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Décisions

CA Riom, ch. com., 22 avril 1998, n° 97-01111

RIOM

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Garage Bourdonnais (SA), Grand Garage Montluçonnais (SA), Diam (SA), Sivrac (SA), Europe Garage (SA), Barrat Automobile (SA)

Défendeur :

Garage des Ilets (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bardel

Conseillers :

MM. Despierres, Legras

Avoués :

Me Rahon, SCP Goutet

Avocats :

Me Bourgeon, SCP Ambiehl Kennouche Treins.

T. com. Montluçon, du 20 déc. 1996

20 décembre 1996

Exposé du litige

Par requête du 17 février 1995 huit concessionnaires de marques automobiles de Montluçon demandaient au Président du Tribunal de grande instance de cette ville l'autorisation de dresser constat dans les locaux de la SARL Garage des Ilets, mandataire CEE, au fins de connaître l'origine des véhicules en stock ainsi que les mandats de vente, factures et documents administratifs y afférents et les publicités réalisées sur ces véhicules afin de vérifier le respect des réglementations européennes et nationales.

Y ayant été autorisés par ordonnance du même jour et, sur une autre requête, par une autre ordonnance du 21 mars 1995, ils faisaient procéder à constats les 2.03, 20.03 et 23.03.95 au siège de la société Garage des Ilets à Montluçon.

Par acte du 28-12-95 la SA Grand Garage Montluçonnais, concessionnaire Citroën, la SA Diam, concessionnaire Rover, la SA Sivrac, concessionnaire Opel, la SA Europe Garage, concessionnaire Volkswagen et la SA Barrat Automobile, concessionnaire Ford, ayant toutes leur siège social à Montluçon, faisaient assigner à jour fixe la SARL Garage des Ilets pardevant le Tribunal de commerce de Montluçon aux fins, sous astreinte de 10 000 F par infraction constatée ;

- de faire interdire la vente de véhicules neufs ou assimilés à tout particulier utilisateur final sans s'être préalablement immatriculé au Registre du Commerce sous la seule activité de mandataire et sans rendre impossible dans l'esprit du public toute confusion avec une activité de revendeur marchand ;

- de faire interdire tout stock de véhicules neufs et assimilés et de faire toute publicité sur les véhicules sans se conformer aux dispositions communautaires régissant la publicité des mandataires ;

- de faire interdire toute publicité comparative de prix conformément à la loi du 18-01-92 ;

- de payer à la SA Europe Garage la somme de 111 098, 12 F, à la SA Sivrac celle de 20 695 F HT, à la SA Grand Garage Montluçonnais celle de 413 647 F HT, à la SA Diam celle de 813 797 F HT, à la SA Garage Bourdonnais celle de 799 686 F HT et à la SA Barrat celle de 10 000 F HT ainsi que 25 000 F au titre de l'article 700 NCPC ;

- d'ordonner la publicité du jugement dans quatre journaux régionaux aux frais de la SARL Garage des Ilets.

Entretemps, soit par acte des 5 et 6 avril 1995, la SARL Garage des Ilets et le Syndicat des Professionnels Européens de l'Automobile (SPEA) avaient fait assigner les huit concessionnaires précités pardevant le même Tribunal aux fins, constatant que les opérations de constat effectuées constituaient des perquisitions privées anormales et une immixtion illicite dans les affaires d'autrui relevant de l'espionnage économique et de pratiques déloyales et anticoncurrentielles, de les voir condamner chacun à leur payer à chacun 50 000 F de dommages et intérêts et solidairement 20 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Par jugement du 20 décembre 1996 le Tribunal, ayant joint les deux instances :

- se déclarait incompétent pour statuer sur les demandes de la SARL Garage des Ilets et du SPEA ;

- déboutait les six concessionnaires de l'ensemble de leurs demandes et les condamnait solidairement à payer à la SARL Garage des Ilets 5 000 F au titre de l'article 700 du NCPC .

- Déboutait la SARL Garage des Ilets de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive et de sa demande de publication de la décision.

