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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 6 octobre 1998, n° 98000254

PAU

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Union des Commerçants Oloronais

Défendeur :

Oloron Distribution Centre Leclerc (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pujo-Sausset

Conseillers :

M. Roux, Mme sel Arco Salcedo

Avoués :

Me Vergez, SCP Longin

Avocats :

Mes Lacaze, Bouyssou

TGI Pau, prés., du 19 déc. 1997

19 décembre 1997

Faits et procédure :

La SA Oloron Distribution exploite à Oloron Sainte-Marie un centre commercial de 3690 m2 de surface de vente, comprenant l'Hypermarché Leclerc de 3850 m2, une galerie marchande de 800 m2, une cafétéria de 372 m2 ; des activités de service sur 236 m2, une jardinerie non ouverte de 450 m2 et une serre de 165 m2.

Le 26 novembre 1993, a été installé sur le parking du magasin un chapiteau de 200 m2, destiné à la vente de cadeaux de fin d'année.

Autorisée par Ordonnance du 18 décembre 1997, l'association Union des Commerçants Oloronais a fait assigner à jour fixe la SA Oloron Distribution Centre Leclerc par exploit délivré le 18 décembre 1997 à 18 heures 15, pour voir ordonner à la défenderesse :

- de condamner l'accès à la clientèle d'un chapiteau toujours implanté et mis en service sur le parking de son magasin afin d'en augmenter la surface de vente, alors qu'elle n'y était autorisée par dérogation préfectorale que jusqu'au 9 novembre 1997 ;

- de démonter immédiatement ledit chapiteau sous astreinte de 25 000 F par jour de retard,

- de payer à la demanderesse la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;

Par ordonnance du 19 décembre 1997, le président du Tribunal de grande instance de Pau, statuant en référé a débouté l'association Union des Commerçants Oloronais de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Suivant déclaration au Greffe de la cour, en date du 30 décembre 1997, l'Union des Commerçants Oloronais a régulièrement relevé appel de cette disposition.

Prétentions et moyens des parties :

L'association Union des Commerçants Oloronais demande :

- d'infirmer l'ordonnance entreprise,

- de condamner la SA Oloron Distribution Centre Leclerc à démonter le chapiteau implanté sur son parking dès le prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte définitive de 25 000 F par jour de retard ;

- de la condamner à payer à l'Union des Commerçants Oloronais une indemnité de 15 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;

- de la condamner en tous les dépens de première instance et d'appel.

L'appelant soutient :

- que dès lors qu'il est établi et non contesté que le chapiteau en cause a été implanté sur le parking du Centre Leclerc, les ventes qui y sont pratiquées sont automatiquement des ventes dites au déballage ;

- que la loi du 5 juillet 1996 doit recevoir application ;

- que le chapiteau a été implanté en fraude des dispositions de l'article 27 janvier alinéa 2 de la loi du 5 juillet 1996 ;

- qu'elle a entrepris diverses démarches amiables avant d'agir en justice ;

- que l'augmentation illicite par définition de la surface de vente constitue un acte de concurrence déloyale entraînant un préjudice grave pour les commerçants de la place ;

La SA Oloron Distribution Centre Leclerc demande :

- de débouter l'Union des Commerçants Oloronais de l'ensemble de ses demandes ;

- de confirmer l'Ordonnance du 19 décembre 1997 ;

- de condamner l'Union des Commerçants Oloronais à lui payer une somme de 15 000 F, en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile,

- de condamner l'Union des Commerçants Oloronais à tous les dépens de première instance et d'appel,

L'intimée fait valoir :

- que l'appel est irrecevable, l'action étant devenue sans objet : qu'en effet, le chapiteau ayant été démonté le 6 janvier 1998, l'Union des Commerçants Oloronais n'a plus d'intérêt à agir ;

- subsidiairement,

* qu'il existe un principe de liberté totale de déplacement des surfaces de vente dans un centre commercial autorisé ; que la surface de vente utilisée était inférieure à la surface de vente autorisée, qu'en effet l'ouverture du chapiteau de 200 m2 a fait suite à la fermeture de la jardinerie de 332,820 m2 ; qu'il n'y a eu qu'un simple transfert de surface ;

* qu'il n'y a plus urgence à ordonner le démontage de chapiteau : que la procédure de référé ne se justifiait donc pas et se justifie encore moins aujourd'hui ;

* que si au moment où le juge doit statuer, le trouble a pris fin, aucune mesure n'a lieu d'être prononcée en application de l'article 700 du 809 du nouveau Code de Procédure Civile qu'en outre la réalité du trouble doit être appréciée à la date à laquelle la Cour d'appel statue ;

Par conclusions déposées le 8 avril 1998, l'association UCO répond,

- qu'au jour où elle a engagé son action son intérêt était patent ; qu'en outre elle a toujours intérêt à voir le comportement de la SA Oloron Distribution sanctionné pour éviter toute récidive ;

- que l'obtention d'une autorisation était nécessaire pour la vente sous chapiteau sur le parking ;

- que la notion d'urgence ne s'applique pas lorsqu'il s'agit de faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Par conclusions déposées le 7 mai 1998, la SA Oloron Distribution Centre Leclerc réplique :

