Cass. com., 17 novembre 1998, n° 96-15.136
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Pluri Publi (SA)
Défendeur :
Daphn (EURL), Centrale Bordelaise des Locataires (SARL), Marché Locatif 33 (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Huglo
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Guy Lesourd.
LA COUR : - Donne acte à M. Malmezat Prat de sa reprise d'instance en qualité de mandataire judiciaire de l'Eurl Daphn ; - Statuant tant sur le pourvoi principal que sur le pourvoi incident ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 mars 1996), que la société Pluri Publi exerce, depuis une vingtaine d'années, sous l'enseigne et la marque Hestia, une activité de prestataire de services dans le secteur immobilier en vue de favoriser tout rapprochement entre particuliers, pour la vente et la location d'immeubles, au moyen d'adhésions à un "club", de publications multi hebdomadaires et d'un centre serveur télématique ; qu'elle a constitué un réseau de franchisage dans les principales villes françaises ; qu'à la suite de différends, survenus avec un certain nombre de franchisés, dont l'Eurl Daphn, ceux-ci ont assigné la société Pluri Publi devant le tribunal de commerce en invoquant, en premier lieu, la nullité des contrats conclus avec elle et, en second lieu, en demandant la résiliation desdits contrats pour inexécution par le franchiseur de certaines de ses obligations ; que, par demandes reconventionnelles, la société Pluri Publi a sollicité le prononcé de la résiliation des contrats aux torts exclusifs des franchisés et leur condamnation à des dommages-intérêts pour concurrence déloyale ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en ses deux branches : - Attendu que l'Eurl Daphn fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir refusé de constater la nullité du contrat de franchise litigieux alors, selon le pourvoi, d'une part, que le contrat de franchise suppose la transmission d'un savoir-faire, c'est-à-dire, selon la définition du règlement CEE n° 4087-88 du 30 novembre 1988, la transmission d'un ensemble d'informations pratiques non brevetées, résultant de l'expérience du franchiseur et testées par celui-ci qui est secret, substantiel et identifié, ainsi qu'une assistance continue pendant la durée de l'accord dans tous les éléments de l'engagement prévus dans le contrat de franchise ; qu'en l'espèce, le contrat de franchisage mentionnait l'existence d'une publicité faite par la société Pluri Publi à l'échelon national et local et de promotions ; que, sur ce point, elle faisait valoir que le service de publicité n'était pas rendu, aucune publicité n'étant faite pour les franchisés de province, que la revue "Que Choisir" de juin 1993, avait souligné le manque absolu de savoir-faire de Hestia dont les offres étaient indigentes ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen des conclusions de nature à démontrer que son consentement avait été obtenu sur de fausses indications et était donc entaché d'erreur sur la substance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1-3 b) du règlement CEE n° 4087-88 du 30 novembre 1988, 1109 et 1110 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en omettant de s'expliquer sur ce moyen des conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les articles 6, 7 et 8 du contrat litigieux définissent de manière détaillée l'ensemble des informations techniques et commerciales, devant être fournies aux franchisés par le franchiseur, la cour d'appel, en retenant dès lors que l'existence d'une obligation d'assistance pesant sur le franchiseur n'est pas contestable au regard des prévisions contractuelles, et que les critiques des franchisés quant au service rendu par le franchiseur en matière d'assistance commerciale relevaient de l'examen de la demande de résiliation du contrat pour inexécution fautive du franchiseur de ses obligations d'assistance, a, répondant ainsi en les rejetant aux conclusions prétendument délaissées, légalement justifié sa décision au regard de la demande de nullité du contrat pour erreur sur la substance ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Sur le second moyen du pourvoi incident, pris en ses trois branches : - Attendu que l'Eurl Daphn fait encore grief à l'arrêt attaqué, d'avoir rejeté sa demande de résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchiseur pour inexécution de ses obligations contractuelles alors, selon le pourvoi, d'une part, que la résolution ne peut être demandée lorsque l'inexécution des obligations du débiteur résulte de la seule faute du créancier, qu'en l'espèce, il avait fait valoir, sans être démenti, que la société Pluri Publi ne respectait pas les engagements pris par elle dans le domaine de la publicité ; qu'en prononçant la résiliation du contrat de franchisage à ses torts exclusifs, sans s'expliquer sur ce moyen des conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1184 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en refusant de faire droit à sa demande de résiliation pour non-respect par la société Pluri Publi de ses obligations de franchiseur en matière de publicité, au seul motif que la preuve des fautes de cette dernière ne saurait résulter de leur seule dénonciation par le franchisé, cepe dant que la société Pluri Publi n'avait jamais prétendu dans ses propres écritures, ni offert de prouver s'être acquittée des engagements de publicité pris par elle dans le contrat de franchisage, la cour d'appel a violé les articles 1315 du Code civil et 6 et 9 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en outre, que, lorsque chacune des parties a manqué à ses engagements et que chacune demande la résolution du contrat, le juge doit prononcer cette résolution aux torts et griefs réciproques des parties ; qu'en