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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 1 juillet 1998, n° 96-17339

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Mary Quant Limited (Sté), Quant Cosmetic Japan Co Limited (Sté)

Défendeur :

André Courrèges (SA), Courrèges Design (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Duvernier

Conseillers :

Mme Mandel, M. Lachacinski

Avoués :

SCP Lagourgue, SCP Teyaud

Avocats :

Mes Lecomte, Greffe

TGI Paris, 3e ch., 1re sect., du 7 mai 1…

7 mai 1996

Faits et procédure

Référence étant faite au jugement entrepris pour l'exposé des faits, de la procédure et des moyens antérieurs des parties, il suffit de rappeler les éléments essentiels suivants :

La société de droit britannique Mary Quant Limited (ci-après dénommée Mary Quant) est titulaire des deux marques figuratives ci-dessous représentées déposées la première le 11 mars 1977 pour désigner en classe 25 les vêtements, renouvelée dans le dernier état le 21 février 1997 et enregistrée sous le n° 1 397 085 et la seconde le 16 décembre 1982 pour désigner en classe 9 les montures de lunettes et étuis à lunettes, lunettes de soleil, renouvelée le 30 novembre 1992 et enregistrée sous le n° 1 222 012 ;

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Ayant eu connaissance à la fin de l'année 1994 de ce que la société André Courrèges commercialisait tant en France qu'au Royaume Uni et au Japon des vêtements et accessoires comportant le dessin stylisé d'une fleur à cinq pétales, les sociétés Mary Quant et Mary Quant Cosmetic Japan l'ont, par exploits en date des 21 et 27 décembre 1994 assignée devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon des marques susvisées et en concurrence déloyale ;

Elles sollicitaient outre les mesures habituelles d'interdiction et de publication, la condamnation de la société André Courrèges à payer à chacune d'elles la somme de 500 000 francs à titre de dommages et intérêts outre une somme de 50 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;

La société André Courrèges soulevait la déchéance des droits de la société Mary Quant sur les deux marques figuratives pour défaut d'exploitation et invoquant des droits antérieurs sur le dessin de la fleur stylisée à cinq pétales concluait à l'indisponibilité de ce signe et à la nullité des marques de Mary Quant ;

A titre subsidiaire elle invoquait l'absence de préjudice ;

Enfin elle formait une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 200 000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et réclamait paiement d'une indemnité de 30 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;

Le tribunal après avoir retenu que l'action en déchéance était recevable et que l'exploitation qu'avait faite Mary Quant de ses marques présentait un caractère sporadique et n'était pas réelle, a prononcé la déchéance des droits de cette société sur les marques 1 397 085 et 1 222 012 à compter du 4 décembre 1995 ;

Par ailleurs, estimant que le dessin dont se prévalait André Courrèges n'était pas original, il a dit qu'en reproduisant un dessin de fleur stylisée à 5 pétales cette société avait commis des actes de contrefaçon des marques susvisées appartenant à Mary Quant Limited et l'a condamnée à payer à cette dernière la somme de 50 000 francs à titre de dommages et intérêts ;

Il a débouté les sociétés Mary Quant et Mary Quant Cosmetic Japan du surplus de leurs demandes et la société André Courrèges de sa demande reconventionnelle ;

Les sociétés Mary Quant et Mary Quant Cosmetic Japan ont interjeté appel de cette décision le 21 juin 1996 et ayant eu connaissance de ce que la société Courrèges Design avait déposé le 9 mai 1996 à titre de marque le dessin d'une fleur stylisée à cinq pétales pour désigner divers produits en classes 9, 14,18 et 25, marque enregistrée sous le n° 96 624 669 elles ont, par exploit en date du 2 octobre 1997, assigné cette société en intervention forcée devant la Cour ;

Dans le dernier état de leurs écritures, elles demandent à la Cour de :

- dire et juger que l'action en déchéance des deux marques 1 397 085 et 1 222 012 est irrecevable et subsidiairement mal fondée

- dire et juger que la société André Courrèges a commis des actes de contrefaçon de ces marques et de concurrence déloyale

- la condamner à lui payer à titre de dommages et intérêts les sommes de 700 000 francs et 500 000 francs

- dire et juger qu'en procédant au dépôt de la marque 96 624 669 la société Courrèges Design a porté atteinte aux droits de Mary Quant sur ses marques 1 397 085 et 1 222 012 et commis des actes de contrefaçon

