CA Paris, 5e ch. C, 18 décembre 1998, n° 1996-18224
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Tripode (SA)
Défendeur :
Blanchet, L'Alpine de Pépinières (SARL), L'Alsacienne de Jardinage (SARL), La Drômoise de Jardinage (SARL), Les Jardins d'Ecully (SARL), Les Jardins du Forez (SNC), Les Jardins de Metz Tessy (SARL), Les Jardins de la Plaine (SARL), Les Jardins de Savoie (SARL), JD Dijon (SNC), Les Serres de l'Isle d'Abeau (SARL), Les Serres du Saleve (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Desgrange
Conseillers :
Mme Cabat, M. Bouche
Avoués :
SCP Bommart Forster, SCP Duboscq Pellerin
Avocats :
Mes Vandenbogaerde, Ledoux.
LA COUR statue sur l'appel formé par la SA Tripode d'un jugement rendu le 4 juin 1996 par le Tribunal de Commerce de Meaux qui, après avoir joint trois instances :
- a dit que la société Tripode avait commis une faute contractuelle grave en refusant l'agrément et le franchisage du magasin de Mâcon, à la société Les Serres de Saleve, a prononcé la résiliation judiciaire, à la date de la décision, du contrat d'engagement conclu en août 1994, aux torts de la société Tripode, et a en conséquence condamné cette dernière à régler à cette cocontractante la somme de 1 000 000 F à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, ainsi que celle de 50 000 F au titre de l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- a reçu les sociétés du groupe Les Serres du Saleve, à savoir, les sociétés les Serres de l'Isle d'Abeau, les Jardins de la Plaine, les Jardins du Forez, la société Alsacienne de Jardinage, la société Alpine de Pépinières et la société Drômoise de Jardinage, et a constaté que les cinq contrats de franchise et d'affiliation conclus entre la société Tripode et :
- les sociétés JD Dijon, Magasin de Chenove,
- les Serres du Salève, magasin d'Ecully à laquelle est substitué la société les Jardins d'Ecully,
- la société les Serres du Salève, magasin de La Ravoire, à laquelle est substituée la société les Jardins de Savoie,
- la société les Serres du Salève, magasin d'Annemasse,
- la société Jardins de la Plaine, magasin de Saint-Priest
ont été régulièrement résiliés et qu'il n'y avait pas lieu d'en prononcer la résiliation judiciaire,
- a prononcé la résiliation judiciaire des sept contrats de franchise et d'affiliation conclus entre la société Tripode et les sociétés suivantes, ce aux conditions suivantes :
- avec la société Alpine de Pépinières pour le magasin de Seyssins, aux torts exclusifs de celle-ci, en la condamnant à régler à la société Tripode la somme de 200 000 F à titre de dommages et intérêts avec :
- la société Les Serres de l'Isle d'Abeau, magasin de l'Isle d'Abeau, la société les Serres du Salève, pour les deux magasins de Metz-Tessy et Gaillard, la société Drômoise de Jardinage, pour le magasin de Valence, la société les Jardins du Forez, (anciennement Myniclaire) pour le magasin de Haguenau,
aux torts réciproques des parties ;
- a condamné chacune de ces cinq dernières sociétés à verser à la société Tripode la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts pour chacun de leurs magasins, en réparation du préjudice subi pour la perte de clientèle et la perte de l'enseigne Jardiland ;
- a dit que la résiliation judiciaire des sept précédents contrats prendrait effet le 30 juin 1996 ;
- a dit que les sociétés Les Serres de Salève et ses filiales n'avaient pas commis d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Tripode et du réseau Jardiland et les a autorisées à exploiter leurs magasins sous l'enseigne Botanic ;
- a ordonné à la société Tripode de faire publier à ses frais, le dispositif du jugement dans deux journaux de la presse régionale Rhône-Alpes et dans deux journaux de la presse nationale spécialisée, au choix de la société Les Serres du Salève, à concurrence d'une somme totale de 20 000 F et dans le délai de trois mois à compter de la décision ;
- a condamné la société Tripode à régler à la société Les Serres du Salève la somme de 50 000 F au titre de l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- et a partagé les dépens par moitié entre la société Tripode et la société Les Serres du Salève.
Les faits du litige tels qu'exposés par les premiers juges font, pour parties, l'objet d'une contestation ; la Cour ne peut donc s'y référer.
Il convient néanmoins de rappeler que la société Tripode exerce deux activités commerciales complémentaires, l'une étant celle d'une centrale d'achats et de référencement, fonctionnant par la conclusion de contrats d'affiliation, l'autre étant celle d'un franchiseur à la tête d'un réseau de franchisés utilisant la marque Jardiland, déposée par la société Tripode en 1981.
Monsieur Blanchet est détenteur de plus de 30 % du capital de la holding Jardiland ; selon la société Tripode, il est l'un des sachants et des détenteurs des secrets et de l'originalité de la franchise Jardiland, pour avoir été l'une des premières personnes à être liée, par l'intermédiaire de sociétés créées par des contrats de franchise et par des contrats d'affiliation.
En 1994, les relations contractuelles entre la société Tripode et les sociétés créées par Monsieur Blanchet se sont dégradées.
Le litige porte à la fois sur les circonstances de fait qui ont entouré l'ouverture du magasin de Mâcon prévu par les parties comme devant porter l'enseigne Jardiland, et sur les conditions dans lesquelles les contrats de franchise ont été exécutés par les parties, chacune des sociétés co-contractantes accusant l'autre d'une exécution fautive ; la société Tripode se plaint notamment de contraventions à la clause de non-concurrence prévue aux contrats de franchise, pendant la durée et au-delà de l'expiration du contrat.
La société Tripode, appelante, soutient pour ce qui concerne l'ouverture du magasin de Mâcon, qu'elle était en droit de refuser à la société Les Serres du Salève d'ouvrir sous la marque Jardiland, du fait que cette société avait refusé de suivre la procédure à respecter par les candidats franchisés, qu'elle lui avait notifié par lettre du 19 novembre 1994, son intention de quitter définitivement le groupe Jardiland, qu'elle s'était placée dans une " situation contraire à la déontologie du contrat de franchise ", et que les premiers juges ont fait une lecture erronée de l'engagement conclu en août 1994.