La SA Garage Bourdonnais, la SA Grand Garage Montluçonnais, la SA Diam, la SA Sivrac, la SA Europe Garage et la SA Barrat Automobile ont interjeté appel le 19 mars 1997 de ce jugement dont elles demandent l'infirmation.

Elles font valoir :

- que, si ni le droit européen ni le droit français ne prohibent l'exercice d'une activité de revendeur professionnel hors réseau officiel, cette activité doit respecter les règles inhérentes à toute activité commerciale et notamment l'obligation de ne pas nuire délibérément à la bonne exécution des contrats de distribution légalement conclus par les membres des réseaux officiels ;

- qu'il résulte des constats des 2, 20 et 23 mars 95 et des publicités produites aux débats que ce garage exerce simultanément dans les mêmes locaux une activité de mandataire dans l'acquisition de véhicules intra-communautaire et une activité de revente de véhicules neufs importés : or, les conditions dans lesquelles elles sont exercées sont irrégulières et constituent un acte de concurrence déloyale ;

- qu'en effet l'activité de mandataire ne répond pas aux conditions définies par la Commission Européenne qui impose une transparence dans l'exécution du mandat, notamment quant à la nature des services offerts et à leur rémunération, une reddition de comptes détaillée et exhaustive devant être présentée à l'utilisateur final (article 2a de la Communication du 18-12-91) ; d'autre part, il incombe à l'intermédiaire d'exposer préalablement par écrit au distributeur du réseau auquel il commande un véhicule qu'il agit au nom et pour le compte de l'utilisateur final (article 3 de la Communication du 18-01-85) ; or le Garage des Ilets s'est abstenu de cette présentation, a dissimulé l'identité de ses mandants et a dissimulé à ceux-ci le prix réel d'acquisition du véhicule et le montant de la Commission perçue ;

- que la Commission (communication du 18-12-91) exige également que la publicité du mandataire évite toute confusion, dans l'esprit des acheteurs potentiels, avec un revendeur, notamment en indiquant sans équivoque qu'il n'intervient pas en tant que revendeur mais comme prestataire de services de façon à permettre au consommateur de choisir en connaissance de cause le mode d'acquisition de son véhicule, en distinguant nettement ces deux activités tant dans ses publicités que dans l'agencement de ses locaux, en fournissant toute information sur le prix qu'il peut obtenir tout en précisant qu'il s'agit de sa meilleure estimation et en prenant soin de n'entreposer que des véhicules acquis par les soins et appartenant à sa clientèle ; cette exigence n'est pas contradictoire avec l'arrêt du 15-02-96 de la Cour de justice des Communautés Européennes qui se borne à reconnaître qu'une entreprise peut cumuler les activités de mandataire et de revendeur : or, l'activité de mandataire-prestataire de service n'est pas mentionnée sur l'extrait K bis et n'apparaît pas sur les publicités ni dans les locaux, les formules utilisées dans les publicités ni dans les locaux, les formules utilisées dans les publicités sont volontairement imprécises et ambiguës, il n'est pas fait référence à la notion de " meilleure estimation possible " et des véhicules neufs en stock disponibles à la vente sont exposés ;

- qu'alors que l'article 2c de la communication du 18-12-91 interdit au mandataire d'établir des relations privilégiées avec ses fournisseurs lui permettant d'obtenir des rabais différents de ceux d'usage, le Garage des Ilets a bénéficié régulièrement auprès de la société espagnole Ronicar SL et du concessionnaire italien Auto Alba de remises pouvant atteindre 15 % du prix d'achat ; ainsi, ayant enfreint les orientations et critères définis par la Commission Européenne dans ses communications des 18-01-85 et 18-12-91 elle est présumée (article 1 alinéa 3 de la Communication du 18-12-91) avoir outrepassé les limites de l'article 3.11 du règlement CEE 123-85 ;

