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Décisions

Cass. com., 9 février 1999, n° 96-15.834

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Fiducial (Sté)

Défendeur :

Boltz, Société d'entreprise de comptabilité financière

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M Léonnet.

Avocat général :

M. Lafortune.

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié.

Aix-en-Provence, du 4 janv. 1996

4 janvier 1996

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 4 janvier 1996) que la société Sofidex, société fiduciaire d'expertise comptable, aux droits de la société CGF par suite d'une opération de fusion-absorption entre les deux sociétés, a assigné M. Boltz, son ancien employé et la Société d'entreprise de comptabilité d'étude financière (SECAF), ayant pour directeur administratif M. Boltz, en réparation d'actes de concurrence déloyale ; que la société Sofidex ayant interjeté appel, a fait délivrer le 2 février 1995 à M. Boltz, qui n'avait pas constitué avoué, une assignation à comparaître ; que la société Fiduciaire nationale juridique et fiscale (Fiducial), qui a absorbé le 30 septembre 1994 la société Sofidex, est intervenue à l'instance pour reprendre les écritures de cette société ;

Sur le premier moyen : (sans intérêt) ;

Et sur le second moyen : - Attendu que la société Fiducial fait grief à l' arrêt d'avoir rejeté sa demande en dommages et intérêts pour concurrence déloyale, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'action en concurrence déloyale ne requiert pas la constatation d'un élément intentionnel ; que la cour d'appel a relevé que 5 salariés de la CGF employés par elle dans la région Bourgogne avaient démissionné en l'espace de quelques mois pour rejoindre, quelque temps plus tard, la SECAF, tandis que cette société, qui n'avait préalablement aucune clientèle en Bourgogne, voyait son chiffre d'affaires et son activité décupler grâce au développement de son activité en Bourgogne où elle avait repris 29 anciens clients de la CGF qui avaient résilié leur contrat à la même époque ; qu'en rejetant cependant l'action en concurrence déloyale de la Fiducial, faute par elle de démontrer l'existence de manœuvres déloyales, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ; alors, d'autre part, que le fait pour l'ancien salarié d'une société de démarcher la clientèle de son ancien employeur en utilisant les connaissances acquises au service de celui-ci est susceptible de constituer une faute nonobstant l'absence de clause de non-concurrence liant ce salarié à son ancien employeur et sans qu'il soit besoin de constater l'existence de manœuvres déloyales ; qu'en refusant d'examiner si l'emploi par la SECAF de Mlle Goldite et M. Gourlier était constitutif de concurrence déloyale, parce qu'il n'était pas établi qu'ils étaient débiteurs d'une clause de non-concurrence, et en énonçant que M. Boltz, M. Martoccia et Mlle Seignez n'étaient pas concernés parce qu'ils avaient travaillé dans des zones non couvertes par la clause de non-concurrence les liant à la CGF, la cour d'appel a derechef violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ; alors, encore, que l'interdiction faite par une clause de non-concurrence à un salarié de travailler dans un secteur géographique déterminé pendant une certaine période vise à l'empêcher de travailler pour des clients ayant leur domicile dans cette zone, peu important l'endroit ou est effectuée la prestation matérielle ; qu'en décidant que la SECAF ne pouvait se voir reprocher la violation consciente des clauses de non-concurrence liant les anciens salariés de la CGF, parce que le bureau de Luzy était situé à plus de 100 kms de Dijon ou que les facturations adressées à Louhans, situaient les prestations hors zone d'interdiction de concurrence, et qu'il n'était pas établi que le bureau de Dijon était une véritable agence, sans rechercher si les salariés concernés n'avaient pas néanmoins travaillé pour des clients ayant leur siècle dans la zone couverte par la clause de non-concurrence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des article 1382 et 1383 du Code civil ; alors, enfin, que la Fiducial faisait valoir que ses anciens salariés, s'ils n'avaient pas été immédiatement embauchés par la SECAF, avaient néanmoins travaillé pour elle par la voie de la sous-traitance, notamment par l'intermédiaire de la société Accor ; que cette affirmation était confirmée par le rapport d'expertise déposé par M. Capony, qui établissait que la SECAF avait travaillé avec les cabinets Maignen et Accor en Bourgogne, et qu'une des factures correspondait à un ancien client de CGF, les autres ne comportant aucun nom ; que la cour d'appel a constaté que Mlle Seignez avait effectivement travaillé pour la SECAF sous forme de sous-traitance auprès d'autres cabinets comptables avant d'être officiellement embauchée ; qu'en s'abstenant de rechercher si ces faits ne démontraient pas les manœuvres de la société SECAF, qui avait ainsi utilisé les services des anciens employés de la CGF pour s'approprier la clientèle de celle-ci sans que pour autant leur nom apparaisse dans la liste de ses salariés tant qu'ils restaient liés par une clause de non- concurrence, et sans que ces clients apparaissent comme les siens, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que s'il est vrai qu'une clause de non-concurrence interdisant à un salarié d'une entreprise, après son départ de travailler dans un secteur géographique déterminé pendant une période limitée, fait obstacle à ce que ce dernier, même s'il est employé dans une entreprise située en dehors de la zone d'interdiction, effectue des travaux commandés par des clients de son ancienne société résidant dans le secteur géographique visé par la clause de non-concurrence, il ne ressort pas des constatations de l'arrêt que la société Fiducial ait apporté la preuve que les anciens salariés de la société CGF liés par cette clause de non-concurrence ait procédé à des travaux ou eu des contacts avec la clientèle située dans le secteur géographique litigieux ;que la cour d'appel n'encourt pas, dès lors, les griefs des deuxième et troisième branches du moyen ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel appréciant les éléments de fait qui lui étaient soumis, a constaté par une décision motivée qu'il n'existait " aucune trace de démarches tendant à persuader les salariés concernés de quitter leur employeur, ou mieux encore, de travailler d'abord en sous-main contre lui avant de le quitter en détournant sa clientèle" ; qu'elle a relevé que les salariés démissionnaires n'avaient pas tous rejoint la société Seraf et que la cause de ces démissions s'expliquait par "les doléances des clients dénonçant leur contrat à cette même époque" ; que la cour d'appel a pu en déduire, tirant ainsi les conséquences légales de ses propres constatations, et sans s'être référée à l'absence d'élément intentionnel de la société SECAF, que la désorganisation de la société CGF en Bourgogne "apparaît ainsi, non pas comme l'effet du départ de quelques salariés, mais comme un mauvais fonctionnement antérieur à leur départ" ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.