Livv
Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 2 décembre 1998, n° 1996-85218

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Metala (SA)

Défendeur :

Lagier-Diffusex (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Duvernier

Conseillers :

Mme Mandel, M. Lachacinski

Avoués :

SCP Roblin Chaix de Lavarene, SCP Teytaud

Avocats :

Me Hollier Larousse, Me Boespflug.

T. com. Bobigny, 2e ch., du 12 sept. 199…

12 septembre 1996

Statuant sur l'appel interjeté par la société Metala du jugement rendu le 12 septembre 1996 par le tribunal de commerce de Bobigny (2e chambre) dans un litige l'opposant à la société Lagier Diffusex.

Faits et procédure

Référence étant faite au jugement entrepris pour l'exposé des faits, de la procédure et des moyens antérieurs des parties, il suffit de rappeler les éléments essentiels suivants :

La société Metala se prévalant de ce qu'elle commercialisait depuis 1964 un matériel métallique modulaire pour l'équipement de magasins qui connaissait un succès incontestable auprès de la clientèle et estimant que la société Lagier Diffusex offrait un matériel en constituant une copie servile ou quasi-servile, l'a par exploit en date du 22 décembre 1994 assignée en concurrence déloyale devant le Tribunal de Commerce de Bobigny.

Elle sollicitait outre des mesures de publication et d'interdiction sous astreinte, la condamnation de la société Lagier Diffusex à lui payer une indemnité provisionnelle de 500 000 F à valoir sur son préjudice à déterminer par expertise, ainsi que le versement d'une indemnité de 50 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

Par ailleurs, elle demandait qu'il soit jugé que la société Lagier Diffusex devra offrir à sa clientèle de racheter d'intégralité des matériels litigieux qu'elle a d'ores et déjà commercialisés, aux fins de destruction à ses frais, et ce, sous astreinte définitive de 10 000 F par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir.

La société Lagier Diffusex a conclu à l'irrecevabilité et au mal fondé de la demande et sollicitait reconventionnellement le paiement d'une somme de 500 000 F à titre de dommages et intérêts et de celle de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

Le tribunal estimant qu'aucune faute ne pouvait être imputée à la société Lagier Diffusex et que l'utilisation de pièce de conception voisine ou identique était commandée par la fonctionnalité nécessaire pour raccorder les crémaillères aux autres éléments constituant la gondole, a débouté la société Metala et l'a condamnée à payer à la société Lagier Diffusex une somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

La société Metala qui a interjeté appel de cette décision le 7 octobre 1996, demande à la Cour de l'infirmer en toutes ses dispositions et reprend ses prétentions telles qu'elle les a formulées dans son exploit introductif d'instance.

La société Lagier Diffusex poursuit la confirmation du jugement sauf du chef des dommages et intérêts qu'elle demande à la Cour de porter à la somme de 500 000 F.

En outre, elle sollicite le versement d'une somme de 50 000 F pour ses frais hors dépens.

Sur ce, LA COUR

I - Sur la demande principale

Considérant que la société Metala fait valoir qu'en choisissant délibérément de présenter à sa clientèle une combinaison d'éléments strictement identique à la sienne de telle sorte que les éléments qu'elle commercialise soient interchangeables avec les siens, la société Lagier Diffusex a commis à son encontre des actes de concurrence déloyale.

Qu'elle ajoute que les pièces d'entretoises présentant une parfaite similitude, il existe un risque de confusion entre les matériels.

Considérant que la société intimée lui oppose d'une part que la fabrication d'objets interchangeables avec les objets non couverts par un droit privatif relève de la concurrence loyale, d'autre part que son matériel ne constitue pas la copie servile de celui de la société Metala et qu'il n'existe aucun risque de confusion dans la mesure où elle se contente de fabriquer du matériel sur mesure conformément aux indications qui lui sont données par ses clients.

Considérant ceci exposé, que le matériel, objet du litige, est constitué d'entretoises et de pièces de support de barres (dites consoles) venant se loger dans des perforations faites sur des montants à crémaillère ainsi que de manchons de raccordement des montants.

Considérant que la société Metala justifie avoir commercialisé de tels éléments depuis 1976.

Considérant qu'il résulte du constat dressé le 2 juillet 1994 que les entretoises Metala et celles fournies au magasin Metal 1 sont superposables et que des consoles Metala s'adaptent parfaitement sur les entretoises incriminées.

Que la société Lagier Diffusex ne conteste ni être le fournisseur des matériels susvisés ni leur interchangeabilité avec les éléments vendus sur les entretoises incriminées.

Mais considérant que les similitudes qui se rapportent notamment aux dimensions et à l'espacement des ouvertures pratiquées dans les montants, à la forme des extrémités des entretoises, portent sur des caractéristiques purement fonctionnelles.