- que, s'agissant de l'activité de revente de véhicules neufs importés, licite en principe, du fait de l'étanchéité des réseaux de distribution automobile exclusifs interdisant à tout concessionnaire de vendre des véhicules neufs à des revendeurs professionnels hors réseau, la seule possibilité d'approvisionnement licite est auprès du constructeur ou de l'importateur ; en effet un revendeur hors réseau agit fautivement, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, s'il incite ou se rend complice de la violation par un distributeur officiel de ses obligations contractuelles ; or la SARL Garage des Ilets n'a été approvisionnée par aucun concédant ; elle a donc du se présenter en qualité de mandataire à des concessionnaires étrangers pour les tromper et donner à sa demande d'approvisionnement une apparence de liceité alors qu'elle n'est qu'un revendeur ; ainsi, pour réaliser la revente à M. Pasquier d'un véhicule Peugeot 306 acquis auprès d'un concessionnaire italien à Alba, elle fait signer à son client un mandat et a porté comme précédent propriétaire, sur le certificat de cession, le nom de Fazio qui est celui d'un de ses vendeurs et une adresse fictive en Italie ; la même adresse fictive a été utilisée pour d'autres prête-noms tels que Chagnon ou Blankiet ; des mandats fictifs signés par des clients ont également été utilisés pour la constitution du stock de véhicules neufs ;

- qu'elle s'est d'autre part approvisionnée auprès d'une filière espagnole d'importation parallèle, la société Ronicar SL, qui utilise son statut officiel de loueur pour se fournir auprès de concessionnaires en véhicules neufs destinés à des importateurs parallèles ;

- que ses publicités et annonces, utilisant l'expression " tarifs CEE " laissant penser qu'il s'agirait d'un tarif officiel, la mention " minimum 20 % " délibérément imprécise, le prix n'étant ni déterminé ni déterminable, ou encore la notion de prix " garantis " non tenus présentent un caractère trompeur au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation ;

- que leur préjudice est constitué par la marge perdue sur chaque vente réalisée par le Garage des Ilets et par l'incidence de ces ventes perdues sur leurs primes d'objectif ; faute d'avoir pu obtenir communication du détail des ventes réalisées depuis le début de l'activité de la SARL qui n'a pas déféré à la sommation il doit être estimé forfaitairement à 100 000 F par concessionnaire.

Elles concluent donc à la condamnation de la SARL Garage des Ilets à leur payer à chacune la somme de 100 000 F de dommages et intérêts et 30 000 F sur le fondement de l'article 700 NCPC ainsi qu'à la publication de l'arrêt à intervenir dans trois journaux de leur choix.

La SARL Garage des Ilets, intimée et appelante incidente, conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les appelantes de toutes leurs demandes et à sa réformation en ce qu'elles soient condamnées in solidum à lui payer 100 000 F de dommages et intérêts pour procédure abusive et malveillante et à ce que soit ordonnée la publication de l'arrêt à intervenir dans trois journaux à son choix aux frais des appelantes. Elle demande enfin la condamnation solidaire des appelantes à lui payer 30 000 F au titre de l'article 700 NCPC. Elle rappelle les dispositions du Traité de Rome (art. 85 paragraphe 1) posant le principe de la libre concurrence et les deux règlements n° 123-85 du 12-12-84 et 1475-95 du 28-06-95 de la Commission Européenne d'où il résulte notamment qu'il n'est pas interdit à un constructeur de vendre ses véhicules autrement que par le biais d'un système de distribution exclusive ni à un distributeur autorisé de vendre les produits contractuels à des intermédiaires agissant au nom et pour le compte de consommateurs finals et ayant reçu à cette fin un mandat écrit. Elle rappelle la jurisprudence de la Cour de justice des communautés Européennes aux termes de laquelle (arrêts de principe du 15-02-96) le Règlement CEE n° 123-85 du 152-12-84 de la Commission concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles doit être interprété en ce sens qu'il ne fait pas obstacle à ce qu'un opérateur qui n'est, ni revendeur agrée du réseau de distribution du constructeur d'une marque automobile déterminée, ni intermédiaire mandaté au sens de l'article 3.11 de ce règlement se livre à une activité de revente indépendante de véhicules neufs de cette marque, ni à ce qu'un opérateur indépendant cumule les activités d'intermédiaire mandaté et celles de revendeur non agrée de véhicules provenant d'importations parallèles. Elle cite plusieurs décisions de juridictions nationales ayant admis que les importations parallèles n'étaient à aucun moment constitutives de concurrence déloyale. Sur les faits qui lui sont reprochés elle fait valoir ;

