Livv
Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 4 mars 1998, n° 98-00322

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Jean Patou Parfumeur (SA)

Défendeur :

Guccio Gucci (Sté), Scannon (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Duvernier

Conseillers :

Mme Mandel, M. Lachacinski

Avoués :

SCP Parmentier Hardouin Le Bousse, Me Moreau

Avocats :

Mes Escande, Combeau.

T. com. Paris, 1re ch., du 17 nov. 1997

17 novembre 1997

FAITS ET PROCEDURE

La société Jean Patou Parfumeur, licenciée pour le monde entier pour les articles de parfumerie et de cosmétique de la société Yohji Design Office dont Yohji Yamamoto est le président, a présenté au mois de juin 1996 la nouvelle eau de toilette dénommée " Yohji " qui a été mise sur le marché français au mois d'octobre de la même année et qui se présente selon la description qu'elle en donne sous la forme d'un flacon d'une extrême simplicité, un coffret de plexiglas longiligne et transparent presque exactement à la taille du flacon ", étant précisé que " l'étui se distingue à peine du flacon, lui-même transparent, qui laisse apparaître le jus de couleur jaune clair " et que " pour accentuer cet effet de transparence, l'étui est dépourvu de tout décor à l'exception de la signature " ;

Estimant que la société de droit italien Guccio Gucci s'apprêtait à lancer sur le marché une nouvelle ligne d'eau de toilette dénommée " Envy " fabriquée par la société Scannon, et comportant selon la description qu'elle en fait : " un coffret de plexiglas longiligne et transparent, lui-même dépourvu de tout décor, et qui comporte donc toutes les caractéristiques de l'étui Yohji ", un " flaconnage... transparent et libre de tout ornement et de forme dépouillée ", et une " couleur du jus ... absolument identique ", la société Jean Patou Parfumeur qui soutenait que l'impression d'ensemble découlant du flacon et de l'étui contenant l'eau de toilette " Envy " révélait une incontestable similitude avec les flacon et étui " Yohji " a, après y avoir été autorisée, assigné à bref délai le 6 février 1997 les sociétés sus-visées devant le Tribunal de commerce de Paris sur le fondement de la concurrence déloyale ou d'agissements parasitaires afin d'obtenir, outre les habituelles mesures d'interdiction et de publication, leur condamnation à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 2 000 000 F à parfaire après expertise et celle de 50 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;

Par jugement du 17 novembre 1997, le tribunal saisi a rejeté les demandes formées par la société Jean Patou Parfumeur qui a été condamné à payer à chacune des sociétés défenderesses la somme de 30 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;

La société Jean Patou Parfumeur appelante, après avoir été autorisée à assigner à jour fixe, demande à la Cour de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions, d'ordonner les habituelles mesures de publication, d'interdiction et de destruction, et de condamner les sociétés intimées à lui payer, outre la somme de 70 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile, celle de 20 000 000 F à titre de dommages et intérêts à parfaire après expertise ;

Elle soutient que :

- les sociétés Guccio Gucci et Scannon ont, pour leur nouvelle eau de toilette dénommée Envy, lancé la fabrication du flacon et de l'étui de celle-ci après avoir eu connaissance par la presse des caractéristiques du conditionnement de l'eau de toilette Yohji qu'elle a commercialisée,

- l'ensemble constitué du flacon et de l'étui de l'eau de toilette Yohji révèle une identité spécifique dont les caractéristiques sont reprises par le flacon et l'étui de l'eau de toilette Envy,

- la reprise de ses caractéristiques uniques sur le marché pour lancer un produit directement concurrent dont la présentation est essentielle à sa future commercialisation constitue une faute générant un préjudice qui doit être réparé ;

Les sociétés Scannon et Guccio Gucci intimées prient la Cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et de condamner la société Jean Patou Parfumeur à leur payer ensemble la somme de 50 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;

Elles soulignent notamment que l'eau de toilette Envy a été conçue et réalisée avant la publication de l'eau de toilette Yojhi, que les caractéristiques communes des deux eaux de toilette en présence ne peuvent faire l'objet d'aucun droit privatif au profit de la société appelante, et qu'il existe de telles différences entre elles qu'il ne peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du consommateur ;