- constater que ce dépôt est frauduleux

- condamner in solidum les sociétés André Courrèges et André Courrèges Design au paiement d'une somme de 200 000 francs en réparation du préjudice causé par ce dépôt frauduleux

- prononcer des mesures d'interdiction sous astreinte de 30 000 francs par infraction constatée

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq magazines ou journaux de leur choix et aux frais in solidum des sociétés Courrèges à concurrence d'un montant de 100 000 francs HT

- condamner in solidum les sociétés Courrèges à leur payer une somme de 100 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile

Les sociétés Courrèges poursuivent la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance des droits sur les marques de Mary Quant Limited et débouté les sociétés appelantes de leur demande en concurrence déloyale ;

Formant appel incident pour le surplus, la société André Courrèges conclut à ce que la société Mary Quant soit déboutée de sa demande en contrefaçon de marques, à la nullité des dépôts de Mary Quant et réclame la condamnation des sociétés Mary Quant et Mary Quant Cosmetic Japan à payer à la société André Courrèges la somme de 200 000 francs à titre de dommages et intérêts outre celle de 30 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ainsi que diverses mesures de publication de la décision ;

Sur ce, la COUR :

Considérant qu'il convient à titre préliminaire, de relever que l'appel en intervention forcée de la société Courrèges Design ne fait l'objet d'aucune contestation ;

I. Sur la demande en déchéance

Considérant que Mary Quant fait valoir en premier lieu que la demande en déchéance est irrecevable aux motifs que les marques en cause ayant été déposées pour la première fois les 11 mars 1977 et 28 décembre 1972 et qu'un délai de plus de cinq ans s'étant écoulé depuis ces dépôts sans qu'une demande en déchéance n'ait été présentée sous l'empire de la loi du 31 décembre 1964, une demande en déchéance sur le fondement de l'article L. 714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle ne pouvait être introduite qu'après le 28 décembre 1996 ;

Qu'elle ajoute qu'en toute hypothèse la demande formée le 4 décembre 1995 est irrecevable comme ne visant pas la période d'inexploitation ;

Considérant que sur le fond, elle expose qu'elle justifie de l'exploitation de ses marques sur le territoire français en 1991, 1992 et jusqu'en 1993, que les volumes d'articles vendus étaient importants et que les dispositions de l'article L. 714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle n'exigent nullement que cette exploitation soit ininterrompue pendant un délai de 5 ans ;

Considérant que les sociétés Courrèges lui opposent que la demande en déchéance est recevable dans la mesure où elles ont précisé que la période à prendre en considération s'étale de décembre 1990 à décembre 1995 ;

Que sur le fond, elles soutiennent qu'aucune des pièces produites par Mary Quant n'est de nature à démontrer la réalité de l'exploitation des marques en France durant la période à prendre en considération ;

Considérant les moyens des parties étant ainsi exposés, que les dispositions de la loi du 31 décembre 1964 ayant cessé de produire leurs effets à compter du 28 décembre 1991 et la demande en déchéance des marques 1 397 085 et 1 222 012 ayant été formée par conclusions en date du 4 décembre 1995, elle est soumise à l'article L. 714- 5 du Code de la Propriété Intellectuelle ;

Que ce texte modifiant la date de prise d'effet de la déchéance, il s'ensuit que pour toute demande en déchéance formée avant le 28 décembre 1996 et déclarée recevable et fondée, la date de prise d'effet de la déchéance ne peut être que celle à laquelle la demande en déchéance a été formée sous peine de porter atteinte aux droits acquis de ce chef par le titulaire de la marque ;

Considérant que la société Mary Quant ne saurait en s'appuyant sur ce point sur l'avis de la Cour de Cassation du 2 mai 1994, soutenir que la demande en déchéance est irrecevable au motif qu'un délai de plus de cinq ans se serait écoulé depuis le dépôt des marques sans qu'une demande en déchéance ait été présentée sous l'empire de la loi du 31 décembre 1964, dès lors qu'en l'espèce les sociétés Courrèges ne soutiennent nullement que les marques auraient été inexploitées depuis la date de leur dépôt mais prétendent bien davantage que l'inexploitation de ces deux marques se situe entre le 4 décembre 1990 et le 4 décembre 1995, soit pour partie avant et pour partie après l'entrée en vigueur de la loi du 4 janvier 1991 ;

Que par ailleurs, il résulte des conclusions signifiées par la société André Courrèges (conclusions du 10 mars 1997 page 4) qu'elle entend que la déchéance prenne effet le 4 décembre 1995 ;

Que la demande en déchéance étant clairement définie et s'inscrivant dans les limites ci-dessus énoncées est recevable ;

