CA Paris, 4e ch. A, 30 septembre 1998, n° 98-11662
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
The Gillette Company (Sté), Gillette France (Sté)
Défendeur :
Monoprix (SA), Parke Davis (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Duvernier
Conseillers :
Mme Mandel, M. Lachacinski
Avoués :
SCP Bommart Forster, Me Baufume
Avocats :
Mes Monegier du Sorbier, de Haas
Statuant sur l'appel interjeté par les sociétés The Gillette Company et Gillette France du jugement rendu le 25 février 1998 par le tribunal de grande instance de Paris (3e chambre 1re section) dans un litige les opposant aux sociétés Monoprix et Adams France dénommée aujourd'hui Parke Davis.
Faits et procédure
Référence étant faite au jugement entrepris pour l'exposé des faits de la procédure et des moyens antérieurs des parties, il suffit de rappeler les éléments essentiels suivants :
La société de droit américain The Gillette Company est titulaire des marques dénominatives Sensor et Sensor Excel respectivement déposées à l'Institut National de la Propriété Industrielle les 18 mai 1989 en renouvellement d'un précédent dépôt de 1979 et 12 février 1993 enregistrées sous les n° 1 531 695 et 93-455 000 pour désigner en classe 8 les rasoirs et lames de rasoirs ;
La société de droit français Gillette France est, quant à elle titulaire de la marque dénominative Gillette déposée le 7 mai 1990 en renouvellement d'un dépôt de 1980 et enregistrée sous le n°1 590 761 pour désigner divers produits en classes 3, 8, 21 dont les rasoirs électriques, tondeuses et autres dispositifs de coupe manoeuvrés électriquement ou mécaniquement,
Elle exploite en France ces trois marques ;
Les sociétés Gillette estimant que les conditions de commercialisation, par la société Monoprix, de lames de rasoir portaient atteinte à leurs droits sur les marques susvisées, lui ont adressé le 3 juin 1996 une mise en demeure d'avoir à retirer les lames des emballages " micro lames Country " ;
Après avoir fait procéder le 9 août 1996 à un procès-verbal de constat par Maître Cabour huissier, elles ont par exploit en date du 5 septembre 1996, assigné la société Monoprix en contrefaçon des trois marques susvisées, en usurpation de dénomination sociale et pour agissements parasitaires ;
Outre des mesures de destruction et d'interdiction sous astreinte et de publication elles sollicitaient la condamnation de la société Monoprix à leur payer deux indemnités de 50 000 F chacune à valoir sur la réparation de leur préjudice, la désignation d'un expert aux fins d'évaluation de celui-ci et le paiement d'une somme de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;
Le 10 décembre 1996, la société Adams France intervenait volontairement à l'instance en qualité de fabricant des lames incriminées et concluait au débouté des demanderesses tout en réclamant leur condamnation à lui payer la somme de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;
La société Monoprix concluait également au rejet des prétentions des sociétés Gillette et sollicitait paiement d'une indemnité de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;
Les sociétés Gillette formaient à l'encontre de la société Adams France les mêmes demandes que vis-à-vis de la société Monoprix.
Le tribunal, après avoir retenu d'une part que la société Warner et ses filiales dont la société Adams étaient en droit en vertu d'une transaction signée le 31 mars 1989 avec Gillette de fabriquer et commercialiser des lames étroites (ou micro lames) brevetées par Gillette et d'autre part que les défenderesses pouvaient se prévaloir des dispositions de l'article L.713-6 du Code de la propriété intellectuelle, a débouté les sociétés Gillette de leurs demandes et les a condamnées in solidum à payer aux sociétés Monoprix et Adams France une somme de 10 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;
Appelantes selon déclaration du 13 mai 1998 et autorisées par ordonnance à assigner à jour fixe, les sociétés Gillette demandent à la Cour de prononcer la nullité du jugement entrepris, subsidiairement de l'infirmer en toutes ses dispositions.
