont aisément identificables plusieurs sacs Electrolux, une inscription apposée derrière douze demi-globes renfermant des amalgames d'immondices divers (poussière, détritus, mégots, poils) ainsi rédigée " Parce que les sacs se bouchent, les aspirateurs avec sacs perdent leur puissance d'aspiration et laissent cela chez vous ".

Considérant que la société appelante ne peut sérieusement prétendre qu'elle n'a pas cherché à nuire aux sociétés intimées en citant les éléments composant cette poussière, en soutenant que cette présentation de la poussière dont le caractère repoussant est évident, est justifiée parce qu'elle présente un rapport étroit avec les qualités de l'objet montré sur la publicité ; que s'il est naturel de faire référence s'agissant d'un aspirateur, aux particules de poussière et autres éléments indésirables dont la surface à aspirer est imprégnée, c'est pour démontrer la puissance d'aspiration de l'appareil et la netteté de la surface aspirée et non pas comme elle l'a fait avec une volonté délibérément provocatrice, pour jeter le discrédit sur les appareils à sac en les présentant comme laissant derrière eux des tas de poussière nocive, dans le but de provoquer un trouble réel et profond dans l'esprit du consommateur et de le détourner de tels appareils.

Considérant en conséquence que de l'examen des divers supports publicitaires utilisés par la société Dyson pour la promotion en France de son aspirateur Dual cyclone, il résulte qu'à l'exception du film publicitaire diffusé en décembre 1997 à la télévision nationale et visionné par la Cour, ainsi que des encarts publicitaires insérés dans la presse nationale au printemps 1997, la société Dyson a eu recours pour la confection de ses brochures publicitaires toujours à la disposition des acheteurs sur les lieux de vente et d'exposition, pour la confection des emballages de ses aspirateurs et pour la rédaction des encarts publicitaires diffusés en France dans la presse écrite grand public à l'hiver 1997, à des méthodes qui révèlent une mauvaise foi évidente vis à vis des fabricants d'aspirateurs à sac et de sacs, au premier rang desquels se trouvent la société Electrolux LDA et la société Electrolux Filter AB ; que la société Dyson ne s'est pas bornée à comparer les mérites respectifs des aspirateurs avec ou sans sac mais à utiliser des termes qui ne constituent pas la simple critique modérée, objective et conforme à la vérité d'une technologie par rapport à une autre, mais s'est comportée avec la volonté déterminée de tourner en dérision, de dénigrer et de discréditer les aspirateurs avec sacs et les sacs de poussière, concurrents de la société Dyson, diffusés par les sociétés Electrolux.

Considérant que la société Dyson s'est indiscutablement rendue coupable, au travers de ces supports, à des actes de dénigrement qui ont nuit à la société Electrolux LDA et la société Electrolux Filter AB, fabricants d'aspirateurs à sacs et de sacs ; que le comportement de la société Dyson qui exploite le même secteur d'activité que ses concurrents identifiés est manifestement fautif ; que les actes de la société Dyson sont constitutifs de concurrence déloyale à leur égard.

Sur le préjudice :

Considérant que l'atteinte portée par la société Dyson à l'image et au crédit des sociétés intimées durant la campagne publicitaire qu'elle a menée et qui est en cours depuis plus d'un an a manifestement causé à celles-ci un préjudice direct et certain qui justifie que la société Dyson soit condamnée à leur payer à chacune la somme de 100 000 F à titre de dommages intérêts ; que le jugement déféré sera réformé sur ce point.

Considérant que les mesures de publication du dispositif du présent arrêt ainsi que les mesures d'interdiction sous astreinte d'utiliser des messages publicitaires ou des représentations graphiques qui présentent les aspirateurs et sacs à poussière des sociétés Electrolux LDA et Electrolux Filter AB concurrents des appareils commercialisés par la société Dyson, comme étant inefficaces, contraires à l'hygiène, nocifs à la santé, chers et fragiles, constituent un moyen efficace destiné à permettre de réparer le préjudice qui a été causé aux sociétés Electrolux par les agissements de la société Dyson et doivent en conséquence être ordonnées dans les termes prévus ci-après.

Considérant que l'équité commande de faire application aux sociétés intimées des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile en condamnant la société Dyson à payer à chacune des sociétés Electrolux LDA et Electrolux Filter AB, la somme de 50 000 F au titre des frais exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.

Par ces motifs: Prononce la jonction des instances d'appel enregistrées sous les numéros 1998/23809 et 1998/24478 du répertoire général des affaires de la Cour pour l'année 1998. Déclare recevables les appels formés par la société Dyson et le Groupement interprofessionnel des Fabricants d'Appareils Ménagers ; Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit l'action du Groupement Interprofessionnel des Fabricants d'Appareils Ménagers irrecevable ; l'infirme pour le surplus, et statuant à nouveau, dit que le film publicitaire de la société Dyson diffusé à la télévision nationale au cours de l'hiver 1997 et visionné par la Cour lors des débats, est exempt de dénigrement. Dit que la société Dyson a commis des actes de concurrence déloyale engageant sa responsabilité dans les messages publicitaires, slogans et représentations graphiques dénigrantes et mensongères qu'elle a fait paraître dans les magazines de presse grand public à l'hiver 1997 désignés au 3ème paragraphe de la page 14 du présent arrêt, et qui figurent dans les brochures publicitaires qu'elle a fait distribuer sur les lieux de vente et d'exposition de ses appareils ainsi que sur les emballages de ses produits. Condamne la société Dyson à payer à titre de dommages-intérêts, à chacune des sociétés Electrolux LDA et Electrolux Filter Ab la somme de 100 000 F. Ordonne la cessation immédiate sous astreinte de 50 000 F par infraction constatée de la diffusion des messages publicitaires, slogans, représentations graphiques et indications figurant sur les emballages, qui sont décrits au présent arrêt : Page 14 paragraphes avant-dernier et dernier, page 15 paragraphe 1, 5, 6, 7, 8, 9, 10. Page 16 paragraphe 3, page 18 paragraphe 2, et des messages, slogans et représentations graphiques présentant les aspirateurs à sacs et les sacs à poussière des sociétés Electrolux LDA et Electrolux Filter AB comme inefficaces, contraires à l'hygiène, nocifs à la santé, chers et fragiles. Fait interdiction, sous astreinte de 50 000 F par infraction constatée, passé le délai d'un mois à compter du présent arrêt de procéder à toute nouvelle diffusion des messages publicitaires, slogans, représentations graphiques et indications figurant sur les emballages, qui sont décrits au présent arrêt : Page 14 paragraphes avant-dernier et dernier, page 15 paragraphes 1, 5, 6, 7, 8, 9, 10, page 16 paragraphe 3, page 18 paragraphe 2, et des messages, slogans et représentations graphiques présentant les aspirateurs à sacs et les sacs à poussière des sociétés Electrolux LDA et Electrolux Filter AB comme inefficaces, contraires à l'hygiène, nocifs à la santé, chers et fragiles. Ordonne la publication du dispositif du présent arrêt sous le titre " Condamnation de la société Dyson pour actes de dénigrement et concurrence déloyale à l'encontre de la société Electrolux LDA et de la société Electrolux Filter AB ", dans cinq journaux ou revues au choix des sociétés intimées, aux frais de la société Dyson sans que le coût global de ces insertions excède la somme de 125 000 F Hors taxes. Condamne la société Dyson au paiement, à chacune des sociétés Electrolux LDA et Electrolux Filter AB, de la somme globale de 50 000 F au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel. Condamne la société Dyson au paiement des dépens de première instance et d'appel avec admission pour ces derniers de l'avoué concerné au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.