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Décisions

CA Reims, audience solennelle, 9 février 1999, n° 97-01215

REIMS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Automobiles Peugeot (SA)

Défendeur :

Canal Plus (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Premier président :

Mme Marzi (faisant fonction)

Présidents de chambre :

M. Pacaud, Mme Ciabrini

Conseillers :

MM. Mahieux, Beckius

Avoués :

SCP Chalicarne-Delvincourt-Jacquemet, SCP Six & Guillaume

Avocats :

Mes Renaudin, Cornut-Gentille

TGI Paris, 1re ch., 1re sect., du 6 avr.…

6 avril 1994

Les faits - la procédure

Le 30 décembre 1993, la société Automobiles Peugeot a fait assigner la société Canal Plus aux fins de voir :

- condamner la défenderesse à lui payer la somme de 2 300 000 F à titre de dommages-intérêts,

- condamner la défenderesse à présenter, à titre de complément de dommages-intérêts, un extrait écrit du jugement à intervenir au début de la plus prochaine émission des " Guignols de l'Info ", suivant la date à laquelle la décision sera exécutoire, sous astreinte de 100 000 F par émission de retard ;

- ordonner la publication du jugement à intervenir dans cinq journaux, quotidiens ou hebdomadaires au choix de la société Peugeot, et aux frais de la défenderesse ;

- dire que ces présentations et publications revêtiront la forme suivante : " la 1re Chambre du TGI de Paris, par jugement du ... a condamné la société Canal Plus à verser à la société Automobiles Peugeot la somme de ... F à titre de dommages-intérêts pour avoir, dans une série d'émissions programmées en 1992 et 1993, tenu des propos fautifs à l'égard de sa marque, de ses productions et de son président " ;

- dire que ces présentations et publications devront être effectuées dès que le jugement à intervenir sera devenu définitif, en caractères de un demi-centimètre de hauteur, dans un encadré et sous le titre " publication judiciaire " en caractères gras de un centimètre ;

- condamner la société Canal Plus à payer à la société Automobiles Peugeot la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Automobiles Peugeot exposait que la chaîne de télévision Canal Plus diffusait chaque soir vers 20 heures une émission de 5 minutes environ dénommée " Les Guignols de l'Info ", que les droits reconnus de l'humour, de la satire, de la caricature et plus généralement de la dérision appliqués aux choses publiques et à leurs acteurs ne sont pas sans limite, la jurisprudence sanctionnant les abus résultant, notamment, d'une déformation des faits de nature à traduire une négligence manifeste dans la vérification de l'information, voire même une intention malveillante.

Affirmant avoir été victime d'un tel abus par le dénigrement systématique des produits qu'elle fabrique, la société Automobiles Peugeot soulignait

- que le personnage de Jacques Calvet, président de la société, est toujours présenté comme un automobiliste en retard qui a eu " un petit problème de voiture " ou " un problème de voiture ", phrase prononcée 13 fois entre le 19 octobre 1992 et le 14 décembre 1993,

- que cette image " subliminale " infligée aux téléspectateurs d'un produit déficient est explicitée par divers messages mettant en cause les véhicules Peugeot :

" ... je vous rappelle que la 605 Peugeot détient toujours le record du monde de la voiture la moins polluante, puisqu'elle ne roule que derrière les dépanneuses ... " (13 octobre 1992) ;

" Eh oui c'est officiel, Jacques Calvet se lance à la course à la Présidence. Ce n'est pas gagné, rapport qu'il est équipé d'un moteur Peugeot " (19 octobre 1992) ;

" M. Calvet était venu à pied " (15 décembre 1992 ; 4 mars 1993) ;

" La 605 est une grosse m.... " (20 janvier 1993) ;

" PPD : ça va avoir des retombées technologiques sur la voiture de Monsieur tout le monde ?

" Jacques Calvet : non...

" PPD : ah bon !