Elle affirme avoir, sur le même site, été victime de faits constitutifs de contrefaçon et de concurrence déloyale ayant consisté en l'ouverture du magasin sous l'enseigne Jardiland, suivie après 48 heures, de sa suppression et de son remplacement par l'enseigne Botanic, ce remplacement étant prévu de longue date comme résultant notamment du dépôt de cette marque le 21 décembre 1993 et de la poursuite de la construction immobilière sur le site malgré le désaccord des parties ; elle dit avoir ainsi subi un préjudice incorporel et un préjudice commercial.
Pour ce qui concerne le sort des contrats passés entre la société Tripode et les sociétés créées par Monsieur Blanchet, la société Tripode affirme que les demandes en résolution judiciaire formées par ces dernières :
* n'émanent pas toutes de ses co-contractantes, puisque ni les sociétés Les Jardins d'Ecully, les Jardins de Metz-Tessy ou Les Jardins de Savoie n'ont passé de contrat de franchise, que l'agrément de ces sociétés en tant que sociétés franchisées aurait été nécessaire, que les dénonciations faites par deux d'entre elles, à savoir Les Jardins de Savoie et Les Jardins d'Ecully sont nulles et de nul effet,
* ne peuvent être accueillies du fait que Monsieur Blanchet a commis la faute de déposer, à l'insu de ses associés, la marque concurrente Botanic et a tout mis en œuvre pour provoquer la mésentente au sein de la société Tripode, et que la preuve des neufs griefs reprochés à la société Tripode n'est pas rapportée ;
Enfin, la société Tripode estime bien fondée sa propre demande en résolution judiciaire des contrats passés avec les sociétés du groupe Blanchet, pour infractions contractuelles, post-contractuelles et quasi-délictuelles, en concluant à la validité des contrats de franchise, à la validité des clauses de non-concurrence y prévues, et à son attitude égale envers ses franchisés quant au respect des règles contractuelles.
Aussi, la société Tripode prie-t-elle la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat passé avec la société Alpine de Pépinières, aux torts exclusifs de cette dernière, de l'infirmer pour le surplus, et statuant de nouveau de :
Déclarer irrecevables et mal fondées l'ensemble des demandes présentées par :
- la société Les Serres du Salève,
- la société Les Serres de l'Isle d'Abeau,
- la société Les Jardins de Metz-Tessy,
- la société Les Jardins de la Plaine,
- la société Alsacienne de Jardinage,
- la société Les Jardins de Savoie,
- la société Les Jardins d'Ecully,
- la société Les Jardins du Forez,
- la société JD Dijon,
- la société Alpine de Pépinières,
- la société Drômoise de Jardinage.
les en débouter,
Prononcer la résolution judiciaire des différents contrats de franchise liant la société Tripode aux sociétés suivantes :
- la société Les Serres du Salève,
- la société Les Serres de l'Isle d'Abeau,
- la société Les Jardins de la Plaine,
- la société Alsacienne de Jardinage,
- la société Les Jardins du Forez,
- la société Alpine de Pépinières,
- la société Drômoise de Jardinage.
et ce, à leurs torts et griefs exclusifs ;
- de constater que la société Tripode n'a aucun lien de droit avec les sociétés Les Jardins de Savoie, Les Jardins d'Ecully et Les Jardins de Metz-Tessy ;
- condamner la société Alpine de Pépinières et Monsieur Blanchet, conjointement et solidairement, à payer à la société Tripode les sommes suivantes :
- préjudice lié à l'enseigne et à l'atteinte portée à son image de marque : 1.000.000 F
- préjudice lié à l'atteinte des secrets du franchiseur : 1.000.000 F
- préjudice lié à la perte d'exploitation : 1.587.000 F
- préjudice lié au détournement de clientèle : 9.250.000 F
soit au total : 12.837.000 F
- condamner la société Les Serres du Salève et Monsieur Blanchet conjointement et solidairement au titre de l'exploitation du magasin d'Ecully, à payer à la société Tripode les sommes suivantes :
- préjudice lié à l'enseigne et à l'atteinte portée à son image de marque : 1.000.000 F
- préjudice lié à l'atteinte des secrets du franchiseur : 1.000.000 F
- préjudice lié à la perte d'exploitation : 2.690.000 F
- préjudice lié au détournement de clientèle : 17.917.000 F
soit au total : 22.607.000 F
- condamner la société Les Serres du Salève et Monsieur Blanchet conjointement et solidairement au titre de l'ouverture du magasin de Mâcon, à payer à la société Tripode les sommes suivantes :
- préjudice d'exploitation : 5.889.900 F
- préjudice incorporel : 7.500.000 F
- préjudice commercial et atteinte à l'image de marque : 1.000.000 F
soit au total : 13.389.900 F
- condamner la société JD Dijon et Monsieur Blanchet conjointement et solidairement à payer à la société Tripode les sommes suivantes :
- préjudice lié à la perte de clientèle et à l'atteinte portée à son
image de marque : 1.000.000 F
- préjudice lié à l'atteinte portée au secret de renseignements : 1.000.000 F
- préjudice lié au détournement de clientèle : 7.200.000 F
soit au total : 9.200.000 F
- condamner la société de l'Isle d'Abeau et Monsieur Blanchet conjointement et solidairement à payer à la société Tripode les sommes suivantes :
- préjudice lié à la perte de clientèle et à l'atteinte portée à son
image de marque : 1.000.000 F
- préjudice lié à l'atteinte des secrets du franchiseur : 1.000.000 F
- perte d'exploitation : 294.000 F
- préjudice incorporel : 6.850.000 F
soit au total : 9.144.000 F
- condamner la société Les Serres du Salève au titre de l'exploitation du magasin de Metz-Tessy (Annecy) et Monsieur Blanchet conjointement et solidairement à payer à la société Tripode les sommes suivantes :
- préjudice lié à la perte de clientèle et à l'atteinte portée à son
image de marque : 1.000.000 F