Qu'au surplus, la société Metala ne conteste pas que les montants composant son matériel soient fabriqués par la société allemande Wuppermann Rohrtechnik auprès de laquelle elle s'approvisionne et avec laquelle elle ne justifie avoir aucune convention d'exclusivité.

Considérant qu'en l'absence de tout droit privatif sur ces produits, la recherche de la société Lagier Diffusex de la compatibilité entre ses propres montants, entretoises et consoles et ceux de la société Metala dès lors qu'elle procède de nécessités fonctionnelles, n'est pas constitutive de concurrence déloyale.

Considérant par ailleurs qu'il n'est pas démontré que par son comportement la société Lagier Diffusex a engendré un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle entre les produits.

Qu'en effet la société intimée établit que c'est son client, le Groupe André, qui lui a adressé des plans très précis quant aux formes et dimensions du matériel commandé pour ses magasins "Halles aux chaussures".

Que la société Lagier Diffusex justifiant avoir fabriqué dès 1984 pour le Groupe André du mobilier métallique et notamment des portants pour vêtements tandis que les relations de la société Metala avec ce groupe ne remontent qu'à 1993, cette dernière ne saurait prétendre que l'intimée a cherché à s'accaparer indûment ce client.

Considérant en outre que l'examen des photographies mises aux débats et des pièces elles-mêmes, démontre que les éléments incriminés ne constituent pas une copie servile de ceux de la société Metala.

Qu'en effet, la console longue de la société Lagier Diffusex comporte à son extrémité deux encoches alors que celle de la société Metala en compte trois, que les angles de ces encoches sont plus arrondis sur la console de l'appelante, qu'à l'autre extrémité il existe sur la console incriminée une seule ouverture au lieux de deux chez Metala, outre un orifice à la partie opposée.

Considérant de même que la console courte de la société Lagier Diffusex présente des dimensions différentes de celles de la société Metala et que l'emplacement des encoches et le nombre des ouvertures ne sont pas similaires.

Considérant que les ouvertures pratiquées sur les montants de la société Lagier Diffusex et destinées à recevoir les entretoises sont rectilignes tandis que celles ménagées sur les montants de la société Metala sont arrondies à leurs extrémités et qu'il existe au surplus une perforation centrale.

Considérant enfin que la société Metala ne justifie pas avoir engagé pour ses produits des frais de lancement spécifiques.

Considérant en conséquence que la société Metala ne rapportant pas la preuve que la société Lagier Diffusex a fait preuve d'un comportement fautif à son encontre, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en concurrence déloyale.

II - Sur la demande reconventionnelle

Considérant que la société Lagier Diffusex fait valoir que la société Metala lui a causé un préjudice en n'hésitant pas à demander d'une part à l'huissier de se faire remettre le fichier des clients de la société Lagier Diffusex, lequel constitue l'une des principales richesses de son fonds de commerce, d'autre part qu'elle soit contrainte sous astreinte de racheter à ses clients le matériel qu'elle leur a vendu.

Mais considérant que la société Metala lui oppose à juste titre que l'huissier a diligenté ses opérations dans le strict respect de dispositions de l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal de Commerce de Bobigny lequel a autorisé l'huissier à se faire représenter et compulser : "tous les documents publicitaires, catalogues, dessins, fichiers, prospectus, la correspondance, les livres, les bons et carnets de commande, les factures, les pièces de comptabilité et tous écrits quelconques qu'il pourrait trouver et qu'il permettrait d'établir la preuve, l'origine, la destination, la nature de la concurrence déloyale alléguée".

Considérant que la société Lagier Diffusex ne rapportant pas la preuve que la société Metala ait fait usage de son fichier clients et la demande de rachat du matériel vendu, pour inhabituelle qu'elle soit, ayant été sans conséquence dans la mesure où la société Metala a été déboutée de ses prétentions, la société intimée ne peut valablement soutenir que la présente procédure lui a causé un préjudice.

Qu'elle sera en conséquence déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts.

III - Sur l'article 700 du NCPC

Considérant que la société Metala qui succombe sera déboutée de sa demande sur ce point.

Considérant que l'équité ne commande pas d'allouer à la société Lagier Diffusex une somme complémentaire pour ses frais hors dépens engagés devant la Cour, la somme allouée par les premiers juges étant suffisante.

Par ces motifs : Confirme le jugement du Tribunal de Commerce de Bobigny du 12 septembre 1996 sauf en ce qu'il a condamné la société Metala à payer à la société Lagier Diffusex une somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts. Le réformant de ce chef statuant à nouveau, Déboute la société Lagier Diffusex de sa demande en paiement de dommages et intérêts. Rejette toute autre demande des parties. Condamne la société Metala aux dépens d'appel. Admet la SCP Teytaud titulaire d'un office d'avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de Procédure Civile.