CA Paris, 4e ch. A, 1 avril 1998, n° 96-05473
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Patchouli (SA)
Défendeur :
Chaumet International (SA), Reinert
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Duvernier
Conseillers :
Mme Mandel, M. Lachacinski
Avoués :
SCP Ménard Scelle Millet, SCP Bommard Forster, Me Pamart
Avocats :
Mes Guetta, Hoffman, Ferrari Blosch.
Faits et procédure
La société Chaumet International est titulaire des droits de création et d'exploitation portant sur un modèle de bague appelé " Anneau Chaumet " présentant la forme d'un anneau excentré, légèrement renflé sur le dessus, décliné sous différentes apparences, lisse et polie ou enrichi d'un cabochon de saphir, de rubis, de sept brillants en étoile ou pavé de diamants qui a été commercialisé à partir du mois de décembre 1988 sous ces diverses versions.
Ayant constaté au mois de décembre 1994 qu'un modèle d'anneau reproduisant les caractéristiques de son propre modèle dans sa déclinaison pavé de diamants était proposé à la vente par la société Patchouli à Paris, la société Chaumet International, autorisée par ordonnance du 27 décembre 1994, a fait constater par huissier de justice le 3 janvier 1995, que sur la dernière page du livre de commande de la société intitulé 1994-1995, figure une commande concernant une " Alliance Style Chaumet Brillant-grande photo " correspondant à la publicité Chaumet, et que selon Sylvie Coignard, employée dans le magasin de la société Patchouli, le modèle Didier Defond le plus proche est référencé 6778 page 8 du catalogue intitulé " Didier Defond-Collection Vermeil ".
Le procès-verbal de police du 8 février 1995 mentionne que la bague arguée de contrefaçon achetée à la société Patchouli ne provient pas de la société Didier Defond devenue la société Joaillier du Vermeil, mais de la société Création Horizon qui a reconnu dans un procès-verbal de police daté du 3 septembre 1995 avoir créé, puis vendu à la société Patchouli, un jonc anglais de forme, ouvert à l'intérieur avec un empierrage serti de grains de zirconium.
Par actes des 23 et 31 mai 1995, la société Chaumet International a assigné la société Patchouli, la société Didier Defond, la société Joaillier du Vermeil et Daniel Reinert exploitant sous le nom commercial de " Création Horizon " devant le tribunal de commerce de Paris en leur reprochant des actes de contrefaçon de la bague " Anneau de Chaumet " et de concurrence déloyale, et afin que soient prononcées contre eux, outre les habituelles mesures d'interdiction et de publication sous astreinte, des condamnations solidaires à lui payer la somme de 50 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, celle de 1 000 000 F à titre de dommages et intérêts pour les actes de contrefaçon et celle d'un même montant pour les faits de concurrence déloyale.
Par le jugement du 2 février 1996 assorti partiellement de l'exécution provisoire, le tribunal saisi a :
- mis la société Joaillier du Vermeil hors de cause,
- dit la société Chaumet International recevable dans son action à l'encontre de Daniel Reinert " Création Horizon " et de la société Patchouli,
- dit que le modèle d'anneau P440 de Daniel Reinert " Création Horizon " n'est pas une contrefaçon du modèle de la société Chaumet International,
- dit que Daniel Reinert " Création Horizon " et la société Patchouli se sont livrés à des agissements parasitaires au détriment de la société Chaumet International en commercialisant le modèle P440, lui ont causé un préjudice, et condamné Daniel Reinert " Création Horizon " à verser à la société Chaumet International une indemnité de 75 000 F et la société Patchouli une indemnité de 25 000 F,
- fait interdiction à Daniel Reinert " Création Horizon " et à la société Patchouli de fabriquer, faire fabriquer, diffuser, exposer à la vente et vendre le modèle P440 sous astreinte de 5 000 F par infraction constatée à compter de la signification du jugement,
- autorisé la publication du jugement ou d'extraits dans trois journaux au choix de la société Chaumet International aux frais partagés de Daniel Reinert " Création Horizon " et de la société Patchouli dans la limite d'un coût global de 50 000 F hors taxes,
- condamné in solidum Daniel Reinert " Création Horizon " et la société Patchouli à verser à la société Chaumet International la somme de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- condamné Daniel Reinert " Création Horizon " et la société Patchouli aux entiers dépens.
