CA Paris, 1re ch. A, 13 janvier 1998, n° 93-09481
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
UGAP, Ministre de l'Economie
Défendeur :
Camif (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Canivet
Conseillers :
MM. Albertini, Garban
Avoués :
Me Bettinger, SCP Jobin
Avocats :
Mes Lombard, Manin, Flécheux, Lucas de Leyssac
S'estimant en concurrence avec l'établissement public industriel et commercial Union des groupements d'achats publics (UGAP) sur le marché de la fourniture de produits et de services aux acheteurs publics, la société anonyme de consommation Coopérative de consommation des adhérents de la mutuelle assureurs des instituteurs de France (CAMIF) reproche à celle-ci un comportement contraire au principe d'égalité de traitement des concurrents publics et privés qui altérerait gravement, tant au regard du droit interne des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, que du droit communautaire, spécialement des articles 85, 86 et 90 du Traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne (le traité), le jeu de la concurrence sur le marché.
Les 19 et 21 février 1991, elle a assigné l'établissement public devant le Tribunal de commerce de Paris pour lui faire interdire toute violation du principe d'égalité des concurrents et la faire condamner au paiement d'une somme de 253 millions de francs en réparation du préjudice causé.
Le Préfet de la Région Ile-de-France ayant élevé le conflit, le Tribunal des conflits a, par décision du 4 novembre 1991, annulé l'arrêté de conflit au motif que la demande de la Camif ne tendait plus à contester la légalité d'actes administratifs mais seulement à obtenir réparation d'un préjudice causé par certaines pratiques commerciales imputées à un établissement public industriel et commercial.
Parallèlement, la Camif a, le 29 avril 1991, saisi le Premier Ministre d'une demande tendant à l'abrogation du décret 85-801 du 30 juillet 1985 relatif à l'UGAP et de l'article 34 du code des marchés publics.
Le Conseil d'Etat a, par arrêt du 29 juillet 1994, rejeté le recours pour excès de pouvoir formé par la Camif contre la décision implicite de rejet de cette demande.
Par jugement du 8 février 1993, le Tribunal de commerce de Paris après avoir déclaré la Camif recevable à agir, a, principalement, enjoint à l'UGAP de respecter les règles de la concurrence, tant internes que communautaires, et de n'user d'aucune pratique discriminatoire contraire à ces règles dans l'exercice de sa mission. Avant dire droit au fond, il a ordonné une expertise.
Par arrêt en date du 31 octobre 1994, la présente Cour a confirmé ce jugement en ce qui concerne la recevabilité de l'action de la Camif mais l'a réformé en ce qu'il a prononcé une injonction à l'encontre de l'UGAP et, avant dire droit, a, conformément aux dispositions de l'article 26 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, saisi le Conseil de la concurrence (le Conseil) d'une demande d'avis sur l'existence de pratiques, de la part de l'UGAP, ayant pour effet de lui assurer une domination sur le marché des achats publics et d'abuser de cette domination ou de placer la Camif dans une situation de dépendance économique à son égard. Par cette même décision, il a été mis fin aux opérations d'expertise et sursis à statuer sur les demandes formées par la Camif en dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil ainsi que sur les demandes reconventionnelles formées par l'UGAP ;
Le 17 décembre 1996, le Conseil a émis l'avis selon lequel " Dans le secteur dans lequel intervient l'UGAP, estimé à environ 100 milliards de francs en valeur, la part de l'établissement à caractère industriel et commercial peut être estimée à environ 5 à 6 % et celle de la Camif à environ 0,7 %. S'agissant du secteur de l'éducation nationale dans son ensemble (hors écoles), les chiffres disponibles permettent d'estimer la part de l'UGAP à environ 20 % étant précisé qu'hormis la Camif, il n'existe pas d'autres entreprises ayant une activité comparable à l'UGAP dans ce secteur d'activité.
L'analyse du fonctionnement du secteur du mobilier scolaire et collectif destiné à l'éducation nationale tend à révéler l'existence de plusieurs marchés dont un marché spécifique correspondant au croisement de la demande et de l'offre d'un service accessoire à la vente consistant en la prise en charge des procédures obligatoires de mise en concurrence instaurées par le code des marchés publics. Sur ce marché spécifique, l'UGAP dispose d'un monopole légal qui lui confère une position dominante.
Il n'est en revanche ni établi que la Camif se trouve en situation de dépendance par rapport à l'UGAP ni que cette dernière ait abusé de sa position dominante sur aucun des marchés concernés ".
Au vu de cet avis, les parties ont pris de nouvelles écritures aux termes desquelles :
La Camif prétend :
Que les rapports de concurrence entre elle-même et l'UGAP ne s'établissent pas sur la totalité des commandes publiques, ni même sur les fournitures publiques mais uniquement dans le secteur des achats de mobiliers et de matériel de l'Education nationale, seul lieu où, compte tenu de la structure du marché, une compétition est susceptible de s'instaurer entre elles ;
Que l'UGAP étant, comme elle-même, un distributeur intervenant entre le fournisseur de matériel et l'acheteur, deux marchés sont à discerner, celui de l'approvisionnement des matériels et celui de la vente de ces fournitures aux acheteurs publics ; qu'en dispensant les acheteurs publics recourant à l'UGAP de l'observation des procédures de mise en concurrence préalable, le décret du 30 juillet 1985 supprime la distinction entre deux modes possibles de croisement de l'offre et de la demande, à savoir, d'une part, la procédure de dévolution avec mise en concurrence préalable (droit commun du code des marchés publics et marchés négociés passés après mise en concurrence dans les conditions de l'article 104-I du code des marchés publics), d'autre part, la procédure de dévolution sans mise en concurrence préalable (achats sur facture des articles 123 et 321 ou marchés négociés de l'article 104-II du même code),
Qu'il en résulte que, soit selon l'analyse du rapporteur du Conseil, pour lequel c'est sur le secteur " d'ensemblier à l'année " que l'UGAP dispose d'une position dominante, soit selon celle retenue dans l'avis, selon laquelle cette position dominante existe sur le secteur du service accessoire consistant dans la prise en charge des procédures obligatoires de mises en concurrence instaurées par le code des marchés publics, la position dominante de l'UGAP est incontestable.
