Cass. com., 10 mars 1998, n° 96-12.786
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Aloha (SARL)
Défendeur :
Plein soleil conseil (SARL), Languedocienne de crédit immobilier (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Léonnet
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
Me Vuitton, SCP Triffeau.
LA COUR : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 janvier 1996) que la société Aloha, agence immobilière spécialisée dans les logements de loisirs, et la société Languedocienne de crédit immobilier (le Crédit immobilier) ont fait une campagne de publicité à La Grande Motte et à Montpellier, qui a commencé respectivement aux mois de novembre 1989 et de novembre 1990; que la société Aloha estimant que les slogans publicitaires et les présentations coloriées faites par le Crédit immobilier sur des supports semblables à ceux qu'elle avait utilisés étaient une imitation de ceux qu'elle avait précédemment conçus, l'a assignée, en 1992 devant le tribunal de commerce, en dommages et intérêts pour concurrence déloyale; que le Crédit immobilier a appelé en garantie, à toutes fins, l'agence de publicité Plein soleil qui était à l'origine de la campagne qu'elle lui avait commandée ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches : - Attendu que la société Aloha fait grief à l'arrêt de ne pas avoir accueilli sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel ne s'est pas interrogée sur les autres supports extérieurs de surface et notamment sur les abribus, élément pourtant déterminant pour vérifier si les campagnes effectuées par le Crédit immobilier n'avaient pas parasité celles de la société Aloha; que l'arrêt est, par suite, entaché de défaut de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil; alors, d'autre part, que la société Aloha avait fait valoir qu'elle avait été la première à user de son affiche, de son slogan et de son mode d'affichage, ce qui résultait du rapport d'expertise, la cour d'appel, qui a retenu que le Crédit immobilier avait commencé la campagne à Montpellier avant celle de la société Aloha, sans prendre en compte le fait que cette dernière avait inauguré le mode d'affichage à La Grande Motte, a entaché sa décision de défaut de réponse à conclusion et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, encore, que la cour d'appel a procédé par voie de simple affirmation, sans rechercher si, en l'espèce, le Crédit immobilier, qui admettait pourtant avoir des activités annexes, n'exerçait pas celle de promoteur; alors, enfin, que l'expert avait dans son rapport, dont l'homologation avait été sollicitée dans les conclusions, analysé l'impact de la publicité sur les ventes et constaté l'inefficacité de la campagne 1992 qui pourtant avait été très coûteuse et avait chiffré la perte quant au chiffre d'affaires, la cour d'appel, qui n'a pas tenu compte de ses observations établissant la réalité du préjudice subi par la société Aloha, a entaché sa décision de défaut de motif et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'appréciant souverainement les éléments de preuve, ressortant du rapport d'expertise ordonné par les premiers juges et dont elle n'a pas retenu les conclusions, la cour d'appel a relevé que les slogans utilisés par la société Aloha : "l'immobilier c'est notre métier" et par le Crédit immobilier : "le prêt à l'habitat c'est notre métier" étaient dénués de toute originalité, les expressions "l'immobilier" et "le prêt à l'habitat" n'ayant rien de commun, ni visuellement ni phonétiquement, ni orthographiquement"; qu'ayant écarté également les risques de confusion en ce qui concerne les dessins et couleurs utilisés sur les affiches ou sur les supports publicitaires, ce qui englobait les affiches apposées sur les "abris bus" et rendait également inutile toute recherche pour savoir si ces campagnes publicitaires avaient commencé à La Grande Motte ou à Montpellier, la cour d'appel n'encourt pas les griefs des deux premières branches du moyen ;
Attendu, en second lieu, qu'en l'état de ces appréciations souveraines, la cour d'appel n'avait pas à rechercher si le Crédit immobilier exerçait l'activité annexe de promoteur et à se prononcer sur l'étendue du préjudice allégué; qu'elle n'encourt pas, dès lors, les griefs des deux dernières branches du moyen ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen : - Attendu que la société Aloha fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser à la société Plein soleil une indemnité de 6 000 F au titre des frais irrépétibles, alors, selon le pourvoi, que seul le Crédit immobilier avait formé une telle demande à l'encontre de la société Aloha en condamnant cette dernière à verser à la société Plein soleil conseil une somme au titre des frais irrépétibles sans que celle-ci l'ait sollicitée, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt constate que "la société Aloha a sollicité la confirmation du jugement initial en ce qui concerne donc aussi la condamnation de la société Plein soleil" et que cette société, qui a été appelée en garantie par le Crédit immobilier doit "prospérer dans son appel avec condamnation de la société Aloha à lui payer 6 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile"; que, dès lors, la demande d'indemnité étant dans le débat, la cour d'appel n'a pas violé les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.