Sur quoi, LA COUR

Sur les produits litigieux en présence

Considérant que l'eau de toilette Yohji se présente dans un flacon de verre de forme cylindrique, longiligne inspiré de la fiole échantillon parfumeur, présentant une partie incurvée surmontée d'un col sous le bouchon de couleur bleu noir de moindre diamètre par rapport au flacon sur lequel sont inscrits avec des lettres de la même couleur sur la partie supérieure à l'opposé du queusot, les dénominations Yohji Yamamoto Eau de Toilette, sur la partie inférieure la contenance du produit, et enfin sur le corps même le nom Yohji Yamamoto sous la forme d'une signature écrite verticalement ;

Que ce flacon enveloppé dans du papier de soie de couleur blanche rendant invisible celle de l'eau de toilette qui y est contenue est logé dans un étui en plastique transparent de forme parallélépipédique sur lequel figurent écrits en couleur bleu noir, outre un ensemble d'informations sur la composition et la distribution du produit et des inscriptions identiques à celles marquées sur le flacon, la signature de Yohji Yamamoto gravée en relief sur la partie opposée à celle servant de fermeture à glissière verticale ;

Considérant que l'eau de toilette Envy est conditionnée dans le flacon de verre obturé dans son prolongement par une coiffe de couleur argent, de forme parallélépipédique, longiligne, transparent et à section carrée sur lequel est inscrite, sur deux lignes, la dénomination Gucci Envy, le flacon étant lui-même précisément enchâssé dans un étui en plastique transparent qui contient gravées au pied, des informations génériques et dans lequel a été glissé un blister, également transparent sur lequel sont mentionnées d'autres informations, l'ensemble étant fermé par un couvercle à charnière dont l'ouverture est facilitée par un évidement ;

Sur le fondement juridique invoqué par la société Jean Patou Parfumeur

Considérant que la société Jean Patou Parfumeur qui déclare ne revendiquer aucun droit fondé sur les dispositions des livres I ou V du Code de la propriété intellectuelle, reproche aux sociétés Scannon et Guccio Gucci d'avoir commercialisé l'eau de toilette Envy dans un conditionnement et un emballage qui s'inspirent volontairement des leurs pour leur eau de toilette Yohji lequel est un produit suffisamment caractéristique pour être reconnu comme tel et devenir un élément de rattachement intellectuel de la clientèle de l'entreprise, et d'avoir ainsi manqué à l'obligation incombant à tout commerçant de se distinguer de ses concurrents, " obligation particulièrement impérieuse en matière de lancement d'eau de toilette ou de parfum pour des maisons de grande renommée ", ce qui selon elle, constitue, en application des articles 1382 et 1383 du Code Civil, une faute qualifiée de " concurrence déloyale et/ou parasitaire ", en ce que les société sus-visées ont utilisé le fruit de son travail, de sa recherche et de ses investissements pour le détourner à leur profit, et ont, par la mise en œuvre de moyens financiers considérables et massifs, brisé les effets du lancement progressif de l'eau de toilette Yohji ;

Sur la chronologie des dates de création des produits

Considérant que les agissements parasitaires ne pouvant être reprochés qu'à celui qui ne peut se prévaloir de l'antériorité du produit, il appartient à la société Jean Patou Parfumeur de démontrer qu'elle bénéficie sur les sociétés Scannon et Guccio Gucci de l'avantage chronologique qu'elle invoque ;

Considérant que la société Jean Patou Parfumeur justifie par la production de nombreux documents régulièrement communiqués dont un article de l'agence France Presse daté du 2 juillet 1996, avoir présenté dans un coffret plexiglas transparent l'eau de toilette Yohji destinée à être distribuée en France à partir du mois d'octobre 1996 ;

Considérant qu'elle démontre également par la production d'un plan daté du 24 août 1994, qu'elle travaillait sur le projet d'un flacon dénommé Aesthete " Client Y.Y. " " Projet Parfum Femme Axe 7 Flacon 10 " sur lequel figure la signature de Yohji Yamamoto, plan d'ailleurs reproduit à la page 2 du supplément Marie-Claire du mois d'octobre 1996 ;