- perte d'exploitation : 602.000 F
- préjudice incorporel : 14.044.000 F
soit au total : 15.646.000F
- condamner la société Les Jardins de la Plaine et Monsieur Blanchet conjointement et solidairement à payer à la société Tripode les sommes suivantes :
- préjudice lié à la perte de clientèle et à l'atteinte portée à
l'image de marque : 1.000.000 F
- préjudice lié à l'atteinte des secrets du franchiseur : 1.000.000 F
- préjudice incorporel : 12.488.000 F
soit au total : 14.488.000F
- condamner la société Alsacienne de Jardinage et Monsieur Blanchet conjointement et solidairement à payer à la société Tripode les sommes suivantes :
- préjudice lié à la perte de clientèle et à l'atteinte portée à
l'image de marque : 1.000.000 F
- préjudice lié à l'atteinte des secrets du franchiseur : 1.000.000 F
- perte d'exploitation : 462.000 F
- préjudice incorporel : 3.337.000 F
soit au total : 5.799.000 F
- condamner la société Les Jardins du Forez et Monsieur Blanchet conjointement et solidairement à payer à la société Tripode les sommes suivantes :
- préjudice lié à la perte de clientèle et à l'atteinte portée à
l'image de marque : 1.000.000 F
- préjudice lié à l'atteinte des secrets du franchiseur : 1.000.000 F
- perte d'exploitation : 635.000 F
- préjudice incorporel : 7.930.000 F
soit au total : 10.565.000 F
- condamner la société Drômoise de Jardinage et Monsieur Blanchet conjointement et solidairement à payer à la société Tripode les sommes suivantes :
- préjudice lié à la perte de clientèle et à l'atteinte portée à
l'image de marque : 1.000.000 F
- préjudice lié à l'atteinte des secrets du franchiseur : 1.000.000 F
- perte d'exploitation : 366.000 F
- préjudice incorporel : 6.840.000 F
soit au total : 9.206.000 F
- condamner la société Les Serres du Salève et Monsieur Blanchet conjointement et solidairement, au titre de l'exploitation du magasin de La Ravoire, à payer à la société Tripode les sommes suivantes :
- préjudice lié à la perte de clientèle et à l'atteinte portée à
l'image de marque : 1.000.000 F
- perte d'exploitation : 1.218.000 F
- préjudice incorporel : 9.466.000 F
soit au total : 11.684.000 F
- condamner la société Les Serres du Salève et Monsieur Blanchet conjointement et solidairement, au titre de l'exploitation du magasin Gaillard, à payer à la société Tripode les sommes suivantes :
- préjudice lié à la perte de clientèle et à l'atteinte portée à
l'image de marque : 1.000.000 F
- perte d'exploitation : 927.000 F
- préjudice incorporel : 10.808.000 F
soit au total : 12.735.000 F
- condamner la société Les Serres du Salève et Monsieur Blanchet conjointement et solidairement, au titre de l'exploitation du magasin d'Annemasse, à payer à la société Tripode les sommes suivantes :
- préjudice lié à la perte de clientèle et à l'atteinte portée à
l'image de marque : 1.000.000 F
- préjudice incorporel : 7.217.000 F
soit au total : 8.217.000 F
- condamner la société Les Serres du Salève et Monsieur Blanchet conjointement et solidairement, à payer en outre à la société Tripode la somme de dix millions de francs au titre des agissements de concurrence déloyale délictuelle et sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- dire et juger que les sociétés :
- la société Les Serres du Salève,
- la société Les Serres de l'Isle d'Abeau,
- la société Les Jardins de Metz-Tessy,
- la société Les Jardins de la Plaine,
- la société Alsacienne de Jardinage,
- la société Les Jardins de Savoie,
- la société Les Jardins d'Ecully,
- la société Les Jardins du Forez,
- la société JD Dijon,
- la société Alpine de Pépinières,
- la société Drômoise de Jardinage.
- Monsieur Blanchet
seront interdits d'adhérer directement ou indirectement à un réseau de franchise ou à un réseau de distribution analogue, et ce, dans un délai de deux années à compter de l'arrêt à intervenir ;
dire que ces sociétés devront déposer dans les huit jours de la signification de l'arrêt à intervenir, l'enseigne Botanic, et ce, sous astreinte définitive de 200.000 F par jour de retard ;
- ordonner la publication du jugement à intervenir au choix de la société Tripode dans trois journaux de la presse régionale et dans chaque département d'implantation des sociétés demanderesses, ainsi que dans trois journaux de la presse spécialisée, aux frais de ces sociétés, conjointement et solidairement, et ce, à concurrence de la somme de 80 000 F, et aux frais avancés de la société Tripode ;
- condamner :
- la société Les Serres du Salève,
- la société Les Serres de l'Isle d'Abeau,
- la société Les Jardins de Metz-Tessy,
- la société Les Jardins de la Plaine,
- la société Alsacienne de Jardinage,
- la société Les Jardins de Savoie,
- la société Les Jardins d'Ecully,
- la société Les Jardins du Forez,
- la société JD Dijon,
- la société Alpine de Pépinières,
- la société Drômoise de Jardinage.
- Monsieur Blanchet
conjointement et solidairement au paiement de la somme de 300.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société Les Serres du Salève, la société Les Serres de l'Isle d'Abeau, la société Les Jardins de Metz-Tessy, la société Les Jardins de la Plaine, la société Alsacienne de Jardinage, la société Les Jardins de Savoie, la société Les Jardins d'Ecully, la société Les Jardins du Forez, la société JD Dijon, la société Alpine de Pépinières, la société Drômoise de Jardinage, et Monsieur Blanchet, intimés, concluent à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a reconnu l'existence d'une faute de la société Tripode pour ce qui concerne l'agrément et la franchise du magasin de Mâcon, mais forment de ce chef une demande de modification de la réparation du préjudice subi qu'ils désirent voir fixer à 500.000 F.