- que la communication de la Commission Européenne du 4-12-91 n'a pour objet que de clarifier certaines notions utilisées par le règlement CEE n° 123-85 et ne saurait modifier la portée de ce dernier ni créer la moindre règle contraignante supplémentaire ;

- qu'il résulte de l'interprétation donnée par la Cour de cassation (15-10-96) aux arrêts de la CJCE du 15-02-96 que le commerçant indépendant peut exercer, cumulativement ou alternativement, l'activité de mandataire et celle de revendeur indépendant sans avoir à faire état de sa qualité dans ses publicités dès lors que le consommateur ne peut être trompé sur les obligations qu'il a souscrit lors de la signature du contrat ;

- que le caractère illicite de son approvisionnement ne peut être présumé du seul fait qu'elle n'en indique pas la source, par assimilation à la jurisprudence dite " des parfums " non transposable au secteur de l'automobile dont les réseaux ne présentent pas la même étanchéité du fait de l'importance considérable des ventes directes hors réseau que se réservent les constructeurs ;

- que, cette présomption de mauvaise foi étant inapplicable ici, les appelants ont donc à charge d'établir que l'acquisition des véhicules a été réalisée irrégulièrement auprès de membres de réseaux au mépris des interdictions contractuelles connues d'elle ;

- que l'approvisionnement auprès de sociétés de location n'est pas prohibé ;

- que, s'agissant de sa publicité, la confusion qui serait susceptible de résulter de l'absence de mention expresse de sa qualité de mandataire ou de vendeur ne pourrait lui être reprochée que par l'acquéreur final du véhicule dans la mesure où il établirait un préjudice et ne peut constituer un acte de concurrence déloyale à l'égard des concessionnaires ;

- qu'étant en concurrence sur le marché du négoce des véhicules avec les concessionnaires le mandataire doit avoir accès sans discrimination aux différents supports publicitaires, élément essentiel d'accès à la clientèle et de pénétration du marché ;

- que le consommateur qui s'adresse à un importateur parallèle est conscient d'utiliser un circuit particulier de vente avec ses caractéristiques spécifiques et de s'adresser à un commerçant indépendant et non au membre d'un réseau, aucune confusion ne pouvant s'opérer dans son esprit ;

- que le prix " France " de comparaison qu'elle mentionne dans sa publicité est le tarif constructeur disponible sur Minitel et dans la presse spécialisée et communiqué au public dans les points de vente de la marque : le public est parfaitement au fait de la pratique de remises des concessionnaires sur ce prix catalogue de sorte qu'aucune confusion n'est possible pour lui ;

- qu'il ne s'agit pas d'une publicité comparative au sens de l'article 121-8 du Code de la consommation dès lors qu'elle indique le tarif des concédant et le sien et ne se réfère pas aux prix de ses concurrents concessionnaires ;

- qu'il n'est en définitive justifié ni d'une faute constitutive de concurrence déloyale, ni d'un préjudice ni d'un lien de causalité.

Elle précise que sa demande reconventionnelle est basée sur le caractère de concurrence déloyale de l'action intentée à son encontre, destinée à obtenir des renseignements commerciaux couverts par le secret des affaires, à troubler son activité commerciale et à la dénigrer par le biais d'une procédure non contradictoire et officieuse.