" Jacques Calvet : parce que tout le monde n'a pas de Peugeot ... C'est Monsieur Pas Grand Monde qui en a " (21 juin 1993) ;

La société Automobiles Peugeot estimait que cette entreprise renouvelée de dénigrement des véhicules et de la marque Peugeot a connu un paroxysme le 6 décembre 1993 avec une séquence des " Guignols de l'Info " où l'on voit :

- sous le titre " oiture " PPDA annoncer à propos du GATT que " la peur des produits étrangers reste un moteur pour les adversaires du traité " sur fond musical Les Envahisseurs " ;

- une première séquence représentant Jacques Calvet ridicule et chantonnant au volant d'une peugeot 306 (l'écusson est montré) qui tombe en panne dans une forêt ;

- M. Calvet sortir de sa voiture et prononcer la phrase rituelle " je crois que j'ai un problème de voiture ", avant de demander de l'aide à un automobiliste japonais ;

- M. Calvet s'enfuir, réalisant qu'il a affaire à un automobiliste japonais au volant d'une voiture japonaise, sonner à la porte étant d'une maison et, la porte étant ouverte par un autre japonais, s'enfuir à nouveau en criant " au secours " ;

- sur fond de bruits divers apparaître le lion emblème de la marque Peugeot, déformé, sa tête ayant été remplacée par la caricature de celle de Jacques Calvet, avec ce commentaire en " voix off " : Jacques Calvet, il voit des Japonais partout " ;

La société Automobiles Peugeot soutenait que l'ensemble de ces séquences et commentaires constituaient

- un dénigrement grossier de la production de la société, l'absence d'intention de nuire, voire l'intention de faire rire n'étant pas en elle-même exclusive d'une faute engageant la responsabilité de la société Canal Plus, dès lors que l'abus emprunte les mêmes voies et produit nécessairement les mêmes effets que s'il avait été le fait d'un concurrent ou d'une personne soucieuse de peser sur le choix des consommateurs,

- un usage illicite de marque,

- une publicité comparative au profit d'une marque concurrente, ce grief visant essentiellement la dernière séquence citée, dans laquelle apparaît un véhicule japonais de marque Mazda.

La société demanderesse ajoutait que l'atteinte délibérée portée aux produits et à la marque Peugeot s'accompagnait d'une atteinte violente à la personne même du président de la société, que si l'on peut admettre que l'extrême liberté accordée à l'humoriste s'exerce au détriment des personnes ayant une activité publique et s'exposant à ce que leurs idées ou leurs traits de caractère soient brocardés ou caricaturés, elle ne pouvait en revanche s'appliquer à une société commerciale qui a pour seule vocation de fabriquer ou de vendre des produits, dans un contexte économique et social difficile, et ne participe pas aux débats publics, qu'ainsi le dénigrement des produits de la société portait directement atteinte aux intérêts moraux et matériels des actionnaires et salariés qui voient déprécier leurs investissements et dévaloriser leurs efforts.

Sur le préjudice, la société Automobiles Peugeot faisait valoir que le caractère violent, systématique, renouvelé et insidieux des attaques portées par la société Canal Plus était constitutif d'une faute causant un préjudice dont l'importance devait être calculée d'après les tarifs de la publicité diffusé par Canal Plus, la durée des séquences litigieuses, le prix à payer pour la contre-publicité réalisée par la chaîne de télévision ne pouvant être inférieur à celui de la publicité elle-même.

La société Canal Plus concluait au rejet des demandes présentées par la société Automobiles Peugeot et à l'allocation d'une somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société défenderesse exposait que l'émission " Les Guignols de l'Info " est un journal d'information imaginaire, parodie d'une vie publique et médiatique déformée par la caricature et la satire sociale, que les scènes incriminées visaient Jacques Calvet en sa qualité de personnage médiatique s'impliquant dans la vie politique et économique de son pays et étaient toutes en relation avec une actualité le concernant, que les informations fantaisistes et saynètes en cause n'étaient revêtues d'aucune prétention de sérieux et ne pouvaient dès lors être considérées comme crédibles par les téléspectateurs de l'émission.

