Cass. com., 19 mai 1998, n° 96-16.042
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Chanel (SA)
Défendeur :
Capitolina Profumi (Srl), Via Frattina (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Léonnet
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
Me Capron, SCP Le Bret, Laugier.
LA COUR : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Pau, 8 février 1996) que la société Chanel qui commercialise des parfums par l'intermédiaire d'un réseau de distribution sélective a fait constater par huissier que la société Via Frattina vendait, dans la parfumerie qu'elle exploite à Pau, des parfums Chanel qui lui sont vendus par la société de droit italien Capitolina Profumi, alors que la société Via Frattina ne fait pas partie du réseau de distribution sélective institué par le fabricant ; que la société Chanel estimant que ces agissements étaient constitutifs de concurrence déloyale à son égard a assigné les deux sociétés devant le tribunal de commerce en paiement de dommages-intérêts et pour qu'il soit mis fin à cette pratique ;
Sur le moyen unique pris en sa première branche ; - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter la demande de la société Chanel l'arrêt énonce que l'acquisition des produits en question par la société Via Frattina auprès de la société Capitolina Profumi, opération commerciale réalisée entre deux commerçants de deux États membres de la Communauté économique européenne, n'est pas fautive et ne peut constituer en soi un acte de concurrence déloyale ; qu'il n'est pas justifié que les conditions de vente étaient de nature à porter atteinte à l'image de la marque Chanel et que la présence de seulement deux flacons, sans mention restrictive particulière quant aux modalités de leur vente aux consommateurs ne pouvait être de nature à faire croire à la clientèle que cette parfumerie était agréée par la marque dont le produit était revêtu ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses propres constatations que la société Via Frattina n'avait en stock que deux flacons de parfums, ce dont il résultait que, n'appartenant pas au réseau de distribution sélective mis en œuvre par la société Chanel, la société n'avait acheté ces produits que pour servir de " marques d'appel ", la cour d'appel a violé le texte susvisé;
Et sur la seconde branche du moyen ; - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter la demande de la société Chanel l'arrêt énonce que l'acquisition des produits en question par la société Via Frattina auprès de la société Capitolina Profumi, opération commerciale réalisée entre deux commerçants de deux États membres de la Communauté économique européenne, n'est pas fautive et ne peut constituer en soi un acte de concurrence déloyale ; qu'il n'est pas justifié que les conditions de vente étaient de nature à porter atteinte à l'image de marque de Chanel, et que la présence de seulement deux flacons sans mention restrictive particulière quant aux modalités de leur vente aux consommateurs ne pouvait être de nature à faire croire à cette clientèle que cette parfumerie était agréée par la marque dont le produit était revêtu ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en vendant deux flacons de parfum Chanel avec un emballage sur lequel la mention " ne peut être vendu que par des distributeurs agréés " avait été oblitérée, la société Via Frattina, qui n'apportait pas la preuve de ce qu'elle avait acquis régulièrement ces produits afin de les revendre, portait atteinte à l'image de la marque en laissant entendre que ce parfum pouvait être vendu sur le territoire national par des magasins n'appartenant pas au réseau de distribution sélective mis en œuvre par le fabricant et dont la licéité n'était pas contestée, la cour d'appel a violé le texte susvisé;
Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qui concerne le rejet de la demande formée par la société Chanel contre la société Via Frattina, l'arrêt rendu le 8 février 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen.