CA Paris, 4e ch. A, 6 mai 1998, n° 96-01251
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Transfer (SARL), Fédération de la Formation Professionnelle
Défendeur :
Association Nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes, AFPA International (Sté), Lafond, Lauriat, ABSL Euroqualification, Caviale, Lauriat, Terrin, Fagot, Lesueur, Mollard
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Duvernier
Conseillers :
Mme Mandel, M. Lachacinski
Avoués :
SCP Valdelièvre Garnier, SCP Faure Arnaudy, SCP Gibou Pignot Grappotte Benetreau, SCP Taze Bernard Belfayol Broquet, Mes Pamart, Baufume, Huyghe, SCP Varin Petit
Avocats :
Mes Voillemot, Hermant, Paillard, Pechenard, Portos, Dalcq, Pardon, Iassin, Chabert, Saumon.
Statuant sur les appels interjetés respectivement par la société Transfert et par la Fédération de la Formation Professionnelle dite FFP du jugement rendu le 7 novembre 1995 par le tribunal de grande instance de Bobigny dans un litige l'opposant à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), à la société SAFIM aujourd'hui dénommée AFPA International, à l'association de droit belge Euroqualification et à Mesdames Lafont et Lauriat et Messieurs Caviale, Fagot, Lesueur, Mollard et Terrin.
Faits et procédure
Référence étant faite au jugement entrepris pour l'exposé des faits, de la procédure et des moyens antérieurs des parties, il convient de rappeler les éléments essentiels suivants pour une meilleure compréhension du litige :
Euroqualification est un programme de formation professionnelle commun à douze Etats membres de l'Union européenne dont les bases ont été établies en 1989 ;
Le 4 août 1992 la Commission des Communautés européennes a adopté la décision C 921717 relative à ce programme de formation appelé Euroqualification et prévoyant que celui-ci serait financé pour partie par une subvention globale du Fonds Social Européen ;
L'association de droit belge Euroqualification constituée le 17 février 1991 et désignée en qualité d'organisme intermédiaire a conclu le 10 septembre 1992 une convention avec la Commission des Communautés européennes ayant pour objet de fixer les modalités d'utilisation de la subvention globale octroyée par la Commission et représentant au maximum 70 % du coût total de l'intervention estimée à 101 697 506 écus ;
L'ASBL Euroqualification était chargée de transmettre les ressources financières aux instances nationales et aux organismes responsables dans les Etats membres selon le plan de financement en vigueur ;
Pour la France, c'est l'AFPA, association constituée en 1949 et qui a notamment pour objet de participer à la réalisation d'une politique active de l'emploi et aux initiatives de toute nature que le Ministère du Travail peut prendre pour accroître l'efficacité des services de l'emploi, qui a été désignée pour assurer le bon déroulement du programme, lequel devait s'articuler en quatre phases réparties sur trois ans de janvier 1992 à décembre 1994 ;
La société Transfer qui a pour activité la formation, le conseil et la prestation de services en matière de langues étrangères et de traduction et qui avait été amenée à fournir des prestations à l'AFPA, a participé en 1991-1992 à diverses réunions dans le cadre du programme Euroqualification et a adressé le 13 avril 1992 à ASBL Euroqualification sous la signature de Madame Lafond responsable de l'activité d'ingénierie, un " premier devis sur les travaux de traduction dans le cadre du programme Euroqualification " suivi de divers documents en septembre 1992 ;
Par lettre du 5 novembre 1992, l'ASBL Euroqualification a informé la société Transfer que " après diverses comparaisons et pour des raisons essentielleement financières et institutionnelles " elle était au regret de l'informer qu'elle ne donnait pas de suite positive à sa proposition :
Les 9 et 12 novembre 1992, Madame Lafond et sa secrétaire Madame Génin adressaient à la société Transfer leur lettre de démission ;
Le 15 janvier 1993 étaient signés les statuts de la société SAFIM constituée entre l'AFPA détentrice de 2494 actions sur 2500 et Messieurs Caviale, Fagot, Lesueur, Mollard, Terrin et Madame Lauriat chacun détenant 1 action ;
Cette société qui a notamment pour objet l'ingénierie de systèmes globaux d'éducation, de formation et de recherche, la participation à la conception et à la mise en état de fonctionner de tous établissements d'enseignement, de formation pratique professionnelle, la traduction et l'adaptation culturelle de tout produit psychopédagogique, l'assistance en matière linguistique dans l'organisation de séminaires et de réunions, a été immatriculée au registre du commerce le 26 mai 1993 avec un début d'exploitation au 2 janvier 1993 ;
Madame Lafond a été engagée par cette société le 15 janvier avec effet rétroactif au 1er janvier 1993 pour assumer la direction générale du département Traduction et travaux annexes, activité comprenant la structuration d'un réseau international de traducteurs pour gérer les programmes européens du type Euroqualification ou de grands projets de type industriel ;
Le 20 janvier 1993 était conclue une convention entre ASBL Euroqualification et SAFIM par laquelle la première acceptait " les services de la plate-forme de traduction Intégral gérée par SAFIM en matière de traduction des documents émis par l'équipe permanente d'assistance technique transnationale d'Euroqualification " et lui confiait la responsabilité du bureau central de traduction de ces documents ;
S'estimant victime d'actes de concurrence déloyale, la société Transfer a assigné l'AFPA, la société SAFIM, l'ASBL Euroqualification, Mesdames Lafond et Lauriat et Messieurs Caviale, Fagot, Lesueur, Mollard et Terrin aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire à lui payer les sommes de :
- 820 000 F à titre de perte de marge sur le contrat de traductions Euroqualification
- 480 000 F à titre de perte de marge en conséquence de la disparition du département traductions
- 320 000 francs à titre de perte de marge sur formation des stagiaires Euroqualification
- 1 399 000 F à titre de perte de marge sur travaux d'ingénierie linguistique Euroqualification
- 1 000 000 F en réparation de son préjudice d'image commerciale
- 100 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;
L'AFPA ayant soulevé l'incompétence rationae materiae du tribunal de grande instance de Bobigny au profit du tribunal administratif de Paris, celui-là par jugement du 24 octobre 1994 s'est déclaré compétent et a renvoyé les parties à conclure sur le fond ;
Aucun contredit n'a été formé à l'encontre de ce jugement ;