Que cette analyse met en évidence sa dépendance économique à l'égard de l'UGAP, dans la mesure où elle est obligée de passer par elle pour exercer sa fonction de distributeur sans disposer d'aucune alternative comparable et que, de ce fait, son activité est réduite à celle de simple fournisseur, sans pouvoir accéder directement au marché des achats des collectivités publiques autorisé par ses statuts.
Qu'à partir de cette situation de domination, l'UGAP a commis diverses violations du droit de la concurrence interne et communautaire, en particulier :
1°) que, dès lors que l'abus est directement imputable à une mesure étatique, la combinaison des articles 90 § 1 et 86 du traité permet de considérer qu'un abus peut être constitué du seul fait de l'édiction par l'autorité publique de la mesure ayant pour objet ou pour effet d'entraîner directement l'existence, dans le chef d'un opérateur, d'une pratique prohibée par l'article 86 ; qu'ainsi, le fait de créer une position dominante par l'octroi d'un droit exclusif au sens de l'article 90 § 1 est incompatible avec l'article 86 § 1 du traité si l'entreprise qui en bénéficie est amenée, par le simple exercice du droit exclusif qui lui a été conféré, à exploiter sa position dominante de façon abusive ; qu'en conséquence, l'UGAP se trouvant en position dominante sur un marché, les avantages qui lui sont octroyés sont générateurs de distorsions de concurrence ; qu'en outre, les effets anticoncurrentiels du droit exclusif conféré à l'UGAP, résultant de la possibilité pour les acheteurs publics, d'être dispensés, en s'adressant à elle, de l'observation des procédures de passation prévues par le code des marchés publics, sont renforcés par les multiples autres dispositions du décret qui lui procurent des avantages exorbitants supplémentaires, dérogatoires du code des marchés publics ; que la situation monopolistique de l'établissement public est d'autant plus caractérisée que l'article 34 du code des marchés publics lui offre déjà une situation de monopole sur le marché de la vente de véhicules aux services civils de l'Etat ;
que les multiples avantages conférés à l'UGAP par le code des marchés publics et le décret du 30 juillet 1985 ont directement pour objet et pour effet d'inciter les acheteurs publics à recourir à l'établissement public en les dissuadant de s'adresser à ses concurrents potentiels, caractérisant ainsi une position dominante résultant de l'édiction et de la mise en œuvre de ces dispositions ainsi que celles des mesures qui les accompagnent : incitations fiscales, liens avec les acheteurs publics (article 4 du décret de 1985), possibilité d'octroi des avances aux fournisseurs dans des conditions exorbitantes du droit commun (article 20), bénéfice de contrôles publics allégés (article 24), et dispense de l'observation des procédures de marchés pour les acheteurs publics s'adressant à elle (article 25) grâce auxquels l'UGAP peut s'opposer à l'accès de ses concurrents potentiels au secteur de l'approvisionnement des collectivités publiques en mobiliers et matériels ;
que c'est donc la simple utilisation des droits exclusifs et spéciaux, institués à son profit par les textes précités, qui place l'UGAP en situation de maintenir et d'exploiter abusivement sa position dominante et donc d'enfreindre l'interdiction de l'article 90 § 1 du traité lu en liaison avec l'article 86 ;
que, dès lors que le code des marchés publics et le décret du 30 juillet 1985 constituent en eux-mêmes une infraction à ces textes, la Cour doit, par application des principes de primauté et d'effet direct du droit communautaire, et sans même en apprécier la légalité, les écarter et juger qu'ils ne peuvent justifier les atteintes à la concurrence commises par l'UGAP ;
qu'en outre, les comportements anticoncurrentiels reprochés à l'UGAP, en tant qu'ils s'appuient sur les textes ci-dessus cités, doivent être condamnés dans la mesure où ils ont été adoptés en méconnaissance des dispositions de l'article 10, 1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
2°) que les pratiques consistant, d'une part, à annexer une " fiche de condition produits courants " aux marchés publics signés par l'UGAP avec ses fournisseurs ou avec les fabricants, d'autre part, à instaurer des relations avec certains fournisseurs dans les conditions conduisant à l'évincer sont constitutives d'ententes prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 85 § 1 du traité et qu'elles caractérisent, en outre, s'agissant d'une entreprise en position dominante, des abus, au sens des articles 8, 1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 86 du traité ;
3°) que relèvent encore de l'article 8, 1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ainsi que de l'article 86 du Traité des pratiques consistant, pour l'UGAP :
- à conclure, systématiquement et en marge de son monopole légal, des conventions avec les acheteurs publics lui permettant de fermer l'ensemble des marchés de la vente aux collectivités publiques en renforçant ses parts de marché dans tous les secteurs où elle n'est pas l'opérateur exclusif (par exemple à l'occasion des appels d'offres normaux ou des achats sur facture),
- à mettre en œuvre une politique de communication limitant la concurrence en ce que - outre les faits dénoncés dans ses conclusions initiales citant, tout à la fois, des déclarations de membres du gouvernement, des publications du ministère de l'Education nationale, des lettres circulaires de ses services, l'usage, par l'établissement public, du serveur du Ministère - ses catalogues comportent des assertions ambiguës visant à dissuader les acheteurs publics de lancer des appels d'offre et de procéder à des achats sur factures en les avertissant qu'ils vont au devant de risques juridiques et administratifs importants, tout en omettant de préciser que son recours est facultatif et que son monopole légal ne s'étend pas aux commandes publiques inférieures à 300 000 F ;
- à détourner des commandes (dans la région Rhône-Alpes, du lycée de la Versoie à Thonon-les-Bains), à les mettre en attente (commande passée en juin 1988 par le lycée polyvalent de Pont-de-Cheruy - Isère) ou à ne pas payer des factures (factures relatives à des livraisons faites le 12 septembre 1986 et 6 avril 1987 qui n'auraient pas été réglées par l'UGAP, près de trois ans après la livraison des marchandises) ;
- à faire un usage détourné de son catalogue pour en faire un instrument d'assistance à la commande publique, à faire agréer par les académies les produits qu'elle référence ou à pratiquer des prix artificiels, en tout cas, supérieurs à ceux qu'elle-même propose ;
4°) enfin, que la pratique consistant pour l'UGAP, à n'appliquer que les normes françaises homologuées (AFNOR) et, le cas échéant, les spécifications techniques établies par les groupes permanents d'étude des marchés, est au sens de l'article 30 du traité une mesure étatique équivalente à une mesure restrictive à l'importation qui, mise en œuvre par une entreprise en position dominante, est, également, constitutive d'abus ;
Formant appel incident la Camif demande, en conséquence, à la Cour de :
- " Dire et juger que l'ensemble des pratiques anticoncurrentielles de l'UGAP ne peut être justifié par un " monopole " que lui aurait consenti l'autorité réglementaire ; que ces pratiques sont contraires aux dispositions des articles 30, 85, 86 et 90 du Traité de Rome et, ainsi que des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sans pouvoir être justifiées par son article 10-1 ; et, dès lors que de telles pratiques constituent des fautes génératrices d'un préjudice indemnisable ;
- dire et juger que la Camif et, de façon plus générale, l'ensemble des offreurs et demandeurs actuels et potentiels doivent avoir accès dans les mêmes conditions aux marchés des achats de matériels des collectivités publiques ;
- dire et juger que l'UGAP ne peut valablement fermer l'accès aux marchés concernés en faisant accepter par les collectivités des contrats d'exclusivité à moyen ou long terme ;
- nommer tel expert qu'il plaira à la Cour afin de vérifier si l'UGAP modifie ses pratiques ou si elle a prononcé la résiliation de conventions illicites ;
- donner acte à la Camif de ce qu'elle se réserve de solliciter, au contradictoire des collectivités contractantes, la résiliation judiciaire des conventions illicites.