Elles reprennent leurs demandes initiales telles que rappelées ci-dessus tout en réclamant par ailleurs la condamnation des sociétés intimées à verser à Gillette France la somme de 250 000 F à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte à sa dénomination sociale, une astreinte de 100 000 F par jour de retard, dix mesures de publication de l'arrêt à intervenir aux frais des intimées et à concurrence de 50 000 F par insertion ainsi que le paiement d'une somme de 75 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;
Les sociétés Monoprix et Parke Davis (anciennement dénommée Adams France) poursuivent la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Adams France de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;
Formant appel incident de ce chef, la société Parke Davis sollicite la condamnation des sociétés Gillette à lui payer la somme de 500 000 F ;
Par ailleurs chacune des sociétés intimées réclame paiement d'une somme de 75 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;
Le 24 juin 1998 elles ont fait signifier des conclusions tendant à ce que soient déclarées irrecevables les conclusions signifiées par les appelantes le 24 juin 1998 et les pièces communiquées le 23 juin ;
Sur ce, LA COUR
I - Sur la procédure
Considérant que les sociétés intimées demandent à la Cour de déclarer irrecevables les conclusions signifiées le 24 juin 1998 par les sociétés appelantes et de rejeter des débats les pièces communiquées le 23 juin au motif que dans une procédure à jour fixe, la requête doit contenir les conclusions sur le fond et viser les pièces justificatives ;
Mais considérant que les intimées ayant fait signifier leurs conclusions le 22 juin 1998 ne peuvent faire grief aux appelants d'avoir répliqué le 24 juin suivant ;
Qu'en vertu de l'article 923 alinéa 2 du nouveau Code de Procédure Civile, un intimé ne peut se plaindre de la signification le jour de l'audience de conclusions en réplique de l'appelant lesquelles, au demeurant, ne contiennent aucun moyen de droit nouveau et ne font que répondre à l'argumentation développée par les sociétés intimées ;
Considérant que si, en vertu des dispositions de l'article 918 du nouveau Code de Procédure Civile, les sociétés appelantes ont remis le 22 mai 1998 au premier président, saisi de la requête aux fins d'assignation à jour fixe, copie des pièces dont elles entendaient faire état, en revanche les pièces par elles produites le 23 juin 1998 doivent être écartées dans la mesure où elles n'ont pas été produites en réplique à la communication de pièces nouvelles par les intimées ;
II - Sur la demande en nullité du jugement
Considérant que les sociétés appelantes soutiennent que le jugement doit être annulé au motif que le tribunal a, sans le motiver, rejeté leurs demandes des chefs d'atteinte à la dénomination sociale de Gillette France et de concurrence déloyale par parasitisme ;
Considérant que l'article 455 alinéa 1 dispose que le jugement doit être motivé, l'article 458 du même code précisant que ce qui est prescrit par les articles 455 doit être observé à peine de nullité ;
Considérant qu'en l'espèce, il résulte des termes mêmes de l'assignation que les sociétés Gillette avaient saisi le tribunal de trois demandes distinctes ;
- contrefaçon des marques Sensor, Sensor Excel et Gillette
- usurpation de la dénomination sociale de la société Gillette France
- agissements parasitaires constituant une faute au sens de l'article 1382 du Code Civil ;
Considérant cependant que les sociétés appelantes s'étant contentées d'invoquer au titre des agissements parasitaires le fait que les intimées aient fait référence aux marques Sensor et Sensor Excel, ne peuvent imputer un défaut de motivation au tribunal dès lors que celui-ci a précisé dans son jugement que cette référence était licite ;
Considérant sur l'atteinte à la dénomination sociale de Gillette France que le jugement mentionnant aux pages 8 (dernier paragraphe) et 9 (premier paragraphe) que : " la marque Country apparaît clairement sur la face avant en haut de la boîte, qu'il n'existe aucune équivoque sur le fait que les lames commercialisées ne sont pas des produits Gillette pour lesquels la référence aux marques des demanderesses est nécessaire " a réfuté le moyen selon lequel l'emploi du terme Gillette par la société Monoprix était de nature à induire en erreur sur les relations pouvant exister entre elle et la société Gillette France et par là même a motivé le rejet de la demande pour usurpation de dénomination sociale ;
Considérant en conséquence que la demande en nullité du jugement pour défaut de motivation doit être rejetée ;
III - Sur la demande en contrefaçon