Considérant que la société Mary Quant pour échapper à la déchéance de ses droits sur les marques litigieuses se doit de rapporter la preuve qu'elle en a fait un usage sérieux entre le 4 décembre 1990 et le 4 décembre 1995 ;

Mais considérant que l'article L. 714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle n'exige nullement que cet usage se soit prolongé tout au long de cette période sans discontinuité ;

Qu'il suffit qu'au cours de celle ci, la marque ait été exploitée de manière publique et non équivoque, que l'usage n'en ait pas été sporadique et dérisoire ;

Considérant qu'en l'espèce, la société Mary Quant rapporte la preuve par :

- de très nombreuses factures adressées à la société de droit français Brittany Ferries dont le siège social est à Roscoff et dont les navires effectuent des liaisons entre la France et la Grande Bretagne

- un dépliant de la société Brittany Ferries imprimé le 1er septembre 1992 et un catalogue de la même société de l'année 1991 comportant une liste de produits Mary Quant avec leur prix et une photographie en couleurs montrant des mannequins revêtus de paréos, tee shirts, bermudas, shorts avec en haut à droite la représentation de la marque constituée de la fleur stylisée

- une attestation du directeur des Services Hôteliers de Brittany Ferries

- la production de paréos, tee shirts, panchos en nylon, dont il n'est pas contesté qu'ils sont conformes à ceux vendus sur les navires de Brittany Ferries, comportant une étiquette en tissu reproduisant une fleur stylisée à cinq pétales et pour certains un emballage dans lequel est inséré un feuillet en couleurs sur lequel cette marque est également reproduite

qu'entre mai 1991 et fin 1992 elle a vendu régulièrement des shorts, tee shirts, paréos, bermudas et ponchos imperméables à la Société de droit français Brittany Ferries laquelle les a commercialisés sur ses navires battant pavillon français et assurant des liaisons entre la France et la Grande Bretagne, observation étant faite que les références Rio, Harlequin, Kaleidoscope, Blue Lagoon portées sur plusieurs des factures d'une part correspondent aux modèles photographiés dans le catalogue Mary Quant (pièce 4-1) d'autre part sont présentées avec la reproduction de la marque de la fleur stylisée à cinq pétales ;

Qu'il importe peu que chaque livraison n'ait portée que sur une ou deux dizaines d'exemplaires pour chacun des articles, dès lors que ces achats avaient lieu plusieurs fois par mois si on se rapporte aux factures ;

Considérant en conséquence, que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance des droits de la société Mary Quant sur la marque 1 397 085 ;

Considérant en revanche, que s'agissant de la marque 1 222 012 les sociétés appelantes ne justifient pas en avoir fait un usage sérieux entre le 4 décembre 1990 et le 4 décembre 1995 ;

Considérant en effet, qu'aucun des documents émanant de la société Brittany Ferries ne fait référence à des lunettes Mary Quant ;

Qu'il en est de même pour les factures adressées aux sociétés Hoverspeed Limited et P & O Ferries ;

Que Monsieur Gaston Dreyfus qui exploite un magasin à Mulhouse atteste simplement avoir vendu des collants ;

Que si Mary Quant justifie avoir commercialisé 225 paires de lunettes de soleil à la société IBS, il résulte du document douanier versé aux débats que cette vente est intervenue en juin 1989, soit en dehors de la période en cause ;

Considérant par ailleurs, que si le catalogue de la société IBS France 91-92 propose des lunettes pliantes Mary Quant, cette commercialisation présente un caractère équivoque dans la mesure où d'une part cette société ne les vend qu'à des diplomates et où d'autre part seule la marque dénominative Mary Quant est gravée sur les lunettes pliantes ;

Considérant que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance des droits de Mary Quant Limited sur la marque 1 222 012 à effet du 4 décembre 1995 ;

II. Sur la contrefaçon

Considérant que les sociétés intimées font valoir que Mary Quant ne peut revendiquer la protection d'un genre fleur à cinq pétales et qu'il existe entre la marque de Mary Quant et le dessin de André Courrèges de nombreuses différences qui préviennent tout risque de confusion entre les deux signes ;

Qu'à titre subsidiaire, elle invoque ses droits privatifs antérieurs sur le dessin de la fleur stylisée à cinq pétales et soutient que les documents communiqués par les appelantes ne constituent pas " des antériorités de toutes pièces " ;