Ils demandent à la Cour de dire que la résiliation judiciaire des six contrats non échus à la date du jugement du Tribunal est intervenue à effet du 30 juin 1996 aux torts exclusifs de la société Tripode, d'infirmer sur ce point du litige, la décision déférée et de condamner la société Tripode à réparer
- le préjudice subi du fait de l'inexécution de ses prestations de franchiseur à leur égard depuis janvier 1995, et en conséquence de la condamner à leur payer le montant des redevances versées depuis cette date, soit la somme totale de 4.070.962 F se décomposant comme suit :
* au titre des trois contrats qui ont pris fin le 31 décembre 1995 :
- société Les Serres du Salève (magasin d'Annemasse) 302.856 F
- société Les Serres du Salève/Jardin de Savoie (magasin de la Ravoire) 324.352 F
- société Les Jardins de la Plaine (magasin de St-Priest) 421.562 F
* au titre des six contrats qui ont pris fin le 30 juin 1996 :
- Les Serres du Salève (magasin de Gaillard) : 665.863 F
- Les Serres du Salève (magasin de Metz-Tessy) 535.009 F
- Les Serres de l'Isle d'Abeau (magasin de l'Isle d'Abeau) 421.909 F
- Drômoise de Jardinage (magasin de Valence) 532.347 F
- Les Jardins du Forez (magasin de la Fouillouse) : 583.005 F
- l'Alsacienne de Jardinage (magasin de Haguenau) 284.023 F
et payer à ces sociétés la somme globale de 50 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Pour ce qui concerne les demandes en résiliation formées par la société Tripode, les intimés sollicitent la confirmation du débouté des demandes de la société Tripode formées contre la société JD Dijon, l'infirmation des dispositions relatives à la société Alpine de Pépinières, la constatation de ce qu'il a été régulièrement mis fin au contrat de Seyssins à effet du 31 décembre 1994, et de ce qu'il n'y a pas lieu à résiliation judiciaire de ce contrat ; ils s'opposent aux demandes de condamnation formées contre eux et demandent contre la société Tripode la somme de 50.000 F au titre de leurs frais irrépétibles ; à ces fins, ils soulignent que les premiers juges ont statué au-delà de leur demande d'indemnisation relative au magasin de Mâcon, que la résiliation du contrat concernant le magasin de Seyssins est déjà intervenue, que la société Tripode a manqué, à compter du mois de janvier 1995, à ses obligations de franchiseur, ce qui justifie la restitution des redevances indûment versées après cette date, que la réalité de l'engagement contractuel portant sur la franchise du magasin de Mâcon, résulte de la convention verbale liant les parties depuis 1991 et des termes mêmes de l'engagement signé en août 1994, que l'ensemble des griefs qui leur sont faits, sont infondés, qu'il était en droit de ne pas renouveler les contrats avec Jardiland et que l'intérêt des co-contractants était de fixer d'un commun accord, une date uniforme de sortie du réseau pour l'ensemble des sociétés filiales de la société Les Serres de Salève.
Les intimés concluent à la recevabilité de leurs demandes en résiliation judiciaire de l'ensemble des contrats et de la demande de résiliation formée par la société Les Jardins de Metz Tessy, soutiennent que ces demandes sont justifiées par le comportement de la société Tripode, reprochent aux premiers juges de s'être abstenus de statuer de ce chef, et sollicitent donc le prononcé de ces résiliations aux torts exclusifs de la société Tripode ; enfin, ils estiment mal fondées les demandes d'interdiction et de dépose d'enseigne formées par la société Tripode.
Sur ce, LA COUR:
1) Sur la recevabilité des pièces communiquées le 25 juin 1998, des écritures prises après le 26 juin 1998 et de la communication postérieure à cette même date :
Considérant que par conclusions du 3 septembre 1998, la société Les Serres du Salève, et ses filiales, ainsi que Monsieur Blanchet, ont sollicité le rejet des pièces communiquées le 16 juillet 1998, et des conclusions signifiées le 1er septembre par la société Tripode.
Considérant qu'en application des articles 15, 16, 17, 783 et 784 du Nouveau Code de Procédure Civile, il est nécessaire d'accueillir cette demande qui porte sur des pièces de procédure postérieures à l'ordonnance de clôture de l'instruction pris le 26 juin 1998.
Considérant que par conclusions du 4 septembre 1998, la société Tripode sollicite de son côté le rejet des débats de la pièce n° 25 communiquée le 26 juin 1998, soit un jour de cette dernière ordonnance du fait que lors de sa communication, la copie de la lettre recommandée avec accusé de réception litigieuse n'aurait pas encore été reçue de son destinataire.
Considérant que la demande de rejet est justifiée par le fait qu'en contravention au principe du débat contradictoire, la société Tripode n'a pas disposé d'un temps suffisant pour en débattre avant la clôture de l'instruction.
2) Sur le fond du litige :
a) Sur les fautes relatives à l'ouverture du magasin de Mâcon :
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que le projet d'implantation d'un magasin à l'enseigne Jardiland remontait à l'année 1992 ; que l'initiative en revenait à la société Tripode laquelle a accepté en 1993 et 1994 que Monsieur Blanchet, déjà gérant de sociétés à l'enseigne Jardiland exerçant leur activité dans l'Est de la France, soit " investisseur " au sens du contrat d'engagement du mois d'août 1994.
Considérant que pour faire suite à une procédure d'ouverture de nouvelles franchises dont les bases avait été proposées le 24 mars 1994 et le 30 juin 1993 par le collège des chefs d'entreprise de Jardiland, le contrat dit d'engagement proposé en avril 1994 après obtention de l'autorisation d'implantation de la CDEC, a été signé en août 1994 par Monsieur Blanchet en sa qualité de fondateur de la société devant être franchisée Jardiland ; que comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, ce contrat définissait pour deux ans les étapes du processus d'ouverture du site Jardiland à Mâcon.
Considérant que néanmoins, dès lors que ce contrat indiquait qu'il traduisait l'accord entre l'investisseur et le franchiseur sur les étapes essentielles d'un éventuel projet d'ouverture ", son contenu impliquait une étroite collaboration des co-contractants pour le passage nécessaire entre les phases 1 et 2 et entre les phases 2 et 3, et à l'intérieur de chacune de ces phases, des étapes détaillées en p. 1, 2 et 3 de l'annexe 3 de ce contrat.
Considérant qu'au moment où cette collaboration a totalement cessé, soit à la fin de l'année 1994, le projet en était à la phase 1-c, le dossier de demande du permis de construire étant en cours d'élaboration.
Considérant que l'époque de la signature du contrat de franchise et du contrat d'affiliation à la centrale d'achat, n'est pas visée sur cette annexe, mais est prévue au contrat d'engagement au niveau de l'étape 4 de la phase n° 1.
Considérant que le modèle du contrat de franchise figurait en annexe n° 4, du contrat dit d'engagement, ce qui impliquait l'absence de possibilité pour le candidat franchisé d'en négocier les clauses.
Considérant que chacune des parties accuse l'autre de la rupture de négociations relatives à l'ouverture du site de Mâcon.
Considérant qu'à partir de l'année 1993, Monsieur Blanchet s'est plaint du blocage du développement de son groupe alors que ce développement avait fait l'objet d'un protocole d'accord du 9 septembre 1992 ; que dans ses courriers du 9 février 1993 et du 12 mai 1993, puis dans celui du 21 juin 1994, il reprochait en outre à Monsieur Bordet d'avoir agi de manière à monopoliser le pouvoir, ce qui le conduisait à proposer un départ au 31 décembre 1995, les propositions financières en cours dans la franchise étant, selon lui, préjudiciables au développement des sociétés dont il était le gérant ; que loin de repousser l'idée de cette " sortie " de la franchise, la société Tripode lui répondait le 13 juillet 1994 que " diverses réponses et solutions " étaient " en cours de négociation ", et que les contrats de franchise déjà dénoncés et déjà prorogés jusqu'au 30 septembre 1994 étaient encore prorogés jusqu'au 31 décembre 1994.