- condamner l'UGAP à payer à la Camif la somme de 253 000 000 F (deux cent cinquante trois millions de francs) à titre de dommages et intérêts sauf à parfaire ;
A titre subsidiaire :
- nommer un expert ayant pour mission d'évaluer le préjudice subi par la Camif, c'est-à-dire l'indemnisation du dommage résultant des ventes perdues, le manque à gagner résultant de l'atteinte à sa situation concurrentielle, et du dommage résultant de la dépréciation des actifs incorporels de l'entreprise ;
- condamner l'UGAP au versement d'une provision d'un montant de 10 000 000 F (dix millions de francs) ;
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, aux frais de l'UGAP, dans les Echos, Le Monde, le Moniteur, Marchés Publics et la Gazette des communes ;
- débouter l'UGAP de son appel ;
- condamner l'UGAP au paiement d'une somme de 300 000 F (trois cent mille francs) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- condamner l'UGAP au paiement des frais d'expertise de première instance et aux entiers dépens de première instance et d'appel ".
L'UGAP, oppose :
Que l'existence d'une " position dominante " retenue par le Conseil résulte d'une définition du marché pertinent différente de celle qu'avait adoptée la Cour et non conforme aux exigences d'une méthodologie rigoureuse ; qu'en outre, l'article 26 alinéa 2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 interdit au Conseil de se prononcer sur l'identification du marché pertinent ; que c'est en s'écartant d'une analyse de la demande pour s'en tenir à une typologie à caractère juridique des différentes formes d'offres que l'autorité administrative a cru pouvoir isoler parmi celles-ci " un service accessoire à l'approvisionnement en mobilier et matériel collectif et consistant dans la prise en charge des procédures obligatoires de mise en concurrence instaurées par le code des marchés publics " ; que sa position revient à assimiler purement et simplement son activité propre à un " marché spécifique " ; qu'une telle corrélation, entre la définition du marché et le statut d'un intervenant sur celui-ci, semble d'autant moins adéquate qu'un large éventail de possibilités s'offre à l'acheteur public dans le secteur particulier du mobilier scolaire : absence de l'obligation de recourir à des appels d'offres pour acheter des matériels et des produits se situant en deçà d'un seuil de 300 000 F ou libre choix entre elle-même et un autre fournisseur pour les achats portant sur des sommes supérieures ;
que c'est la Camif qui occupe une position dominante sur le marché de l'Education nationale où elle entretient la confusion entre ses sociétaires en ce qu'ils sont sollicités en tant que consommateurs individuels ou en tant qu'acheteurs publics ;
qu'en outre, la Camif n'entretenant, avec elle, en qualité de fournisseur, que des relations épisodiques, l'état de dépendance économique qu'elle allègue n'est pas établi ;
qu'à supposer même l'existence d'une position dominante sur le marché considéré, la preuve n'est pas rapportée qu'elle aurait eu un comportement de nature à empêcher, restreindre ou fausser la concurrence ; qu'à cet égard elle soutient spécialement :
que la Camif n'avance aucun élément visant la société Tixit et que le refus de commercer opposé par la société Simire s'explique par des circonstances objectives,
que le simple rappel des mentions de son statut dans son catalogue, même en tant qu'argument de vente, ne peut constituer un abus ;
que les conventions passées entre elle-même et des collectivités publiques ressortissent du seul principe de la liberté contractuelle et qu'il n'est pas démontré qu'elles aient pour effet de fermer le marché ;
que le transfert des commandes passées par les lycées La Versoie et Jacques Brel s'explique en réalité par le fait qu'à l'époque la Camif était en rupture de stock sur les modèles demandés ; que les commandes des lycées de Montélimar et de Pont de Cheruy ont été réglées avec retard dû à une mauvaise transmission des factures par la Camif ;
que les faits dénoncés par la Camif sous la rubrique d'abus de position dominante automatique constituent une demande nouvelle tendant à ce que la Cour ordonne la modification du code des marchés publics ; qu'ils ne peuvent, en outre, caractériser un abus de position dominante ;
que la pratique consistant, pour elle, à annexer une fiche des conditions de services aux marchés publics conclus entre cette dernière et ses fournisseurs ne tend qu'à assurer, vis-à-vis des acheteurs publics susceptibles de prendre directement contact avec les fournisseurs, la meilleure transparence des conditions tarifaires négociées par elle ;
que les pratiques alléguées en violation de l'article 30 du traité ne sont pas caractérisées.