Considérant que les premiers juges ont justement retenu que la société André Courrèges établissait par différentes photographies datées qu'elle utilisait depuis 1964 le dessin d'une fleur stylisée à cinq pétales arrondis dépourvue de queue, laquelle était apposée sur des modèles de robes ;

Que les croquis et photographies communiqués démontrent que par la suite ce motif a été repris à la manière d'un symbole dans les différentes collections d'André Courrèges ;

Mais considérant que le tribunal a pertinemment estimé que ce dessin en tant que tel était dépourvu de toute originalité et insusceptible de bénéficier de la protection par le droit d'auteur ;

Considérant en effet, qu'il est prouvé par les extraits de catalogues et ouvrages datés mis aux débats que déjà en 1928 certains couturiers comme Molyneux et caricaturistes comme Ogilvy Grant reproduisaient sur des robes pour femmes un motif constitué d'une fleur stylisée à cinq pétales arrondis avec un coeur plus clair, dépourvue de queue et de feuilles ;

Que le même motif se retrouve dans l'ouvrage Paris Fashions à la page 89 sur un modèle de robe de 1926 ;

Considérant que si les modèles de vêtements créés par André Courrèges sont indéniablement originaux de par leur forme et/ou la combinaison des motifs, il demeure que la société André Courrèges ne peut prétendre bénéficier de droits d'auteur sur le dessin d'une fleur stylisée au tracé naïf prise en elle même, dès lors qu'il ne fait que reprendre sans modifications substantielles quant au tracé, un motif existant depuis les années 20 ;

Considérant en conséquence, que la société André Courrèges ne peut opposer aux sociétés appelantes aucun droit privatif antérieur aux dépôts des marques de la société Mary Quant ;

Considérant qu'un signe n'ayant pas besoin d'être original pour constituer une marque et le motif formé d'une fleur stylisée à 5 pétales arrondis de couleur sombre avec un coeur symbolisé par un cercle de couleur claire tel que déposé à titre de marque par Mary Quant étant arbitraire et distinctif pour désigner des vêtements ou des lunettes, les marques de Mary Quant sont valables ;

Considérant enfin, que contrairement à ce que soutiennent les sociétés André Courrèges, il résulte tant du procès-verbal de constat dressé par Maître Avalle huissier de justice les 18 et 20 octobre 1994 que des photographies publiées dans le magazine "l'Officiel" de décembre 1993 que la société Courrèges a apposé sur de nombreux modèles de vêtements (pull, robes, imperméables, collants) une fleur stylisée à cinq pétales arrondis dont le coeur est symbolisé par un rond évidé ;

Que les éléments essentiels de la marque 1 397 085 de Mary Quant à savoir la forme d'une fleur stylisée évoquant une marguerite, formée de cinq pétales arrondis et dont le coeur est rond sont donc reproduits ;

Que la substitution d'un rond évidé à un simple cercle et l'aspect légèrement moins arrondi des pétales ne sont pas de nature à prévenir le risque de confusion entre ce signe et la marque de Mary Quant pour un consommateur d'attention moyenne n'ayant pas les deux dessins simultanément sous les yeux ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que la société André Courrèges avait commis des actes de contrefaçon de la marque 1 397 085 ;

Considérant en revanche, qu'il n'est nullement établi que la société André Courrèges ait apposé le signe incriminé sur des lunettes ou des montures de lunettes avant le 4 décembre 1995, date à compter de laquelle Mary Quant est déchue de ses droits sur la marque 1 222 012 ;

Que la société Mary Quant Limited sera donc déboutée de sa demande sur ce point ;

Considérant que la marque 1 397 085 n'étant enregistrée que pour désigner des vêtements et la société appelante ne prétendant nullement dans ses écritures que les sacs soient des produits similaires aux vêtements, elle sera déboutée de sa demande en contrefaçon de marque en ce qu elle vise les sacs, objet du procès-verbal de constat du 5 janvier 1996 ;

Considérant que le 9 mai 1996 alors que le délai pour interjeter appel courait, la société Courrèges Design a déposé une marque figurative reproduisant le dessin d'une fleur stylisée à cinq pétales arrondis et dont le coeur est formé d'un cercle évidé et ce pour désigner divers produits en classes 9, 14, 18 et 25 ;

