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Décisions

CA Nancy, 2e ch., 3 juin 1998, n° 96003236

NANCY

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Helsa (SA)

Défendeur :

Epau Nova (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lilti

Conseillers :

M. Malherbe, Mme Sammari

Avoués :

Me Bouglier-Desfontaines, SCP Merlinge-Bachwassermann

Avocats :

Mes Desforges, Tisserand.

T. com. Mirecourt, du 18 oct. 1996

18 octobre 1996

I - PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par jugement en date du 18 octobre 1996 signifié le 22 janvier 1997 auquel la Cour renvoie pour l'exposé des faits et les prétentions des parties en première instance, le Tribunal de Commerce de Mirecourt a :

- dit que la SA Helsa s'était livrée à des actes de concurrence déloyale en utilisant les références appartenant à la SA Epau Nova,

- interdit à la SA Helsa d'utiliser les références M4 - M5 - 525 - 625 N 150 - R10 - R 13 - R200 - R2000, sous astreinte de 300 F par infraction constatée à compter du 3e jour de la signification du présent jugement,

- ordonné la publication du dispositif du jugement dans un journal professionnel au choix du demandeur et précisé que le coût de la publication limité à 5 000 F sera supporté par la SA Helsa,

- condamné la SA Helsa à payer à la SA Epau Nova la somme de 20 000 F au titre des dommages et intérêts,

- dit mal fondé le demandeur sur le surplus de ses demandes et conclusions,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- condamné la SA Helsa France à payer à la SA Epau Nova la somme de 10 000 F au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,

- condamné la SA Helsa aux dépens.

La SA Helsa a relevé appel de ce jugement le 23 octobre 1996 et pris les 11 mars et 27 août 1997 les conclusions suivantes :

" Déclarer l'appel interjeté par la SA Helsa tant recevable que bien fondé,

" Y faisant droit,

" Réformer la décision entreprise,

" Débouter la SA Epau Nova de l'ensemble des ses demandes,

" La condamner à 50 000 F de dommages et intérêts pour procédure abusive et violation de droits fondamentaux inscrits au code de procédure civile,

" Ordonner la publication de la décision à intervenir,

" Condamner Epau Nova à 10 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La SA Helsa fait valoir que les références d'un produit ne peuvent faire l'objet d'une protection ni même d'un dépôt.

Qu'en effet une référence ne peut être en aucun cas être assimilée à une marque.

Que d'ailleurs la simple utilisation d'une référence ne peut non plus permettre à la SA Epau Nova de fonder une action en concurrence déloyale.

Qu'elle ne démontre pas une utilisation exclusive au profit de la SA Helsa.

Que tout au contraire ce sont ses clients, les grossistes en articles de confection, qui utilisent ces références en passant commande.

Qu'ainsi lesdites références sont communément utilisés par les commerçants clients des deux sociétés,

Qu'aucune faute ne peut donc lui être reprochée.

Pour sa part la SA Epau Nova a conclu les 7 mai 1997 et 8 septembre 1997 en ces termes :

" Confirmer le jugement dont appel.

" En application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, condamner Helsa à payer la somme de 20 000 F.

" La condamner aux entiers dépens.

La SA Epau Nova maintient qu'en utilisant des références créées par elle, la SA Helsa fait preuve d'un comportement déloyal et de sa volonté de créer une confusion dans l'esprit de la clientèle.

La procédure clôturée le 16 novembre 1997 a été appelée à l'audience du 19 novembre 1997.

II - MOTIFS DE LA DECISION :

1) Sur les faits de concurrence déloyale :

Attendu que les sociétés Epau Nova dont le siège est à Mathay (Doubs) et Helsa située à Darney (Vosges) fabriquent et commercialisent des épaulettes pour la confection de vêtements et fournissent aussi bien les couturiers que les chaînes spécialisées et la grande distribution ;

Attendu que la Sté Epau Nova reproche à la Sté Helsa d'utiliser ses références notamment dans les offres de prix qu'elle adresse à ses clients ;

Attendu qu'il est établi et d'ailleurs non contesté par Helsa que cette société a utilisé pour désigner ses produits (épaulettes) les références suivantes :

1) comportant une lettre et un ou plusieurs chiffres :

M4 - M5 - N150 - R10 - R13 - R200 - R2000

2) comportant 3 chiffres :

525 - 625

3) comportant une lettre, un chiffre et 3 lettres :

M4 Rec - M5 Rec

Attendu qu'il est établi et non contesté par la Sté Helsa que la Sté Epau Nova utilisait les références suivantes :

M4 à compter du 25 avril 1980

M5 à compter du 25 avril 1980

525 à compter du 14 janvier 1980

625 à compter du 16 janvier 1985

N150 à compter du 25 juillet 1986

R10 à compter du 10 décembre 1982

R13 à compter du 22 mars 1991

R200 à compter du 10 décembre 1982

R2000 à compter du 23 septembre 1983

Attendu que ces références ne correspondent ni à l'épaisseur, ni à l'envergure, ni à la profondeur des épaulettes ;

Qu'en fait il s'agit plutôt de références données aux types d'épaulettes de façon totalement arbitraire par leur créateur ;

Attendu comme le tribunal l'a relevé que le fait que certains grossistes ou commerçants les utilisent dans leurs commandes d'épaulettes ne fait que traduire la notoriété des produits d'Epau Nova et n'autorise pas la Sté Helsa a reproduire ses références dans ses documents commerciaux alors que ces références ne correspond ni à une normalisation ni à un mode de désignation inévitable des épaulettes;

Attendu que " l'usage par un fabriquant d'un système de numérotation propre à un concurrent est, de nature à créer une confusion dans l'esprit de la clientèle " (Cass. Ch. Comm. 4 juillet 1973 ; Bull. IV n° 2236 p. 213) ;

Qu'en l'espèce les offres de prix faites par la Sté Helsa démontrent que celle-ci n'hésite pas s'approprier les références d'Epau Nova créant ainsi une confusion dans l'esprit de la clientèle;

Que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont fait droit à demande d'Epau Nova, le comportement de la Sté Helsa devant être considéré comme déloyal ;

2) Sur le préjudice occasionné à la Sté Epau Nova :

Attendu que le trouble commercial occasionné à la Sté Epau Nova en raison de la confusion ou du risque de confusion dans l'esprit des clients entre ses produits et ceux de la Sté Helsa a été justement apprécié par le Tribunal de Commerce ;

Attendu que l'appel de la Sté Helsa a occasionné à la Sté Epau Nova des frais judiciaires non compris dans les dépens et qu'il convient d'évaluer à la somme de 15 000 F ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit la Sté Helsa en son appel du jugement du Tribunal de Commerce de Mirecourt en date du 18 octobre 1996, Au fond, Confirme ledit jugement en toutes ses dispositions, Rejette comme non fondée la demande reconventionnelle de la Sté Helsa, Condamne en outre la Sté Helsa à verser à la Sté Epau Nova la somme de 15 000 F (Quinze mille Francs) en remboursement de ses frais judiciaires d'appel non compris dans les dépens, La condamne aux dépens de la procédure d'appel, Autorise Me Bouglier-Desfontaines, Avoué, à recouvrer directement ceux dont il a fait l'avance (articles 696 à 699 du Nouveau code de procédure civile).