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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 3 juillet 1998, n° 95-14563

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

ITM Entreprises (SA)

Défendeur :

Distribution alsacienne (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leclercq

Conseillers :

M. Bouche, Mme Cabat

Avoués :

SCP Varin Petit, SCP Barrier Monin

Avocats :

Mes Lebel-Nourissat, Alexandre.

T. com. Paris, 2e ch., du 21 mars 1995

21 mars 1995

Considérant que la société ITM Entreprises a fait appel d'un jugement contradictoire du 21 mars 1995 du Tribunal de commerce de Paris qui a été déclaré mal fondée en son action en réparation d'actes de concurrence déloyale formée à l'encontre de la société Alsacienne de supermarché dite SASM, a rejeté la demande reconventionnelle de dommages-intérêts de la SASM et a condamné la société ITM Entreprises à verser 20 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile à la société SASM ;

Considérant que la société ITM Entreprises expose :

- qu'elle a conclu les 25 mars 1981 et 12 janvier 1988 deux contrats de franchise avec les sociétés anonymes Bangor et Fremarc dirigées par les époux Lavergne concernant deux magasins de grande distribution exploités sous l'enseigne Intermarché dont l'usage avait été concédé à Robert Lavergne par contrat du 22 avril 1980,

- que ces conventions ont été convenues indissociables et l'article 4 du contrat d'adhésion au réseau du 22 avril 1980 fait obligation à l'adhérent qui désire céder le contrôle de la société franchisée qu'il dirige, d'informer de son intention et du prix de la cession envisagée la société ITM Entreprises afin qu'elle puisse exercer la faculté de substitution qui lui est accordée, au prix qu'elle juge convenable et, à défaut d'accord, à un prix déterminé par expertise,

- qu'au lieu de permettre à la société ITM Entreprises de se substituer aux repreneurs de deux magasins Intermarché qu'ils exploitaient sous couvert des sociétés Bangor et Fremarc, les époux Lavergne ont " mis en place un véritable subterfuge ", la prise de contrôle des sociétés Bangor et Fremarc par voie d'augmentation réservée de leur capital ;

Qu'elle demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré qui est fondé sur l'absence de cession des actions, la licéité des augmentations de capital et l'inopposabilité à un tiers des contrats d'adhésion et de franchise, de constater que la prise de contrôle des sociétés Bangor et Fremarc a engendré sa désorganisation commerciale " de dire que ces faits constituent un acte de concurrence déloyale et de condamner la société SASM à lui verser 6 260 600 francs de dommages-intérêts et 50 000 francs pour ses frais irrépétibles ;

Considérant que par conclusions signifiées le 21 novembre 1995 la société Docks de France SASM anciennement appelée Alsacienne de supermarchés réplique :

- que les société Bangor et Fremarc franchisées Intermarché se trouvaient en difficulté dès 1991, que leur chiffre d'affaires avait sensiblement baissé en 1992, qu'au 31 décembre 1992 les reports à nouveaux négatifs atteignaient pour elles deux 3 439 195 francs et les pertes 1 778 840 francs et que le tribunal de commerce avait ouvert une enquête,

- que les dirigeants des sociétés Bangor et Fremarc, les époux Lavergne, avaient demandé à la société ITM Entreprises de lui remettre une copie des conventions qu'ils ne possédaient pas, et de leur racheter leurs actions Bangor et Fremarc ce qu'elle avait refusé,

- que les époux Lavergne se sont alors adressé à la société SASM, exploitant en Alsace et en Ile de France des magasins similaires aux leurs, afin de sauver les deux entreprises et leur personnel,

- que la société SASM est devenue actionnaire majoritaire des sociétés Bangor et Fremarc par voie d'augmentations régulières de capital,

- que les sociétés Bangor et Fremarc ont informé des changements de majorité et de direction intervenus la société ITM Entreprises qui a refusé la poursuite des franchises en assignant les deux franchisées en référé, puis, après que le juge des référés se soit déclaré incompétent, en refusant de livrer les commandes et en effectuant une publicité mensongère,

