Livv
Décisions

CA Poitiers, ch. civ. sect. 1, 24 février 1998, n° 9602681

POITIERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Fédération Nationale du Négoce de l'Ameublement

Défendeur :

Cogem (SARL), Le Faillitaire Expansion (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mechiche

Conseillers :

Mme Braud, M. Barthelemy

Avoués :

SCP Landry-Tapon, SCP Musereau Drouineau Rosaz

Avocats :

Mes Roubach, Lefèvre.

TGI La Roche-sur-Yon, du 18 juin 1996

18 juin 1996

Faits et procédure :

Selon des circonstances exactement relatées au jugement auquel il convient de se référer expressément pour l'exposé des faits et prétentions des parties la Fédération Nationale du Négoce de l'Ameublement a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de La Roche-sur-Yon les SARL Le Faillitaire Expansion et Cogem pour qu'il leur soit fait interdiction de faire usage du nom "Faillitaire" et ce sous astreinte, au motif que le terme implique le mot faillite lequel évoque des produits provenant de ventes consécutives à des liquidations judiciaires ou similaires attirant ainsi un public en lui faisant croire qu'il pourra se procurer des articles provenant d'entreprises en liquidation à des prix intéressants alors que la quasi-totalité des produits proviennent de déstockages et d'autres invendus, et qu'en conséquence il y a tromperie.

La Fédération Nationale du Négoce de l'Ameublement a régulièrement relevé appel du jugement du 18 juin 1996 du Tribunal de Grande Instance de La Roche-sur-Yon qui a :

- déclaré l'assignation régulière et recevable,

- débouté la Fédération Nationale du Négoce de l'Ameublement de toutes ses demandes,

- condamné la Fédération Nationale du Négoce de l'Ameublement à verser à chacune des sociétés Le Faillitaire Expansion et Cogem une somme de 5 000 F au titre de l'article 700 NCPC.

La Fédération Nationale du Négoce de l'Ameublement soutient :

- que l'assignation est régulière,

- que l'expression "Faillitaire" constitue une tromperie à l'égard du public, qu'elle est de nature à fausser le jeu de la concurrence loyale, que le mot faillite constitue "l'accroche" du public, que l'expression "vente d'invendus neufs" est dépourvue de toute originalité et ne saurait être protégeable, que les précisions ne sont apportées par les intimées qu'à l'intérieur du magasin lorsque le public est venu jusqu'à l'établissement,

- que le public ne trouve aucun avantage particulier, que les marges pratiquées sont les mêmes que celles des magasins "traditionnels"

- que la grande partie des marchandises est d'origine inconnue,

La Fédération Nationale du Négoce de l'Ameublement demande à la Cour d'infirmer le jugement et de :

- faire défense aux sociétés Cogem et Le Faillitaire Expansion de faire usage de l'enseigne ou de la marque "Le Faillitaire" soit par elles-mêmes soit en en concédant l'usage à un tiers sous forme de licence ou de franchise et ce sous astreinte de 20 000 F par infraction constatée à compter du 61e jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir,

- dire que l'astreinte prendra effet à compter de cette date et ce pendant une durée de six mois passé lequel délai il sera à nouveau fait droit,

- condamner conjointement et solidairement les sociétés Cogem et Le Faillitaire Expansion à verser à la Fédération Nationale du Négoce de l'Ameublement la somme de 1 franc à titre de dommages-intérêts outre la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 NCPC,

- subsidiairement, ordonner une expertise aux fins de rechercher si les marchandises vendues dans les magasins "Le Faillitaire" proviennent exclusivement d'invendus, de séries ou de faillites, si ces produits sont dans leur majorité achetés par quantités à des mandataires de justice ou si au contraire ils sont fréquemment achetés à l'unité et au prix du marché.

Les sociétés Cogem et Le Faillitaire Expansion concluent à la confirmation de la décision et à la condamnation de l'appelant à leur verser à chacune une somme de 5 000 F au titre de l'article 700 NCPC en faisant valoir:

- que l'assignation qui a été délivrée est nulle,

- que le mot "Faillitaire" ne constitue pas une publicité trompeuse constitutive de publicité mensongère, que la marque doit être prise dans son entier, que le client est parfaitement informé des différentes provenances du mobilier exposé non seulement dès qu'il se présente dans le magasin mais dans toutes les publicités diffusées, que la marque n'est pas un procédé de concurrence déloyale.

Une ordonnance de clôture est intervenue le 2 janvier 1998.