Considérant qu'après un dernier entretien du 19 novembre 1994, Monsieur Blanchet manifestait son intention définitive de quitter le groupe Jardiland, compte tenu du " blocage du développement des franchises de chacun des trois groupes " ; par le même courrier, il indiquait la nécessité de négocier " la période transitoire " de sortie, qui impliquait la gestion concomitante des jardineries hors enseigne Jardiland et des jardineries portant l'enseigne, de son groupe.
Considérant que le 7 décembre 1994, le Conseil d'Administration auquel était présent Monsieur Blanchet, prenait acte de la décision définitive de ce dernier de quitter le groupe, et décidait de l'impossibilité d'accorder la franchise Jardiland au groupe Serres du Salève sur le site de Mâcon et de l'impossibilité de maintenir les contrats d'affiliation afférents aux sites concernés par la résiliation du contrat de franchise.
Considérant qu'ainsi, la décision de rupture de la procédure acceptée en août 1994 et devant aboutir à l'ouverture d'une franchise Jardiland à Mâcon, a été prise par la société Tripode.
Considérant qu'en dépit du principe d'indépendance des contrats de franchise retenu par les parties dès 1977, et réaffirmé par la société Tripode qui exigeait la sortie progressive du groupe à l'issue normale de chacun des contrats de franchise résiliés, la décision de rupture de la procédure concernant le site de Mâcon ne peut être qualifiée fautive pour le franchiseur ; qu'en effet comme le soutient utilement la société Tripode, l'aboutissement du projet supposait une collaboration étroite entre le franchiseur et le candidat franchisé, principe d'ailleurs énoncé dans le contrat d'engagement du mois d'août 1994.
Considérant que la société Tripode a poursuivi une logique économique, en tirant de la volonté de sortie globale du groupe Blanchet l'impossibilité de créer une nouvelle société franchisée à l'enseigne Jardiland, au moment où le processus de sortie était déjà engagé par le départ au 31 décembre 1994 de trois sociétés franchisées de ce groupe ; qu'en outre, cette rupture de la procédure était d'autant moins fautive de la part de la société Tripode que pour l'étape suivante de signature des contrats de franchise et d'affiliation relatif au même site, les parties étaient encore en désaccord sur trois des clauses de l'un des contrats, Monsieur Blanchet refusant le paiement d'une redevance d'entrée dans la franchise ainsi que le système informatique de la liaison franchiseur-franchisés, y proposé.
Considérant que pour autant, ce refus contrairement à ce que soutient la société Tripode, ne peut revêtir un caractère fautif, dès lors que :
* Monsieur Blanchet démontre que par le passé, la pratique de la redevance d'entrée égale à zéro était en cours pour les franchisés du groupe Bordet et les franchisés du groupe Blanchet (la société Tripode ne justifiant pas du paiement de ces redevances, mais du paiement des redevances annuelles pour les franchisés du groupe Bordet) ;
* Monsieur Blanchet établit que le système informatique était en fonctionnement en interface depuis 1992 dans son groupe, ce dont la société Tripode ne s'était jamais plainte et ce qui avait même été proposé par la société Tripode à l'ensemble des franchisés aux fins de son adoption, après une réunion générale d'information fixée en novembre 1992 ;
Qu'il s'ensuit que la décision du conseil d'administration de la société Tripode qui faisait suite à un désaccord profond entre Tripode et les sociétés franchisées dirigées par Monsieur Blanchet, désaccord manifesté notamment par la décision de sortie de tout ce groupe et par un refus d'adoption du système de franchise Jardiland, n'a constitué en l'espèce que la conclusion normale d'une absence de volonté réciproque de continuer à collaborer ; que dénuée de tout caractère fautif, cette décision exclut la possibilité de solliciter de part et d'autre la réparation d'un préjudice.
b) Sur les demandes de résiliation formées par les sociétés du " Groupe Blanchet " :
1- Sur la recevabilité des demandes en résolution relatives aux jardineries du Groupe de Monsieur Blanchet :
Considérant que devant la Cour, comme devant les premiers juges, la société Les Serres du Salève, s'est défendue, aux côtés de Monsieur Blanchet, son gérant, et de ses filiales ou locataires gérantes de parties du fonds de commerce de la société Les Serres du Salève, ayant elles-mêmes toutes pour gérant Monsieur Blanchet, et a été demanderesse en résiliation.
Considérant qu'il importe peu dès lors que certaines de ces filiales ou locataires-gérantes (à savoir, notamment la SARL Jardins d'Ecully, la SARL Les Jardins de Savoie et la société Les Jardins de Metz-Tessy) n'aient pas été elles-mêmes signataires d'un contrat de franchise avec la société Tripode, la notification faite par Monsieur Blanchet ès qualités de gérant de la titulaire du ou des contrats, de la résiliation, devant recevoir plein et entier effet, de même que les demandes en résiliation formées par la société Les Serres du Salève ou les sociétés en cause qui sont elles-mêmes titulaires de contrats et de franchises conclu avec la société Tripode ; que le moyen d'irrecevabilité sera en conséquence rejeté.
Considérant que devant la Cour, la société Tripode reprend l'autre fin de non recevoir des demandes en résolution judiciaire formées par les intimées, fondée sur l'absence de mise en demeure préalable et contractuellement prévue par les conventions de franchise ; que le sociétés franchisées répondent que l'assignation valait mise en demeure et que pour ses demandes en résolution, la société Tripode n'avait pas non plus respecté cette procédure.
Considérant qu'il résulte des termes de l'article 1146 du Code Civil que la mise en demeure est sans objet lorsque comme en l'espèce, la résiliation est demandée de part et d'autre ; que cette fin de non recevoir doit donc être également rejetée.
2) Sur le bien fondé des demandes en résiliation formées à l'encontre de la société Tripode :
Considérant que les sociétés du groupe de Monsieur Blanchet ne peuvent utilement soutenir que la révocation de ce dernier en 1995 de ses fonctions d'administrateur de la société Tripode constitue un fait fautif de celle-ci ; qu'en effet, cette révocation n'a constitué en l'espèce que l'exercice normal de droits sociaux appartenant au conseil d'administration.