- que la société ITM Entreprises a abandonné les procédures de conciliation et d'arbitrage qu'elle avait initiées ;

Que la société Docks de France SASM prétend que la société ITM Entreprises ne peut se plaindre de ce qu'elle n'ait pu exercer le " droit de préemption " convenu puisqu'elle avait renoncé à s'en prévaloir en refusant d'acquérir les actions, et que la société SASM a pris le contrôle des sociétés franchisées par voie légale et statutaire d'une augmentation de capital et non par acquisition de titres ;

Qu'elle soutient que les sociétés Bangor et Fremarc entendaient poursuivre l'exécution des contrats de franchise et reproche à la société ITM Entreprises de s'y être opposée alors que le fait que la société SASM " exploite une enseigne concurrente " ne justifiait pas ce refus et que la société Docks de France SASM ne saurait répondre d'éventuelles fautes de ses franchisées, fut-elle leur actionnaire majoritaire ;

Qu'elle impute donc la rupture des relations contractuelles à la société ITM Entreprises, conteste subsidiairement l'évaluation du préjudice allégué et soutient que les actions intentées par la société ITM Entreprises sont abusives ; qu'elle demande à la Cour de confirmer le jugement et d'y ajouter 200 000 francs de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire et 40 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Considérant que par conclusions signifiées le 1er décembre 1997 la société ITM Entreprises demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle entend interrompre la péremption d'instance ; que la société de distribution Alsacienne déclarant venir aux droits de la société des Docks de France SASM a conclu le 16 avril 1998 sans opposer l'expiration du délai de préemption ; que l'instance ne saurait être déclarée éteinte ;

Considérant que par conclusions signifiées le 1er avril 1998 la société ITM Entreprises réitère sa demande de dommages-intérêts mais réduit à 30 000 francs l'indemnité pour frais irrépétibles qu'elle réclame ; qu'elle conteste avoir refusé d'acquérir le contrôle des sociétés Bangor et Fremarc et observe en particulier que les époux Lavergne ne lui ont notifié aucun prix de cession de leurs actions ; qu'elle soutient que :

- la société Docks de France SASM est un concurrent direct du groupe Intermarché qui est parvenu, par cette prise de contrôle de deux franchisés Intermarché implantés en région parisienne, à s'approprier deux des points de vente du groupe et à désorganiser le réseau Intermarché dont toutes les sociétés franchisées sont liées au groupe par une convention d'adhésion contraignant les animateurs de ces sociétés à participer activement au fonctionnement du groupe,

- la prise de contrôle des société Bangor et Fremarc a été aussitôt suivie d'un remplacement de ses dirigeants et a eu pour conséquence directe la rupture des contrats de franchise car elle donnait à un concurrent accès au savoir-faire du franchiseur et constituait, sous l'artifice d'augmentations de capital frauduleuses par leur motivation, une violation du droit de préemption de la société ITM Entreprises,

- les augmentations de capital ont été décidées dans des conditions irrégulières en violation des articles 8 F, 10 et 17 des contrats de franchise adoptés afin d'assurer la cohésion et la solidité du groupe, et l'ampleur des apports de la société SASM, pas moins de 33 040 643 francs, suffit à démontrer que la société SASM a choisi la voie de l'augmentation de capital beaucoup plus onéreuse que l'acquisitions d'actions ou du fonds de commerce de sociétés en état virtuel de cessation des paiements parce qu'elle entendait empêcher l'exercice du droit de préemption dont la société ITM Entreprises bénéficiait si elle s'engageait dans l'une ou l'autre des autres voies,

- elle demande à la société Docks de France SASM de réparer au titre de sa responsabilité quasi délictuelle les conséquences en termes de concurrence de sa complicité des fautes contractuelles de ses franchisés ou de sa fraude et de l'abus qu'elle a fait de son droit de souscription aux augmentations de capital contestées ;

