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Décisions

CA Paris, 1re ch. A, 24 mars 1998, n° 96-19184

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fondation Franz Weber (Sté)

Défendeur :

Domalain

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Charruault

Conseillers :

MM. Garban, Pietri

Avoués :

SCP Garrabos, Me Ribaut

Avocats :

Mes Seguin, de Beaurepaire.

TGI Paris, 1re ch., du 17 juin 1996

17 juin 1996

La Fondation Franz Weber (ci-après dénommée FFW) est appelante d'un jugement rendu le 7 juin 1996 par le tribunal de grande instance de Paris qui l'a déboutée de l'ensemble de ses prétentions articulées à l'encontre de M. Domalain et a rejeté la demande reconventionnelle de ce dernier.

Référence étant faite à cette décision et aux écritures échangées par les parties pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens retenus par les premiers juges, il suffit de rappeler les éléments suivants nécessaires à la compréhension du litige :

Le 20 avril 1995, M. Domalain, employé par la FFW de février 1992 à juillet 1994 en qualité de conservateur du parc de Fazao-Malkassa (Togo), a adressé, sous pli fermé, aux rédactions du " Journal de Genève " et du journal " Le Matin " une note en date du 8 avril 1995 dans laquelle il faisait part de son expérience passée audit parc.

Estimant que cette note contenait des informations inexactes et mensongères relatées en des termes outranciers à son égard et révélait une intention certaine de lui nuire, la FFW a, par acte du 3 juillet 1995, assigné M. Domalain en réparation de son préjudice,

Le Tribunal ayant rendu le jugement sus-rappelé, la FFW en poursuit l'infirmation. A l'appui de ses prétentions, elle fait notamment valoir que même en l'absence de toute publication tant le caractère dénigrant et erroné de la note précitée que son envoi constituent une faute et lui causent un préjudice moral ouvrant droit à réparation. Elle sollicite, en conséquence, la condamnation de M. Domalain à lui payer, principalement, la somme de 100 000 F, subsidiairement, celle de 1 F à titre de dommages et intérêts, et en toute hypothèse, la somme de 25 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

M. Domalain, intimé et appelant incident, soutient :

- que ne constitue pas une faute imputable à l'auteur d'un courrier sous pli fermé, sa communication par son destinataire à la personne qui y est visée,

- qu'en outre la note n'a pas été publiée,

- et qu'enfin, les propos incriminés ne sont en rien mensongers.

Il demande, en conséquence, à la cour de confirmer le jugement entrepris, de condamner l'appelante à lui verser la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre celle de 10 000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Sur ce, LA COUR :

Considérant que la FFW a engagé son action sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;qu'en conséquence, la charge de la preuve de l'existence de la faute alléguée et du préjudice qui en résulterait lui incombe ;

Considérant que la note litigieuse ne peut être considérée comme fautive que s'il est établi que les propos de M. Domalain, critiquant la gestion de sites protégés tels que celui de Fazao-Malkassa au Togo et mettant en cause les dépenses de la FFW et de son président, sont inexacts et qu'ils ont été communiqués afin de dénigrer l'appelante ;

Considérant que pour établir le caractère mensonger des propos de M. Domalain, la FFW produit deux lettres adressées au " Journal de Genève ", l'une par M. Moumouni, directeur des parcs nationaux et des réserves de faunes et de chasse du Togo, l'autre par M. Tanghanwaye, prédécesseur de ce dernier ;

Qu'à aucun moment, dans ces courriers, il n'est fait référence aux appréciations portées par M. Domalain sur le site de " Franz Weber Territory " en Australie et l'Hôtel de Giessbach en Suisse ; qu'il en est de même concernant les dépenses de la FFW et de M. Weber ;

Que nombre des exemples mentionnés dans ces derniers ne contredisent pas les dires de l'intimé notamment quant à l'instabilité politique et à l'insécurité qui régnaient au Togo, à l'absence d'équipement du personnel du parc et au refus d'augmenter leurs primes en compensation de la dévaluation du franc CFA, et à l'absence de politique sociale à l'égard des populations voisines du parc ;

Que seules sont démenties les indications relatives à la superficie du parc et au nombre de gardes forestiers ; que l'intimé, d'une part, rétorque que son évaluation de la superficie du parc inclut la totalité de la réserve, et, d'autre part, maintient ses affirmations quant au nombre de gardes, lequel diffère d'ailleurs de l'une à l'autre des lettres produites par la FFW ; qu'ainsi, celle-ci n'apporte pas la preuve du caractère prétendument erroné desdites indications ;

Considérant, en conséquence, que les propos contenus dans la note litigieuse ne revêtent pas le caractère d'une faute au sens de l'article 1382 du Code civil ; que, partant,la seule communication, sous plis fermé, de ladite note aux rédactions du " Journal de Genève " et du " Matin " ne peut être considérée comme fautive ;qu'<B<au surplus, l'existence d'un préjudice justifiant les mesures de réparation sollicitées n'est aucunement démontrée ;

Qu'il s'ensuit que la FFW doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

Considérant que l'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne peut dégénérer en abus ouvrant droit à dommages et intérêts qu'en cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol ; qu'un tel abus ne peut être imputé à la FFW ; qu'il n'y a donc lieu d'accueillir la demande en paiement de dommages et intérêts présentée par M. Domalain ;

Considérant, enfin, que l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Par ces motifs : Confirme le jugement rendu le 17 juin 1996 par le Tribunal de Grande Instance de Paris ; Rejette les prétentions articulées en cause d'appel par les parties ; Condamne la Fondation Franz Weber aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure civile.