L'AFPA a ultérieurement conclu à l'irrecevabilité de l'action de Transfer faute de qualité à agir et subsidiairement sur le fond au rejet des prétentions de cette société en faisant valoir d'une part que le fait de ne pas avoir retenu Transfert pour le contrat après des négociations pré-contractuelles ne constituait pas un acte de concurrence déloyale, d'autre part que le contrat liant Madame Lafond à Transfer ne contenait aucune clause de non-concurrence ;
Madame Lafond a sollicité le débouté de la société Transfer en faisant valoir qu'elle n'avait commis aucune faute au regard des dispositions de l'article 1382 du code civil ;
Monsieur Caviale a conclu dans le même sens ;
La société SAFIM faisant valoir qu'elle avait été créée deux mois après qu'ASBL Euroqualification ait notifié à Transfer son intention de ne pas donner suite à ses offres, qu'elle n'avait commis aucun acte de débauchage et aucun détournement de clientèle a conclu au rejet des prétentions de Transfer et à titre subsidiaire à ce que le montant des indemnités sollicitées soit réduit à de plus justes proportions ;
L'ASBL Euroqualification soutenant d'une part que Transfer ne démontrait pas qu'elle se soit rendue coupable d'un abus du droit de rompre la négociation et d'autre part qu'elle n'était intervenue qu'en qualité d'intermédiaire entre l'Union Européenne et les Instances Nationales et Organismes Partenaires à savoir pour la France l'AFPA, a également poursuivi le débouté des demandes de Transfer ;
Messieurs Fagot, Lesueur, Mollard, Terrin et Madame Lauriat exposant qu'aucune faute de gestion ne pouvait leur être imputée dans le cadre du projet Euroqualification ou lors de la création de la société SAFIM ont demandé le rejet des prétentions de Transfer ;
La FFP est intervenue volontairement à la procédure en sa qualité de syndicat professionnel en demandant qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle reprend l'ensemble de l'argumentation développée par Transfer et en sollicitant la condamnation solidaire des défendeurs à lui verser 1 franc symbolique à titre de dommages-intérêts ;
Diverses demandes ont été formées sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;
Le tribunal par le jugement entrepris a :
- reçu l'intervention volontaire de la FFP
- débouté la société Transfer et la FFP de toutes leurs demandes
- condamné la société Transfer à payer sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile à :
* l'AFPA la somme de 7 000 F
* la SAFIM la somme de 5 000 F
* l'ASBL Euroqualification la somme de 5 000 F
* Monsieur Caviale la somme de 5 000 F
* Madame Lafond la somme de 5 000 F
* Messieurs Fagot, Lesueur, Mollard, Terrin et à Madame Lauriat la somme de 5 000 F ;
La société Transfer et la FFP ont interjeté appel de cette décision respectivement les 7 et 27 décembre 1995 ;
Les parties ayant fait signifier de nombreux jeux d'écritures ont été invitées à récapituler leurs moyens ;
La société Transfer demande à la Cour d'infirmer la décision entreprise et de dire et juger que :
- L'ASBL Euroqualification, l'AFPA, la SAFIM et Madame Lafond se sont rendues coupables de pratiques concertées aux fins d'évincer Transfer du marché, pratiques condamnées tant par les dispositions de l'article 85 du Traité de Rome (sauf en ce qui concerne Madame Lafond) que l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986
- Transfer a été victime d'actes de concurrence déloyale de la part de l'AFPA, de la SAFIM, de chacun de ses fondateurs, de l'ASBL Euroqualification et de Madame Lafond ;
Elle sollicite en conséquence leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 3 739 000 F à titre de dommages et intérêts ;
Très subsidiairement sur l'évaluation de son préjudice elle demande à la Cour de désigner un expert ;
Enfin, elle réclame le versement d'une somme de 100 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;
La FFP conclut dans le même sens sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts ;
Sur ce point elle reprend sa demande telle que formulée devant les premiers juges et sollicite par ailleurs le versement d'une indemnité de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;
Messieurs Terrin, Fagot, Lesueur, Mollard et Madame Lauriat poursuivent la confirmation du jugement, concluent à ce que les appelantes soient déboutées de leurs prétentions et réclament sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile le versement d'une somme de 20 000 F ;
Madame Lafond conclut dans le même sens tout en sollicitant le paiement d'une somme de 50 000 F pour ses frais hors dépens ;
L'AFPA sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Transfer sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil et demande que Transfer soit déboutée de son appel en ce qu'elle invoque l'existence de pratiques concertées destinées à l'évincer et ce, par application des dispositions de l'article 85 du Traité de Rome et de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 au motif que ces textes ne sont pas applicables aux faits de l'espèce, le programme Euroqualification se situant dans le cadre des aides publiques communautaires à l'emploi et à la formation professionnelle ;
A titre subsidiaire elle invoque l'inexistence de telles pratiques ;
Sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile, elle réclame paiement d'une somme de 100 000 F ;
L'ASBL Euroqualification sollicite la confirmation du jugement et le paiement d'une somme de 100 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;
La SAFIM aujourd'hui dénommées AFPA International conclut dans le même sens tout en demandant à titre subsidiaire à la Cour de réduire à de plus justes proportions le montant de l'indemnisation sollicitée dans l'hypothèse où sa responsabilité serait retenue ;
Enfin elle demande paiement d'une somme de 50 000 F pour ses frais hors dépens ;
Sur ce, LA COUR
Sur les pratiques concertées
Considérant que la société Transfer soutient que son éviction et l'attribution prioritaire du contrat en cause à l'AFPA via la société SAFIM sont constitutives de comportements anticoncurrentiels sanctionnés par l'article 85 du Traité de Rome et de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Que selon elle, l'ASBL Euroqualification, l'AFPA, Madame Lafond se sont concertées entre septembre 1992 et janvier 1993 pour l'évincer sans motif légitime et sans raison objective du marché en cause et l'attribuer de manière illicite et discriminatoire à l'AFPA, via sa filiale la société SAFIM ;
Qu'elle expose que la preuve de cette concertation illicite est formalisée par le contrat signé le 20 janvier 1993 entre l'ASBL Euroqualification et la société SAFIM ;
Considérant qu'en réponse à l'argumentation des intimées, elle soutient d'une part que le programme Euroqualification est soumis aux règles du droit de la concurrence ainsi que cela résulte de l'article 7 du règlement 2052-88 de même que l'ASBL Euroqualification qui a agi en l'espèce comme une entreprise, d'autre part que la pratique dénoncée affecte le commerce entre Etats membres ;