Considérant que la société de Distribution Alsacienne réplique le 16 avril 1998 que sa prise de contrôle licite des sociétés Bangor et Fremarc ne justifiait pas le refus de livraison des commandes de ces sociétés que la société ITM Entreprises leur a opposé ; qu'elle précise que si son enseigne est " Mammouth ", elle approvisionne parfois aussi des magasins " Super U " et " Prisunic " et que la société ITM Entreprises pouvait en faire autant pour deux magasins " Intermarché " passés sous le contrôle du groupe " Mammouth " ;

Qu'elle conteste que les dispositions des contrats de franchise aient été volées, observe que les sociétés franchisées n'ont pas été mises en cause et prétend qu'il n'existe aucune cause de rupture des liens unissant franchiseur et franchisés ;

Qu'elle reprend les demandes de la société Docks de France SASM ;

Considérant que par " contrat d'adhésion " du 22 avril 1980 déclarant tenir compte de sa " personnalité ", Robert Lavergne a été autorisé à constituer une société appelée à exploiter, sous couvert d'une convention de franchise, un supermarché sous panonceau " Intermarché " propriété de la société ITM Entreprises; qu'en contrepartie d'une transmission du savoir-faire et de l'assistance collective des autres franchisés, il s'est engagé notamment à préserver les secrets du " groupe ", à assurer personnellement la gestion de l'entreprise franchisée, à participer aux services communs dans le cadre d'un " tiers temps " dû au groupe et à

- informer le " groupe " et plus précisément la société ITM Entreprises de toutes modifications qui apparaîtraient dans la direction ou la composition du capital de la société franchisée ainsi que de toute évolution susceptible d'engendrer de telles modifications,

- " aviser " la société ITM Entreprises, actionnaire de chacune de ses sociétés franchisées et bénéficiaire d'un " droit de préemption ", s'il " envisageait " de céder tout ou partie de sa participation au capital de la société franchisée et s'il décidait de céder, de notifier au préalable par lettre recommandée avec accusé de réception les propositions de cession avec indication du nombre d'actions cédées et du prix de vente, afin de faire courir le délai de deux mois accordé à la société ITM Entreprises pour exercer son droit de préemption à ce prix ou à tout autre convenu ou défini à dire d'expert ;

Que Robert Lavergne a admis que le contrat de franchise serait indissociable de cette convention et que la clause de préemption était si " essentielle " que sans elle le contrat d'adhésion au " groupe " Intermarché n'aurait pas été conclu ;

Considérant que Robert Lavergne et son épouse ont en réalité constitué avec l'accord de la société ITM Entreprises deux société anonymes Bangor et Fremarc qui ont conclu sous la signature de l'adhérent, Robert Lavergne, principal actionnaire des sociétés franchisées, les 25 mars 1981 et 12 janvier 1988 chacune un contrat de franchise avec la société ITM Entreprises représentée par la société ITM France pour l'exploitation de deux hypermarchés différents à l'enseigne Intermarché ; que ces deux contrats de franchise sont indissociables l'un de l'autre du contrat d'adhésion conformément à la commune intention des parties ;

Considérant que les deux contrats de franchise rappellent dans leur préambule les principes selon lesquels le " groupe " Intermarché avec ses franchisés et ses filiales d'approvisionnement a été constitué et fonctionne, et précise

- en ses articles 2, 3, 4, et 6 que la société franchisée s'engage à n'adhérer à aucun groupement d'achats autre qu'agréé par le groupe Intermarché, à ne céder des marchandises à aucun concurrent, à respecter la politique de prix du groupe et à ne divulguer à aucun étranger au groupe des informations quelles qu'elles soient concernant le groupe,

- en son article 10 que la cession ou la location du fonds de commerce, son apport à une autre société, la fusion avec une autre société ou l'exercice du commerce ou de l'activité de la société franchisée sous un autre panonceau ou une autre enseigne constituent des " fautes graves entraînant la rupture immédiate du contrat de franchise et la possibilité d'une demande de dommages-intérêts ",