Qu'elle justifie aussi de cette recherche à l'aide des plans datés des 4, 7 et 14 avril 1995, 15 janvier et 21 mars 1996, de propositions de contrat pour la réalisation de coffret datées des 18 et 31 janvier, 13 février et 15 avril 1996, et de bons de commande datés du 19 mars 1996 destinés à la société Berthoud ;

Considérant que les sociétés Scannon et Guccio Gucci, pour soutenir ne pas avoir utilisé les efforts intellectuels et les investissements de leur concurrent et pour démontrer l'antériorité de leur création versent aux débats ;

- un plan reproduisant les indications suivantes : " A. Mansion le 17 octobre 1995, Boîte transparente moulée pour flacon 100 ml Sillage " daté du 7 mars 1997,

- une lettre de la société Rochas datée du 19 octobre 1995 adressée à la société Gaggione portant sur la fabrication de boîtiers méthacrylate (fond + couvercle) Vapo 100 ml Sillage,

- une télécopie datée du 24 octobre 1995 émanant de la société Gaggione destinée à la société Rochas ayant trait à une proposition de vente pour des boîtiers méthacrylate (fond + couvercle) vapo 100 ml,

- un plan Vapo 100 ml de la société Saint Gobain Desjonquère daté du 7 mars 1996 et deux autres datés du 29 février s'appliquant à l'eau de toilette Gucci Envy,

- une lettre de la société Rochas datée du 14 mars 1996 adressée à Tom Ford et à Karen Joyce évoquant 7 dessins s'appliquant aux flacons 100, 50, 30 ml Gucci Envy,

- un compte rendu rédigé en anglais daté du 18 juin (1996) qui mentionne :

" Packaging. Transparent packaging with dark grey markage of the brandname on the front side and legal remarks printed in dark grey in the back.

Action : P. Thuvien will study feasibility and costs of a transparent packaging in this shape... "

- une note datée du 20 juin 1996 rédigée par A. Mansion évoquant des coffrets Gucci PMA devant recevoir des " vapos (3 tailles de section carrée) ", écrit auquel étaient annexés deux plans non datés,

- une télécopie datée du 3 juillet 1996 de la société Gaggione portant sur la fabrication des coffrets Gucci en 30 ml et 100 ml,

- une lettre datée du 20 juin 1996 rédigée par A. Mansion " Etude coffret Gucci version PVC accompagnée de 3 plans correspondant aux trois contenances sus-visées,

- la photocopie d'un article diffusé dans une revue sans nom n° 319 datée du 21 octobre 1996 qui mentionne que cette eau de toilette a été lancée le 19 octobre 1996 et qu'elle doit être commercialisée au mois de mars 1997 ;

Que le lancement de l'eau de toilette Yojhi ayant eu lieu à la fin du mois de juin 1996 pour être commercialisée au mois d'octobre de la même année, et que la révélation au public de l'eau de toilette Envy ne l'a été qu'au mois d'octobre 1996 pour n'être proposée à la vente qu'au mois de mars 1997, il s'ensuit que la première bénéficie d'une antériorité sur la seconde ;

Que la société Jean Patou Parfumeur est donc recevable dans son action engagée contre les sociétés Scannon et Guccio Gucci et fondée sur des faits de parasitisme ;

Sur les fautes imputées par la société Jean Patou Parfumeur aux sociétés Scannon et Guccio Gucci

Considérant que la société Jean Patou Parfumeur soutient que la notoriété internationale de Hohji Yamamoto est indissociable du style très personnel qu'il a imposé dans toutes ses créations qui sont dominées par le dépouillement et la simplicité et reproche aux sociétés intimées d'avoir, à compter du 27 juin 1996, sans nécessité adopté pour le conditionnement et l'emballage de l'eau de toilette Envy les caractéristiques de son propre produit ;