Considérant que les sociétés appelantes font valoir que si la transaction signée le 31 mars 1989 permettait à la société Wagner Lambert et à ses filiales de mettre en œuvre la technologie brevetée par Gillette, elle ne les autorisait ni à fabriquer des lames de rasoirs adaptables aux rasoirs Gillettes, ni à utiliser les marques des sociétés Gillette ;
Qu'elles exposent par ailleurs que les sociétés intimées ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle dans la mesure où :
- les lames litigieuses ne sont pas des accessoires ou des pièces détachées mais la partie principale d'un rasoir et qu'elles constituent en elles-mêmes un produit,
- la référence aux marques n'est pas nécessaire puisqu'il suffit pour vendre les lames incriminées de se référer au type de rasoir,
- il existe du fait de l'absence de toute mention sur l'origine des produits, de la mise en exergue des marques Excel Sensor et de l'emploi du terme " adaptable " une confusion sur l'origine des produits ;
Qu'enfin elles soutiennent que l'utilisation qui est faite de leurs marques portant atteinte à leurs droits, elles sont fondées en application de l'article L. 713-6 dernier alinéa du Code de la propriété intellectuelle à demander l'interdiction de toute utilisation de l'une quelconque de celles-ci ;
Considérant que les sociétés intimées leur opposent qu'en vertu de la transaction, la société Warner Lambert avait la faculté de fabriquer des lames adaptables aux seuls rasoirs Sensor et Sensor Excel ;
Qu'elles ajoutent que la référence aux marques Sensor et Sensor Excel était nécessaire à l'information du consommateur dès lors que les lames litigieuses étaient exclusivement adaptables aux rasoirs Excel et Sensor Excel et qu'il ne peut leur être reproché de ne pas rapporter la preuve contraire laquelle constitue un fait négatif ;
Qu'elles contestent que les lames en cause soient adaptables sur le rasoir Carrefour communiqué par les intimées et émettent des doutes sur l'existence de ce rasoir à la date des faits incriminés ;
Considérant qu'elles font également valoir que les lames constituent des pièces détachées et que leur présentation est exclusive de tout risque de confusion du fait de l'apposition de la mention " adaptable aux rasoirs Sensor et Sensor Excel " ou " ne s'adaptent qu'aux rasoirs Sensor et Sensor Excel " et de la marque Country ;
Qu'elles en concluent que toutes les conditions posées par l'article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle sont réunies et qu'aucune contrefaçon de marques ne peut leur être imputée ;
Considérant les moyens des parties étant ainsi exposés que la société française Parke Davis justifie d'une part par la production de son extrait Kbis avoir absorbé la société Adams France, d'autre part, par un certificat établi devant Florence Zelasko " notary public of New Jersey ", être une filiale de la société Warner Lambert Company ;
Considérant que par des motifs pertinents que la Cour adopte, les premiers juges ont à bon droit retenu que la transaction signée le 31 mars 1989 entre la société The Gillette Company et la société Warner Lambert Company autorisait celle-ci ainsi que ses filiales, à fabriquer et commercialiser des lames étroites, conformes aux brevets de Gillette et notamment, aux brevets relatifs au mode de fixation des lames ;
Que par ailleurs, si Monoprix n'est pas partie à cette convention, il convient de relever que le paragraphe IV précisait que l'immunité mondiale relative à des poursuites judiciaires et au regard de l'usage en quelques lieu et temps que ce soit des brevets était étendue : " aux acquéreurs et clients, intermédiaires et voisinage de chacune des parties ou de chacune de leurs filiales, mais seulement au regard de la vente, de la promotion des ventes " ;
Considérant en revanche que cet accord énonçait expressément qu'il ne conférait ou n'accordait aucune immunité de poursuites judiciaires, aucune licence ou autres droits ou privilèges sur aucune marque ou droit d'auteur à une ou plusieurs des personnes bénéficiaires des engagements concédés respectivement ;
Que les sociétés intimées ne pouvant se prévaloir de la transaction pour justifier l'usage qu'elles ont fait des marques Gillette, Sensor ou Sensor Excel, il convient de rechercher si elles sont fondées à invoquer le bénéfice de l'article L. 713-6 b) du Code de la propriété intellectuelle ;
Considérant que l'article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle dispose que : " l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme b) référence nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée, à condition qu'il n'y ait pas de confusion dans leur origine.