Considérant que pour ce qui concerne l'exclusion de Monsieur Blanchet en 1995, de trois des collèges de chefs d'entreprise, la société Tripode l'estime légitime comme concernant l'avenir de la franchise Jardiland qui selon elle, était compromise par la création de la marque Botanic laquelle mettait en péril la confidentialité des informations ; qu'elle tente de légitimer de la même manière, son refus de communication des conditions de remise faites aux fournisseurs de Jardiland.
Mais considérant, que pour avoir refusé la sortie des sociétés dirigées par Monsieur Blanchet à une date unique, ce qu'elle était en droit de faire dans le respect des contrats en cours, la société Tripode se devait de son côté, de respecter l'ensemble des obligations mises à sa charge en exécution des mêmes contrats telles que la convocation régulière de Monsieur Blanchet en qualité de gérant et la communication des éléments financiers ; que ne l'ayant pas fait, elle a contrevenu à partie de ces obligations et a agi comme si ces sociétés n'étaient plus sous franchise Jardiland en 1995 ; que ces seuls agissements justifiaient le prononcé de la résolution des contrats non déjà résiliés à la date du jugement entrepris, aux torts de la société franchiseur.
Considérant que les quatre autres griefs dont se plaignent les sociétés susvisées sont contestés par la société Tripode ; qu'il s'agit de l'exclusion de l'élaboration du plan publicitaire, de l'absence de visites des magasins en 1995, du paiement tardif des remises des fournisseurs et de la non-communication des résultats des autres magasins franchisés.
Considérant que la preuve de ces griefs n'est pas rapportée, les pièces justificatives mises au débats par les sociétés demanderesses n'étant pas probantes.
3) Sur l'existence de fautes contractuelles, post-contractuelles ou quasi-délictuelles invoquée par la société Tripode et reprochées aux sociétés intimées ;
a) Sur les fautes contractuelles autres que celle tenant à l'adhésion à un réseau :
Considérant que les parties sont en désaccord sur la réalité d'une dénonciation dans les conditions contractuellement prévues, de la convention concernant la société Alpine de Pépinières, site de Seyssins, expirant le 31 décembre 1993.
Considérant que comme le soutient utilement cette société, ce contrat était, avec ceux du site d'Ecully et de Chenove, concerné par l'accord écrit des parties relatif à une prorogation de ses effets jusqu'au 30 septembre 1994 puis jusqu'au 31 décembre 1994 ; qu'en effet, bien que la lettre du 13 juillet 1994 adressée par la société Tripode ne désigne pas ces trois contrats, seuls ces derniers à échéances respectives des 31 décembre 1993, 28 février 1994 et 31 août 1994 pouvaient être l'objet de courrier, les sociétés intimées justifiant de ce qu'aucune autre des conventions de franchise ne venait à expiration en 1994 ; qu'ainsi, le tribunal ne pouvait prononcer la résiliation judiciaire de ce contrat, celle-ci étant déjà intervenue d'un commun accord ; qu'il importe peu que la dénonciation ne soit pas intervenue régulièrement, cette irrégularité ayant été couverte par l'acceptation de la société Tripode ;
Considérant que les fautes éventuellement commises par la société Alpine de Pépinières en 1995 ne peuvent donc être qualifiées fautes contractuelles, le contrat n'étant plus alors en cours.
Considérant que pour ce qui concerne le site de Mâcon, la faute reprochée à la société Les Serres du Salève ne peut être de nature contractuelle dès lors que les développements ci-dessus montrent qu'aucun contrat de franchise n'a été signé pour ce site.
Considérant que la société Tripode est mal fondée en son grief tenant à la création par la société Les Serres du Salève en 1992 de l'EURL Les Jardins d'Ecully et à l'exploitation des sites de Metz-Tessy et Jardins de Savoie à son insu, alors que le contrat litigieux concernant le site d'Ecully qui a été signé le 4 mars 1985, ne contenait aucune disposition interdisant une telle création ; qu'en effet, à cette date, le site sur lequel les droits exclusifs étaient accordés, était déjà celui d'Ecully, que l'article 1 du contrat désignait ce site comme étant celui du contrat, à l'exclusion de tout autre établissement exploité pour le franchisé et que n'était soumis à autorisation préalable du franchiseur que la cession de l'exploitation, ce qui ne correspond pas au cas d'espèce.
Considérant qu'en outre pour les deux sites susvisés, les moyens développés en appel ne font que réitérer sous une forme nouvelle mais sans aucune justification complémentaire utile, ceux dont le Tribunal a connus et auxquels il a répondu par des motifs exacts que la Cour adopte ;
b) Sur les fautes contractuelles ou dites "post-contractuelles" relatives à l'adhésion à un réseau concurrent :
Considérant que la marque Botanic a été déposée le 21 décembre 1993 par Monsieur Blanchet ; qu'elle portait sur une liste de produits comprenant à la fois les produits chimiques destinés au soins des végétaux, les produits agricoles, horticoles, forestiers et graines, les animaux vivants, les aliments pour animaux ainsi que " les services rendus par un franchiseur, à savoir, aide dans l'exploitation ou la direction d'une entreprise commerciale, la concession de licences ... " ; qu'il s'agit donc d'un réseau concurrent de celui de la société qui exploitait la marque " Jardiland ", réseau créé par Monsieur Blanchet.
Considérant que les adhésions à ce réseau ont été perpétrées en 1995 ; qu'à cette époque étaient en cours d'exécution les contrats de franchise suivants :
- société Serres du Salève (site d'Annemasse) dénoncé en mai 1995 et venant à expiration le 31 décembre 1995 ;
- société Serres du Salève (exploitant sous les dénominations Jardins de Savoie) dénoncé et expirant comme le précédent ;
- la société Alsacienne de Jardinage (site d'Haguenau) ;
- la société Les Serres de l'Isle d'Abeau ;
- la société Drômoise de Jardinage (site de Valence) ;
- la société Les Jardins de la Plaine (site de Saint-Priest) dénoncé en mai 1995 à effet du 31 décembre 1995 ;
- la société Les Serres du Salève (site de Metz-Tessy) ;
- la société Les Jardins du Forez (site de la Fouillouse) ;
- la société Les Serres du Salève (site de Gaillard).