Considérant que si la société Mary Quant Limited qui est déchue à compter du 4 décembre 1995 de ses droits sur sa marque 1 222 012 pour désigner en classe 9 des montures de lunettes, étuis à lunettes et lunettes de soleil ne peut critiquer le dépôt susvisé en ce qu'il vise les produits de la classe 9, en revanche elle est bien fondée à soutenir qu'en déposant à titre de marque pour désigner des vêtements, deux jours après le prononcé du jugement, un signe jugé contrefaisant par le tribunal, la société Courrèges Design, dont il n'est pas contesté qu'elle entretient des liens étroits avec la société André Courrèges, a agi frauduleusement ;

Considérant au surplus, que pour les motifs ci dessus énoncés cette marque en ce qu'elle désigne les vêtements constitue la contrefaçon par imitation de la marque 1 397 085 sur laquelle la société Mary Quant Limited bénéficie de droits antérieurs et dont la demande en déchéance a été rejetée par la Cour ;

Considérant que la marque de Mary Quant n'étant enregistrée que pour désigner des vêtements et la société appelante ne soutenant nullement qu'il existe une similarité voire une complémentarité entre ces produits et ceux relevant des classes 14 et 18 visés au dépôt de la société Courrèges Design, la marque 96 624 669 sera uniquement annulée en ce qu'elle est enregistrée pour désigner en classe 25 les vêtements (habillement) pour hommes, femmes, enfants ; chaussures (à l'exception des chaussures orthopédiques) chapellerie ;

III. Sur la demande en concurrence déloyale

Considérant que les sociétés Mary Quant et Mary Quant Cosmetic Japan font grief à la société Andre Courrèges d'avoir vendu à l'étranger et notamment au Japon et en Grande Bretagne des articles portant un signe identique à celui protégé par les marques françaises de la société Mary Quant Limited;

Qu'elles font valoir de plus que la marque Mary Quant étant très connue dans ces deux pays, l'emploi par Andre Courrèges de la fleur stylisée révèle une volonté parasitaire de la part de cette société ;

Mais considérant que les sociétés appelantes ne rapportent pas la preuve que la société André Courrèges commercialise en Grande Bretagne ou au Japon les articles critiqués ;

Que s'agissant de la Grande Bretagne, le seul document produit est le numéro en langue anglaise du magazine " l'Officiel " de décembre 1993 qui ne cite les adresses que de boutiques André Courrèges sises à Paris ;

Considérant qu'en ce qui concerne le Japon, les pièces mises aux débats établissent que les produits Courrèges y sont vendus par l'intermédiaire de la société Fusen Usagi Corporation voire de la société Bell Ac Co. et non par la société André Courrèges ;

Que les marques déposées au Japon par Courrèges Design et ci-dessous reproduites sont tout à fait distinctes de celles de Mary Quant, étant constitués de deux signes évoquant des lettres et pour l'une une petite fleur qui se dresse sur sa queue et pour l'autre trois fleurs regroupées ;

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Considérant en conséquence, que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés appelantes de leur demande de ce chef ;

IV. Sur les mesures réparatrices

Considérant que les sociétés Mary Quant et Mary Quant Cosmetic Japan réclament tout d'abord réparation du préjudice par elles subi du fait du dépôt de la marque 96 624 669 ;

Que par ailleurs la société Mary Quant qui sollicite au titre de la contrefaçon la somme de 700 000 francs fait valoir que la société André Courrèges a non seulement porté atteinte à ses droits privatifs mais encore à contribuer à banaliser sa marque dans l'esprit du public ;

Considérant enfin qu'elle conteste avoir fait preuve de tolérance en France vis-à-vis de Courrèges ;

Considérant que les sociétés Courrèges lui opposent que son préjudice est nul dans la mesure où elle n'exploite pas ses marques en France ;

Que de plus elles prétendent que Mary Quant a attendu près de dix mois avant d'engager son action au fond ;

Considérant les moyens des parties étant ainsi exposés, qu'eu égard aux circonstances dans lesquelles la société Courrèges Design a déposé la marque 96 624 669 le préjudice subi par la société Mary Quant sera réparé par le versement d'une somme de 100 000 francs ;

Considérant qu'aucune condamnation ne serait être mise à la charge de la société André Courrèges de ce chef dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle ait fait usage de cette marque après le 9 mai 1996 (date du dépôt) pour désigner des vêtements ;

Considérant par ailleurs que la marque litigieuse étant une marque française, la société de droit japonais Mary Quant Cosmetic Japan ayant son siège à Tokyo et exerçant ses activités au Japon ne peut soutenir subir un quelconque préjudice du fait du dépôt de cette marque ;

Considérant que s'il a été ci-dessus démontré que la société Mary Quant exploitait sa marque 1 397 085 en France, il demeure qu'à ce jour elle ne justifie de la notoriété de celle-ci qu'en Grande Bretagne même si dans les années 1960 la créatrice Mary Quant avait influencé notablement la mode féminine française ;