Toutefois, si cette utilisation porte atteinte à ses droits, le titulaire de l'enregistrement peut demander qu'elle soit limitée ou interdite " ;
Considérant qu'un rasoir étant constitué de deux parties essentielles, un manche et une lame, et le rasage ne pouvant être obtenu qu'en utilisant un appareil les combinant, aucun de ces éléments ne peut être qualifié d'accessoire ;
Considérant en revanche, qu'il est constant que les lames fabriquées par Parke Davis et commercialisées par Monoprix sont détachables du manche et sont habituellement vendues séparément ;
Que c'est donc à juste titre que les premiers juges les ont qualifiées de pièces détachées ;
Considérant que le fait que les dépôts de marques visent les lames de rasoir en tant que telles ne leur enlève pas ce caractère ;
Considérant sur la référence nécessaire aux marques Sensor et Sensor Excel pour indiquer la destination du produit que certes les lames litigieuses sont des lames flexibles destinées à des rasoirs à tête pivotante ;
Mais considérant que les intimées ne pouvaient se contenter de les présenter en faisant simplement référence au type de rasoir ou au caractère flexible des lames ;
Qu'en effet, il n'est pas contesté que ces lames sont fabriquées selon la technologie brevetée par Gillette comme l'autorise la transaction du 31 mars 1989 et donc sont montées individuellement sur ressorts et se fixent sur le manche selon un moyen particulier ;
Qu'en conséquence il est nécessaire d'informer le consommateur que seuls des rasoirs comportant un tel moyen de fixation sont susceptibles de recevoir ces lames ;
Or considérant que l'argument des sociétés appelantes selon lequel les lames en cause seraient adaptables à d'autres rasoirs que les rasoirs Excel et Excel Sensor et, notamment à un rasoir vendu par Carrefour est contredit par les pièces produites ;
Qu'en effet, il résulte de la production en nature devant la Cour d'un exemplaire du rasoir Carrefour et des rasoirs Excel et Sensor Excel et de la démonstration faite à l'audience que si les lames litigieuses s'adaptent parfaitement aux rasoirs de Gillette, il n'en est pas de même pour le rasoir Carrefour ;
Que si les lames vendues avec le manche Carrefour s'adaptent complètement à celui-ci, en revanche les lames vendues par Monoprix ne permettent pas à la tête de pivoter parfaitement ;
Qu'en conséquence, dans la mesure où seuls les rasoirs Sensor et Sensor Excel sont dotés d'un moyen de fixation permettant de recevoir les lames litigieuses, la référence à ces deux marques est nécessaire pour indiquer leur destination ;
Considérant que la société Monoprix, faisant figurer sur la face avant de l'emballage des lames la marque Country de manière très apparente et mentionnant en gros caractères que les micro lames sont " adaptables aux rasoirs Sensor, Sensor Excel ", indication reprise au dos, tout en précisant que Sensor et Sensor Excel sont des marques déposées par Gillette, ne crée pas de confusion sur l'origine des produits ;
Que si l'article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle exige qu'il n'y ait pas de confusion dans l'origine de la pièce détachée, il n'impose pas au tiers d'indiquer cette origine ;
Qu'il suffit que celui-ci prenne toute précaution pour prévenir un risque de confusion de ce chef ;
Considérant en l'espèce que, si le nom du fabricant desdites lames n'est pas indiqué, mention étant faite uniquement que Country est distribué par SMB - 3, rue Paul Cézanne à Paris 8e suivi des références EMB 02722A réf. 42 09-77 000, le consommateur de par l'emploi de l'adjectif " adaptable " et du verbe " adapter " ne peut être amené à penser que ces lames sont fabriquées par Gillette ;
Que s'il est exact que Gillette emploie également le verbe " s'adapter ", il convient de préciser qu'elle ne le fait que pour les lames Sensor Excel et que cette indication écrite en petits caractères au recto de l'emballage est destinée à informer le consommateur que Sensor Excel " s'adapte à tous les rasoirs Sensor " ;
Considérant enfin qu'il y a lieu de relever qu'aucune référence n'est faite sur les emballages à la marque dénominative Gillette, ce nom n'étant utilisé que pour désigner le titulaire des marques Sensor et Sensor Excel ;