Considérant que la société Jean Patou Parfumeur qui demande d'apprécier les deux eaux de toilette en présence dans le contexte de l'époque de leur lancement en 1996 et en 1997 lorsque n'existait rien de similaire, reproche également aux sociétés intimées, en évoquant le lancement au mois de mai 1996 comme l'indique le n° 236 du magazine Cosmétique News de l'eau de toilette dénommée Gucci Accenti qui n'aurait pas eu le succès commercial escompté, d'avoir avec l'eau de toilette Envy rompu avec leurs lignes et couleurs antérieures, bénéficié de ses efforts tout en réduisant leurs frais et leurs risques, détourné en onze semaines l'investissement qu'elle a engagé et choisi volontairement une image qui rompt avec leur passé dans l'intention de se positionner dans son sillage ;

Mais considérant que les deux eaux de toilette en concurrence possèdent l'une et l'autre une indiscutable particularité, dans la mesure où l'étui pour l'eau de toilette Envy épouse totalement le flacon pour donner l'impression de ne plus constituer qu'un seul élément, le contenant paraissant absorber le contenu, tandis que le flacon de l'eau de toilette Yohji, qu'il soit ou non enveloppé dans un papier de soie semble être protégé par un étui duquel il est manifestement toujours désolidarisé ;

Que la présentation générale de l'eau de toilette Yohji, même dépourvue de l'enveloppe en papier qui entoure le flacon telle qu'elle est revendiquée par la société appelante, ne modifie en rien ses caractéristiques essentielles qui la singularisent par rapport à l'eau de toilette Envy ;

Que s'agissant de la couleur du jus des deux eaux de toilette, il apparaît qu'il se distingue l'un de l'autre du fait de celui commercialisé par les sociétés intimées possède un ton jaune plus soutenu tirant légèrement sur le vert qui le distingue de celui de la société Jean Patou Parfumeur,

Considérant que ne subsiste dès lors plus entre les deux eaux de toilette qu'une convergence dans la forme épurée, " moderne, design " du flacon et dans le type de conditionnement représenté par l'utilisation d'un boîtier en plastique transparent longiligne de forme parallélépipédique qui permettrait à la société appelante de soutenir que les sociétés intimées en s'inspirant du flacon et de l'étui de son eau de toilette qui présentent " un signe de rattachement de la clientèle à l'entreprise " et qui constituent " une valeur économique individualisée et procurant un avantage économique " ont commis à son égard des agissements parasitaires ;

Mais considérant que l'on ne saurait sans risque de protéger un genre et consacrer un monopole, faire droit à la demande formée par la société Jean Patou Parfumeur lorsqu'elle estime fautif de comportement d'un concurrent qui a commercialisé un flacon en verre transparent de section carrée se terminant par un bouchon de même forme, alors que d'une part, son propre flacon de forme cylindrique présente un aspect totalement différent de celui qu'elle critique et que, d'autre part, la section carrée de l'emballage comme les sociétés intimées en rapportent la preuve était déjà utilisée auparavant dans la parfumerie (Scherrer, Elizabeth Arden, Patricia de Nicolaï) ;

Considérant que selon la société Jean Patou Parfumeur, la transparence du coffret contenant le flacon de l'eau de toilette Envy fait qu'il existe entre celui-ci et celui de son propre coffret dans lequel se trouve son eau de toilette une identité d'image qui lui occasionne un préjudice puisqu'elle évoque " le rapprochement inévitable dans l'esprit de la clientèle entre les deux conditionnements ", que " Envy " dilue l'image de " Yohji " et le détourne à son profit " et que " Yohji et Envy occupent le même territoire produit et plus encore, s'adressent à la même cible... " ;

Mais considérant que rien de ce qui vient d'être ci-dessous évoqué ne permet de justifier les agissements parasitaires allégués à l'encontre des sociétés Scannon et Guccio Gucci par la société Jean Patou Parfumeur qui ne démontre pas que les ressemblances qu'elle estime pouvoir invoquer procèdent de la part des sociétés intimées d'une volonté évidente et injustifiée de s'inspirer de l'aspect du conditionnement de produit et de profiter illégitimement et à moindre frais de sa notoriété ou de ses efforts résultant de son savoir-faire ou de son travail créatif ;