Par ces moyens :
L'UGAP poursuit l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, l'irrecevabilité de l'appel incident de la Camif en ce qu'il formule des demandes nouvelles contraires à l'article 5 du code civil et conclut, en outre, à son rejet ;
Ajoutant avoir été l'objet d'un dénigrement de la part de la Camif qui a adressé à plusieurs organes de presse et à de nombreux dirigeants d'établissements publics scolaires une lettre circulaire afin de les informer, de façon fallacieuse, selon elle, de l'arrêt du 31 octobre 1994, elle demande, en réparation du préjudice subi de ce chef, la condamnation de la Camif à lui payer la somme de 500 000 F à titre de dommages-intérêts.
Intervenant en application de l'article 56 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le ministre de l'Economie des Finances et de l'Industrie a déposé des observations écrites qu'il a oralement développées à l'audience, soutenant essentiellement :
que le marché pertinent à retenir est celui qui a été défini par la Cour dans l'arrêt du 31 octobre 1994 et sur lequel l'UGAP ne détient pas de position dominante ;
que la Camif n'est pas en situation de dépendance économique à l'égard de l'UGAP ;
que la demande de la Camif visant à faire constater la contrariété de pratiques créant une distorsion de concurrence avec le droit communautaire et écarter l'application des règles internes en ce qu'elles justifieraient les comportements anticoncurrentiels de l'UGAP, ne peut être accueillie dans la mesure où cette prétention tend à faire abstraction de la réglementation qui régit le marché et avait été retirée devant le Tribunal de commerce, à la suite à l'élévation du conflit d'attribution entre la juridiction judiciaire et la juridiction administrative ;
Qu'enfin, la Camif fait un commentaire incorrect et une application dévoyée de la théorie de l'abus de position dominante automatique ;
Le ministère public a conclu au rejet des demandes de la Camif.
Autorisées à répondre aux observations orales du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, par une note en délibéré,
- la Camif estime que même en retenant comme marché pertinent le secteur des achats publics sur le segment de l'Education nationale, l'UGAP y occupe une position dominante sa part étant de 42,5 % tandis que la sienne ne serait que de 9,55 % ;
- l'UGAP insiste sur la pratique des dotations financières aux Etablissements publics locaux d'enseignement (EPLE) qui transfère à l'utilisateur final le soin de réaliser l'achat et rend généralement inutile la passation d'un marché public, pour en déduire que les conventions conclues par elle avec les conseils généraux n'ont pas pour effet de restreindre le recours à la Camif par la collectivité territoriale ;
Elle prétend ne pas occuper sur le marché pertinent retenu par la Cour une position dominante, sa part de marché n'étant que de 20 %, tandis que celle de la Camif et de 9,55 %, voire 13 % ;
Elle observe, en outre, que la Camif n'a pas régularisé la procédure d'appel à la suite de sa scission en plusieurs sociétés.
Les parties sollicitent réciproquement l'allocation d'une somme sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR :
I - SUR LA PROCEDURE
a - Sur la scission de la Camif
Considérant que sont irrecevables les passages de la note en délibéré déposée par l'UGAP relatifs à la scission de la Camif qui ne répondent ni aux conclusions orales du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, ni à celles du ministère public, ni à une demande du Président ;
b - Sur l'étendue de la saisine de la Cour
Considérant que, dans son exploit introductif d'instance, la Camif demandait au Tribunal de commerce de " constater que le principe d'égalité dans la concurrence est violé tant par certaines règles que par les comportements concernant l'UGAP ; que cette violation constitue à la fois une atteinte aux règles du droit interne et à l'article 90 du Traité de Rome ; qu'elle caractérise une faute de l'UGAP engageant sa responsabilité à l'égard de la Camif " et, en conséquence, d'enjoindre à cette dernière de s'abstenir à l'avenir de toute violation du principe d'égalité des concurrents ;
Qu'à la suite du déclinatoire de compétence pris par le Préfet de Paris, le 7 mars 1991, la Camif a, par conclusions du 8 avril 1991, précisé que le but de son instance n'était pas de faire statuer la juridiction saisie sur la légalité du décret instituant l'UGAP, ce qui relève de la compétence administrative, mais de lui demander " d'apprécier le comportement au quotidien d'un EPIC, ce qui relève du droit commercial " ; que retirant le dispositif ci-dessus rappelé de ses précédentes écritures, elle n'a plus demandé aux premiers juges de constater la violation de la concurrence réalisée, selon elle, par " certaines règles " mais a formulé sa réclamation dans les termes suivants : " constater que le principe d'égalité dans la concurrence est violé par les comportements de l'UGAP ; que cette violation constitue à la fois une atteinte aux règles du droit interne et à l'article 90 du Traité de Rome ; que caractérisant une faute de l'UGAP, elle engage la responsabilité de l'UGAP à l'égard de la Camif " ;
Considérant que, dans sa décision du 4 novembre 1991, le Tribunal des conflits, pour annuler l'arrêté de conflit pris par le Préfet, a retenu que la demande de la Camif, dans le dernier état de ses conclusions, " tend, non plus à contester la légalité des actes administratifs relatifs à la nature, l'organisation et les conditions d'exploitation de l'UGAP mais seulement à obtenir réparation du préjudice " que lui aurait causé certaines pratiques commerciales de cette dernière ;
Considérant que, compte tenu de la dernière position prise par la Camif devant le Tribunal de commerce et le Tribunal des conflits, celle-ci ne peut, devant la présente Cour, contester la légalité des textes régissant l'activité de l'UGAP, peu important que ses critiques figurent dans les motifs ou le dispositif de ses écritures, la Cour saisie de l'ensemble de celles-ci étant tenue de répondre à tous moyens soulevés sans que leur place dans les conclusions aient une quelconque incidence ;
Considérant que n'excède pas le cadre ainsi délimité lors de la procédure devant le Tribunal des conflits et ne revient pas sur l'affirmation de ne pas saisir la juridiction judiciaire de la légalité des règles relatives à l'UGAP, la demande par laquelle la Camif prie la Cour " d'écarter l'application des règles internes en ce qu'elles justifieraient les comportements anticoncurrentiels de l'UGAP " dès lors que la Camif explique que, par cette expression, elle lui demande seulement de " juger du caractère correct du comportement de l'UGAP, en délaissant les arguments tirés de l'existence de telle ou telle disposition réglementaire " ;
Que, dès lors, cette présentation différente de sa réclamation qui tend toujours à la même fin, ne constitue pas une demande nouvelle au sens de l'article 564 du nouveau code de procédure civile ;
II - SUR LE FOND