- en son article 17 entre autres dispositions que la société franchisée s'engage à adresser à la société ITM Entreprises les rapports au conseil d'administration et les procès verbaux des conseils d'administration concernant des modifications de la composition du conseil et d'une manière générale tous les documents juridiques et " sociaux d'une certaine importance " ;

- en son article 63 que " pour assurer la cohésion et la solidité du groupe " la société ITM Entreprises bénéficie d'un droit de préemption en cas de cession de fonds de commerce ;

Qu'il résulte de ces dispositions concordantes que leurs signataires ont voulu indissociables et conclues intuitu personae, que la société ITM Entreprises franchiseur Intermarché disposait d'un droit de préemption applicable à toute cession du contrôle des sociétés franchisées ou de leurs fonds de commerce, et que Robert Lavergne, tant pour lui-même que pour le compte des sociétés franchisées Bangor et Fremarc, s'était engagé à mettre la société ITM Entreprises à même d'exercer son droit de substitution par une information préalable appropriée;

Considérant que la société de Distribution Alsacienne aux droits de la sociétés Docks de France SASM n'établit pas qu'elle ignorait ces dispositions, qu'il n'est pas concevable qu'elle ait envisagé qu'un groupe commercial similaire au sien n'ait pas tenté de préserver sa cohésion et son intégrité par des clauses contractuelles appropriées ni qu'elle se soit engagée dans deux opérations d'augmentation du capital de sociétés en état virtuel de cessation des paiements et d'apports de plus de trente deux millions de francs sans une analyse préalable des conventions liant les sociétés Bangor et Fremarc au groupe Intermarché ;

Qu'elle doit en conséquence répondre, par application de l'article 1382 du code civil, des conséquences de sa participation aux opérations qui ont permis au groupe concurrent Mammouth de prendre le contrôle de deux points de vente du groupe Intermarché au mépris du droit de préemption qu'elle savait réservé à la société ITM Entreprises, à moins qu'elle n'apporte la preuve de ce que cette société préalablement informée avait renoncé à son droit ;

Qu'il importe peu en effet que la double prise de contrôle ait été opérée par voie d'augmentations de capital régulières ou non ; que cette voie astucieuse n'avait pas été expressément envisagée par les signataires des conventions ; qu'il n'en est pas proposé de justification autre que l'existence d'une faculté de préemption du franchiseur ; qu'elle aboutissait en revanche au résultat qui était celui contre lequel Robert Lavergne et les associés Bangor et Fremarc avaient accepté que la société ITM Entreprises se protège par les clauses litigieuses de préemption ;

Qu'elle eut été nécessairement exclue si les parties avaient eu conscience du subterfuge qu'elle offrait ; que la société ITM Entreprises ne pouvait conclure en effet des contrats de franchise en acceptant que ses franchisés passent sous le contrôle d'un groupe concurrent et lui apportent ses secrets commerciaux ; que les sociétés franchisées ne pouvaient envisager et encore moins exiger que leur franchiseur accepte de limiter son droit de préemption ;

Que passer sous contrôle d'un concurrent du réseau était contraire, quelque soit la voie adoptée, à la volonté commune exprimée par les parties lors de la signature des contrats; qu'une convention doit s'exécuter loyalement ;

Considérant que la société de Distribution Alsacienne verse aux débats, afin de tenter d'apporter la preuve de ce que la société ITM Entreprises aurait été informée d'un projet d'une double cession et de sa transformation en augmentations de capital des sociétés cédées, les copies de :

- deux lettres du 7 juillet 1992 de Robert et Jacqueline Lavergne ainsi rédigées : " Me proposant de vendre les parts sociales de la société qui exploite le magasin de Montreuil sous Bois " pour l'une et de Neuilly sur Marne pour l'autre, " je vous demande de bien vouloir me remettre tous les originaux des documents qui lient tant la société Bangor " pour lune et la société Fremarc pour l'autre " que moi-même au groupement. D'après mes souvenirs il y aurait au moins un contrat d'adhérent et contrat de franchise " ;