Qu'en effet, la société Jean Patou Parfumeur ne peut se contenter d'affirmer pour qu'il soit fait droit à ses demandes que les sociétés concurrentes qui ont commercialisé une eau de toilette contenue dans un flacon élancé en verre enfermé dans un coffret en plastique auraient dû s'abstenir de le faire parce qu'il constitue une captation ou une assimilation à son propre produit et à son entreprise en général, alors que le conditionnement sous la forme d'un boîtier en plastique transparent, comme les sociétés intimées en rapportent également la preuve, était déjà utilisé auparavant (Givenchy, Escada, Courrèges), et que rien ne permet de soutenir comme elle le fait, si ce n'est l'espoir de concevoir un marché dépourvu de concurrence dans le domaine qui est le sien, que le détournement qu'elle invoque ne se fasse à son détriment puisqu'il lui était possible comme ont estimé devoir le faire les sociétés intimées, d'utiliser les moyens techniques et financiers nécessaires pour imposer son produit face à son concurrent ;

Considérant également que si le délai admis par les sociétés intimées de 11 semaines évoqué dans la revue Cosmétique news n° 254-255 du 3 au 16 mars 1997 qui a été nécessaire pour parvenir au développement de l'ensemble des éléments se rapportant à l'eau de toilette Envy peut apparaître bref par rapport à celui qui a été nécessaire à son concurrent, il ne saurait cependant constituer en soi un élément de preuve déterminant constitutif d'un comportement fautif puisque la mise en œuvre d'une boîte transparente pour conditionner le flacon d'une eau de toilette avait déjà été évoquée par A. Mansion respectivement le 17 et le 19 octobre 1995, et par la société Rochas liée à la société Guccio Gucci et qu'elle était sur le point d'aboutir ;

Qu'il n'est au surplus pas concevable d'envisager d'interdire la commercialisation d'un produit à celui qui procède pour y parvenir à des recherches personnelles en y apportant le fruit de son travail et de ses investissements et donc de le priver de ses efforts, sous prétexte que son concurrent qui effectuerait concomitamment des travaux sur un produit identique et similaire l'a publiquement révélé avant le sien;

Que le comportement parasitaire n'est condamnable que lorsqu'il est établi que celui à qui il est reproché, a en connaissance de cause, copié ou capté les éléments significatifs et essentiels d'un produit contenant une valeur économique certaine afin de bénéficier sans effort intellectuel ou financier du fruit du travail d'autrui, de son imagination, de son savoir-faire, de sa notoriété ou de ses investissements;

Or, considérant en l'espèce que du fait que les sociétés Scannon et Guccio Gucci travaillaient sur un projet de flacon en verre et d'étui en plexiglas transparent depuis 1995, la société Jean Patou Parfumeur ne peut soutenir que les sociétés concurrentes se sont, de façon injustifiée, inspirées du conditionnement de son eau de toilette Yohji qui ne pouvait être connu d'elles avant le 27 juin 1997, date de sa divulgation au public ;

Qu'elle ne peut donc reprocher aux sociétés intimées d'avoir poursuivi jusqu'à son terme l'élaboration de leur projet puis de la mise en fabrication de l'eau de toilette Envy postérieurement à la date sus-visée sous prétexte qu'elle aurait été la première à avoir divulgué son eau de toilette Yohji, puisque la consécration d'une telle attitude reviendrait à interdire de façon irrévocable à tout concurrent le bénéfice de son travail, de ses efforts et de ses investissements financiers;

Que le jugement déféré sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions et les demandes formées par la société Jean Patou Parfumeur intégralement rejetées ;

Sur les frais non compris dans les dépens

Considérant qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge des sociétés Scannon et Guccio Gucci la totalité des frais qu'elles ont du engager en cause d'appel qui ne sont pas compris dans les dépens, et qu'il convient de compenser à hauteur de la somme de 30 000 F ;

Que la demande formée par la société Jean Patou Parfumeur sur le même fondement juridique sera rejetée ;

Par ces motifs, Confirme le jugement rendu le 17 novembre 1997 par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions, Rejette toutes les demandes formées par la société Jean Patou Parfumeur, Condamne la société Jean Patou Parfumeur à payer aux sociétés Scannon et Guccio Gucci ensemble la somme de 30 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile, Condamne la même aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de Maître Moreau avoué dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de Procédure Civile.