Considérant que le décret du 30 juillet 1985 a érigé en établissement public industriel et commercial le service administratif créé sous la même dénomination (UGAP) auprès du ministre de l'Economie et des Finances par le décret n° 68-54 du 17 janvier 1968 et regroupant les moyens de services d'approvisionnement appartenant antérieurement à différentes administrations centrales ;
Que l'alinéa 2 de l'article 1er du décret du 30 juillet 1985 dispose : " Cet établissement public a pour objet d'acheter et de céder des produits et services destinés aux personnes publiques et aux organismes de statut privé assurant une mission de service public, d'apporter à ces personnes et organismes l'assistance technique dont ils peuvent avoir besoin en matière d'équipement et d'approvisionnement et d'apporter son concours à des opérations d'exportation d'intérêt général " ;
Qu'aux termes de l'article 34 du code des marchés publics : " Les services de l'Etat et les établissements publics de l'Etat, quel que soit leur caractère, peuvent demander que leurs achats de matériels soient effectués par l'UGAP. Les départements, les communes et leurs établissements publics bénéficient de la même possibilité. Les services civils de l'Etat, même dotés de l'autonomie financière et les établissements publics de l'Etat autres que ceux ayant le caractère industriel et commercial doivent faire appel à l'UGAP pour leurs achats de véhicules et engins automobiles ... " ;
Que, conformément aux dispositions de l'article 17 décret du 30 juillet 1985 : " Tous les achats effectués par l'établissement sont soumis aux règles édictées par les livres I et II du code des marchés publics, sous réserve des dispositions des articles 18 et 24... " ;
Que l'article 25 dudit décret dispense de marchés, au sens des articles 1er et 39 du code des marchés, " les commandes passées à l'établissement public " ; qu'il prévoit également que " les rapports entre l'établissement public et une collectivité ou un organisme visé à l'article 1er peuvent être définis par une convention prévoyant notamment la nature et les modalités des services attendus ou des opérations confiées, les obligations de chacune des parties, et les modalités de contrôle technique et financier exercé par ces collectivités et organismes " ;
Que, selon l'enquête effectuée par le Conseil, l'UGAP propose des produits à la vente selon trois modalités différentes :
- que, par la première, représentant environ 82 % de son activité, son client lui confie le soin de l'approvisionner en mobilier varié, au fur et à mesure de ses besoins, tout au long de l'année ; que la demande s'exerce alors, essentiellement (à 90 %) sous la forme globale de " marchés de clientèle " ou de " marchés de commande sans limitation de montants " avec différents fournisseurs sans appel à la concurrence de la part des administrations concernées ; que la quasi-totalité du chiffre d'affaires de l'UGAP est ainsi réalisée par la vente de produits non référencés, livrés directement par différents fournisseurs sélectionnés et sur lesquels l'UGAP prélève une marge commerciale ;
- que la seconde, environ 15 % du chiffre d'affaires total, s'effectue sous forme de ventes par correspondance au moyen de catalogues diffusés auprès de différentes administrations et collectivités concernées ;
- que la troisième, qui représente une part marginale de son activité (environ 3 %), s'exerce sous forme de marchés publics, après consultation des fournisseurs potentiels par les administrations et collectivités acheteuses ;
Que dans la circulaire n°3216/SG du 20 mars 1987, consacrée aux " nouvelles orientations données à l'UGAP par le gouvernement ", le Premier Ministre a indiqué que l'UGAP est immédiatement replacée dans un cadre concurrentiel " et souligné " l'obligation, pour l'établissement public à caractère industriel et commercial de faire la démonstration de son efficacité et de sa compétitivité " ;
Considérant que la Camif est une société anonyme de consommation régie par les dispositions de la loi du 7 mai 1917 modifiée ; que, conformément à ses statuts, elle peut répondre à la demande exprimée par les établissements publics d'enseignement et de recherche, toute association ou tout groupement sans but lucratif dont l'activité est consacrée au développement de l'enseignement ou de la recherche, les services de l'administration de l'Etat, les sociétés d'économie mixte et les établissements publics, les personnes morales qui lui sont liées et les collectivités territoriales ;
Que le chiffre d'affaires de 764,5 millions de francs réalisé en 1993 par la " Camif Collectivités " était représenté, à 49 %, par des ventes effectuées aux écoles, collèges et lycées, à 6 %, par des ventes à l'enseignement supérieur, à 19 % par des ventes aux administrations des collectivités territoriales, le reste étant réparti entre des ventes réalisées auprès de diverses administrations et des clubs de sport et de loisirs ; que, selon un document interne à la société, les ventes de mobilier, de micro-informatique, de sport de plein air et de matériel audio-visuel représentaient respectivement 29,7 %, 23,2 %, 17 % et 14,8 % en 1993 ; qu'enfin, elle n'intervient pas dans les secteurs du matériel médical et seulement de manière marginale dans celui de la vente de véhicules ;
Considérant que le Conseil a encore relevé que le recensement des achats effectués par l'Etat, ses établissements publics autres que ceux ayant le caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, se heurte à des difficultés liées au fait qu'échappe à l'estimation des marchés recensés par la Commission centrale des marchés (CCM), le montant des commandes passées en application des dispositions des articles 123 ou 321 du code des marchés publics, les commandes passées en application de marchés passés après consultations collectives par l'intermédiaire d'un groupement de commandes ainsi que les achats effectués auprès de l'UGAP ;
Que, toutefois, selon une estimation faite par cet organisme, le montant global de la commande publique recensée, tous produits, travaux et services confondus, s'élevait en 1992 à 277 milliards de francs pour les marchés publics, dont 120 milliards pour l'Etat, 89,3 milliards pour les collectivités territoriales et 67,4 milliards pour les entreprises publiques ; que ce montant comprend les achats effectués par marchés négociés, qui s'élevaient à 107,9 milliards de francs ; qu'à ces chiffres, il convient d'ajouter environ 300 milliards de francs de commandes hors marché, soit un montant annuel de la commande publique estimé à plus de 600 milliards de francs au total ;
Que l'UGAP a réalisé un chiffre d'affaires de 5,3 milliard de francs en 1993 ; que, pour la même année, celui du groupe Camif s'est élevé à environ 4,2 milliards de francs dont 3,4 milliards de ventes à des personnes physiques (soit 80 %) et 0,764 milliard à des personnes morales (soit 20 %), ce dernier chiffre ayant été réalisé par un département spécialisé dénommé "Camif Collectivités ", chargé de la vente de mobilier et de matériels divers, essentiellement aux collectivités publiques ; que partant de ces chiffres, la part respective de l'UGAP et de la Camif, par rapport aux achats publics dans leur globalité, est estimée à environ 0,9 % et 0,1 %.