Considérant que la société reproche à la société JD Dijon (site de Chenove) dont le contrat avait été prorogé d'un commun accord jusqu'au 31 décembre 1994 d'avoir, en 1995, adhéré au nouveau réseau Botanic, ce en contravention de la clause n° 8-4 du contrat de franchise qui est libellée comme suit : " en fin de contrat, après la cessation du contrat, soit à son terme normal soit dans le cadre d'une résiliation anticipée, le franchisé s'interdit d'adhérer directement ou indirectement à un réseau de franchise ou à un réseau de distribution analogue dont l'objet serait l'exploitation d'une jardinerie ; il est ici précisé que la présente interdiction s'appliquera pendant une durée de deux années, sur le territoire concédé au franchisé et ne concerne que l'exploitation d'une jardinerie ".
Considérant qu'en revanche, l'alinéa suivant de l'article 8-4 autorisait l'ancien franchisé après la cessation du contrat, à reprendre l'exploitation de sa jardinerie en faisant disparaître tous les signes distinctifs de la marque Jardiland et en évitant toute possibilité de confusion entre cette entreprise et le réseau de franchise Jardiland.
Considérant que contrairement à ce que soutiennent les intimés, la clause interdisant l'adhésion à un réseau de franchise dans le délai de deux années à l'issue du contrat n'est ni nulle ni susceptible d'une application réduite à une année comme non conforme aux normes communautaires; qu'en effet, le règlement d'exemption n° 4087 du 30 novembre 1988 qui limite à une année, l'application d'une clause contractuelle de non-concurrence, ne concerne que les clauses de non-rétablissement de l'ancien franchisé et non la clause litigieuse qui porte sur l'adhésion à un réseau concurrent; le contrat susvisé ayant autorisé expressément le rétablissement immédiat du même ancien franchisé, dans l'exploitation d'une jardinerie ; qu'il s'ensuit, que la société JD Dijon a contrevenu à la clause susvisée en adhérant, en 1995 (soit dans les deux ans de la cessation du contrat) au réseau de franchise Botanic créée par Monsieur Blanchet ; que la même constatation doit être faite pour la société d'Ecully et la société Alpine de Pépinières ; que de même, les sociétés franchisées dont le contrat était en cours d'exécution en 1995, ont manqué à leurs obligations contractuelles précisées dans les deux moutures de contrats passées avec la société Tripode à savoir :
- s'abstenir pendant l'exécution du contrat d'exploiter directement ou par personne ou société interposée, dans un but de concurrence directe, une activité concurrente de celle de la chaîne à laquelle il appartient,
- s'interdire de vendre d'autres produits que ceux faisant l'objet des prescriptions du franchiseur comme entrant dans le concept établi par ses soins,
- ne pas adhérer à un réseau ou à un circuit de distribution, quelles que soient sa forme ou ses modalités concernant l'exploitation d'une jardinerie,
- plus généralement, s'interdire de s'intéresser directement ou indirectement à une activité similaire ou connexe susceptible de faire concurrence à toutes activités de jardinerie,en adhérant au réseau Botanic alors qu'elles étaient encore contractuellement liées à la société Tripode.
Que ces faits motivaient en conséquence la résiliation à leurs torts prononcée à bon droit par les premiers juges, pour ceux non résiliés à la date à laquelle le tribunal a statué;
Que pour les faits perpétrés par les sociétés dont le contrat a pris fin au 31 décembre 1995 pour avoir été résilié au mois de mai 1995, les premiers juges ont à bon droit considéré qu'ils ne pouvaient plus prononcer leur résiliation ; qu'en revanche, pour ces trois contrats, le non-respect de la clause de non-adhésion à un réseau durant deux ans, doit être constaté comme pour les trois contrats ayant pris fin le 31 décembre 1994 ;
Qu'en effet, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, la marque Botanic a été créée par Monsieur Blanchet, le gérant de l'ensemble des sociétés titulaires d'un des contrats de franchise de Jardiland ; que les sociétés dont la personnalité juridique est distincte de celle de la personne physique de leur gérant, ont adhéré au réseau créé par ce dernier, ce même si elles formaient déjà un groupe dont le point commun était Monsieur Blanchet ;
Qu'en revanche, le fait justement relevé par le Tribunal, pour Monsieur Blanchet d'avoir été, de longue date, membre du conseil d'administration et l'un des principaux actionnaires de la société Tripode, d'avoir contribué à l'élaboration du savoir-faire de " Jardiland ", et d'être demeuré à la tête du groupe de sociétés dont il était le gérant, interdit à la société Tripode de réclamer à cette personne physique en tant que gérant de magasin franchisé et associé détenant plus de 20 % du capital de la société, tenue par la clause n° 8-5 du contrat de franchise, la réparation du préjudice prétendument né de la perte du savoir-faire Jardiland et de son utilisation par le réseau fonctionnant sous la dénomination Botanic ; qu'en effet, comme les autres fondateurs du réseau, Monsieur Blanchet a apporté son propre savoir-faire et était en droit de l'utiliser au sein des sociétés sorties de la franchise Jardiland, ce qu'il a fait ; que le préjudice de la société Tripode en est d'autant diminué.
c) Sur les faits quasi-délictuels de la concurrence déloyale parasitaire :
Considérant qu'il ne peut être tiré des divers articles de presse comparant le réseau Botanic à celui du réseau Jardiland la preuve d'un dénigrement de celui-ci, qui aurait pour origine ces sociétés ou leur gérant ; qu'en effet, la responsabilité de ces articles en revient seulement à leur auteurs.
Considérant que pour le motif ci-dessus retenu du chef de la création d'un savoir-faire, et de l'autorisation donnée pour la poursuite de l'activité de jardinerie, les intimés n'ont pu commettre d'agissements parasitaires, le concept Botanic ne copiant au surplus en rien les signes distinctifs de la franchise Jardiland et évitant au contraire toute confusion avec ce dernier réseau ; qu'enfin, dès lors que Monsieur Blanchet créateur du savoir-faire Jardiland et du savoir-faire Botanic est demeuré à la tête des diverses sociétés de son groupe, l'emploi d'une personne ayant travaillé pour la société Tripode n'a pu générer aucun préjudice supplémentaire pour la société Tripode.
4) Sur les préjudices nés des diverses fautes contractuelles et intitulées " post-contractuelles " commises par les parties en cause :
Considérant que diminué de la perte d'un savoir-faire, le préjudice de la société Tripode ne comprend pas non plus celui généré par l'impossibilité d'une nouvelle franchise Jardiland sur les territoires occupés par les sociétés du réseau Botanic ; qu'en effet, dès lors que les sociétés étaient contractuellement autorisées à poursuivre leur activité commerciale de jardinerie à l'issue du contrat les ayant liées à la société Tripode, l'impossibilité susvisée en rapport avec la limitation des autorisations administratives d'ouverture imposée par des normes précisés, ne peut avoir pour cause l'affiliation au réseau Botanic.