Considérant que les sociétés appelantes se prévalent par ailleurs des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle pour qu'il soit fait interdiction aux sociétés intimées d'utiliser leurs marques ;
Mais considérant qu'elles ne développent sur ce point aucune argumentation dans leurs écritures ;
Qu'en particulier elles n'établissent pas en quoi l'usage fait par les intimées des marques Sensor et Sensor Excel aurait contribué à déprécier leurs marques et ne démontrent pas que celles-ci auraient été employées pour désigner des produits de moindre qualité ;
Que de plus, les marques Sensor et Sensor Excel ne sont mentionnées sur les emballages que pour indiquer la destination des lames et non pour désigner les lames elles-même lesquelles sont vendues sous la marque Country ;
Considérant en conséquence que les premiers juges ont justement retenu que les sociétés intimées étaient bien fondées à se prévaloir des dispositions de l'articles L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle et débouté les sociétés Gillette de leur demande en contrefaçon de marques ;
III - Sur l'atteinte à la dénomination sociale
Considérant que la société Gillette France fait valoir que le terme Gillette constitue l'élément essentiel de sa dénomination sociale et que l'emploi qui est fait par les sociétés intimées de ce mot porte atteinte à ses droits ;
Mais considérant que les sociétés intimées répliquent à juste titre que le nom de Gillette étant utilisé sur l'emballage des lames pour désigner la société Gillette elle-même en tant que titulaire des marques Sensor et Sensor Excel, le grief d'usurpation de dénomination sociale n'est pas constitué ;
IV. Sur le parasitisme
Considérant que les sociétés Gillette font valoir que les sociétés intimées ont commis des actes contraires à la loyauté commerciale en :
- présentant les lames de rasoir litigieuses en mentionnant les rasoirs Sensor et Sensor Excel dans le but de tirer profit de la réputation liée aux produits Gillette
- faisant référence à une société Gillette ce qui induirait le consommateur en erreur sur les relations pouvant exister entre la société Monoprix et les sociétés appelantes
- commercialisant les lames dans une présentation reprenant la plupart des traits caractéristiques de celles des produits Gillette tels que les couleurs, le détail des lames dans un cercle ;
Considérant que la concurrence déloyale ou parasitaire suppose que les sociétés en cause soient présentes en même temps sur le marché;
Or considérant que la société The Gillette Company ne justifiant pas commercialiser en France les produits Sensor et Sensor Excel, la société Gillette France étant manifestement la seule à le faire, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de ce chef ;
Considérant que la concurrence déloyale par parasitisme ne peut être retenue que si les faits invoqués sont des faits distincts de la contrefaçon de marques;
Considérant que les deux premiers griefs ne sont que la reprise sous une formulation légèrement différente de ceux invoqués à l'appui de la demande en contrefaçon ;
Considérant en revanche s'agissant du conditionnement Monoprixque sa comparaison avec les emballages Gillette Sensor et Gillette Sensor Excel mis aux débats démontre qu'il reprend la combinaison de couleurs utilisée pour le rasoir Gillette Sensor : noire et bleu turquoise;
Que le noir est également employé pour le fond de l'emballage et le bleu pour matérialiser des rayures ce qui démontre une volonté de s'inscrire dans le sillage de Gillette et de profiter de ses investissements publicitairesdans la mesure où l'appelante justifie par de nombreuses pièces qu'un très grand nombre de ses produits pour hommes sont présentés dans des conditionnements reprenant ce même code de couleurs avec des rayures ;
Que la substitution du gris à l'argent ne modifie pas l'aspect d'ensemble dès lors qu'il s'agit de tons proches et qu'au surplus, le rasoir Sensor Excel est présenté dans un emballage avec des rayures grises et argent ;
Considérant enfin que les conditionnements Monoprix et Sensor ont sensiblement les mêmes dimensions et que le chiffre indiquant le nombre de lames contenues dans l'emballage est inscrit en blanc dans un coin, dans le même graphisme que celui employé pour Sensor Excel ;