Que l'établissement public, qui fournit principalement les administrations de l'Etat (32 % de son chiffre d'affaires), le secteur hospitalier (18 %) et l'enseignement privé et supérieur (18 %), n'intervient pas dans tous les secteurs d'activité ; que, par catégories de produits, l'informatique représente la part la plus importante de ses ventes (25,6 % en 1993), devant les véhicules (18,2 %), l'équipement médical (16,46 %), le mobilier scolaire et collectif (11,5 %) et le mobilier de bureau (10 %) ; que les services offerts par l'UGAP sont généralement accessoires à la fourniture de produits et représentent, selon elle, en part de chiffre d'affaires, une valeur très marginale (193 000 F en 1994 sur 6,1 milliards de francs) ;
Que le marché potentiel sur lequel intervient l'UGAP représente, selon sa propre évaluation, un montant d'environ 100 milliards de francs ; que dans ces secteurs d'activité, elle estime sa part à environ 5 à 6 %, tandis que, sur la base des chiffres communiqués par la Camif, la part de cette dernière est fixée à environ 0,7 % dans les mêmes secteurs ; que le positionnement concurrentiel de l'UGAP est estimé pour la période de 1990 à 1993, pour les produits techniques à 4 %, les matériels hospitaliers à 7 %, l'informatique à 3 % et le mobilier à 14 % ;
Que l'instruction n'a pas révélé l'existence de fournisseurs ayant une activité comparable à celle de l'UGAP et de la Camif dans les secteurs considérés ;
A - Sur le marché pertinent et la position de l'UGAP sur ce marché :
Considérant que, dans son arrêt du 31 octobre 1994 la Cour a défini le marché pertinent comme étant celui des fournitures publiques et, plus particulièrement, le segment de marché de l'Education nationale, quels que soient les produits et le mode de passation des commandes ; qu'elle a demandé au Conseil de rechercher si l'UGAP se trouvait en position dominante sur ce marché ;
Considérant que, à cette fin, le Conseil a, d'abord, relevé qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 22 juillet 1983, modifiée par la loi n° 85-97 du 25 janvier 1985, " la commune a la charge des écoles ", " le département la charge des collèges " et " la région a la charge des lycées et des établissements publics d'éducation spéciale " ; que les communes, les départements et les régions assurent donc, à ce titre, la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement des établissements publics dont ils ont la charge ; que ces dépenses recouvrent notamment les achats de mobilier ;
Que les dépenses pédagogiques des lycées, collèges et établissements publics d'éducation spéciale, qui sont des établissements publics locaux d'enseignement, aux termes de l'article 15-5 de la loi du 22 juillet 1983 susvisée, sont également prises en charge par l'Etat au niveau des services académiques ; que ces dépenses concernent notamment le matériel informatique, audiovisuel ainsi que les autres matériels pédagogiques ;
Qu'il existe en France 86 universités soumises au livre 2 du code des marchés publics, relatif aux marchés de l'Etat et de ses établissements publics autres que ceux ayant le caractère industriel et commercial, 7 500 établissements publics locaux d'enseignement (EPLE), soumis, en publication du décret du 30 août 1985, pris pour l'application de l'article 15-16 de la loi du 22 juillet 1983 susmentionnée, au livre 3 du code des marchés publics relatif aux marchés passés au nom des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ; que les EPLE sont autonomes, dotés de la personnalité morale et possèdent un budget ; que chaque collectivité territoriale peut, soit procéder elle-même à l'achat de mobilier (dans ce cas elle peut récupérer la TVA), soit allouer des crédits sous forme de subvention à l'établissement public qui dispose, dans ce cas, de la liberté du choix du fournisseur ;
Considérant que le Conseil a, ensuite, vérifié que compte tenu du caractère atomisé de la demande, il est difficile de connaître avec précision le montant des achats réalisés annuellement dans le secteur de l'éducation, en particulier ceux effectués par les communes pour leurs écoles ; que selon des chiffres publiés par le ministère de l'Education nationale, le montant total des achats publics (travaux, fournitures et services) réalisés en 1993 dans ce secteur, hors les achats du premier degré et des écoles maternelles, s'est élevé à 21,7 milliards de francs ; qu'en outre, selon la même source, le montant des achats groupés réalisés par le secteur de l'Education nationale se serait élevé à 2,3 milliards de francs au cours de la même année ; que l'UGAP a estimé, dans un document interne, le marché potentiel, représenté, d'une part, par les achats des départements et régions, d'autre part, par les achats de l'enseignement supérieur respectivement à 5,9 milliards de francs et 1,4 milliards de francs, soit 7,3 milliards de francs au total ; que ce chiffre est à rapprocher de celui de 8 milliards de francs, cité par la Camif, qui estime sa part respectivement à 21,6 %, pour les départements et régions qui financent les EPLE et, à 15 % pour l'enseignement supérieur ; que sur la base de ces chiffres, la part moyenne de l'UGAP dans le secteur de l'Education nationale peut être estimée à environ 20 %, étant précisé que celle-ci évalue sa part dans les achats des communes, qui ont en charge les écoles, à 2 % ;
Qu'il a, encore, constaté que les besoins en mobiliers et matériels des universités, des EPLE et des écoles sont très variés ; qu'il comprennent des mobiliers scolaires ou collectifs de premier équipement ou de renouvellement, comme les tables, les chaises, les vestiaires ou des éléments d'amphithéâtres ainsi que du matériel pédagogique diversifié comme les ordinateurs, le matériel audiovisuel ou le matériel de laboratoires ; que pour acquérir ces différents équipements, les décideurs ont le choix entre plusieurs solutions :
- soit, procéder à des achats répondant à des spécifications préalablement définies ; que dans ce cas, les collectivités publiques concernées peuvent décider de mettre directement en concurrence plusieurs fournisseurs potentiels, pour des matériels, selon les règles instaurées par le code des marchés publics ou se grouper avec d'autres collectivités publiques, sur le plan local, afin de coordonner leurs achats ;