Appelante du jugement déféré à l'exception des dispositions qui concernent la société Joaillerie du Vermeil, la société Patchouli sollicite sa réformation sauf en ce qu'il a débouté la société Chaumet International de sa demande au titre de la contrefaçon, et de constater :
- à titre principal, que la société Chaumet International ne rapporte pas la preuve de ses droits sur les modèles dont elle entend obtenir la protection et donc de rejeter ses demandes,
- à titre subsidiaire, que le modèle " Anneau Chaumet " n'est ni nouveau, ni original et ne saurait par conséquent bénéficier de la protection de la loi, et qu'il convient donc de rejeter les demandes présentées par la société Chaumet International, tant sur le fondement de la contrefaçon que sur celui de la concurrence déloyale, le modèle référencé P440 dans la collection de la société Création Horizon ne constituant pas une contrefaçon du modèle " Anneau Chaumet ",
- à titre subsidiaire, de condamner Daniel Reinert " Création Horizon " à la garantir de toutes les condamnations pouvant intervenir à son encontre du fait des actes de contrefaçon ou de concurrence déloyale, et en tout état de cause, de condamner la société Chaumet international à lui payer la somme de 36 180 F au titre de ses frais hors dépens et celle de 300 000 F en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la procédure abusive et déloyale qui a été engagée contre elle et d'ordonner la publication de la décision à venir à titre de dommages et intérêts complémentaires.
Daniel Reinert exploitant sous le nom commercial de " Création Horizon " conclut à l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, au rejet de l'ensemble des demandes formées par la société Chaumet International et de celles en garantie de la société Patchouli, et reconventionnellement, sollicite la condamnation de la société Internationale à lui payer, outre la somme de 50 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, celle de 500 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, la publication de l'arrêt à venir devant également être ordonnée.
La société Chaumet International intimée conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a, d'une part interdit à la société Patchouli et à Daniel Reinert " Création Horizon " de fabriquer, de faire fabriquer, de diffuser, d'exposer à la vente, sous quelque forme que ce soit, ou vendre des modèles de bague contrefaisant le modèle " Anneau Chaumet " sous astreinte de 10 000 F par infraction constatée, et d'autre part ordonné la publication de la décision dans 5 journaux de son choix aux frais des défendeurs, sans que le coût total des insertions n'excède la somme de 200 000 F hors taxes, et demande à la Cour, de dire que la société Patchouli et Daniel Reinert " Création Horizon " se sont rendus coupables d'actes de contrefaçon de la bague " Anneau Chaumet " et d'actes de concurrence déloyale à son préjudice, de les condamner solidairement à lui payer la somme de 100 000 F pour ses frais hors dépens de première instance et d'appel et celle de 1 000 000 F à titre de dommages et intérêts.
Sur quoi, LA COUR
Considérant qu'il convient liminairement de donner acte à la société Patchouli de ce qu'elle se désiste de son appel à l'égard de la société Joaillier du Vermeil.
- Sur la recevabilité à agir de la société Chaumet International -
Considérant que Daniel Reinert " Création Horizon " et la société Patchouli soutiennent que la société Chaumet International ne démontre pas être titulaire de droits sur le modèle d'anneau " excentré, légèrement enflé sur le dessus, pavé de diamant ".
Considérant qu'il appartient effectivement à la société Chaumet International qui agit en contrefaçon contre Daniel Reinert " Création Horizon " et contre la société Patchouli d'indiquer le ou les modèles qu'elle prétend contrefaits.
Qu'en l'absence de cette indication, la matérialité du grief de contrefaçon ne pourra être établie.