Considérant que la FFP allègue que l'AFPA et l'ASBL Euroqualification devaient respecter les règles de la concurrence, qu'elles ont abusé de leur position pour restreindre le jeu de la concurrence sur le marché de la traduction, que la société SAFIM a été le moyen de cette pratique laquelle a été faite avec des fonds publics et communautaires ;
Considérant que l'ASBL Euroqualification réplique que n'exerçant aucune activité économique mais n'étant qu'un outil de coordination de la politique décidée par la Commission des Communautés européennes pour faire appliquer un programme destiné à remplir une mission d'intérêt général dans le domaine de la politique de l'emploi et de la formation professionnelle des jeunes en particulier, les articles 85 et 90 du Traité de Rome ne lui sont pas applicables ;
Qu'à titre subsidiaire elle ajoute que les conditions d'application de l'article 85 ne sont pas réunies en l'espèce dans la mesure où d'une part aucun des protagonistes de la prétendue pratique concertée n'étant appelé à offrir des prestations sur le marché des services de traduction et d'ingénierie linguistique le seuil de 5 % du marché retenu par la Commission n'est pas atteint et où, d'autre part, la société Transfer ne démontre pas en quoi la pratique dénoncée affecterait de manière sensible le commerce entre Etats membres de l'Union européenne ;
Qu'à titre infiniment subsidiaire elle allègue que l'éviction de la société Transfer ayant été fondée sur des raisons objectives ne tombe pas sous le coup de l'article 85, que le refus de contracter en l'absence d'une concurrence actuelle sur le marché en cause n'est pas discriminatoire et qu'il n'y a pas eu d'atteinte à une concurrence potentielle dans la mesure où la société Transfer pouvait présenter ses services à la société SAFIM ce qu'elle s'est abstenue de faire ;
Considérant que l'AFPA expose que le programme Euroqualification se situant dans le cadre d'un programme d'aide public à l'emploi et à la formation professionnelle, aide dispensée par la Commission des Communautés européennes en complément de celle octroyée par les Etats membres et elle-même exerçant dans l'application de ce programme en France une mission d'intérêt général, il en résulte que les articles 85 du Traité de Rome et 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne s'appliquent pas en l'espèce ;
Qu'elle ajoute que le refus de contracter avec la société Transfer étant justifié par des raisons techniques, commerciales et institutionnelles, celle-ci est mal fondée à soutenir qu'il y a eu une pratique concertée en vue de l'éliminer et ce d'autant plus que plus de deux mois et demi se sont écoulés entre la lettre du 5 novembre 1992 et la signature du contrat avec la société SAFIM ;
Considérant que la société SAFIM aujourd'hui dénommée AFPA International soutient qu'ayant été créée au mois de janvier 1993 alors que la société Transfer a été écartée en novembre 1992, aucun acte constitutif de pratique concertée ayant pour objet d'évincer la société Transfer ne peut lui être reproché ;
Considérant enfin que Madame Lafond fait valoir que la société Transfer ne démontre pas en quoi elle aurait de concert avec les autres intimés tenté d'évincer la société Transfer du marché Euroqualification ;
Que selon elle, la concomitance entre la décision d'ASBL Euroqualification de ne pas confier la plate forme de traduction à la société Transfer et sa démission de cette société ne permet pas d'en conclure qu'elle ait participé à une pratique concertée au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant les moyens des parties étant ainsi exposés qu'il convient tout d'abord de rechercher si les dispositions tant communautaires que nationales relatives au droit de la concurrence sont applicables aux faits de la cause ;
Considérant qu'aux termes de l'article 85 du Traité de Rome :
" Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises, et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements " ;
Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes que dans le droit communautaire de la concurrence la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement ;
Que dès lors, le simple fait que l'ASBL Euroqualification soit une association de droit belge financée par la Commission des Communautés européennes n'est pas de nature à exclure l'application des dispositions de l'article 85;
Qu'en revanche pour déterminer si ces activités sont celles d'une entreprise au sens dudit article, il convient de déterminer la nature de ces activités;
Considérant que si seuls les nouveaux statuts d'ASBL Euroqualification à la date du 20 janvier 1994 sont versés aux débats, il n'est pas contesté qu'à la date des faits dénoncés (fin 1992 - début 1993) son objet était " la gestion d'un budget accordé par la Commission des Communautés européennes pour la préparation technique et la mise en place d'un dispositif commun d'assistance technique d'Euroqualification, programme visant à la formation professionnelle des adultes dans l'Europe communautaire " (article 3) ;
Qu'aux termes d'une modification intervenue le 23 novembre 1992 l'objet de l'association est devenu le suivant :
"l'association a pour objet la gestion d'un budget accordé par la Commission des Communautés européennes pour la préparation technique et la réalisation d'actions de formation dans le cadre d'un programme européen dénommé Euroqualification, ayant trait à la formation professionnelle des adultes. Les sommes attribuées au financement du programme d'Euroqualification pour l'assistance technique, l'expertise et les actions de formation seront reversées via l'ASBL Euroqualification aux instances nationales et organismes partenaires dans les Etats membres selon les termes de la convention cadre " ;
Considérant que l'ASBL Euroqualification agit à ce titre pour le compte de la Commission sans pouvoir influer sur le montant des subventions et se borne à les reverser aux instances nationales ou aux organismes partenaires désignés pour mettre en œuvre ce programme dans leur pays ;
Qu'elle n'intervient pas directement sur le marché de la formation professionnelle ou de la traduction ;
Que prises dans leur ensemble, les activités de l'ASBL Euroqualification par leur nature et par leur objet se rattachent à l'exercice d'une mission d'intérêt public fondée sur le principe de la solidarité entre Etats membres, dépourvue de tout but lucratif, dont l'objectif est de donner aux organismes impliqués dans le programme Euroqualification les moyens financiers leur permettant de le mettre en œuvre ;
Que ces activités ne présentent pas un caractère économique justifiant l'application des règles de la concurrence du Traité de Rome ;