- soit, s'approvisionner, sans appel à la concurrence préalable et sans limitation de montant, auprès de l'UGAP ;
- soit, enfin, pour des achats d'un montant inférieur au seuil fixé aux article 123 et 321 du code des marchés publics, s'approvisionner auprès du fournisseur de leur choix sans mise en concurrence préalable ;
Qu'il a, enfin, observé que, lorsqu'une collectivité publique désire acquérir un type particulier de mobilier scolaire ou collectif en faisant jouer la concurrence, elle peut mettre en compétition différents offreurs qui peuvent être, soit des fabricants, soit des entreprises de vente par correspondance vendant par catalogues, ou encore les deux ; que dans chaque cas, il existe un nombre de fournisseurs variable selon la nature des besoins à satisfaire et les critères de sélection exigés par les acheteurs publics ; que, s'agissant particulièrement du mobilier scolaire, des entreprises spécialisées telles les sociétés Situb Industries, Tubix et Simire sont des concurrents potentiels de l'UGAP, quoique ces entreprises procèdent à l'essentiel de leurs ventes par l'intermédiaire de l'établissement public ; que, selon l'UGAP, son chiffre d'affaires réalisé à la suite de mises en concurrence par des collectivités publiques est inférieur à 2 % de son activité globale, que le montant des appels d'offres auxquels elle participe s'élève environ de 200 à 250 millions par an, le taux de réussite étant de 10 % ;
Que compte tenu, d'une part, de la dispersion de l'offre et de la demande et, d'autre part, de l'intervention marginale de l'UGAP sur les divers marchés des produits concernés, le Conseil a estimé qu'aucun élément ne permettait d'établir que cette entreprise disposait d'une position dominante sur chacun de ceux-ci ;
Considérant, toutefois, que, dans son avis, le Conseil a fait observer que, si le recours à l'UGAP est l'une des voies par lesquelles les établissements d'enseignement peuvent se procurer le mobilier et les matériels scolaires dont ils ont besoin, cette entreprise est la seule susceptible de permettre aux collectivités publiques de se dispenser du recours aux appels à la concurrence quel que soit le montant des achats ; qu'elle offre, en effet, auxdites collectivités, non seulement les mobiliers et matériels scolaires et collectifs mais, également, le service spécifique qui consiste à leur épargner les procédures de mise en concurrence obligatoires pour les achats excédant le montant prévu aux articles 123 et 321 du code des marchés publics et que cette entreprise possède, en application des dispositions de l'article 25 du décret du 30 juillet 1985, le monopole de la fourniture de ce service spécifique ;
Qu'il a mis en évidence que l'offre de ce service constitue, non seulement un argument commercial important pour l'UGAP, explicitement exploité dans ses catalogues, mais surtout la réponse à une demande exprimée par les acheteurs publics (Direction de l'éducation de la Région Provence-Alpes-Côte-d'Azur) désireux d'éviter la mise en œuvre de procédures formalisées ou ne disposant pas de services adaptés à celles-ci ;
Qu'ainsi, l'analyse objective, effectuée par le Conseil, du comportement des acheteurs publics en fonction des besoins qu'ils ont à satisfaire, révèle l'existence de la demande spécifique de ceux-ci d'un service accessoire à l'approvisionnement en mobiliers et matériels collectifs et consistant dans la prise en charge des procédures obligatoires de mise en concurrence instaurées par le code des marchés publics ;
Qu'il a justement déduit des caractéristiques réglementaires du service accessoire à la fourniture de biens d'équipement offert par l'UGAP et des besoins exprimés par les collectivités publiques en raison des spécificités des procédures d'achat public - et sans excéder les pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 26 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, dès lors que l'avis demandé sur d'éventuels abus de domination suppose la délimitation préalable du marché - qu'en l'état des textes applicables, seule l'UGAP étant habilitée à répondre à une telle demande, il y avait lieu de considérer que le croisement de cette demande et de l'offre correspondante constitue un marché spécifique sur lequel l'établissement public en cause dispose d'un monopole ;
Qu'en conséquence, le fonctionnement du secteur mobilier scolaire et collectif destiné à l'Education nationale, tel qu'observé par le Conseil, révèle l'existence de plusieurs marchés dont un marché spécifique correspondant au croisement de la demande et de l'offre d'un service accessoire à la vente consistant en la prise en charge des procédures obligatoires de mise en concurrence instaurées par le code des marchés publics sur lequel l'UGAP dispose d'un monopole légal qui lui confère une position dominante ; qu'il doit en conséquence être examiné si, sur ce marché ou sur les marchés voisins, cette entreprise se livre à des pratiques anticoncurrentielles ;
B - Sur les pratiques reprochées à l'UGAP
1 - Sur la dépendance économique :
Considérant qu'aux termes de l'article 8, 2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, " est prohibée, lorsqu'elle a pour objet ou pour effet d'empêcher de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, l'exploitation abusive, par une entreprise ou un groupe d'entreprises, de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve, à son égard, une entreprise cliente ou fournisseur qui ne dispose pas de solution équivalente " ;
Considérant que la situation de dépendance d'un fournisseur par rapport à un client s'apprécie au regard de plusieurs critères tels que l'importance de la part du chiffre d'affaires réalisé par ce fournisseur avec le distributeur, l'importance du distributeur dans la commercialisation des produits concernés, les facteurs ayant conduit à la concentration des ventes du fournisseur auprès du distributeur, l'existence et la diversité d'éventuelles solutions alternatives pour le fournisseur ;