Considérant que la société Chaumet International indique dans ses écritures qu'elle est " titulaire des droits de création et d'exploitation portant sur un modèle de bague tout à fait original sous forme d'anneau excentré, légèrement renflé sur le dessus, dénommé anneau Chaumet " et précise " Ce modèle d'anneau a immédiatement rencontré les faveurs du public que ce soit sous la forme la plus épurée lisse et polie ou dans ses différentes déclinaisons : enrichi d'un cabochon de saphir, de rubis, de 7 brillants en étoile ou pavé de diamants ".
Considérant que ces indications font qu'il convient de considérer que les modèles dont la société Chaumet International se prétend titulaire sont ceux qui figurent sur le document intitulé " L'Anneau de Chaumet une furieuse envie de le collectionner " annexé au procès-verbal d'huissier du 3 janvier 1995.
Considérant que la société Chaumet International produit une attestation de son directeur de création Xavier Rousseau datée du 25 octobre 1995 qui mentionne avoir créé au mois de novembre 1988 le modèle " Anneau Chaumet " qu'il a cédé à son employeur en contrepartie de sa rémunération.
Que la revue Air France Magazine du mois de décembre 1989 mentionne d'ailleurs sous une photographie que l'anneau de Chaumet a été dessiné par Xavier Rousseau.
Qu'à l'attestation sus-visée a été jointe la représentation en photocopie sous différents angles d'un anneau sur laquelle figurent le cachet de Maître Lesage huissier de justice à Paris avec une signature, l'indication Chaumet Paris, le numéro 88 364 et la date 28-11-88.
Que la société Chaumet International démontre ainsi en l'absence de preuve contraire apportée par la société Patchouli et Daniel Reinert " Création Horizon " qu'elle est titulaire des droits d'auteur sur l'anneau lisse, excentré, légèrement enflé.
Que s'agissant des autres modèles dont celui pavé de diamants sur lesquels la société Chaumet International soutient avoir également des droits, l'absence de toute revendication de la part de la personne physique qui les a réalisés, et les actes de divulgation qui, bien que réalisés sous la forme " d'entrefilets de presse rédigés à la demande de l'intéressé et payé par lui ", révèlent qu'elle les exploite sous son nom, font présumer, à l'égard des tiers poursuivis pour contrefaçon, qu'elle est régulièrement titulaire, quelle que soit sa qualification, du droit de propriété incorporelle de l'auteur qui les a créés.
Que la société Chaumet International qui produit de nombreux extraits de magazines (Elle, Jardin des Modes, Figaro Madame, Lui, Cosmopolitan, Dépèche Mode, Glamour, Femme Actuelle, Marie France, Harpers & Queen), dont le plus ancien pour l'anneau lisse date du mois de janvier 1989 et pour l'anneau pavé de diamants du mois de mars 1990, est donc titulaire des droits de création sur l'Anneau Chaumet dans ses différentes déclinaisons en vertu de la cession opérée et des actes de divulgation réalisés conformément à l'article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle.
Que les arguments avancés par la société Patchouli selon lesquels les fiches de vente des anneaux vendus par la société Chaumet International comportent des références chiffrées et des prix différents sont inopérants dans la mesure où seuls comptent les actes de divulgation se rapportant aux différents modèles d'anneaux dont la société intimée revendique la protection.
- Sur l'originalité des modèles de la société Chaumet International
Considérant que la société Patchouli et Daniel Reinert Création Horizon ne peuvent contester l'originalité d'un modèle en soutenant principalement que l'huissier instrumentaire n'était pas en possession du modèle original et qu'il ne disposait que d'une photographie représentant une série de bagues.
Qu'ils ne sauraient également reprocher à la société Chaumet International de poursuivre l'attribution par une décision de justice des droits sur une collection toute entière, alors qu'elle ne revendique que la protection des modèles qu'elle a créés et qui figurent sur le document intitulé " L'Anneau de Chaumet Une furieuse envie de collectionner " que l'huissier de justice a annexé à son procès-verbal du 3 janvier 1995.