Qu'il en résulte qu'ASBL Euroqualification est bien fondée à soutenir que les dispositions de l'article 85 du Traité ne lui sont pas applicables ;
Considérant que pour les mêmes motifs, il ne peut être fait grief à l'ASBL Euroqualification d'avoir enfreint les dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dès lors que c'est la nature économique de l'activité affectée et non la qualité ou la forme sous laquelle intervient un opérateur qui détermine l'applicabilité des règles de concurrence définies par ladite ordonnance ;
Considérant que Madame Lafond ayant été salariée de la société Transfer puis de la société SAFIM et n'exerçant de manière indépendante aucune activité économique, les dispositions de l'article 85 du Traité et de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne lui sont pas applicables ;
Considérant s'agissant de l'AFPA que celle-ci est une association chargée par délégation du ministre du travail d'une mission de service public ;
Qu'elle a selon ses statuts pour objet de participer à la réalisation d'une politique active de l'emploi et aux initiatives de toute nature que le Ministère du Travail peut prendre pour accroître l'efficacité des services de l'emploi, d'animer et de développer la promotion et plus spécialement la formation professionnelle des adultes, d'étudier les problèmes de l'adaptation de l'homme à son travail et du travail à l'homme, ainsi que les aspects scientifiques et administratifs de l'utilisation des méthodes de sélection psychotechnique ;
Que c'est dans ce contexte qu'elle a été amenée à participer au programme Euroqualification et à le mettre en œuvre en France ;
Considérant qu'il est constant que l'activité de promotion et de formation professionnelle des adultes est une activité économique ;
Que la circonstance que ces activités soient confiées à une association qui les exerce sous l'autorité du Ministre du Travail ne saurait affecter la nature économique de celles-ci, lesquelles ne sont pas nécessairement exercées par des entités publiques ;
Qu'il s'ensuit que l'AFPA peut être qualifiée d'entreprise aux fins d'application des règles de concurrence communautaire, d'organisme ayant des activités de services au sens de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Que si l'AFPA dans la mise en œuvre en France du programme Euroqualification assure un service d'intérêt économique général elle ne démontre pas que l'application des règles de la concurrence fait obstacle à l'exécution de sa mission ;
Qu'au surplus, ainsi que l'indique la société Transfer, il résulte de l'article 7 du règlement n° 2052-88 qu'un programme du type Euroqualification est soumis aux dispositions du droit de la concurrence ;
Qu'en conséquence elle ne saurait se prévaloir du bénéfice de l'article 90 § 2 du Traité de Rome ;
Mais considérant que les dispositions de l'article 85 du Traité de Rome et de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'étant pas applicables à l'ASBL Euroqualification et la société SAFIM n'ayant pas d'existence légale à la date où la société Transfer a été écartée du programme Euroqualification, la société appelante ne peut faire grief à l'AFPA de s'être concertée avec celles-ci pour l'éliminer sans raison objective du marché des services de traductions de ce programme ;
Qu'au surplus il convient de relever que le contrat conclu entre l'ASBL Euroqualification et la SAFIM ne créait nullement un obstacle à l'entrée sur ce marché de la société Transfer mais bien davantage préservait les règles de la concurrence dans la mesure où il était stipulé à l'article 3 que la société SAFIM s'engageait à consulter et intégrer, après vérification des compétences et des moyens, certains traducteurs partenaires habituels d'Euroqualification afin de réaliser avec eux une plate-forme de traduction élargie sous la responsabilité de SAFIM ;
Que sur ce point, la société Transfer ne démontre pas avoir présenté ses offres de service à la société SAFIM ;
Considérant enfin que l'AFPA contrôlant étroitement la stratégie commerciale de la SAFIM dont elle détient plus de 99 % des parts il ne peut exister entre elles d'entente, en l'absence d'autonomie des participants ;
Considérant en conséquence que la société Transfer et la FFP seront déboutées de leur demande tendant à ce qu'il soit jugé que l'ASBL Euroqualification, l'AFPA, la SAFIM et Madame Lafond se sont rendues coupables de pratiques concertées aux fins d'évincer la société Transfer du marché des services de traductions et d'ingénierie linguistique dans le cadre du programme Euroqualification ;
II. Sur la concurrence déloyale
Considérant que la société Transfer formule un certain nombre de griefs à l'encontre de l'AFPA, de l'AFPA International, d'ASBL Euroqualification et de Madame Lafond qui pour plus de clarté seront examinés successivement ;
1) attribution déloyale du contrat du 20 janvier 1993 relatif au programme de traduction Euroqualification
Considérant que la société Transfer soutient que l'AFPA de concert frauduleux avec Madame Lafond et l'ASBL Euroqualification a profité de sa position au sein de l'organisme dont elle était membre et usé de moyens déloyaux pour l'évincer et se faire attribuer le contrat par l'intermédiaire d'une société créée de toutes pièces, la SAFIM, qu'elle contrôle à plus de 99 % et ce, sans avoir à supporter de risque financier ;
Qu'elle expose que ni l'AFPA ni la SAFIM n'avaient de compétence et d'expérience en matière de gestion d'une plate-forme de traduction, que la SAFIM a contracté à un prix inférieur à celui du marché, que la décision de l'AFPA de se lancer sur ce marché a été effectuée en violation du principe de spécialité qui régit toute association et de l'arrêté du 25 février 1966 qui prévoit en son article 24 que " l'autorisation préalable du ministre des affaires sociales est exigée en matière de programmes d'investissements, de prises et extensions de participations financières.. "
Considérant que la FFP reprend la même argumentation et soutient que les conditions de la rupture des pourparlers avec Transfer prouvent que l'ASBL Euroqualification et l'AFPA ont usé de manœuvres pour évincer Transfer ;
Considérant que l'AFPA réplique qu'elle n'a jamais incité Transfer à formuler des propositions à destination d'Euroqualification pour la création de la plate forme linguistique et ne lui a jamais donné de garanties sur l'aboutissement de ses démarches ;
Qu'elle allègue que dès le 29 mai 1991 elle a indiqué à la société Transfer qu'Euroqualification préférait traiter avec un membre du programme et qu'elle a attiré son attention sur les problèmes institutionnels que poserait sa candidature ;
Qu'elle ajoute que les tarifs consentis se justifient par le volume important des traductions ;
