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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 19 février 1998, n° 96-05674

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Garage du Centre (SA)

Défendeur :

Bruneau, Delestrade (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leclercq

Conseillers :

M. Bouche, Mme Cabat

Avoués :

SCP Duboscq-Pellerin, SCP Parmentier-Hardouin-Le Bousse

Avocats :

Mes Laroche, Coudray.

T. com. Montereau, du 9 janv. 1996

9 janvier 1996

Considérant que la société Garage du Centre concessionnaire Renault à Fontainebleau a fait appel le 15 mars 1996 d'un jugement contradictoire du 9 janvier 1996 du Tribunal de commerce de Montereau qui l'a déclarée mal fondée en ses demandes à l'encontre de son gérant Alain Bruneau, garagiste à Vulaines sur Seine, a néanmoins ordonné à Alain Bruneau de faire disparaître tous objets publicitaires et tous signes Renault dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement, a ordonné à la société Garage du Centre de régler à Alain Bruneau les primes d'objectif commercial, dites POC sur les commandes prises avant le 5 janvier 1995, a ordonné l'exécution provisoire de ces mesures et a condamné la société Garage du Centre à payer les dépens ;

Qu'elle expose :

- qu'elle a conclu le 2 janvier 1986 avec Alain Bruneau un contrat d'agent Renault transformé le 21 décembre 1992 en contrat d'agent de service Renault qui a été résilié par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 décembre 1992 à effet du 5 janvier 1993, (en réalité 1994) ;

- qu'Alain Bruneau a été invité à faire disparaître un panneau publicitaire Renault implanté au supermarché Champion d'Avon et de son garage " la signalétique et la publicité " Renault et n'a pas obtempéré en dépit de l'envoi de mises en demeure les 14 janvier et 22 août 1994 et d'un constat du 17 novembre 1994 de Maître Dubois, huissier commis par ordonnance du 4 novembre 1994,

- qu'Alain Bruneau a réclamé de son côté des primes d'objectif commercial pour avoir vendu du 1er octobre 1993 au 30 janvier 1994 quatre véhicules de plus que l'objectif qui lui avait été fixé et des commissions sur des ventes Denis et Velard qu'il prétendait à tort avoir conclues ;

Qu'elle accuse Alain Bruneau d'avoir fait croire faussement à ses clients pendant dix mois au moins après la résiliation de contrat d'agent, qu'il était toujours membre du réseau Renault et de s'être livré à une concurrence déloyale ; qu'elle soutient que la résiliation du contrat impliquait la perte de primes d'objectif puisqu'Alain Bruneau n'avait plus la qualité d'agent indispensable pour les percevoir ; qu'elle accuse enfin Alain Bruneau d'avoir établi de faux bons de commande afin de lui permettre de demander deux commissions que les conditions de ventes concernées lui interdisaient de percevoir ;

Qu'elle demande à la Cour de ne confirmer que la condamnation d'Alain Bruneau à faire disparaître toute référence au réseau Renault, d'y ajouter une astreinte définitive de 1 000 F par jour de retard et de 5 000 F par infraction constatée et de condamner Alain Bruneau à lui payer 100 000 F de dommages-intérêts, 10.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi que les 2 500 F de coût d'un constat d'huissier ;

Considérant qu'Alain Bruneau conclut le 18 décembre 1987 à la nullité e l'appel sans en préciser la raison ce qui dispense la Cour de l'obligation d'une réponse ; qu'il demande au surplus à la Cour de confirmer le jugement par adoption de ses motifs ;

Considérant que Maître Delestrade, administrateur judiciaire, a été assigné en intervention forcée en tant que représentant des créanciers d'Alain Bruneau placé en redressement judiciaire simplifié par jugement du 10 juin 1997 ; qu'il a constitué avoué mais se borne à demander qu'il lui soit donné acte de ce " qu'il s'associe aux conclusions signifiées le 18 décembre 1997 au nom d'Alain Bruneau " ;

Considérant que la résiliation n'est pas contestée et ne donne lieu en elle même à aucune demande ;

Considérant que ni Alain Bruneau ni Maître Delestrade ne s'expliquent sur leur demande reconventionnelle d'un reliquat de commissions et de primes d'objectif ; qu'Alain Bruneau se borne à se référer aux motifs du jugement qui n'en comporte pas à ce sujet et Maître Delestrade à s'associer aux conclusions d'Alain Bruneau ;

Que le jugement énonce qu'Alain Bruneau demande 19.556,21 F de commissions pour lesquelles aucune condamnation n'est prononcée, constate que le contrat prévoyait le paiement d'une prime d'objectif d'agent " POC " et qu'Alain Bruneau a pris des commandes jusqu'au 5 janvier 1994, et dit qu'il échet d'ordonner au Garage du Centre de régler les POC pour les commandes prises avant le 5 janvier 1995 au garage Bruneau en application des termes du contrat " ;

Que la société Garage du Centre conteste cette demande en observant que les relations contractuelles ont pris fin le 5 janvier 1994 et en soutenant qu'Alain Bruneau ne justifie pas un droit aux commissions et primes revendiquées ;

Que la Cour ne peut dire qu'Alain Bruneau n'a pas droit à des commissions ou primes afférentes à des ventes postérieures à l'expiration du préavis le 5 janvier 1994 ; qu'elle constate au surplus qu'il ne lui est justifié d'aucun droit à des commissions ou primes qui n'auraient pas été versées, et que la demande reconventionnelle n'a été formulée qu'à la fin de la procédure de première instance ;

Considérant que la société Garage du Centre reproche à juste titre aux premiers Juges d'avoir déclaré ses demandes mal fondées en minorant la portée des actes de concurrence déloyale qu'elle allègue tout en ordonnant la disparition des objets et sigles dont elle dénonçait la présence ;

Qu'indépendamment de la contradiction de ces dispositions du jugement, la Cour ne peut que constater qu'Alain Bruneau a continué durant plusieurs mois après la fin du contrat faisant de lui un agent Renault à utiliser des objets publicitaires et des blouses de travail propres au réseau Renault dont il ne faisait plus partie;

Que cette utilisation constituait à l'évidence une concurrence déloyale; qu'il n'est pas établi pour autant qu'elle ait engendré un préjudice autre qu'une perte de chance pour la société Garage du Centre de recevoir les commissions afférentes à des ventes de véhicules Renault qu'Alain Bruneau n'aurait pas conclues s'il ne passait pas encore pour un agent Renault, ou le prix de prestations dont Alain Bruneau a reçu la commande parce que ses clients le croyaient encore agent Renault ;

Qu'il n'est pas évident que la clientèle d'Alain Bruneau se serait adressée nécessairement à la société Garage du Centre ; que la perte de chance ne justifie pas plus de 10.000 F de dommages-intérêts ; que la créance de l'appelante a été déclarée au passif d'Alain Bruneau ;

Qu'il n'y a pas lieu d'assortir l'interdiction d'usage d'objets publicitaires ou sigles Renault d'une astreinte puisqu'il n'est pas contesté que l'utilisation a cessé ;

Considérant qu'il serait inéquitable que la société Garage du Centre conserve la charge de ses frais irrépétibles ;

Par ces motifs, Infirme la décision déférée sauf en ce qu'elle a ordonné à Alain Bruneau de faire disparaître tous objets publicitaires et tous signes Renault ; Fixe la créance de dommages-intérêts de la société Garage du Centre sur Alain Bruneau à la somme de 10.000 F et y ajoute les dépens de première instance et les frais du constat d'huissier.