Considérant que la société Patchouli pour contester l'originalité des modèles soutient encore que " le caractère de nouveauté ne peut être accordé à un modèle largement vulgarisé auprès du grand public, et ce, de longue date ", que de nombreux joailliers et bijoutiers commercialisent des modèles similaires à " l'Anneau Chaumet ", et que la mode en matière de bagues tend davantage vers les formes volumineuses et épaisses que vers des bijoux fins et délicats.
Mais considérant que l'originalité réside dans l'apport artistique personnel que l'auteur confère à l'œuvre qu'il crée, les articles contenus dans les revues sus-visées démontrent que les anneaux d'or et de pierres précieuses de la société Chaumet International " recréent une espèce de perfection ", et évoquent " l'Anneau réinventé par Chaumet ", et reconnaissent ainsi que ces bijoux possèdent une originalité révélant la personnalité de son créateur qui est digne de protection.
Que le phénomène de mode évoqué par la société appelante ne saurait avoir pour effet d'anéantir ou de neutraliser le caractère original du modèle, mais révèle au contraire l'engouement qu'il produit du fait précisément de son originalité.
Considérant que Daniel Reinert " Création Horizon " et la société Patchouli ne peuvent également prétendre que l'absence de dépôt du modèle à l'Institut National de la Propriété Industrielle constitue l'aveu de ce que la société Chaumet International était consciente de l'absence de droit sur ledit modèle dont elle revendique la protection, alors que le créateur d'un modèle est seul juge de la règle de droit qu'il entend voir appliquer à ses œuvres.
Qu'invoquant des antériorités, Daniel Reinert " Création Horizon " et la société Patchouli soutiennent que tant ce dernier qui a racheté la société Tosca que la société Didier Defond offraient au public, avant le mois de novembre 1990 date de commercialisation des modèles Chaumet, des bijoux identiques à ceux argués de contrefaçon.
Mais considérant outre que les antériorités ne concernent que la nouveauté laquelle conditionne la protection accordée à un modèle déposé et si la société Patchouli estime pouvoir puiser dans les revues France Horlogère des mois d'avril et d'octobre 1988, Continental de 1987, Universal Jewellery de la même année, Le Bijoutier du mois de septembre 1988, ainsi que dans d'autres documents versés aux débats sous la forme de photocopies pour certaines illisibles, la preuve de l'existence d'antériorités de toutes pièces qui feraient perdre au modèle qu'elle critique tout droit à protection, il apparaît que l'originalité qui lui est reconnue fait que ces bijoux n'influent pas sur l'originalité du modèle de la société Chaumet International et sur les droits qui en découlent pour celle-ci.
- Sur les actes de contrefaçon imputés à la société Patchouli -
Considérant que Daniel Reinert " Création Horizon " et la société Patchouli pour contester les actes de contrefaçon qui leur sont reprochés par la société Chaumet International concluent qu'aucune bague n'a été acquise ou saisie dans le cadre de la procédure de saisie-contrefaçon.
Considérant qu'effectivement, ni le procès-verbal d'huissier dressé le 5 janvier 1995, ni les procès-verbaux de police des 8 février et 3 septembre 1995 ne mentionnent qu'un anneau ayant les caractéristiques de celui ou de ceux revendiqués par la société Chaumet International a été saisi dans les locaux de la société Patchouli.
Que le premier procès-verbal de police ne fait que mentionner " Disons avoir saisi dans le cadre de la présente procédure et mis sous scellé n° 1 la bague à nous fournir par la requérante ".
Que la fiche de saisie-contrefaçon de la Direction Générale de la Police Nationale portant scellé n° 1 indique " bague anneau empierré acquise auprès de la boutique Patchouli"
Que la facture datée du 21 décembre 1994 sur un papier au nom de Parfumerie Patchouli avec les mentions : " Mr Adler Accessoire = 1 bague 2 950 F (TVA 18,6 soit 462,64) " ne permet pas pour autant de conclure que cette bague correspond avec certitude à celle qui a été remise par la société Chaumet International au commissaire de police qui a dressé les procès-verbaux sus-visés.