Motifs

Attendu que de manière contradictoire les SARL Cogem et Le Faillitaire Expansion concluent dans le dispositif de leurs conclusions à la confirmation du jugement qui a déclaré l'assignation régulière et valable et dans leurs motifs développent une argumentation tendant à voir déclarer nulle l'assignation; que le Tribunal a exactement par des motifs que la Cour adopte dit que l'assignation n'était pas nulle et que l'action était recevable;

Attendu que devant la Cour La Fédération Nationale du Négoce de l'Ameublement reprend les mêmes moyens que devant le Tribunal; que l'analyse de l'étymologie du terme " faillitaire " et de sa signification ne peut qu'être reprise sauf en ce qui concerne l'analogie avec le terme "liquidataire" ; qu'en effet cette dernière marque fait référence à des matières réglementées par des textes précis et contraignants ; qu'elle évoque une notion d'objets dont on se débarrasse et donc de soldes, acception qui n'est pas contenue dans le terme de "faillitaire" lié à un échec en général ; que le Tribunal a justement conclu que l'enseigne, qui doit être prise dans son entier, n'était pas en elle-même suffisamment explicite et qu'il convenait de rechercher s'il existait des éléments de publicité trompeuse et mensongère;

Attendu que la marque litigieuse se compose non seulement du terme " Faillitaire " mais également des mentions "vente d'invendus neufs" ou séries et invendus neufs"; que l'ensemble de ces termes figurent sur les façades des magasins en caractères suffisamment apparents pour éviter que le seul terme de Faillitaire n'occulte la marque complète, tel que cela ressort des photographies versées au débat; que les mêmes mentions sont apposées sur les publicités; que dès lors sans avoir à pénétrer dans le magasin ou à se déplacer le client est parfaitement informé par les tracts publicitaires et l'affichage extérieur ; qu'en outre une information sur l'origine des produits est donnée sur chaque étiquette ; que les exemples cités par l'appelant qui constitueraient à l'encontre du Faillitaire des cas de publicité mensongère sont utilement combattus par les intimées qui justifient de la rupture des contrats conclus avec les adhérents qui ne respectent pas les obligations relatives aux approvisionnements; qu'en outre une enquête diligentée par la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes n'a donné suite à aucune poursuite ; que même si dans leurs conclusions les intimées évoquent les prix dont elles disent pouvoir faire bénéficier leurs clients, l'ensemble des documents d'annonces d'arrivage de meubles ou publicitaires produits ne font état d'aucun prix ; qu'en conséquence il ne peut pas être retenu une tromperie sur le prix ; qu'ainsi l'appelant devient vain à démontrer que certains articles vendus par le Faillitaire sont d'un prix d'un montant égal voire supérieur à ceux pratiqués dans des magasins dits traditionnels ; qu'achetant des meubles de fins de séries ou de fins de collections chez les fabricants qui écoulent ainsi tous les articles qui n'ont pas trouvé preneur dans le réseau de vente traditionnel "Le Faillitaire" propose naturellement à sa clientèle des produits qui peuvent toujours se trouver en stock chez les commerçants ; que la Fédération du Négoce de l'Ameublement est dans l'incapacité d'établir que le fabricant a l'obligation de respecter un délai avant de proposer à la vente ses fins de séries ; que l'achat de produits provenant de liquations judiciaires ou de litiges de livraison ou autres peuvent concerner des meubles en vente dans le circuit traditionnel; que la Fédération du négoce de l'Ameublement est donc vaine à énoncer des exemples de mobilier vendu dans des temps qui seraient voisins dans un magasin de meubles et dans un magasin du Faillitaire ; que les intimées établissent suffisamment leur mode d'approvisionnement et qui correspond à l'annonce qu'elles font, notamment par la production de correspondances avec des fabricants, courtiers et des propositions qu'elles transmettent à leurs adhérents et qui font apparaître qu'il s'agit de produits qui ne sont pas suivis et pour lesquels il n'existe que des stocks limités ; qu'il n'y a pas lieu à expertise, l'appelant ne rapportant aucun commencement de preuve contraire ;

Attendu que la Fédération Nationale du Négoce de l'Ameublement fonde son action en concurrence déloyale sur la publicité trompeuse et mensongère ; qu'il résulte de ce qui précède que les faits incriminés aux sociétés Cogem et Le Faillitaire Expansion ne sont pas établis ; que par des motifs adoptés le Tribunal a exactement débouté la Fédération Nationale du Négoce de l'Ameublement de sa demande fondée sur la concurrence déloyale ;

Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement déféré est confirmé dans toutes ses dispositions ;

Attendu que la Fédération Nationale du Négoce de l'Ameublement qui succombe est déboutée de toutes ses demandes et supportera les entiers dépens ; qu'il y a lieu de la condamner à verser à chacune des sociétés Cogem et Le Faillitaire Expansion la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 NCPC ;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement du 18 juin 1996 du Tribunal de Grande Instance de La Roche-sur-Yon, Déboute la Fédération Nationale du Négoce de l'Ameublement de toutes ses demandes, Condamne la Fédération Nationale du Négoce de l'Ameublement à verser à chacune des sociétés Cogem et le Faillitaire Expansion la somme de 5000 F au titre de l'article 700 NCPC, Condamne la Fédération Nationale du Négoce de l'Ameublement aux entiers dépens et autorise la SCP Musereau Drouineau Rosaz, avoués à recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.