La société défenderesse soutenait que la loi sur la protection des marques ne pouvait s'opposer à l'utilisation de celles-ci dans un cadre humoristique et caricatural, que l'émission critiquée n'avait pas pour but de jeter le discrédit sur les produits de la société Peugeot et d'agir sur les choix des consommateur, qu'aucune action de publicité comparative fautive ne pouvait lui être reprochée.

Elle précisait enfin que la société Automobiles Peugeot ne justifiait d'aucun préjudice.

Par jugement du 6 avril 1994 le Tribunal de grande instance de Paris a débouté la société Automobiles Peugeot de ses demandes, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens.

Sur appel de la société Automobiles Peugeot la Cour de Paris, par arrêt du 14 mars 1995 a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, l'appelante étant condamnée aux dépens.

La société Automobiles Peugeot a formé un pourvoi à l'encontre de cette décision. Par arrêt du 2 avril 1997, la Cour de cassation a cassé l'arrêt ci-dessus visé de la Cour de Paris pour les motifs suivants :

" Vu l'article 1382 du Code civil ;

" Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Automobiles Peugeot, estimant que les propos prêtés à M. Jacques Calvet, président-directeur général de la société PSA dont elle est une filiale, et les situations dans lesquelles il est présenté dans l'émission " Les Guignols de l'Info ", diffusée par la société Canal Plus, dévalorisent les produits de sa marque et lui causent un préjudice, a assigné cette dernière société en réparation ;

" Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt énonce que l'émission " Les Guignols de l'Info ", qui revêt un caractère de pure fantaisie, est privée de toute signification réelle et de toute portée, qu'elle n'est inspirée par aucune intention de nuire et qu'elle n'a pu jeter le discrédit sur la marque ou l'un des signes distinctifs dont la société Automobiles Peugeot est titulaire ;

" Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé le caractère outrancier, provocateur et renouvelé des propos tenus s'appliquant à la production de la société Automobiles Peugeot, d'où résultait l'existence d'une faute, et alors que l'application de l'article 1382 du Code civil n'exige pas l'existence d'une intention de nuire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ; "

Parallèlement, par acte en date du 21 mai 1996, la société Automobiles Peugeot a assigné la société Canal Plus devant le Tribunal de commerce de Paris pour l'entendre condamner :

- à lui payer la somme de 2 392 000 F à titre de dommages et intérêts,

- à présenter un extrait écrit du jugement à intervenir au début de la plus prochaine émission des Guignols de l'Info suivant la date à laquelle la décision à intervenir sera exécutoire, sous astreinte de 100 000 F par émission de retard,

- à publier le jugement à intervenir dans 5 journaux quotidiens ou hebdomadaires au choix du demandeur et aux frais de Canal Plus, ces présentation et publications devant revêtir la forme suivante :

"Le Tribunal de commerce de Paris, par jugement du.. a condamné la société Canal Plus à verser à la société Automobiles Peugeot la somme de ... à titre de dommages et intérêts pour avoir, dans une série d'émissions programmées en 1994, 1995, 1996 tenu des propos fautifs à son égard".

Elle demandait au tribunal de dire que ces publications et présentations devront être effectuées dés la signification du jugement à intervenir, en caractères de un demi centimètre de hauteur dans un encadré et sous le titre "Publication Judiciaire" en caractères gras de un centimètre,

- d'ordonner l'exécution provisoire,

- de condamner la société Canal Plus à lui payer la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions du 25 novembre 1996, Canal Plus demandait au tribunal :

- de dire irrecevables les demandes formées par Automobiles Peugeot en raison de l'autorité de la chose jugée dont sont revêtus le jugement du 6 avril 1994 du Tribunal de grande instance de Paris et l'arrêt du 14 mars 1995 de la Cour d'appel de Paris rendus dans une affaire similaire opposant Peugeot à Canal Plus,

- à titre subsidiaire,

- de dire que Canal Plus n'a pas abusé de la liberté d'expression et de caricature et plus généralement n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité,