Considérant que l'attestation d'Isabelle Gallois, Directeur juridique de la société Chaumet International datée du 27 octobre 1995 qui soutient avoir vu dans la vitrine du magasin Patchouli à Paris au mois de décembre 1994 une bague ressemblant à un modèle " Best Seller " commercialisé par la société Chaumet, et s'être vue présenter la publicité pour l'Anneau Chaumet avec l'indication que sur commande il pouvait lui être fourni une copie de ces modèles dans toutes les déclinaisons, ne permet pas à elle seule de retenir à l'encontre de la société Patchouli, en l'absence d'autres éléments matériels probants, les faits de contrefaçon allégués.
Considérant que les indications portées sur le livre de commande de la société Patchouli et mentionnées dans le procès-verbal d'huissier ne sont pas non plus déterminantes, eu égard aux explications contenues dans les attestations rédigées par Corinne Simondet employée de la société Patchouli qui indique que ces mentions ont été inscrites " sur la suggestion de celle-ci " (la dame blonde qui accompagnait l'huissier constatant), et encore par sa collègue de travail, Sylvie Coignard qui écrit " la cliente blonde nous a demandé de noter sa commande en évoquant un modèle " style Chaumet ".
Considérant cependant que les déclarations de Daniel Reinert consignées dans le procès-verbal de police du 3 septembre 1995 selon lesquelles il est le fournisseur " de petit volume en ce qui concerne les quantités achetées " par la société Patchouli ont été confirmées par la société Patchouli qui avoue dans ses conclusions d'appel (page 23 paragraphe 6) " en ce qui concerne le modèle acquis auprès de la société " Création Horizon " et commercialisé par la société Patchouli sous la référence P440, il convient de rappeler qu'il n'a été commercialisé qu'en deux exemplaires ".
Considérant que la contrefaçon existe dès lors que le modèle original a été copié dans ses caractéristiques essentielles qui l'individualisent.
Considérant que si les premiers juges ont relevé que le modèle référencé P440 possède des différences visuelles par rapport à l'Anneau Chaumet pavé de diamants résultant de sa section ovale plus marquée et de sa surface pavée plus large et plus bombée, l'impression d'ensemble qui s'en dégage résultant de sa forme et de sa disposition des pierres fait qu'il existe une ressemblance qui permet de conclure que la société Patchouli qui reconnaît expressément avoir commercialisé ce modèle à deux reprises a commis les actes de contrefaçon que la société Chaumet International lui reproche.
Que le jugement quoiqu'il mentionne de façon erronée que " l'anneau jugé contrefaisant par Chaumet et saisi par l'huissier chez Patchouli le 3 janvier 1995 " devra par conséquent être infirmé en ce qu'il n'a pas retenu à l'encontre de la société Patchouli des actes de contrefaçon.
- Sur les actes de contrefaçon imputés à Daniel Reinert " Création Horizon " -
Considérant que la société Chaumet International reproche également à Daniel Reinert Création Horizon d'avoir commis des actes de contrefaçon pour avoir commercialisé son modèle " Anneau Chaumet " dans sa déclinaison pavé de diamants.
Considérant que Daniel Reinert a reconnu dans le procès-verbal du 3 septembre 1995 que le modèle contenu dans le scellé n°1 a été fabriqué dans son atelier et porte son poinçon et la référence P440.
Que dès lors pour les mêmes motifs que ci-dessus exposés, Daniel Reinert " Création Horizon " en fabriquant et en commercialisant le modèle P440 qui constitue une copie quasi-servile du modèle Anneau Chaumet pavé de brillants a également commis les actes de contrefaçon qui lui sont reprochés par la société Chaumet International.
- Sur la concurrence déloyale -
Considérant que la société Chaumet International reproche à la société Patchouli et à Daniel Reinert Création Horizon d'avoir commis, d'une part des actes de concurrence déloyale distincts des actes de contrefaçon qui leur sont reprochés et indique démontrer que le produit litigieux concurrent qui constitue une copie quasi-servile de son modèle ne possède ni la même qualité, ni la même finition et qu'il n'a pas engendré les mêmes frais de recherchers que le sien, et d'autre part des actes de parasitisme du fait que les sociétés intimées ont cherché à profiter de sa notoriété et " du très grand prestige d'une maison de haute joaillerie ".
