CA Paris, 14e ch. A, 29 avril 1998, n° 97-16648
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Bemaex (Sté)
Défendeur :
Melun Hydraulique (Sté), Saint-Malo Hydraulique (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Marais
Conseillers :
Mmes Charoy, Magueur
Avoué :
SCP Menard-Scelle-Millet
Avocat :
Me Desclozeau.
Spécialisée dans la fabrication et la distribution de matériels de sécurité et s'adressant principalement depuis de nombreuses années aux services départementaux d'incendie et de secours auxquels elle fournit du matériel de désincarcération tels que dévidoirs, pompes, flexibles, fluides hydrauliques, outils de découpe, la société Bemaex a reproché aux sociétés Melun Hydraulique et Saint-Malo Hydraulique, représentantes en France de produits concurrents, d'avoir commis à son égard des actes de concurrence déloyale et de parasitisme en diffusant auprès de sa clientèle des tracts publicitaires mentionnant, sans son autorisation, ses propres produits pour s'approprier sa réputation de qualité.
Devant la persistance de ces actes, la société Bemaex a saisi le juge des référés à l'effet de les voir interdire et d'obtenir paiement à titre provisionnel de la somme de 500 000 F de dommages-intérêts à valoir sur la réparation de son préjudice à déterminer à dire d'experts.
Par ordonnance du 11 juin 1997, le président du tribunal de commerce de Melun, sur la déclaration des défenderesses de l'arrêt de la distribution des tracts litigieux, estimant que la société Bemaex ne justifiait pas de la protection de son nom, a débouté cette dernière de l'intégralité de ses demandes.
La société Bemaex poursuit l'infirmation de cette décision et réitère, devant la Cour, ses demandes formées devant le premier juge, faisant valoir ;
- que son nom commercial est, en soi, protégé, et a, depuis lors, été déposé à titre de marque,
- que les actes de parasitisme sont avérés.
Les sociétés Melun Hydraulique et Saint-Malo Hydraulique régulièrement assignées à personne, n'ont pas constitué avoué.
Sur quoi, LA COUR :
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que la société Melun Hydraulique est représentante en France des produits Junkers System GmbH et WeberHydrolique, concurrents de ceux de la société Bemaex ;
Qu'il est constant que deux tracts commerciaux ont été diffusés par les deux sociétés Melun et Saint-Malo Hydraulique (l'un sous le nom commercial de SAHE) pour la vente de flexibles de désincarcération présentés comme de type " Bemaex " ; qu'il en est de même des tarifs 1995 ;
Que la société Bemaex qui jouit sur sa dénomination sociale servant à l'identifier, sur l'ensemble du territoire français et à l'étranger, à l'instar d'un nom patronymique, d'une protection absolue qui l'autorise à en interdire l'utilisation dans le secteur soumis à concurrence et/ou susceptible de faire naître une confusion, est d'évidence bien fondée de se plaindre des tracts susdits;
Que le grief est d'autant plus manifestement établi qu'est associé au terme Bemaex le terme Skydrol, désignant l'huile utilisée pour les seuls matériels Bemaex incompatibles avec les matériels concurrents ;
Que ces faits constituent de manière évidente et non sérieusement contestable des actes de concurrence déloyale et parasitaire traduisant la volonté manifeste de s'inscrire dans le sillage de Bemaex et de s'approprier tout ou partie de sa clientèle;
Considérant qu'il s'infère de tout acte de cette nature un préjudice; que l'obligation à réparation n'étant pas davantage sérieusement contestable, il convient d'allouer à la société Bemaex une provision à valoir sur la réparation de celui-ci et d'ordonner une mesure d'expertise à l'effet de déterminer l'étendue exacte de celui-ci ;
Que les mesures d'interdiction doivent également être ordonnées ;
Par ces motifs, Statuant par décision réputée contradictoire, Infirme la décision déférée et statuant à nouveau, Fait interdiction aux sociétés Melun Hydrolique et Saint-Malo Hydrolique de faire usage de la dénomination Bemaex sous quelque forme que ce soit dans le cadre de leurs activités spécifiques, et ce sous astreinte de 5.000 F par infraction constatée ; Condamne les sociétés Melun Hydrolique et Saint-Malo Hydrolique à payer à la société Bemaex la somme de 200.000 F à titre de provision à valoir que la réparation de son préjudice ; Ordonne une mesure d'expertise et désigne pour y procéder : M. Philippe Guilguet 6, place Denfert Rochereau 75014 Paris tel 01.47.79.89.13 avec mission de rechercher tous éléments utiles sur les actes de concurrence déloyale et parasitaires susvisés, sur leur importance et sur l'étendue du préjudice qui a pu en résulter pour la société Bemaex, dans toutes ses composantes, et plus généralement de fournir tous éléments pour permettre à la juridiction éventuellement saisie de chiffrer ce préjudice ; Dit que la société Bemaex devra consigner au greffe de la Cour la somme de 35.000 F à valoir sur le honoraires de l'expert avant le 15 juin 1998 ; Dit que cette somme doit être versée au régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel de Paris, 34 quai des Orfèvres (75055) Paris Louvre SP ; Dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe de la Cour avant le 31 décembre 1998, sauf prorogation dudit délai sollicité en temps utile ; Condamne les sociétés Melun Hydrolique et Saint-Malo Hydrolique aux entiers dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de Procédure Civile.