prononçant la résiliation des contrats de franchisage aux seuls torts du franchisé et en refusant de se prononcer sur les fautes reprochées, que celui-ci imputait à la société Pluri Publi et qui consistait notamment à avoir imposé à ses adhérents des pénalités financières non contractuellement prévues pour des motifs totalement abusifs, et détourné des fonds collectés au titre de la publicité pour payer son personnel ou rechercher d'autres franchisés, dont le réseau était utilisé pour financer ses propres déficits, au motif vague que la définition des prestations garanties avait été stipulée "évolutive" selon les articles 7 et 10 des contrats conclus, cependant qu'aucun de ces articles ne se rapporte à la publicité et aux fonds recueillis à cet effet, lesquels font l'objet des seuls articles 5 et 11 du contrat de franchisage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil ; la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt constate que les fautes reprochées à la société Pluri Publi par le franchisé pour justifier sa résiliation unilatérale du contrat par lettre du 14 juin 1993 ne sont que le récit des éléments de sa discorde avec le franchiseur dont la preuve ne saurait résulter de leur seule dénonciation, que le franchisé est malvenu à dénoncer une banalisation du savoir-faire qu'il tenait de la société Pluri Publi, pour en faire découler la résiliation du contrat puisqu'il persiste à mettre en œuvre, à son profit, le mode opératoire dont il dénonce la banalité et qu'il apparaît que, dès le 14 juin 1993, date à laquelle le franchisé a résilié unilatéralement son contrat, il se trouvait déjà en mesure d'offrir à ses clients les mêmes services sous une autre enseigne, faits qui établissent sa volonté arrêtée bien avant cette date de quitter le réseau et de se réinstaller quelque puisse être le résultat des discussions qu'il entretenait alors avec la société Pluri-Publi sur l'évolution du contenu de leurs rapports ; qu'abstraction faite des motifs surabondants visés par la dernière branche du moyen sur le caractère évolutif des obligations réciproques des parties, la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve et en répondant, en les rejetant, aux conclusions prétendument délaissées, a fait ressortir que les fautes alléguées par le franchisé n'étaient pas démontrées et a pu retenir que la résiliation du contrat lui était imputable, justifiant ainsi légalement sa décision ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses deux dernières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal : - Attendu que la société Pluri Publi fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable sa demande, présentée en cause d'appel, en dommages-intérêts contre les sociétés Société centrale bordelaise des locataires et Marché Locatif 33 alors, selon le pourvoi, que le refus d'exécution ou les manœuvres opposés au bénéficiaire d'un jugement, assorti de l'exécution provisoire, peut constituer une évolution du litige justifiant l'intervention forcée, en cause d'appel, de toute personne susceptible d'être condamnée à l'exécution de la même dette en qualité de garant ou de codébiteur solidaire ; qu'en laissant sans réponse le moyen des écritures de la société Pluri Publi qui faisait valoir l'intervention forcée des sociétés "CBL" et "ML 33" en cause d'appel, était justifiée par les manœuvres entreprises par l'Eurl Daphn pour échapper à l'exécution du jugement assorti de l'exécution provisoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que, dès le 1er juillet 1993, les sociétés Société centrale bordelaise des locataires et Marché Locatif 33, avaient été créées et avaient repris l'activité de l'Eurl Daphn, que l'acte introductif d'instance contre l'Eurl Daphn était du 25 juin 1993, et le jugement du tribunal de commerce du 10 novembre 1994 et relevé en conséquence, qu'avant le prononcé de ce jugement, les sociétés assignées en cause d'appel auraient pu être attraites à la procédure et que l'assignation délivrée à leur encontre ne répond pas au critère d'évolution du litige au sens de l'article 555 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel a répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal : - Attendu que la société Pluri Publi fait encore grief à l'arrêt attaqué, d'avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et illicite à l'encontre de l'Eurl Daphn alors, selon le pourvoi, que viole une clause de non-rétablissement et manque à la bonne foi contractuelle une société qui, tenue au respect de cette clause, cède son activité et son droit au bail à une nouvelle personne morale créée aux seules fins de permettre la poursuite de cette activité dans les mêmes locaux ; qu'en déboutant la société Pluri Publi de son action en concurrence illicite et déloyale dirigée contre l'Eurl Daphn, au seul motif que cette dernière avait cédé son fonds à deux autres sociétés juridiquement distinctes et dont elle ne détenait aucune part sociale, sans rechercher si cette cession ne constituait pas l'élément d'un concert frauduleux visant à éluder les effets d'une clause de non-rétablissement, et auquel l'Eurl Daphn ne pouvait se prêter sans manquer à son obligation d'exécuter de bonne foi ses obligations contractuelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;
Mais attendu, qu'ayant relevé qu'il ne peut être utilement argué par la société Pluri Publi de la communauté de gérance des sociétés Société centrale bordelaise des locataires et Marché Locatif 33 et de l'Eurl Daphn en la personne de Mme Quarre, dès lors qu'il s'agit de sociétés juridiquement distinctes et qu'il n'est pas démontré que l'Eurl Daphn ait acquis des parts sociales dans ces deux nouvelles sociétés, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette les pourvois principal et incident.