- deux lettres de la société ITM Entreprises adressées à Robert et Jacqueline Lavergne le 21 juillet 1992 les informant de ce que leurs lettres du 7 juillet 1992 évoquant leur intention de céder leurs actions des sociétés Bangor et Fremarc ne répondaient pas aux conditions contractuelles de fonds et de forme et parce qu'elles ne contenaient pas les informations prévues par les articles 4 du contrat d'adhésion et 63 du contrat de franchise,

- deux convocations adressées le 17 décembre 1992 à la société ITM Entreprises en tant qu'actionnaire des sociétés Bangor et Fremarc concernant des assemblées générales extraordinaires prévues pour le 4 janvier 1993 appelées à se prononcer sur des augmentations de capital de 5252 500 et 658 000 francs par voie d'apports sans autres précision,

- des lettres des 4, 8 et 11 janvier 1993 informant la société ITM Entreprises de la réalisation effective des augmentations de capital susvisées, de la prise de contrôle des sociétés Bangor et Fremarc par la société Alsacienne de supermarchés et de la nomination de nouveaux présidents directeurs généraux qui se déclaraient désireux d'exécuter les contrats de franchise dont ils demandaient communication ;

Considérant que ces documents n'apportent aucune preuve d'une information préalable de la société ITM Entreprises ; qu'ils confirment en revanche que celle-ci a été victime d'une violation délibérée de son droit de préemption puisque :

- la volonté initiale des époux Lavergne était apparemment de céder leurs actions assurant le contrôle des sociétés Bangor et Fremarc dont la survie était compromise par une diminution très sensible des chiffres d'affaires et l'accumulation des pertes,

- ni l'identité du cessionnaire ni un prix de cession n'ont été portés à la connaissance de la société ITM Entreprises afin que celle-ci ne puisse prendre position,

- les convocations aux assemblées générales ne faisaient pas état de ce que la souscription des actions créées était réservée à un tiers, de surcroît concurrent du groupe Intermarché, et mentionnaient des montants anodins d'augmentation du capital des deux sociétés concernées sans commune mesure avec la réalité des apports considérables par primes d'émission prévus,

- les lettres d'information des 4, 8 et 11 janvier 1993 ont été rédigées après que les augmentations de capital aient été votées et les surprenantes demandes de communication des contrats d'adhésion et de franchise trahissent en réalité la conscience de la fraude des participants dont il est inconcevable qu'aucune des sociétés franchisées n'en ait disposé et que la société SASM ait traité sans en avoir pris connaissance,

- la voie de l'augmentation du capital, plus onéreuse que celles d'une cession d'actions de sociétés en état virtuel de cessation des paiements, n'a pu être choisie que parce que les autres voies étaient ostensiblement bloquées,

- cette voie ne désavantageait que le groupe Intermarché, les époux Lavergne retrouvant, en dépit de la dilution du capital des sociétés, dans la valorisation de leur participation minoritaire du fait d'apports qui auraient pu être réalisés autrement, largement le prix dérisoire qu'ils auraient pu retirer de la cession de leurs actions ;

Considérant qu'il est dès lors inutile de rechercher si de surcroît les assemblées générales seraient nulles faute de régularité des convocations ; qu'il est établi en effet que par une action concertée entre les époux Lavergne et la société SASM aux droits de laquelle se trouve la société de Distribution Alsacienne, frauduleuse parce qu'elle violait les engagements contractuels des franchisés, la société ITM Entreprises a été privée de toute faculté d'exercer son droit de préemption et a appris que son réseau était amputé de deux magasins alors que la captation frauduleuse était accomplie;