Qu'en conséquence, elle estime s'être comportée en toute loyauté et n'avoir commis aucune faute constitutive de concurrence déloyale en créant une société commerciale répondant aux exigences de l'ASBL Euroqualification ;
Considérant que cette dernière fait valoir que chargée de la coordination du projet Euroqualification elle n'était pas dans une situation de concurrence avec la société Transfer ;
Qu'aucun engagement n'ayant été pris en ce qui concerne une collaboration future avec Transfer, aucune faute ne peut lui être imputée ;
Considérant que la société SAFIM expose qu'elle " n'a pu détourner un contrat qui n'existait pas et qui n'était plus envisagé depuis plus de deux mois au moment où elle a été créée " ;
Considérant les moyens des parties ainsi exposés, que les pièces mises aux débats établissent que la société Transfer a été amenée courant 1990 et 1991 à collaborer avec l'AFPA et notamment à effectuer pour elle des traductions mais que ces interventions étaient limitées et ponctuelles ;
Considérant s'agissant du programme Euroqualification que certes Monsieur Thobois responsable de la mission Europe de l'AFPA a demandé à Transfer d'effectuer diverses traductions en 1991 et 1992 ainsi que cela résulte des factures communiquées et du compte rendu adressé le 4 janvier 1991 par la société Transfer à Monsieur Thobois ;
Considérant que si la société Transfer, sous la signature de Madame Lafond a formulé un certain nombre de remarques sur la conduite à tenir sur le plan de la traduction et de la mise en forme des documents relativement au projet Euroqualification et a suggéré qu'un bureau d'assistance technique pour la traduction et la mise en forme des supports soit mis en place, il apparaît qu'elle l'a fait de sa propre autorité sans avoir reçu de demande spécifique en ce sens de l'AFPA ou d'ASBL Euroqualification et dans le but manifeste de se positionner sur ce marché ;
Considérant que, si ultérieurement, et après avoir rencontré Mademoiselle Dumont de l'AFPA dont au demeurant les fonctions ne sont pas précisées, la société Transfer a adressé le 12 février 1992 à l'AFPA une plaquette intitulée " Première approche d'une collaboration globale entre l'AFPA et Transfer dans le cadre du programme Euroqualification ", puis le 27 mars 1992 à l'ASBL Euroqualification un document intitulé " Première approche des problèmes de traduction d'interprétation et de mise en place d'un système de télécommunication dans le cadre du programme Euroqualification ", les premiers juges ont justement relevé que ces documents étaient destinés essentiellement à présenter la société et ne comportaient que des axes de réflexion très généraux en ce qui concerne l'assistance technique à la traduction ;
Considérant que si Madame Lafond a assisté à plusieurs réunions à Bruxelles courant 1992 et si Transfer a adressé un premier devis à l'ASBL Euroqualification le 13 avril 1992, celle-ci ne produit en revanche aucune lettre de l'AFPA ou de l'ASBL Euroqualification répondant à ses propositions, tendant à lui faire croire qu'elles avaient retenu leur attention et étaient susceptibles de se concrétiser par un accord ;
Que sur ce point, aucune conséquence ne peut être tirée de la lettre adressée le 10 août 1992 par l'ASBL Euroqualification à Transfer dès lors qu'elle fait référence d'une part, non pas à un projet de convention entre l'association belge et Transfer, mais à la convention devant être signée entre ASBL Euroqualification et la Commission européenne et qui le fut effectivement le 10 septembre 1992 et d'autre part à des factures émises par la société Transfer courant mai et juin 1992 pour des travaux de traduction ;
Considérant que la preuve qu'aucune assurance n'avait été donnée à la société Transfer se trouve confirmée par les termes de la lettre adressée le 16 septembre 1992 à l'ASBL Euroqualification dans laquelle l'appelante maintien son offre d'assistance tout en indiquant :
" nous comprenons bien que la situation générale reste encore un peu floue pour les mois à venir... en cas d'accord de votre part, nous sommes à votre entière disposition pour définir avec vous les modalités pratiques de notre intervention " ;
Considérant par ailleurs que la société Transfer avait été informée dès le mois de mai 1991 que la signature d'une convention entre elle-même et Euroqualification se heurtait à des problèmes institutionnels ;
Que c'est manifestement consciente de ses difficultés qu'elle a proposé le 13 avril 1992 à l'ASBL Euroqualification deux types de collaboration à savoir soit, un accompagnement général de la direction générale du Programme sous forme de leadora, soit l'accompagnement d'un organisme national en l'occurrence l'AFPA ;
Considérant enfin que, contrairement à ce que soutient la société Transfer, aucun document n'est versé aux débats établissant que dès le 15 décembre 1992, l'AFPA aurait donné à ses partenaires des garanties quant à sa capacité de gérer un programme de traduction, observation étant faite que n'est produite que la première page du " rapport intermédiaire de la phase II 15 décembre 1992 Londres " (pièce 14) et que les conclusions signifiées par l'ASBL Euroqualification devant le tribunal ne précisent pas à quelle date l'AFPA aurait présenté sa candidature pour créer un service commun et unique grâce à sa filiale à créer ;
Considérant qu'eu égard à ces éléments et au fait d'une part, qu'aucune pièce du dossier ne démontre que la création de la société SAFIM était en gestation en novembre 1992 et, d'autre part, que le contrat entre cette société et ASBL Euroqualification n'a été signé que le 20 janvier 1993, la société Transfer ne peut valablement soutenir qu'un partenariat actif s'était formé entre elle et l'AFPA et que la décision prise le 5 novembre 1992 par l'ASBL de ne pas donner suite à sa proposition procède d'un concert frauduleux entre ASBL, l'AFPA et Madame Lafond ;
Que l'AFPA qui n'avait contracté aucun engagement envers Transfer était libre de proposer à l'ASBL Euroqualification de créer une société pour répondre à la demande ;
Considérant que la société Transfer ne saurait se prévaloir du fait que la société SAFIM n'avait aucune expérience dans le domaine de la traduction dès lors que l'appelante tout comme se proposait de le faire celle-ci ne fait que coordonner et gérer le travail de traducteurs lesquels sont des collaborateurs extérieurs à l'entreprise ;
Considérant que si le tarif de traduction offert par la société SAFIM est inférieur de 22 % à celui de la société Transfer, cet élément n'est pas en lui-même constitutif de concurrence déloyale ;
Qu'au surplus, ce tarif s'explique manifestement par l'importance des pièces à traduire et qu'il s'agit d'une pratique courante comme le démontrent les documents émanant de la société Transfer elle-même et qui établissent que cette société a proposé en 1990 à l'AFPA des réductions de 17 % et 25 % sur le tarif de 0,98 FF HT par mot pour tenir compte du volume des documents à traduire ;