Motif et décision

Attendu que le Syndicat des professionnels européens de l'automobile, co-demandeur principal en première instance, n'a pas été intimé de sorte qu'en toute hypothèse les dispositions du jugement déféré le concernant ne sont pas soumises à la censure de la Cour ;

Attendu que les appelantes admettent aux termes de leurs écritures qu'en matière de distribution automobile " le droit consacre le principe de la liberté du commerce en n'édictant aucune prohibition d'exercice d'une quelconque activité de revente automobile " ;

Qu'elles rappellent que si, par dérogation à l'article 85 paragraphe 1 du Traité de Rome prohibant les pratiques restrictives de concurrence, la distribution automobile bénéficie d'un règlement d'exemption catégorielle (règlement 123-85 du 12-12-84 repris par le règlement 1475-95 du 25/06/95) autorisant la conclusion d'accords de distribution contractuel à un revendeur étranger au réseau, les mêmes règlements reconnaissant en contrepartie à tout consommateur résidant dans un état membre de l'UE le droit d'acquérir un véhicule neuf auprès du distributeur de son choix dans l'un des Etats membres directement ou par l'intermédiaire d'un prestataire de services spécialement mandaté ;

Qu'elles reconnaissent d'autre part, que la CJCE a affirmé la licéité de principe de l'activité de revente de véhicules automobiles neufs hors réseau officiel ; que cela résulte de deux arrêts de la CJCE du 15.02.96 indiquant que le règlement CEE 123-95 ne fait obstacle à ce qu'un opérateur, qui n'est ni revendeur agréé du réseau de distribution du constructeur d'une marque automobile déterminée ni intermédiaire mandaté au sens de l'article 3-11 de ce règlement se livre à une activité d'importation parallèle et de revente indépendante de véhicules neufs de cette marque ;

Qu'aux termes des mêmes arrêts la CJCE a estimé que le règlement ne s'opposait pas davantage à ce qu'un opérateur indépendant cumule les activités d'intermédiaire mandaté et de revendeur non agréé de véhicules provenant d'importations parallèles ;

Qu'il en résulte clairement que des commerçants indépendants des réseaux de distribution exclusive sont libres d'exercer cumulativement ou alternativement à leur choix l'activité de mandataire CEE et celle de revendeur;

Que par suite le fait d'exercer les deux activités dans les mêmes locaux ou de faire des annonces publicitaires ne précisant pas l'une ou l'autre de ces activités ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale à l'égard des concessionnaires;

Qu'il doit être de principe qu'étant en concurrence sur le marché du négoce des véhicules automobiles neufs ou assimilés les deux catégories de professionnels représentés par les commerçants indépendants et par les concessionnaires membres de réseaux de distribution exclusive doivent pouvoir accéder sans discrimination aux différents supports publicitaires sans qu'une des catégories soit à cet égard soumise à plus d'exigences que l'autre ;

Que le seul préjudice susceptible éventuellement de résulter de cette non distinction pourrait se situer au niveau du consommateur à supposer qu'il ait pu être trompé sur la nature de la prestation qu'il pensait obtenir;

Que tel n'est en toute hypothèse pas le cas dès lors que le contrat qu'il est amené à signer avec le commerçant indépendant ne laisse planer aucune ambiguïté à cet égard ;

Qu'en l'espèce, il n'est ni prétendu, ni établi que des consommateurs se soient plaints de tromperie ou même que les contrats qui leur étaient proposés n'étaient pas conformes à la loi ;

Qu'il n'est de même pas établi que les publicités incriminées aient été de nature à entraîner une possible confusion dans l'esprit du consommateur entre les activités de l'intimée et celles des concessionnaires agréés ;

Qu'en ce qui concerne l'activité déclarée au Registre du Commerce il apparaît que la SARL Garage des Ilets y figure notamment pour la vente d'automobiles neuves et d'occasion ainsi que pour le négoce et l'importation de tous véhicules automobiles neufs ou de faible kilométrage en provenance de la CEE, ce qui recouvre aussi bien l'activité de mandataire que celle de revendeur ;

Que si une insuffisance de précision quant à la nature exacte de ses activités, en particulier de celle de mandataire, pouvait être relevée, elle ne serait pas en elle-même constitutive de concurrence déloyale caractéristiques non de nature à tromper le public qui ne se procure généralement pas un extrait Kbis du professionnel avec qui il envisage de traiter ;

Attendu par ailleurs que, si la Communication 91/C 329/06 de la Commission Européenne visée par les appelantes semble mettre à la charge du mandataire l'obligation de faire sa publicité sans rendre possible dans l'esprit des acheteurs potentiels une confusion avec un revendeur, celle de faire expressément et visiblement ressortir qu'il agit comme intermédiaire prestataire de services et non comme revendeur et celle d'indiquer que le prix qu'il peut obtenir constitue sa meilleure estimation, la CJCE a été amenée à préciser qu'elle n'a pour objet que de clarifier certaines notions utilisées par le règlement et ne saurait modifier la portée de ce dernier qui au demeurant s'impose seul au juge national ;

Que ce règlement n'astreint pas le négoce automobile exercé par un opérateur indépendant à des conditions particulières ;

Que tout juste est-il fait référence par le règlement (1475-95) au mandat écrit donné par l'utilisateur final à l'intermédiaire pour acheter et prendre livraison d'un véhicule déterminé au chapitre des obligations s'imposant aux distributeurs membres d'un réseau de distribution exclusive et justifiant l'exemption à la règle de la libre concurrence que représente ce type de distribution ;

Attendu que, si un mandataire ne peut par définition disposer d'un stock de véhicules neufs à vendre, tel n'est pas le cas d'un revendeur ;

Que par conséquent, l'existence d'un tel stock chez un commerçant indépendant cumulant les activités de mandataire et de revendeur est parfaitement légitime ;

Attendu que les appelantes indiquent expressément dans leurs dernières écritures ne pas entendre incriminer comme une publicité comparative au sens de l'article 10 de la loi n°92-60 du 18-01-92 devenu l'article 121.8 du Code de la consommation, la publicité effectuée par le Garage des Ilets ;

Que, de fait, pour être incriminée comme comparative, une publicité doit permettre l'identification de concurrents, ce qui n'est pas le cas en l'espèce s'agissant de publicités portant des prix de référence " tarif CEE " par comparaison avec le prix de référence " constructeur ", c'est à dire le tarif à caractère officiel communiqué par les constructeurs automobiles aux-mêmes et disponible au public par consultation de la presse automobile ou des serveurs Minitel ;

qu'il ne s'agit pas du prix pratiqué par des concessionnaires automobiles concurrents qui ne sont pas eux-mêmes tenus, en dehors des opérations promotionnelles, de respecter strictement le prix constructeur, pouvant jouer sur leur marge ;

Qu'ainsi, il ne s'agit pas de publicités comparatives au sens du texte cité ci-avant ;

Qu'il n'est pas établi que les publicités citées aient eu un caractère mensonger ou trompeur et que l'intimée n'ait pu "tenir son prix" auprès de l'utilisateur final sans le rembourser de son avance ;

Qu'on ne voit pas au nom de quel principe un commerçant indépendant aurait l'obligation de faire état de sa marge ou du montant des frais d'acheminement du véhicule alors que les distributeurs agrées n'y seraient pas astreints ;

Qu'en tout état de cause, une éventuelle insuffisance de précisions dans le libellé des annonces justifierait le cas échéant une action de consommateurs justifiant de l'existence d'un préjudice mais ne saurait constituer en soi un acte de concurrence déloyale à l'égard de concurrents ;

Attendu, en ce qui concerne l'approvisionnement de la société intimée, qu'une importation parallèle, dont la licéité de principe a été rappelée, ne peut constituer en elle-même un acte de concurrence déloyale à l'égard des concessionnaires;

Qu'il en est de même de la vente d'automobiles importées à des prix inférieurs à ceux pratiqués par les concessionnaires français de la marque, ceci relevant du jeu normal de la concurrence ;

Que l'intimée ne conteste pas qu'une faute constitutive de concurrence déloyale puisse découler du fait, par un revendeur hors réseau, d'un approvisionnement auprès d'un concessionnaire membre d'un réseau de distribution exclusive dès lors qu'il n'ignore pas l'interdiction contractuelle pour celui-ci de vendre des véhicules à des revendeurs non agrées et qu'ainsi il porte atteinte à la bonne exécution d'un contrat légalement formé entre le concessionnaire et son concédant ;

Mais attendu que l'absence d'étanchéité des réseaux de distribution exclusive d'automobiles, résultant du fait non contesté par les appelantes que les constructeurs écoulent 40 % de leur production auprès d'autres opérateurs que les membres de leurs propres réseaux de distribution, empêche tout rapprochement avec la jurisprudence dite "des parfums" citée par les parties permettant de mettre à la charge du distributeur non agréé qui n'est pas en mesure de justifier de ses sources d'approvisionnement une présomption d'approvisionnement illicite;

Or attendu que la preuve n'est pas en l'espèce rapportée par les appelantes, qui en ont la charge, d'un approvisionnement de la société intimée auprès de membres de leurs réseaux de distribution exclusive;

Que s'il est certes fait état de mandats fictifs destinés à tromper la vigilance de concessionnaires étrangers et si l'intimée a crut pouvoir ne pas répondre sur ce point, l'existence de tels mandats n'est pas établie ;

Qu'elle ne peut être déduite du seul cas précis cité par les appelantes, concernant l'importation d'un véhicule Peugeot 306 destiné à M. Pasquier ;

Qu'en effet, si le certificat de cession de ce véhicule a été établi, sans que la raison en apparaisse clairement, au nom d'un employé du garage, il existe bien un mandat destinataire du véhicule sur le certificat d'acquisition destiné à la DGI ;

Que l'utilisation de mandats fictifs ne peut pas davantage se déduire, à défaut d'autres éléments, du fait de l'établissement par les vendeurs étrangers de leur factures au nom d'un employé du Garage des Ilets, ceci pouvant correspondre à une pratique dictée par la facilité ;

Attendu d'autre part, que les appelantes se bornent à affirmer, sans l'étayer par aucune pièce, que la société espagnole Ronicar SL serait une société écran dont l'activité officielle de loueur dissimulerait celle d'exportateur de véhicules neufs hors réseau ;

Qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur le caractère éventuellement illicite des activités d'un fournisseur d'un revendeur indépendant en l'absence de tout élément de preuve apporté par les appelantes ;

Qu'aucune interdiction de revente n'est stipulée à l'égard des loueurs professionnels auprès desquels, par conséquent, l'acquisition de véhicules par un revendeur non agrée ne peut être considérée comme fautive dans la mesure où elle n'est accompagnée d'aucune tromperie ou manœuvre frauduleuse;

Attendu en conséquence que les appelantes seront déboutées de toutes leurs demandes ;

Attendu que l'intimée, qui a renoncé à qualifier de perquisitions privées illégales les opérations de constat effectuées dans ses locaux les 2, 20 et 23 mars 1995, fonde sa demande reconventionnelle sur le caractère abusif de l'action intentée à son encontre censée traduire une intention des appelantes de lui nuire et d'entraver ses activités, ce qui ne révèle que de son appréciation subjective, et sur leur recours qualifié d'intolérable à la procédure d'ordonnance sur requête destinée à s'immiscer dans ses affaires commerciales ;

Mais attendu que les opérations visées, soit des constats d'huissier réalisés sur autorisation judiciaire, ne peuvent en tout état de cause être qualifiées d'abusives ;

Que pour le reste, il n'est pas établi l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé par le recours à l'article 700 du NCPC ;

Qu'elle sera donc déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts ;

Attendu, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de mesure de publication qui n'apparaît pas justifiée et dont l'intimée n'explicite pas la motivation ;

Que le jugement déféré sera donc purement et simplement confirmé ;

Qu'en ce qui concerne l'indemnité au titre de frais irrépétibles il paraît équitable d'accorder à l'intimée une indemnisation supplémentaire de 3 000 F.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, - confirme, en ce qui est appelé, le jugement en toutes ses dispositions ; - déboute la SA Garage Bourdonnais, la SA Grand Garage Montluconnais, la SA Diam, la SA Sivrac, la SA Europe Garage et la SA Barrat Automobile de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires ; - Déboute la SARL Garage des Ilets de ses demandes en dommages-intérêts et de publication de la présente décision ; - Condamne solidairement les sociétés appelantes à payer à la SARL Garage des Ilets la somme de 3 000 F (trois mille francs) sur le fondement de l'article 700 du NCPC ; - Condamne les sociétés appelantes aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.