Considérant que la société Patchouli rétorque que des actes de concurrence déloyale ne peuvent lui être reprochés du fait qu'elle n'a jamais acquis ou commercialisé le modèle litigieux, que sa vendeuse et Madame Zemor ont subi une manipulation du fait de la directrice juridique de la société Chaumet International et de l'Huissier de justice et que l'existence d'une grande différence de prix entre les modèles ne peut être à l'origine d'une erreur chez un acheteur d'attention moyenne.
Considérant que si Daniel Reinert " Création Horizon " et la société Patchouli ont respectivement fabriqué et mis en vente au public un anneau en vermeil pavé de zirconium copié servilement sur le modèle Anneau Chaumet en or et pavé de diamants de la société Chaumet International, il n'en demeure pas moins que la nature des matériaux utilisés qui détermine le prix du produit ne permet pas de conclure à l'existence d'actes de concurrence déloyale dans la mesure où le risque de confusion dans l'esprit de la clientèle, indispensable pour caractériser l'infraction, n'existe pas en l'espèce, l'acheteur de l'anneau fabriqué par Daniel Reinert " Création Horizon " et vendu par la société Patchouli dans son commerce de parfumerie, ne pouvant raisonnablement croire qu'il achète un anneau qui inclut les caractéristiques intrinsèques du modèle commercialisé par la société Chaumet International.
Considérant en revanche que quand bien même il n'y a pas eu de la part de Daniel Reinert et de la société Patchouli recherche d'une confusion dans l'esprit du public, le fait de profiter de la notoriété d'autrui en proposant à la vente un modèle qui prend les apparences extérieures du modèle original constitue des agissement parasitaires.
Qu'en effet, les appelants ont utilisé à leur profit l'incontestable renommée de la société Chaumet International pour vendre un anneau " dans le style Chaumet " affaiblissant par contre-coup le modèle original dont l'image, synonyme de luxe est de ce fait affaiblie, banalisée, vulgarisée.
Considérant que la société Patchouli comme le relèvent les premiers juges, en acceptant par l'intermédiaire de sa salariée, fût-ce sur les suggestions abusivement formulées par Isabelle Gallois, d'enregistrer la commande d'un tel anneau, alors qu'elle aurait dû en sa qualité de professionnelle rejeter l'assimilation qui lui était proposée, a ainsi explicitement reconnu l'attrait du nom de Chaumet sur sa clientèle et l'intérêt commercial dont elle pouvait bénéficier du fait de cette usurpation.
Que Daniel Reinert qui soutient n'avoir jamais suggéré à la société Patchouli de vendre son modèle P440 sous l'appellation " style Chaumet " ne pouvait cependant en sa qualité de professionnel de la bijouterie ignorer que son produit qui contrefait celui de l'Anneau Chaumet était désigné par ses acquéreurs sous cette qualification flatteuse.
Considérait que Daniel Reinert " Création Horizon " et la société Patchouli en copiant le modèle de la société Chaumet International ont au surplus, le premier directement et la seconde indirectement, fait l'économie de frais de recherche et de création qui leur ont procuré un avantage financier qu'ils n'étaient pas en droit d'obtenir.
Que le jugement qui a dit que Daniel Reinert " Création Horizon " et la société Patchouli ont commis des agissements parasitaires envers la société Chaumet International devra par conséquent être confirmé.
- Sur les préjudices invoqués -
Considérant que la société Chaumet International qui évalue en cause d'appel son préjudice à la somme de 1 000 000 F soutient que Daniel Reinert " Création Horizon " et la société Patchouli, en diffusant sur le marché des bijoux qui copient le modèle lui appartenant, ont porté atteinte à son image de marque et à sa réputation.
Qu'elle allège que l'exploitation de son modèle s'est donc trouvée compromise du fait de sa dépréciation qui en est résultée et que le clientèle a pu mettre en cause sa bonne foi commerciale.