Considérant qu'en adoptant une telle présentation, la société Monoprix a commis une faute et engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil;
Considérant que la société Gillette France ne rapportant pas la preuve que le conditionnement litigieux ait été fabriqué ou commercialisé par la société Parke Davis, la responsabilité de celle-ci ne peut être retenue ;
Considérant qu'à défaut d'éléments suffisants d'appréciation sur le préjudice subi par la société Gillette France du fait des actes de concurrence déloyale, il convient d'ordonner une expertise dans les conditions précisées au dispositif tout en allouant dès à présent à la société Gillette France une indemnité provisionnelle de 100 000 F ;
V - Sur la demande reconventionnelle
Considérant que la société Parke Davis fait valoir qu'en maintenant leur réclamation non seulement contre Monoprix mais encore contre Système U, les sociétés Gillette ont compromis le développement de ses ventes ;
Mais considérant que les sociétés Gillette ayant pu de bonne foi se méprendre sur la portée de leurs droits et la société Parke Davis ne justifiant ni être le fabricant des lames vendues par Système U, ni d'une baisse de ses ventes du fait de la procédure engagée, la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts sera rejetée ;
VI. Sur l'article 700 du NCPC
Considérant que la société The Gillette Company et les sociétés intimées qui succombent seront déboutées de leur demande de ce chef ;
Considérant en revanche qu'il y a lieu d'allouer à la société Gillette France une somme de 20 000 F ;
Par ces motifs : Constate que la société Parke Davis vient aux droits de la société Adams France ; Ecarte des débats les pièces communiqués par les sociétés appelantes le 23 juin 1998 numérotées de 24 à 36 ; Dit recevables les conclusions signifiées par les sociétés appelantes le 24 juin 1998 ; Déboute les sociétés appelantes de leur demande tendant à voir prononcer la nullité du jugement entrepris ; Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Gillette France de sa demande en concurrence déloyale et condamné les sociétés Adams France et Monoprix sur le fondement de l'article 700 NCPC ainsi qu'aux dépens, Le réformant de ces seuls chefs et statuant à nouveau, Dit que la société Monoprix a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Gillette France, Avant dire droit sur le préjudice subi par la société Gillette France, Avant dire droit sur le préjudice subi par la société Gillette France, Ordonne une expertise et commet pour y procéder Monsieur Philippe Guilguet, Place Denfert Rochereau, 75014 Paris - Tél. 01 43 27 05 20 - Fax 01 42 79 89 13 avec mission, connaissance prise du présent arrêt, d'entendre les parties et tous sachants et de fournir à la Cour tous éléments permettant de déterminer l'importance du préjudice subi par la société Gillette France du fait de l'utilisation par la société Monoprix d'un conditionnement reprenant les caractéristiques de ceux employés par Gillette pour commercialiser des lames pour les rasoirs Sensor et Sensor Excel et ce, indépendamment de la reproduction des marques Sensor et Sensor Excel jugée licite, Dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe avant le 1er mai 1999, Fixe à la somme de 30 000 F le montant de la provision sur frais d'expertise qui devra être consigné par la société Gillette France avant le 15 novembre 1998, au régisseur d'avances et de recettes de la Cour d'appel de Paris, 34 quai des Orfèvres, 75055 Paris Louvre SP, Dit qu'à défaut de consignation dans le délai imparti, la mesure d'expertise sera caduque, Renvoie la procédure à l'audience de Madame Mandel conseiller de la mise en état du 7 décembre 1998 pour vérification du versement de la consignation, Condamne la société Monoprix à payer à la société Gillette France une indemnité provisionnelle de cent mille francs (100 000 F) et une somme de vingt mille francs (20 000 F) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile, Rejette toute autre demande des parties, Condamne la société Monoprix aux dépens de première instance et d'appel, Admet la SCP Bommart Forster avoué au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de Procédure Civile.