Considérant enfin qu'à supposer que l'AFPA ait violé le principe de spécialité en créant une société anonyme, la SAFIM, dont l'objet est notamment la traduction, et ait méconnu les dispositions de l'arrêté du 25 février 1966 prévoyant que " l'autorisation préalable du ministre des affaires sociales est exigée en matière de programmes d'investissements, de prises et extensions de participations financières " seules les autorités de tutelle de l'AFPA ont compétence pour faire sanctionner ces actes qui en eux-mêmes ne consituent pas des agissements déloyaux à l'encontre de la société Transfer ;
Considérant en conséquence que l'existence d'un concert frauduleux entre l'AFPA, l'ASBL Euroqualification, la SAFIM et Madame Lafond n'est pas démontrée ;
2) Sur l'utilisation du réseau de traducteurs de la société Transfer
Considérant que la société appelante fait valoir qu'un grand nombre de traducteurs utilisés par la société SAFIM étaient ceux de son propre réseau ;
Mais considérant que si les factures produites établissent que des traducteurs comme Protrad, Neumayr Marketing, Madame Kienberger, Monsieur Landais ont effectué des travaux de traduction tant pour la société Transfer que pour la société SAFIM, il demeure que la preuve n'est pas rapportée que la société Transfer ait été liée par des contrats d'exclusivité avec ses traducteurs lesquels en tant que prestataires indépendants étaient libres d'offrir leurs services à des sociétés concurrentes ;
Que ce grief n'est donc pas fondé ;
3)Sur les documents commerciaux
Considérant que la société Transfer soutient que la société SAFIM a non seulement copié le code professionnel qu'elle utilisait mais également sa plaquette de présentation ;
Considérant que la société SAFIM réplique que les deux codes déontologiques ne font que reproduire celui de la société nationale des traducteurs et que les plaquettes de présentation sont différentes ;
Considérant ceci exposé que si les premiers juges ont justement relevé que les deux codes ne faisaient, s'agissant du préambule que reprendre le texte du code professionnel édité par la société française des traducteurs, il demeure que la société SAFIM ne s'est pas contentée de reproduire à l'identique ce passage mais bien davantage a adopté exactement le même plan, les mêmes caractères, les mêmes symboles que Transfer et est allée jusqu'à inscrire en gras et en plus grands caractères les mêmes mots que l'appelante ;
Que les majorations appliquées sont exactement les mêmes alors que sur ce point le code édité par la société française des traducteurs ne donne aucune indication ;
Considérant enfin que l'usurpation est confirmée par la reproduction de fautes de grammaire identiques ;
Que la société Transfer est donc bien fondée à soutenir que la société SAFIM a commis une faute constitutive de concurrence déloyale en reproduisant servilement son code professionnel ;
Considérant s'agissant des plaquettes de présentation que c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté ce grief dès lors que les présentations graphiques sont très dissemblables, que les rubriques et le plan sont différents et que les ressemblances quant aux offres de service et aux personnes susceptibles d'être mises à disposition de la clientèle s'expliquent par le fait que les deux sociétés exercent les mêmes activités et doivent répondre aux mêmes besoins ;
4) Sur l'embauche de Madame Lafond
Considérant que la société Transfer soutient que la société SAFIM a embauché Madame Lafond avec la complicité de l'AFPA en lui proposant pour une identité de fonction un salaire nettement plus élevé que celui qui était le sien chez elle et ce dans le but d'assurer le détournement du contrat avec ASBL Euroqualification ainsi que sa bonne exécution :
Qu'elle ajoute que Madame Lafond était de connivence ;
Considérant que l'AFPA réplique que la preuve n'est pas rapportée qu'elle aurait participé à une embauche déloyale de Madame Lafond par la société SAFIM qui est une société ayant sa propre personnalité morale ;
Considérant que la société SAFIM expose que Mesdames Lafond et Genin ont démissionné de la société Transfer à la période où elle-même n'avait aucune existence juridique, qu'elles n'étaient liées par aucune clause de non-concurrence et qu'elle les a embauchées alors qu'elles étaient libres et à la recherche d'un emploi ;
Que Madame Lafond soutient quant à elle que c'est son expérience et ses connaissances qui avaient amené la société Transfer à lui proposer divers travaux puis à l'embaucher et que c'est son propre savoir-faire et non celui de son ex-employeur qu'elle a transféré à SAFIM ;
Qu'elle ajoute qu'elle a donné sa démission parce que les relations avec son employeur étaient devenues difficiles et que c'est elle-même qui a adressé son curriculum-vitae à la SAFIM laquelle l'a engagée pour exercer des fonctions différentes de celles qu'elle avait chez Transfer ;
Considérant ceci exposé qu'il résulte des pièces mises au débat que :
- Madame Lafond a été engagée le 1er octobre 1990 par Transfer en qualité de responsable du service " Traduction " avec un salaire de 15 000 F mensuels complété par un intéressement, étant précisé que ce contrat ne comporte aucune clause de non-concurrence ;
En cette qualité, elle participait à l'élaboration de la politique en matière de traduction, concevait les budgets annuels, fixait les prix, contrôlait les engagements et les marges dans le cadre des orientations définies, mandatait les traducteurs ou autres prestataires, suivait les projets, rendait compte à la direction générale de l'atteinte des objectifs définis, était en charge de la maintenance des moyens informatiques de commercialisation et participait au développement du fichier central, assistait la direction générale dans la mise en œuvre de la politique d'exportation de l'ensemble des services de Transfer Formation Conseil, notamment destinée aux pays germanophones ;
- elle a donné sa démission le 12 novembre 1992 ;
- le 15 janvier 1993, elle a été engagée par la société SAFIM en qualité de responsable du service " Communication " devant assumer les tâches suivantes :
* " la direction générale du département " Traduction " et " Annexe ", cette activité comprenant la structuration d'un réseau international de traducteurs pour gérer les grands programmes européens du type Euroqualification ou des grands projets de type industriel, le rattachement de la structure aux réseaux internationaux de terminologie et de banques de données, l'élaboration de projets communs avec des réseaux de traduction et de terminologie déjà existants, etc..