- de dire qu'en tout état de cause, Peugeot ne rapporte pas la preuve objective du préjudice direct et certain qu'elle aurait subi du fait des diffusions litigieuses,

- en conséquence et en tout état de cause,

- de débouter Peugeot de toutes ses demandes,

- de la condamner au paiement dune somme de 75 000 F, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et de la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La Cour d'appel de Reims ayant été saisie par déclaration du 25 avril 1997 en exécution de l'arrêt de renvoi, la société Canal Plus a, par conclusions du 12 mai 1997, soulevé devant le Tribunal de commerce de Paris l'exception de connexité, que cette juridiction a reconnue bien fondée.

Par jugement du 16 juin 1997, le Tribunal de commerce de Paris s'est dessaisi de l'instance au profit de la cour de céans.

Il convient, pour une bonne administration de la justice, de joindre ces deux procédures et de statuer par un seul et même arrêt.

Moyens des parties

La société Automobiles Peugeot reproche aux séquences diffusées par Canal Plus durant les années 1992, 1993, 1994, 1995, 1996 et 1997 de préjudicier à ses intérêts, par un dénigrement systématique de ses productions, au moyen des propos tenus par la marionnette représentant M. Calvet, mise en scène par Canal Plus dans les émissions des "Guignols de l'Info" et demande à la cour de renvoi de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel. En conséquence, infirmer le jugement et :

- condamner la société Canal Plus à payer à la société Automobiles Peugeot la somme de 12 162 000 F à titre de dommages et intérêts pour les causes sus-énoncées,

- la condamner en outre, à titre de complément de dommages et intérêts, à présenter un extrait écrit de l'arrêt à intervenir au début de la plus prochaine émission des "Guignols de l'Info" suivant la date à laquelle la décision à intervenir sera exécutoire, sous astreinte de 100 000 F par émission de retard,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans 5 journaux, quotidiens ou hebdomadaires au choix du demandeur et aux frais de la société Canal Plus,

- dire que ces présentations et publications revêtiront la forme suivante :

"La Cour d'appel de Reims, par arrêt du ... a condamné la société Canal Plus à verser à la société Automobiles Peugeot la somme de ... à titre de dommages et intérêts pour avoir, dans une série d'émissions programmées en 1994, 1995, 1996 et 1997 tenu des propos fautifs à son égard",

- dire que ces présentation et publications devront être effectuées dés la signification de l'arrêt à intervenir, en caractères de un demi-centimètre de hauteur, dans un encadré, et sous le titre "Publication Judiciaire" en caractères gras de un centimètre,

- condamner la société Canal Plus à payer à la société Automobiles Peugeot la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens, qui seront recouvrés, pour ceux exposés devant la Cour de céans, par la SCP Jean-Pierre Six et Pascal Guillaume, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

La société Canal Plus faisant valoir que le but de l'émission "Les Guignols de l'Info" est de distraire le téléspectateur par :

la présentation dun journal dinformation imaginaire, satirique, parodique utilisant toutes les recettes comiques de la caricature et de la parodie notamment, la répétition et le burlesque,

et la mise en scène de marionnettes caricaturant des personnes publiques qui font la Une de l'actualité, qu'il s'agisse des domaines politique, économique, culturel, sportif, religieux, soutient que cette activité est protégée par les principes régissant la liberté d'expression, reconnue et protégée tant par la Déclaration Universelle des Droits l'Homme, la Constitution de 1958 que par la loi et les grands principes de droit. Elle s'oppose à l'appel dans les termes suivants :

- Vu le jugement rendu le 16 juin 1997 par le Tribunal de commerce de Paris,

- Adjuger à Canal Plus le bénéfice de ses précédentes écritures signifiées devant ledit Tribunal de commerce de Paris,

- Confirmer le jugement entrepris en ses dispositions profitant à la société concluante,

- Dire et juger la société Automobiles Peugeot mal fondée en toutes ses demandes à l'encontre de la société concluante,

- Débouter ladite société Automobiles Peugeot de l'ensemble de ses demandes en ce compris celles formulées devant le Tribunal de commerce de Paris,

- Condamner la société Automobiles Peugeot à payer à Canal Plus la somme de 75 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- Condamner la société Automobiles Peugeot aux entiers dépens tant de première instance que d'appel avec pour ces derniers droit de recouvrement direct au profit de la SCP CDJ dans les conditions prévues par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 02 juin 1998.

Sur ce

Attendu que pour contester le jugement entrepris, la société Automobiles Peugeot expose que la société Canal Plus, entreprise commerciale au même titre que la société Automobiles Peugeot, aurait commis des abus de droit dans l'exercice de la liberté d'expression à l'occasion de l'émission "Les Guignols de l'Info", une société de droit privé ne pouvant être assimilée à une personnalité publique qui, par son caractère médiatique s'expose à ce que ses idées ou ses traits de caractère soient caricaturés ;

Quelle prétend que la caricature ainsi présentée au public porterait atteinte à la société, à ses actionnaires, à ses concessionnaires, à ses salariés, voire à ses clients ;

Mais attendu que la société Automobiles Peugeot ne peut prétendre protéger que ses propres intérêts et non ceux de ses actionnaires, salariés et clients ;

Qu'il ressort des 33 saynètes incriminées, dont la durée moyenne est de 30 secondes, et qui sont réparties sur 5 années, que le personnage caricaturé est M. Calvet dont la marionnette déforme volontairement les traits et accuse les tics de langage ; que l'objet de la caricature est non la société automobile dont il est le PDG, mais la personne même de M. Calvet, le but des sketches étant de provoquer l'hilarité des téléspectateurs à l'occasion des prises de positions de M. Calvet qui, en sa position de PDG des sociétés automobiles, a pris des positions très tranchées et très médiatisées tant dans le domaine politique (Europe, Maastricht), qu'économique (concurrence Japonaise) ou écologique (diesel) ;

Que la médiatisation de M. Calvet ainsi recherchée par lui-même, a conduit les auteurs des dialogues des Guignols de l'Info, à brocarder ses déclarations sur le mode satirique et moqueur, les Guignols de l'Info s'étant attribués, à l'époque moderne, le rôle du bouffon, qui ainsi que le Tribunal correctionnel de Paris la si bien précisé dans son jugement du 9 janvier 1992, "remplit une fonction sociale éminente et salutaire qui s'exerce par principe, légitimement, au détriment des puissants, des personnages publics, de ceux dont on parle ou dont les idées sont connues ; il participe, à sa manière, à la défense des libertés" ;

Que s'agissant d'une parodie de journal télévisé le fait de citer telle ou telle entreprise nationale ne constitue pas une appropriation de la marque ;

Qu'il convient donc de constater que les moqueries ne visaient pas la société Automobiles Peugeot en tant quentreprise commerciale, mais les attitudes de son PDG ;

Attendu par ailleurs que le fait que la société Canal Plus soit une société commerciale ne saurait avoir d'incidence dans la présente procédure, le but poursuivi par la chaîne Canal Plus étant en l'occurrence de divertir le téléspectateur et non la fabrication ou la commercialisation des véhicules automobiles ;

Qu'aucune situation de concurrence ne saurait exister entre la société Canal Plus et la société Automobiles Peugeot dont les sphères d'activité sont diamétralement opposées ;

Attendu que la société Automobiles Peugeot reproche également à Canal Plus d'avoir, dans certains sketches, volontairement dénigré certains éléments de sa production, et notamment le véhicule Peugeot 605 ;

Mais attendu que les phrases prêtées à la marionnette de M. Calvet sur ce véhicule automobile, sont caricaturales et ne sauraient avoir une quelconque répercussion sur le téléspectateur dans la mesure où elles s'inscrivent dans le contexte grotesque des Guignols de l'Infos ;

Qu'en effet, la société Canal Plus, dans son émission "Les Guignols de l'Info", na jamais eu la prétention d'être un magasine automobile ni d'apporter des informations techniques ;

Que le téléspectateur, l'automobiliste moyen comme le fidèle de la marque, ne pouvait pas être abusé, dans le cadre de cette émission parodique, par l'excès des propos attribués à la marionnette sensée représenter M. Calvet ;

Que le dénigrement, pour être retenu comme tel, doit présenter un minimum de sérieux et viser un concurrent, conditions inexistantes en l'espèce ;

Attendu par ailleurs qu'il ne saurait être fait une assimilation abusive entre les espaces publicitaires diffusées par Canal Plus, et l'émission "Les Guignols de l'Info", journal satirique, parodie des journaux télévisés ;

Attendu enfin que la société Automobiles Peugeot reproche aux Guignols de l'Info d'avoir apporté un concours promotionnel à son concurrent direct, la société Renault ;

Mais attendu que les véhicules Renault ont également fait lobjet de nombreuses saynètes satiriques de la part des "Guignols de l'Info" ;

Que par ailleurs le parrainage de Renault qui a duré de septembre 95 à décembre 95 n'a fait l'objet d'aucune critique du CSA, organe de contrôle de la régularité des contrats de "Parrainage" dans l'Audiovisuel ;

Que pendant la période au cours de laquelle a duré ce parrainage dominical, soit de septembre 95 à décembre 95, aucune séquence des "Guignols de l'Info" n'a évoqué les automobiles Peugeot ou Citroën ;

Attendu enfin que la société Automobiles Peugeot prétend que les émissions litigieuses auraient eu un impact négatif sur les téléspectateurs quant aux produits de sa marque et communique, à l'appui de cette affirmation, les déclarations du Directeur Général de la société Cacolac et les appréciations d'un psychanalyste interrogé par le Nouvel Observateur ;

Mais attendu que ces éléments, pour intéressants quils puissent être, sont sans aucun rapport avec le préjudice prétendu, les "Guignols de l'Info" nétant pas un espace publicitaire ;

Qu'ils napportent pas la preuve de la baisse du chiffre daffaires des sociétés Automobiles à la suite des émissions reprochées ;

Qu'au contraire, au départ de M. Calvet à la fin de l'année 1997, les sociétés Automobiles avaient atteint un bénéfice de près de 10 Milliards de francs ;

Attendu en conséquence qu'il n'existe aucun risque de confusion entre la réalité et l'œuvre caricaturale et satirique créée par "Les Guignols de l'Info" œuvre protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

Que la société Canal Plus ne saurait voir sa responsabilité engagée par cette œuvre ainsi protégée ;

Quil convient de débouter la société Automobiles Peugeot de ses demandes et de confirmer le jugement entrepris ;

Que sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, il convient de condamner la société Automobiles Peugeot à payer à la société Canal Plus une indemnité de 10 000 F ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Ordonne la jonction des procédures inscrites sur le rôle général de la cour sous les numéros 97-1215 et 97-2180 ; Statuant par un seul et même arrêt, Vu l'arrêt de Cassation du 2 avril 1997 et le jugement prononcé le 16 juin 1997 par le Tribunal de commerce de Paris, Déclare non fondé l'appel formé par la société Automobiles Peugeot ; Confirme le jugement prononcé le 6 avril 1994 par le Tribunal de grande instance de Paris ; Déboute la société Automobiles Peugeot de l'ensemble de ses demandes formées devant le Tribunal de commerce de Paris ; Condamne la société Automobiles Peugeot à payer à la société Canal Plus une indemnité de 10 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Automobiles Peugeot aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'aux dépens exposés devant le Tribunal de commerce de Paris, en ce les frais afférents à l'arrêt cassé, mais non ceux exposés devant la Cour de cassation ; Autorise la SCP Chalicarne Delvincourt Jacquemet, avoués, à recouvrir directement les dépens d'appel exposés devant la Cour de céans, dans les termes de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.