Que la société SASM a participé, en pleine connaissance du dommage qui allait en résulter pour le groupe Intermarché, à cette violation des engagements contractuels des société Bangor et Fremarc et de leurs dirigeants ; qu'elle s'est livrée ce faisant à une captation illicite de deux points de vente du réseau concurrents dont elle a perturbé l'organisation en diminuant son implantation géographique et ses possibilités d'intervention commune de ses centrales d'achat ; que ces faits constituent un acte de concurrence déloyale dont elle doit répondre quand bien même les autres participants ne seraient pas mis en cause ;

Considérant que la faute commise par les sociétés Bangor et Fremarc constitue enfin une cause contractuelle de résiliation des contrats de franchise; qu'elle est au surplus d'une gravité telle que la protection du réseau que le franchiseur doit à ses franchisés, impliquait l'exclusion immédiate des fautifs susceptibles de révéler aux dirigeants d'un groupe concurrent les secrets du réseau Intermarché ; que la société de Distribution Alsacienne n'est donc pas fondée à se prévaloir d'offres hypocrites de poursuite des contrats de franchise et à reprocher à la société ITM Entreprises des faits postérieurs au passage sous le contrôle de son concurrent des sociétés Bangor et Fremarc, tels que des refus de livraison,

Considérant que la Cour ne dispose pas en revanche d'éléments suffisants pour chiffrer le préjudice causé à la société ITM Entreprises, qu'elle se réserve la faculté de tenir compte de ce que la société ITM Entreprises qui ne s'est pas fait représentée aux assemblées générales susvisées, a pu participer à la réalisation du dommage en négligeant de se préoccuper de la situation de ses franchisés et des projets de leurs dirigeants ; qu'il convient d'ordonner une expertise et d'accorder une provision ;

Par ces motifs : Infirme la décision déférée en toutes ses dispositions, Dit que bien que réalisée par la voie d'augmentations de capital la prise de contrôle litigieuse par la société alsacienne de supermarché SASM des sociétés Bangor et Fremarc alors franchisées Intermarché, constitue une violation des engagements résultant des conventions d'adhésion et de franchise liant les époux Lavergne et les sociétés qu'ils ont constituées, à la société ITM Entreprises, Dit que la participation de la société SASM à la fraude au droit de préemption de la société ITM Entreprises constitue un acte de concurrence déloyale dont elle doit répondre par application de l'article 1382 du code civil, Constate que la société de Distribution Alsacienne vient aux droits de la société SASM et doit réparer le préjudice causé, Réserve l'éventuelle participation de la société ITM Entreprises à la réalisation de son préjudice, Avant dire droit plus avant, Ordonne une expertise à l'effet de rechercher par toutes auditions, recherches d'ordre comptable et investigations appropriées, les éléments permettant à la Cour de définir et chiffrer les conséquences dommageables pour la société ITM Entreprises de la fraude à son droit de préemption dont elle a été victime et qui a eu pour conséquence que les magasins des sociétés Bangor et Fremarc ont quitté son réseau, Commet M. Bernard Charrin, 65 avenue Kleber 75126 Paris, téléphone 01 47 27 58 44, expert près la Cour d'appel de Paris pour y procéder, Dit que la société ITM Entreprises devra consigner au greffe la somme de 80 000 francs à valoir sur les honoraires avant le 1er septembre 1998 ; Dit que cette somme doit être versée au régisseur d'avances et de recettes de la Cour d'appel de Paris, 34 quai des Orfèvres 75055 Paris Louvre SP, Dit que l'expert devra déposer son rapport en double exemplaire au service de la mise en état de la Cour d'appel dans les 10 mois de sa saisine, Condamne la société de Distribution Alsacienne à verser d'ores et déjà 1 500 000 francs à la société ITM Entreprises à titre de provision sur les dommages-intérêts dus, ainsi que 30 000 francs pour ses frais irrépétibles présents, La condamne en tous les dépens de première instance et d'appel exposés à ce jour, Admet la société civile professionnelle Varin Petit, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.