* la gestion du département " Edition "
* l'organisation de forums, colloques, rencontres, salons internationaux
* le marketing et la commercialisation de certains produits de formation de l'AFPA, en accord et sur directives spécifiques de la direction des Relations Extérieures
* la recherche et la mise au point, dans le cadre de collaborations diverses, de produits très spécifiques liés à l'accompagnement de la formation et la commercialisation de ces produits
* la recherche de contacts commerciaux ou de partenariats possibles dans le cadre de la politique générale de l'entreprise définie lors des Assemblées générales
* le suivi comptable de l'ensemble de ces activités
Sa rémunération était fixée à 350 000 FF bruts sur une base de 12 mois et la date de démarrage de ses activités au 1er janvier 1993
- le 15 janvier 1993 étaient signés les statuts de la société SAFIM laquelle était immatriculée au registre du commerce le 26 mai 1993 avec un début d'activité au 2 janvier 1993
- le 18 janvier 1993 elle a adressé à Transfer une lettre faisant part de sa décision de vendre les parts qu'elle détenait dans la société Acte (dont la société Transfer est associée majoritaire) en exposant qu'elle " envisageait en effet de s'associer très prochainement à un groupement de traducteurs et devait apporter une certaine contribution financière pour que cette association soit stabilisée "
- le 20 janvier 1993 était signée la convention entre l'ASBL Euroqualification et la société SAFIM laquelle était chargée de gérer les services de la plate-forme de traduction Intégral en matière de traduction des documents émis par l'équipe permanente d'assistance technique transnationale d'Euroqualification et avait par ailleurs la responsabilité du bureau central de traduction de ces documents
Considérant que la société SAFIM ne démontre pas qu'avant la signature de cet accord elle ait adressé un projet à ASBL Euroqualification et ait négocié avec elle ;
Considérant en revanche que Transfer rapporte la preuve que Madame Lafond avait assisté courant 1992 à plusieurs réunions à Bruxelles concernant les problèmes de traduction dans le cadre du programme Euroqualification et avait établi les diverses propositions adressées à l'ASBL ;
Que l'AFPA qui avait été directement en relation avec Madame Lafond et qui connaissait la teneur des projets qu'elle avait élaborés a indéniablement incité celle-ci à rejoindre la société qu'elle se proposait de créer, dont elle détient 99 % des parts, qui est installée dans les mêmes locaux en lui proposant pour des activités sensiblement identiques un salaire équivalent à près du double de celui qu'elle percevait de la société Transfer ;
Que contrairement à ce qu'elle soutient Madame Lafond ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle aurait adressé son curriculum-vitae à la société SAFIM ce qui au demeurant apparaît impossible, les statuts de cette société n'ayant été signés que le 15 janvier 1993 soit postérieurement à son embauche effective intervenue le premier janvier précédent ;
Qu'au surplus il résulte de la chronologie des faits qu'elle a faussement fait croire à la société Transfer qu'elle allait devenir membre d'une association de traducteurs ;
Considérant que la société SAFIM, créée de toutes pièces et qui n'avait par essence aucune expérience dans le domaine où elle devait intervenir s'est assurée les moyens de mener à bien sa mission en embauchant dans les conditions susvisées Madame Lafond ;
Qu'il est manifeste qu'elle a indûment tiré parti des études établies antérieurement par Madame Lafond et des informations que celle-ci avait précédemment recueillies pour le compte de son ancien employeur Transfer sur le programme Euroqualification, ce qui lui a permis de mettre au point très rapidement une plate-forme de traduction, de définir une méthode de travail en évitant aléas et frais ;
Considérant qu'en agissant ainsi l'AFPA, la société SAFIM et Madame Lafond ont commis des agissements constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire ;
Considérant que le grief de détournement de clientèle n'est pas repris en appel ;
Considérant que la responsabilité de Messieurs Fagot, Lesueur, Mollard, Terrin et de Madame Lauriat à l'encontre desquels aucune faute personnelle, aucun manquement aux usages loyaux du commerce n'est articulée, qui étaient simplement actionnaires et administrateurs de la société SAFIM, détenant ensemble 0.20 % du capital et qui à aucun moment ne sont intervenus lors des négociations avec Madame Lafond sera écartée ;
Que la simple qualité de membre fondateur n'est pas suffisante pour engager leur responsabilité personnelle sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
Qu'ainsi que le relèvent ces intimés, la seule responsabilité solidaire qui existe pour les fondateurs d'une société est celle régie par l'article 242 de la loi du 24 juillet 1966 non invoqué en l'espèce et qui concerne l'annulation d'une société ;
Qu'il n'est davantage soutenu qu'ils aient commis de fautes de gestion ;
Considérant qu'il en sera de même en ce qui concerne Monsieur Caviale ;
Que si celui-ci, également membre fondateur a été nommé le 24 mars 1993 Président du Conseil d'Administration de la société SAFIM et si en cette qualité, il a signé la convention avec l'ASBL Euroqualification, la société Transfer ne rapporte ni même ne soutient qu'il ait à titre personnel commis une faute ;
III. Sur les mesures réparatrices
Considérant que la société Transfer réclame en réparation de son préjudice la somme de 3 739 000 F en exposant qu'elle a subi :
- une perte de marge sur le contrat Euroqualification de 820 000 F
- une perte de marge sur formation de stagiaire Euroqualification de 320 000 F
- une perte de marge sur ingénierie linguistique de 1 399 000 F
- un préjudice pour perte d'image commerciale en réparation duquel elle sollicite paiement d'une somme de 1 000 000 F
- un préjudice pour confusion dans l'esprit du public entre Transfer et la SAFIM qu'elle évalue à 200 000 F ;
Considérant que la FFP réclame quant à elle paiement d'un franc symbolique ;
Considérant que l'AFPA réplique sur les pertes de marges que le préjudice allégué n'est pas réparable du fait de son caractère purement hypothétique et de l'impossibilité de l'évaluer et sur la perte d'image commerciale que celle-ci est inexistante ;
Qu'elle ajoute que la consultation des bilans publiés par la société Transfer fait apparaître que son chiffre d'affaires pour l'année 1993 était stable par rapport à celui de 1992, que celui de 1994 est en hausse avec pour ces deux années une augmentation de son bénéfice ;
Qu'enfin elle fait valoir que la société Transfer ne s'explique pas sur l'intervention de sa filiale la société Actes ;
Considérant que l'ASBL Euroqualification expose que le seul préjudice dont la société Transfer peut demander réparation doit se limiter aux frais exposés lors de la phase précontractuelle ;
Considérant que la société SAFIM aujourd'hui AFPA International conclut dans le même sens ;
Considérant que Madame Lafond expose quant à elle que la société Transfer ne saurait prétendre à la réparation d'une perte de chance qui n'existait pas, en l'absence de toute relation contractuelle définitive ;
Considérant ceci exposé que seul doit donner lieu à indemnisation le préjudice subi par la société Transfer du fait d'une part de la copie du code professionnel par la société SAFIM et d'autre part de l'embauche de Madame Lafond, le premier n'étant imputable qu'à la société SAFIM alors que la responsabilité de l'AFPA, de l'AFPA International (SAFIM) et de Madame Lafond se trouve engagée s'agissant du second ;
Considérant que le code professionnel de la société Transfer étant un simple document d'information de la clientèle en partie élaboré à partir du code professionnel édité par la société française des traducteurs, le préjudice tenant pour l'appelante au risque de confusion dans l'esprit du public résultant de la copie dudit code sera réparé par le versement d'une somme de 50 000 F ;
Considérant sur le second point que la société Transfer ne fournit aucun élément précis de nature à justifier de l'importance des pertes de marge que les actes de concurrence déloyale et parasitaire auraient entraînés pour elle ;
Que le débauchage de Madame Lafond et l'utilisation des informations et des études par elle réalisées ont permis à la société SAFIM aujourd'hui AFPA International de se voir confier la responsabilité du bureau central de traduction des documents et d'être immédiatement opérationnelle sans avoir à effectuer au préalable des investigations ;
Qu'en revanche la société SAFIM n'intervenant pas dans la formation des stagiaires et dans l'ingénierie linguistique au sens défini par la société Transfer dans ses écritures, mais s'occupant exclusivement des problèmes de traduction tout comme l'appelante l'avait envisagé dans le dernier état des négociations, si on se réfère aux termes de son devis, la société Transfer ne saurait réclamer l'indemnisation d'un préjudice au titre de pertes de marge sur la formation des stagiaires et sur l'ingénierie linguistique ;
Considérant par ailleurs que la société Transfer ne produit aucun document tendant à démontrer que son image de marque aurait été ternie ;
Que la seule présence de Madame Lafond au sein de la société SAFIM ne suffit pas à générer un tel risque à l'exception de celui résultant de la copie du code professionnel ci-dessus examinée dès lors que les plaquettes de présentation et les noms commerciaux des deux sociétés sont différents et qu'il n'est nullement établi que dans ses rapports avec la clientèle Madame Lafond ait cherché à établir un lien entre son ancien et son nouvel employeur ;
Que le chiffre d'affaires de la société Transfer n'ayant pas enregistré de baisse à la suite du départ de Madame Lafond et son bénéfice ayant même fortement augmenté entre 1992 et 1993 de même qu'en 1994, il convient pour évaluer le préjudice de la société appelante de tenir compte de l'incidence du départ de Madame Lafond sur l'organisation de la société Transfer, des frais économisés par la société SAFIM et des avantages que celle-ci a retiré de l'engagement de Madame Lafond ;
Que compte tenu de nombre de déplacements effectués à Bruxelles par Madame Lafond, des rapports par elle rédigés, de l'importance et de la nature des fonctions qu'elle occupait chez Transfer le préjudice subi par la société appelante sera justement réparé par le versement d'une somme de 500 000 F ;
Considérant qu'aucun acte contraire aux dispositions du Traité de Rome ou de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'étant retenu à l'encontre des intimés, la FFP sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;
Que les agissements de concurrence déloyale et parasitaire commis par l'AFPA, la SAFIM et Madame Lafond n'ont pas porté atteinte aux intérêts collectifs de la profession des formateurs et ce d'autant plus que ces actes se situent dans le domaine des traductions ;
V. Sur l'article 700 du NCPC
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile au profit de l'ASBL Euroqualification, de l'AFPA, de la société AFPA International, de la FFP et de Madame Lafond ;
Considérant en revanche qu'il convient de faire droit à la demande de ce chef de la société Transfer, de Messieurs Terrin, Fagot, Lesueur, Mollard, Caviale et de Madame Lauriat en leur allouant respectivement :
- à la société Transfer la somme de 50 000 F
- à Madame Lauriat et Messieurs Lesueur, Fagot, Mollard et Terrin la somme de 10 000 F en sus de celle allouée par les premiers juges
- à Monsieur Caviale la somme de 10 000 F en sus de celle allouée par les premiers juges ;
Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a reçu l'intervention volontaire de la Fédération de la Formation Professionnelle, débouté la société Transfer et la Fédération Professionnelle de leur demande en concurrence déloyale à l'encontre de l'ASBL Euroqualification, de Messieurs Caviale, Fagot, Lesueur, Mollard, Terrin et de Madame Lauriat et en ce qu'il a condamné la société Transfer à payer sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile la somme de 5 000 F à Monsieur Caviale et la même somme à Messieurs Fagot, Lesueur, Mollard, Terrin et à Madame Lauriat ; Le réformant pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant ; Déboute la société Transfer et la Fédération de la Formation Professionnelle de leur demande tendant à voir juger que l'ASBL Euroqualification, l'AFPA, la SAFIM aujourd'hui dénommée AFPA International et Madame Lafond se sont rendus coupables de pratiques concertées au sens de l'article 85 du Traité de Rome et de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; Dit que l'AFPA, la société SAFIM aujourd'hui dénommée AFPA International et Madame Lafond se sont rendues coupables d'actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la société Transfer ; Condamne la société AFPA International à payer à la société Transfer la somme de cinquante mille francs (50 000 F) à titre de dommages et intérêts Condamne in solidum l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes AFPA, la société AFPA International et Madame Lafond à payer à la société Transfer la somme de cinq cents mille francs (500 000 F) à titre de dommages et intérêts ; Déboute la Fédération de la Formation Professionnelle de sa demande en paiement de dommages et intérêts ; Condamne la société Transfer à payer en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile les sommes de : dix mille francs (10 000 F) à Monsieur Caviale ; dix mille francs (10 000 F) à Messieurs Fagot, Lesueur, Mollard, Terrin et à Madame Lauriat ; Condamne in solidum l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes AFPA, la société AFPA International et Madame Lafond à payer à la société Transfer la somme de cinquante mille francs (50 000 F) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ; Les condamne in solidum aux dépens de première instance et d'appel ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes.