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Décisions

Cass. com., 7 avril 1998, n° 96-11.258

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Marcelle Griffon (SA)

Défendeur :

Devernois (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Gomez

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

Mes Thomas-Raquin, Choucroy.

T. com. Paris, 6e ch., du 27 mars 1995

27 mars 1995

LA COUR : - Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 1996), que la société Devernois a assigné pour contrefaçon et concurrence déloyale les sociétés Marcelle Griffon, Actua diffusion, Comptoir européen de la mode, Marcelle Griffon diffusion, Foch textile industries et réplique (sociétés Marcelle Griffon et autres) commercialisant la copie d'un modèle de veste dont le dépôt, effectué le 5 août 1993, a été enregistré sous le numéro 0934155 et mis à la disposition du public le 30 novembre 1993 sous les numéros 0345575, 0345580 et 0345581 ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que les sociétés Marcelle Griffon et autres font grief à l'arrêt de les avoir condamnées pour contrefaçon, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel n'apporte aucune réponse au moyen de leurs conclusions qui invoquaient le caractère exclusivement fonctionnel de la forme constituée par le point de recouvrement accompagnant les poches plaquées, en faisant valoir "qu'en ce qui concerne les poches dont l'emplacement et la forme est classique s'agissant d'une veste cardigan, le fait de les appliquer sur la veste par point de recouvrement évite, ici encore, plusieurs manipulations manuelles, le bord d'une poche, qui n'est pas appliqué par point de recouvrement, devant être préalablement retourné, puis cousu; qu'ici encore, le moyen utilisé, placage d'une poche par point de recouvrement, aboutit à un moindre prix de revient"; que l'arrêt viole à cet égard l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; alors, d'autre part, que par application de l'article L. 511-3, alinéa 2, du Code de la propriété intellectuelle une forme ne peut être protégée par les dispositions des articles L. 111-1 ou L. 511-1 du même code lorsque les éléments constitutifs de sa nouveauté sont inséparables de leur rôle fonctionnel; que ce caractère inséparable n'est pas exclu par la seule constatation selon laquelle le même résultat peut procéder de plusieurs formes, chacune de celles-ci pouvant être en elle-même inséparable du résultat qu'elle procure ; que la cour d'appel n'a pas en conséquence donné de base légale à sa décision au regard des textes précités en faisant bénéficier de la protection des articles L. 111-1 et suivants la bande roulottée de finition incluse dans le modèle litigieux après avoir simplement constaté que ladite bande "n'est pas une manière exclusivement nécessaire de terminer les vêtements" ; alors, enfin, qu'en application de l'article L. 511-3, alinéa 2, du Code de la propriété intellectuelle, cette bande roulottée de finition et le point de recouvrement accompagnant les poches ne pouvaient être inclus dans le modèle protégé par l'arrêt selon les termes de l'article L. 111-1 dudit code que s'il était effectivement constaté par l'arrêt que ces formes étaient séparables des fonctions que le même arrêt leur attribue; que faute de se prononcer valablement à cet égard au regard de l'une et l'autre desdites formes, la cour d'appel viole à ce titre aussi les textes dont il s'agit ;

Mais attendu que l'arrêt retient que les caractéristiques du modèle litigieux révèlent, outre le caractère fonctionnel de la forme cardigan, un aspect décoratif par l'effet de surpiqûres placées à courte distance des bordures des manches et de la fermeture, par un point de recouvrement accompagnant les poches, par la bande roulottée de finition, par la découpe en V avec un système de fermeture comportant un nombre limité de boutons et par trois poches plaquées présentant un arrondi à leur base; qu'en déduisant de ces constatations et appréciations que ces éléments pris en combinaison, qui ne sont pas nécessaires, sont séparables de la forme et du résultat utilitaire, confèrent au vêtement litigieux une originalité révélant l'effort créatif de l'auteur, la cour d'appel, répondant en les rejetant aux conclusions prétendument omises et justifiant légalement sa décision, a pu statuer ainsi qu'elle a fait ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen : - Attendu que les sociétés Marcelle Griffon et autres font grief à l'arrêt de les avoir condamnées pour concurrence déloyale alors, selon le pourvoi, que le même arrêt constate "que des documents mis aux débats, il résulte que les boutiques respectives des sociétés en litige n'ont pas de points communs susceptibles de prêter à confusion ni dans leur présentation extérieure ou intérieure, ni dans les couleurs adoptées pour leur magasins, enseignes, logos ou les cintres"; que la contradiction qui existe ainsi dans les motifs de l'arrêt quant à la création d'un risque de confusion lié à la proximité des magasins impose la cassation par application de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que les vestes litigieuses étaient commercialisées par le groupe Griffon dans des boutiques se trouvant très fréquemment dans des rues où étaient implantées la société Devernois et rappelé qu'à lui seul ce fait n'était pas constitutif de concurrence déloyale, l'arrêt retient qu'il est établi que la diffusion, à proximité immédiate des boutiques Devernois, de vestes constituant des copies serviles d'un modèle protégé et vendues à des prix inférieurs est intentionnelle ; qu'en déduisant de ces constatations et appréciations que cette manière de faire démontre la volonté de créer un risque de confusion et qu'il en résulte un comportement qualifié de concurrence déloyale, la cour d'appel a statué hors toute contradiction; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.