Considérant que c'est d'ailleurs aux fins du respect de l'autorisation administrative accordée pour Mâcon, qu'un calicot Jardiland a été apposé durant deux jours sur l'établissement construit par la société Les Serres du Salève en vue de l'ouverture de ce site.
Considérant que du fait que le projet a été abandonné à la phase 1-C et que la société Tripode s'abstient de démontrer que les plans de cette jardinerie construite par cette société, après décision de rupture définitive entre les parties, répondaient, comme les aménagements intérieurs, aux normes Jardiland, la société Tripode n'apporte pas la preuve d'un préjudice né de l'apposition du calicot susvisé ; que d'ailleurs, la Cour a précédemment constaté que les parties avaient abouti à cette rupture sans commettre de fautes.
Considérant que le préjudice né pour la société Tripode du départ en cours de contrat ou dans les deux ans de sa résiliation, des sociétés intimées du réseau Jardiland pour le réseau Botanic, ne comprend pas la perte totale de la clientèle de chacun des sites, chacune des sociétés franchisées ayant le droit, à l'issue du contrat, de continuer l'exploitation d'une jardinerie.
Considérant que de son côté, en s'abstenant de permettre aux sociétés encore sous contrat Jardiland en 1995, de rester informées des éléments financiers de la franchise, la société Tripode a gravement compromis les résultats d'exploitation de ces sociétés ; qu'elle ne peut en conséquence réclamer paiement de pertes d'exploitation alors que ses propres agissements tenant à leur exclusion du groupe Jardiland rendaient aléatoires les résultats de ces sociétés et étaient même de nature à compromettre l'image de la marque Jardiland du fait que l'activité commerciale de ces sociétés était, aux yeux de la clientèle, encore exercée sous cette marque.
Considérant que la Cour estime avoir les éléments suffisants d'appréciation pour dire que les préjudices générés par leurs attitudes fautives respectives se compensent, ce qui exclut toute possibilité d'indemnisation ;
Qu'il y a donc lieu d'infirmer de ce chef le jugement entrepris ; que pour le même motif, la publication du jugement entrepris ne peut être confirmée.
Considérant que l'interdiction d'adhérer à un réseau concurrent ne peut plus être ordonnée dès lors qu'à la date du présent arrêt, le délai de deux ans est expiré pour l'ensemble des contrats litigieux.
Considérant qu'étant donné le sort de l'appel, il apparaît nécessaire de partager par moitié entre les parties, les dépens exposés devant les deux degrés de juridiction, en déboutant chacune d'elles de ses demandes formées tant devant le Tribunal que devant la Cour, en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par ces motifs et ceux non contraires des Premiers Juges, Rejette des débats : - la pièce communiquée le 26 juin 1998 par l'avoué des intimés ; - les pièces communiquées le 16 juillet 1998 par l'avoué de la société Tripode, 1 - les conclusions signifiées le 1er septembre 1998 par l'avoué de cette dernière ; Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a : - déclaré les sociétés autres que la société Tripode recevables en leurs demandes, - constaté que les cinq contrats de franchise et d'affiliation conclu entre la société Tripode et la société JD Dijon, la société Les Serres du Salève substituée par la société Les Jardins d'Ecully, la société Les Serres du Salève substituée par la société Les Jardins de Savoie, la société Les Serres du Salève (magasin d'Annemasse) et la société Les Jardins de la Plaine, avaient été régulièrement résiliés et qu'il n'y avait pas lieu d'en prononcer la résiliation judiciaire ; - prononcé la résiliation judiciaire aux torts réciproques des parties entre la société Tripode et la société Les Serres de l'Isle d'Abeau, la société Les Serres du Salève (pour les deux magasins de Metz-Tessy et de Gaillard), la société Drômoise de Jardinage, la société Les Jardins du Forez, la société Alsacienne de Jardinage avec effet au 30 juin 1996, - dit que ni les sociétés Les Serres du Salève ni les sociétés ayant pour gérant Monsieur Blanchet, ni Monsieur Blanchet n'avaient commis d'acte de concurrence déloyale et les a autorisés à exploiter leurs magasins sous l'enseigne Botanic, - partagé par moitié entre les sociétés Les Serres du Salève et la société Tripode, les dépens de première instance ; L'infirme pour le surplus, et statuant de nouveau des chefs infirmés : - dit que le contrat d'engagement conclu en août 1994 entre la société Tripode et la société Les Serres du Salève pour l'ouverture du site Jardiland de Mâcon a été rompu, sans torts de part et d'autres, par la volonté commune des parties ; - dit n'y avoir lieu en conséquence à indemnisation de ce chef, - dit n'y avoir lieu de prononcer la résiliation judiciaire des contrats passés entre la société Alpine de Pépinières et la société Tripode, pour le site de Seyssins, contrat résilié d'un commun accord avec effet au 31 décembre 1994 ; - dit n'y avoir lieu à indemnisation du chef de ce contrat ; - dit que les sociétés en cause autres que la société Tripode, ainsi que Monsieur Blanchet, en sa qualité d'administrateur et actionnaire de la société Tripode ont contrevenu à la clause de non-concurrence des contrats de franchise, soit durant une partie de l'exécution du contrat la concernant soit durant les deux ans écoulés après la fin d'exécution des contrats ; - dit que durant une partie de l'exécution de contrats expirés après le 31 décembre 1994, la société Tripode a contrevenu à plusieurs des obligations mises à sa charge en qualité de franchiseur ; - dit que les préjudices nés de ces fautes se compensent. Déboute en conséquence les parties de leurs demandes en dommages et intérêts en ce comprises celles formées au titre de faits de concurrence déloyale. Dit n'y avoir lieu à publication des décisions judiciaires intervenues devant les deux degrés de juridiction. Déboute les parties de leurs autres demandes en ce comprises celles formées tant devant les Premiers Juges que devant la Cour en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Fait masse des dépens d'appel, les partage par moitié entre l'appelante d'une part et les intimés d'autres part et admet pour les dépens d'appel seulement, et dans cette même et dernière proportion, les titulaires d'un Office d'avoué de la cause, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.