Considérait que quand bien même les produits contrefaisants en raison de leur prix ne s'adressent manifestement pas à la même clientèle, les actes de contrefaçon et les agissements parasitaires reprochés à Daniel Reinert " Création Horizon " et à la société Patchouli sont à l'origine d'un manque à gagner pour la société Chaumet International dû à une banalisation et à une dépréciation évidente du modèle original dont se détournera la clientèle potentielle.
Considérant dans ces conditions qu'il a lieu de fixer le préjudice subi par la société Chaumet International à la somme de 20 000 F.
Considérant que la société Patchouli soutient que la présomption de mauvaise foi qui pèse sur le contrefacteur ne peut s'appliquer à elle.
Mais considérant que le modèle d'anneau divulgué par la société Chaumet International possédant une incontestable renommée comme il a été ci-dessus démontré, la société Patchouli ne peut sérieusement soutenir qu'elle était de bonne foi lorsqu'elle a commercialisé à deux reprises selon elle les modèles d'anneau contrefaisant.
Considérant que compte tenu de ce que Daniel Reinert " Création Horizon " est le fabricant du modèle contrefaisant et de ce qu'il n'est pas prouvé que la société Patchouli a vendu plus de deux de ces modèles, le premier devra prendre à sa charge la somme de 150 000 F, et la seconde celle de 50 000 F, toute cause de préjudices confondus.
Considérant que les mesures d'interdiction sous astreinte et de publicité visées dans le jugement déféré devront être confirmées, et complétées comme il sera mentionné au dispositif du présent arrêt.
Considérant que la société Patchouli qui succombe n'est pas fondée à solliciter la condamnation de la société Chaumet International à lui payer des dommages et intérêts, et la publication à son profit du présent arrêt.
- Sur l'appel en garantie de la société Patchouli -
Considérant que la société Patchouli étant responsable des faits de contrefaçon et d'agissements parasitaires au même titre que Daniel Reinert " Création Horizon " ne peut se garantir contre les conséquences de ses propres fautes.
Qu'elle sera par conséquent déboutée de sa demande à ce titre.
- Sur les frais non compris dans les dépens -
Considérant qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société Chaumet International la totalité des frais qu'elle a dû engager en cause d'appel qui ne sont pas compris dans les dépens et qu'il convient de compenser à hauteur de la somme de 30 000 F, ceux à elle alloués en première instance lui demeurant acquis.
Considérant que les demandes formées par Daniel Reinert " Création Horizon " et par la société Patchouli sur le même fondement juridique devront être rejetées compte tenu de la solution apportée au présent litige.
Par ces motifs : Donne acte à la société Patchouli de ce qu'elle se désiste de son appel à l'égard de la société Joaillier du Vermeil, Confirme le jugement rendu le 2 février 1996 par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions, à l'exception de celles se rapportant aux actes de contrefaçon imputés à Daniel Reinert " Création Horizon " et à la société Patchouli et au montant et à la répartition des dommages et intérêts, Et statuant à nouveau sur ces points, Dit que Daniel Reinert " Création Horizon " a fabriqué et vendu et la société Patchouli a commercialisé le modèle d'anneau P440 qui est la contrefaçon du modèle " Anneau Chaumet " pavé de diamants de la société Chaumet International, Condamne Daniel Reinert " Création Horizon " et la société Patchouli in solidum à payer à la société Chaumet International la somme de 200 000 F à titre de dommage et intérêts, Dit que Daniel Reinert " Création Horizon " et la société Patchouli supporteront entre eux respectivement la somme de 150 000 F et celle de 50 000 F, Autorise la publication du dispositif du présent arrêt en entier ou par extraits dans les conditions fixées par le jugement déféré, Rejette toute demande autre, contraire ou plus amples des parties, Condamne Daniel Reinert " Création Horizon " et la société Patchouli in solidum à payer à la société Chaumet International la somme de 30 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Condamne les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de la SCP d'avoués Bommart Forster dans les conditions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.