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Décisions

CA Orléans, ch. com., économique et financière, 26 février 1998, n° 96002474

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sonobi (SA)

Défendeur :

New Holland France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lardenois

Conseillers :

MM. Bureau, Puechmaille

Avoués :

SCP Duthoit-Desplanques, SCP Laval-Lueger

Avocats :

SCP Bourgeon, Me de la Robertie.

T. com. Montargis, du 28 juin 1996

28 juin 1996

La société Sonobi est régulièrement appelante d'un jugement du Tribunal de Commerce de Montargis en date du 28 juin 1996, qui l'a condamnée en même temps qu'à 10.000 F de dommages et intérêts à mettre fin à l'usage des marques appartenant à la société New Holland (France) SA.

Il convient de rappeler que de février 1984 à juillet 1994 (expiration du préavis d'un an notifié le 9 juillet 1993), la société Sonobi a été un distributeur de la société New Holland pour différents matériels agricoles fabriqués par celle-ci ou d'autres sociétés de son groupe.

La société Methivier, qui n'est pas dans la cause, est devenue un concessionnaire exclusif de la société New Holland pour les produits et le secteur précédemment confiés à la société Sonobi (Loiret et Yonne).

En février 1995, cette dernière a organisé une publicité commerciale dans une revue agricole pour indiquer qu'elle avait obtenu la concession de la marque Massey Ferguson, en précisant : "l'entretien des tracteurs Ford et des moissonneuses-batteuses New Holland avec les pièces d'origine, sera assuré comme auparavant.

Stock important, toujours approvisionné en pièces d'origine Ford-New Holland appuyé de son service qualité".

Alléguant que la société Sonobi se serait livrée à une publicité fautive en continuant d'utiliser les marques Ford et New Holland pour promouvoir son activité de mécanique agricole et ce, au détriment des membres du réseau actuel de distribution de la Société New Holland, cette dernière lui a fait délivrer assignation le 26 juin 1995 aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 100.000 F à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et usage illicite des marques Ford et New Holland, et entendre ordonner à la même de cesser toute utilisation des dites marques.

C'est dans ces conditions qu'a été rendu le jugement entrepris dont la société Sonobi poursuit l'infirmation en concluant au débouté de la société New Holland France et à sa condamnation reconventionnelle à lui verser 100.000 F de dommages et intérêts pour procédure abusive et une somme de même montant à titre de dommages-intérêts supplémentaires du fait de l'entrave apportée à son activité de réparation des matériels Ford et New Holland par l'exécution provisoire de la décision dont appel.

Elle lui réclame en outre une somme de 10.000 F HT sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société Sonobi oppose en premier lieu à la société New Holland France, le principe de l'épuisement du droit des marques, qui l'empêcherait selon elle d'invoquer le caractère illicite de l'usage de sa marque.

Elle conteste en second lieu tout caractère fautif à la publicité incriminée, faisant valoir qu'elle avait pour principal objet d'annoncer sa nomination en qualité de concessionnaire Massey Ferguson à partir du 1er février 1995, sans laisser planer la moindre ambiguïté sur le fait qu'elle n'était plus membre du réseau officiel des marques Ford et New Holland. Elle ajoute que notamment dans l'esprit de la clientèle des professionnels de l'agriculture auxquels s'adressait cette publicité, les termes "comme auparavant" ne pouvaient que se rapporter exclusivement à sa capacité à disposer des pièces d'origine Ford et New Holland pour continuer de fournir son service de qualité, indépendamment de tout lien avec la société New Holland France ou avec son réseau.

La société New Holland (France) SA conclut à la confirmation du jugement entrepris à la motivation duquel elle déclare entièrement souscrire, en y ajoutant une demande de 20.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Sur ce

Attendu que l'usage de la marque d'autrui constitue l'une des atteintes susceptibles d'être portées à la marque lorsque cet usage est effectué sans l'autorisation de son titulaire ;

Que le principe de l'épuisement du droit des marques invoqué par l'appelante, ne saurait trouver application en l'espèce, celui-ci ne concernant que la circulation des produits "marqués" sur le territoire de la Communauté Economique Européenne ;

Qu'en vertu de ce principe, tiré du conflit entre la territorialité de la marque et le besoin de circulation des produits "marqués" sur le territoire de la Communauté Economique Européenne, la société New Holland ne peut pas faire interdiction à un réparateur utilisant par exemple des pièces détachées revêtues de sa marque, de procéder à la réparation au motif que celles-ci seraient "marquées" ;

Qu'il n'a donc pas le sens ni la portée qu'entend lui donner la société Sonobi dans le cadre du présent litige ;

Qu'il convient par suite d'écarter ce moyen fondé sur une interprétation inopérante de l'article L.713-4 du Code de la Propriété Intellectuelle ;

Que sur les faits proprement dits, les premiers juges ont indiqué à juste titre que si la mise en vente des produits relevant d'un réseau de distribution sélective ne constituait pas en soi un acte répréhensible, encore fallait-il qu'aucune confusion ne puisse exister sur la qualité de simple revendeur de Sonobi n'appartenant plus au réseau du concessionnaire New Holland ;

Que l'appelante ne s'est pas contentée en l'espèce de se présenter comme nouveau concessionnaire Massey Ferguson, mais comme pouvant assurer "comme auparavant", ainsi qu'il est écrit dans la publicité litigieuse, l'entretien des tracteurs Ford et des moissonneuses-batteuses New Holland avec les pièces d'origine ;

Qu'après avoir souligné la distinction dans cette publicité entre le fait, non fautif, de mettre en vente des produits, en l'occurrence des pièces de rechange, relevant d'un réseau de distribution sélective, et celui de faire partie de ce réseau, notamment par l'emploi des termes : "appuyé de son service de qualité", le Tribunal a fait une analyse pertinente de son contenu rédactionnel, en énonçant que par son caractère volontairement imprécis, la société Sonobi avait cherché à créer une confusion parmi la clientèle entre un service de réparation hors réseau et le service après-vente d'un concessionnaire exclusif ;

Qu'il a tout aussi justement relevé que la loyauté commerciale n'autorisait plus la société Sonobi après la rupture du contrat de concession qui la liait à la société New Holland, à s'emparer des marques Ford et New Holland dans le cadre d'une opération publicitaire ;

Que l'utilisation illicite de ces marques dans la publicité incriminée a incontestablement porté atteinte à la concurrence normale qu'était en droit d'attendre New Holland de Sonobi ;

Que cette dernière a donc été justement condamnée à mettre un terme à ses agissements et à réparer le préjudice en découlant par l'allocation à la société New Holland d'une somme de 10.000 F à titre de dommages-intérêts ;

Que le jugement entrepris doit être confirmé ;

Que l'équité commande d'accueillir à hauteur de 8.000 F la demande de la société New Holland fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Par ces motifs, La Cour, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Déboute les parties du surplus de leurs prétentions, Condamne la société Sonobi à payer à la société New Holland (France) SA la somme huit mille francs (8.000) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamne la même aux dépens d'appel, Accorde à la SCP Laval-Lueger, Avoués associés, le droit prévu à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.