- qu'une action devenue sans objet doit être déclarée irrecevable ;

- que l'urgence doit être appréciée in concreto ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 juin 1998 ;

Discussion

Sur la recevabilité de l'appel

Attendu que suivant attestation délivrée le 16 mars 1998 par le gérant de la SARL Vignaut, le chapiteau objet du litige a été démonté le 6 janvier 1998 ;

Qu'il est cependant établi et non contesté que la SA Oloron Distribution avait implanté sur le parking de son magasin, avenue Flemming à Oloron Sainte-Marie un chapiteau d'environ 10 m de large sur 20 m de long, dans lequel étaient proposés à la clientèle du Centre Leclerc divers produits de consommation courante ; que le procès-verbal de constat produit par l'UCO, auquel sont annexées des photographies prises par l'huissier de justice établit que le chapiteau était notamment installé et ouvert à la clientèle le 18 décembre 1997 ;

Attendu que lorsque le juge des référés du Tribunal de grande instance de Pau a statué, le chapiteau était toujours érigé ; que de même, lorsque l'association UCO a formalisé son appel, le démontage n'était pas encore intervenu ;

Attendu que si, au moment où la Cour statue, le trouble allégué a cessé, il convient néanmoins de vérifier si l'instance engagée par l'UCO était recevable et fondée au moment où elle avait saisi le juge des référés ;

Qu'en outre, nonobstant le démontage du chapiteau qui empêche désormais de prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état, l'association UCO, appelante conserve un intérêt à agir pour faire valider le principe de son action et afin de lui permettre éventuellement à l'avenir de se prévaloir d'un décision de justice consacrant le bien fondé de son intervention ;

Que l'appel sera donc déclaré recevable ;

Sur le fondement de l'action engagée par l'association UCO

Attendu que l'association UCO prétend avoir subi un trouble manifestement illicite en raison de l'augmentation illicite de la surface de vente du Centre Leclerc, acte caractérisé de concurrence déloyale et à l'origine d'un préjudice grave par les commerçants d'Oloron ;

Que l'UCO reproche en particulier à la société Oloron Distribution d'avoir implanté un chapiteau pour y vendre des produits, sans avoir sollicité et obtenu l'autorisation préalable prescrite par l'article 27 I alinéa 2 de la loi du 5 juillet 1996 ;

Attendu qu'aux termes de l'article 27 I de la loi du 5 juillet 1996, sont considérées comme ventes au déballage des ventes de marchandises effectuées dans des locaux ou sur des emplacements non destinés à la vente au public de ces marchandises ...

Qu'en l'espèce, l'installation d'un chapiteau sur l'aire de stationnement du Centre Leclerc et la mise en vente au public dans ledit chapiteau de marchandises, entre, à l'évidence dans les prévisions du texte susvisé;

Que faute d'autorisation préalable, cette pratique est illicite ;

Qu'il importe peu, à cet égard, que le Centre Leclerc ait fermé, comme il le prétend la Jardinerie de 332,80 m2, pour compenser la nouvelle surface de vente offerte sur le chapiteau et qu'il soit ainsi demeuré sous le seuil de 4465 m2 qu'il est autorisé à exploiter ;

Qu'on peut en effet aisément comprendre que dans la logique commerciale du Centre Leclerc, il soit plus intéressant, au moment des fêtes de fin d'année, d'augmenter sensiblement la surface de vente consacrée aux produits de saison ou aux cadeaux, et en contrepartie de fermer la Jardinerie peu fréquentée par la clientèle en hiver ;

Que ce transfert opportun ne saurait dispenser la société Oloron Distribution de se conformer aux exigences de la loi du 5 juillet 1996 ;

Attendu qu'en augmentant ainsi sans autorisation la surface de vente de ses produits, la société Oloron Distribution a créé un déséquilibre au préjudice des commerçants traditionnels représentés par l'association UCO, en faussant les règles de la concurrence;

Que l'UCO était ainsi bien fondée à demander à faire cesser le trouble manifestement illicite que lui causait l'initiative commerciale de la SA Oloron Distribution.

Attendu qu'il n'y a pas lieu de prendre une quelconque mesure, le trouble ayant actuellement cessé ;

Que la société Oloron Distribution sera cependant condamnée à payer à l'association l'Union des Commerçants Oloronais la somme de 10 000 F à titre d'indemnité destinée à compenser les frais irrépétibles que cette dernière a exposés, dans le cadre de la présente instance pour défendre les intérêts légitimes ;

Que la société Oloron Distribution supportera en outre les entiers dépens de la procédure ;

Par ces motifs : La COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ; Déclare l'appel régulier et recevable en la forme ; Au fond : Constate que le chapiteau objet du litige a été démontré le 6 janvier 1998 et que le trouble manifestement illicite causé par la SA Oloron Distribution à l'Union des Commerçants Oloronais à cessé ; Dit n'y avoir lieu en conséquence à application des dispositions de l'article 809 alinéa 1 du nouveau Code de Procédure Civile ; Condamne la SA Oloron Distribution Centre Leclerc à payer à l'Union des Commerçants Oloronais la somme de 10 000 F à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ; Condamne la SA Oloron Distribution Centre Leclerc aux entiers dépens ; Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de Procédure, Maître Vergez, avoué, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.