Considérant de plus, que l'usage du signe jugé contrefaisant a toujours été associé aux créations de Courrèges vendues dans des magasins de luxe alors que les produits commercialisés jusqu'à la fin de l'année 1992 par Mary Quant sous la marque 1 397 085 étaient des articles d'habillement d'un prix peu élevé qui étaient distribués sur des navires assurant la liaison entre la France et la Grande Bretagne ;

Que ce n'est qu'en mai 1997 que s'est ouvert à Paris une boutique Mary Quant offrant à la vente des produits de beauté et des vêtements ;

Que le préjudice de Mary Quant qui s'analyse essentiellement comme une atteinte à ses droits privatifs sur la marque 1 397 085 sera réparé par l'attribution d'une somme de 100 000 francs ;

Considérant par ailleurs, que la Cour ayant rejeté la demande en déchéance pour la marque 1 397 085, il convient de faire droit aux mesures d'interdiction et de publication dans les conditions précisées au dispositif ;

IV. Sur la demande reconventionnelle

Considérant que la société André Courrèges qui succombe pour partie ne saurait qualifier d'abusive la procédure diligentée à son encontre ;

Qu'elle sera en conséquence déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;

V. Sur l'article 700 du NCPC

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 NCPC à la société André Courrèges et à la société Mary Quant Cosmetic Japan Co ;

Considérant en revanche qu'il y a lieu d'allouer à la société Mary Quant Limited une indemnité de 30 000 francs au titre des frais hors dépens par elle engagés ;

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a - prononcé la déchéance des droits de la société Mary Quant Limited sur la marque 1 222 012 à compter du 4 décembre 1995 ; Dit qu'en reproduisant un dessin de fleur stylisé à 5 pétales la société André Courrèges a commis des actes de contrefaçon de la marque 1 397 085 ; Débouté les sociétés Mary Quant Limited et Mary Quant Cosmetic Japan de leur demande en concurrence déloyale ; Le réformant pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant ; Dit les sociétés André Courrèges et Courrèges Design recevables mais mal fondées en leur demande en déchéance des droits de la société Mary Quant Limited sur la marque 1 397 085 ; Les déboute de leur demande en nullité des marques 1 397 085 et 1 222 012 ; Déboute la société Mary Quant Limited de sa demande en contrefaçon de la marque 1 222 012 ; Prononce la nullité de la marque 96 624 669 dont est titulaire la société Courrèges Design en ce qu'elle désigne en classe 25 les vêtements pour hommes, femmes, enfants, chaussures et chapellerie ; Dit qu'en déposant ladite marque la société Courrèges Design a commis des actes de contrefaçon de la marque 1 397 085 dont la société Mary Quant Limited est propriétaire; Condamne la société Courrèges Design à payer à la société Mary Quant Limited la somme de cent mille francs (100 000 francs) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du dépôt de la marque n0 96.624.669 ; Condamne la société André Courrèges à payer à la société Mary Quant Limited la somme de cent mille francs (100 000 francs) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de la marque ; Fait interdiction aux sociétés André Courrèges et Courrèges Design d'utiliser le signe contrefaisant à titre de marque, nom commercial, dénomination sociale, enseigne ou à titre ornemental lesdites interdictions étant limitées aux seuls vêtements et ce sous astreinte de 5 000 francs par infraction constatée passé un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt et pendant trois mois après quoi il sera de nouveau fait droit par la Cour qui se réserve expressément ce pouvoir ; Autorise la société Mary Quant Limited à faire publier le dispositif du présent arrêt in extenso dans trois revues ou journaux de son choix et aux frais des sociétés André Courrèges et Courrèges Design à concurrence de soixante mille francs HT (60 000 francs HT); Dit que le présent arrêt en ce qu'il prononce la nullité partielle de la marque 96 624 669 et la déchéance à compter du 4 décembre 1995 des droits de la société Mary Quant Limited sur la marque 1 222 012 sera transmis par le greffier de cette Cour à l'Institut National de la Propriété Industrielle aux fins d'inscription au registre national des marques ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes ; Condamne les sociétés André Courrèges et Courrèges Design à payer à la société Mary Quant Limited la somme de trente mille francs (30 000 francs) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ; Condamne la société André Courrèges aux dépens de première instance et d'appel ; Admet la SCP Lagourgue titulaire d'un office d'avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de Procédure Civile.