Considérant que, en tant que fournisseur, la Camif n'entretient que des relations épisodiques avec l'UGAP ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, il ne ressort pas des pièces du dossier que, directement ou par des exigences particulières, elle ait été systématiquement empêchée par l'établissement public de devenir l'un de ses fournisseurs ; qu'au surplus, la Camif n'est pas un fabricant et qu'elle possède une clientèle plus diversifiée que l'UGAP ; qu'enfin, relativement au grief examiné, il est sans incidence que l'UGAP ait fait obstacle à l'entrée de la Camif en concurrence avec elle en tant que distributeur direct auprès des collectivités publiques ; qu'au regard des critères ci-dessus rappelés, il n'est donc pas établi que la Camif se trouve en situation de dépendance économique à l'égard de l'UGAP ;
2 - Sur les abus de position dominante :
a - Sur l'application du droit communautaire de la concurrence :
Considérant qu'aux termes de l'article 86 du traité, " est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre les Etats membres est susceptible d'en être affecté, le fait, pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de manière abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci " ;
Que l'affectation sensible du commerce entre les Etats membres provoqué par les pratiques examinées résulte de ce que, pour l'approvisionnement des collectivités publiques qu'elle fournit, l'UGAP procède à des appels d'offre " européens " et que les abus de position dominante allégués sont susceptibles de faire obstacle à la concurrence d'entreprises établies dans d'autres Etats membres ; que sa position dominante, caractérisée par des conventions passées avec de nombreuses collectivités publiques constituant une partie importante du territoire national, est donc exercée sur une partie substantielle du marché commun ;
Qu'il s'ensuit que les pratiques reprochées à l'UGAP doivent être examinées au regard des dispositions de l'article 86 du traité ;
Qu'elles doivent l'être également au regard des dispositions de l'article 8, 1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 selon lesquelles " est prohibée, (lorsqu'elle a pour objet ou peut avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché), l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises, d'une position dominante sur un marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci " ;
b - Sur les pratiques examinées au regard de l'article 90 § 1, appliqué en combinaison avec l'article 86 du traité et des articles 8, 1 et 10, 1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
Considérant qu'aux termes de l'article 90 § 1 du traité, " les Etats membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du présent traité, notamment celles prévues aux articles 7 et 85 à 94 inclus " ;
Considérant que la Camif a demandé au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande du 29 avril 1991 tendant à l'abrogation du décret n° 85-801 du 30 juillet 1985 relatif à l'UGAP et de l'article 34 du code des marchés publics, en soutenant notamment que ces dispositions étaient contraires aux dispositions des articles 7, 85, 86 et 90 § 1 du Traité ;
Considérant que par arrêt du 29 juillet 1994, le Conseil d'Etat a rejeté ce moyen d'annulation au motif " qu'il ressort des pièces du dossier que les textes dont la Camif a demandé l'abrogation n'ont ni pour objet ni pour effet d'instituer, contrairement aux stipulations de l'article 7 sus-indiqué, une quelconque discrimination fondée sur la nationalité des fournisseurs ou prestataires des services de l'administration et qu'ils ne contiennent aucune disposition susceptible de comporter par elle-même l'un des effets de nature à restreindre ou à fausser le jeu de la concurrence dans les échanges entre les Etats membres de la Communauté économique européenne énumérés aux articles 85 et 86 susmentionnés " ;
Qu'il a, en conséquence, été jugé, à propos des mêmes griefs d'atteinte à la concurrence, que les dispositions dont l'annulation était demandée n'étaient pas, par elles-mêmes, contraires aux dispositions de l'article 90, § 1, lu en combinaison avec l'article 86 du traité ;
Qu'étant ainsi constaté que les pratiques résultant de la seule application des textes susvisés n'ont pas pour objet et ne peuvent avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur un marché et qu'elles ne sont donc pas soumises aux dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, il est inopérant de rechercher si elles résultent d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application ;
2 - Sur les pratiques examinées au regard de l'article 86 du traité et 8-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 :
Considérant que, dès lors qu'elle est en position dominante sur un marché, l'UGAP doit s'abstenir de tout comportement abusant de cette situation que ce soit sur le marché où elle exerce son monopole, ou sur les marchés connexes, amont ou aval ;
Considérant, en premier lieu, qu'à défaut de vérification de sa portée, le passage, détaché de son contexte, du rapport établi dans le cadre de la procédure d'avis selon lequel les documents versés au dossier montrent que seules normes appliquées par l'UGAP sont des normes françaises homologuées (AFNOR) et, le cas échéant, les spécifications techniques établies par les groupes permanents d'étude de marché n'est pas, à lui seul, de nature à établir que la référence faite par l'UGAP à ces normes nationales ait eu pour effet d'entraver les importations de marchandises en provenance d'autres Etats membres ;
Qu'il n'est en conséquence pas prouvé que l'UGAP ait violé les dispositions de l'article 30 du traité et se soit de ce fait, livré à des abus de position dominante ;
Considérant, en second lieu, que l'abstention de la société Simire d'entrer en relations commerciales avec la Camif s'explique par des circonstances tenant au potentiel limité de fabrication de cette entreprise et à ce qu'elle ne dispose pas de local pour stocker sa production, ce que, à la différence de la Camif, l'UGAP lui offre ; que, nonobstant la rupture de ses relations avec la société Tixit, avec laquelle elle a cessé de travailler en 1991, refusant d'accepter une hausse de prix, la Camif dispose de la possibilité de s'approvisionner, dans des conditions similaires, auprès d'autres fournisseurs ;
Qu'en conséquence, il n'est pas établi que les refus desdites sociétés d'engager ou de reprendre des relations de fournisseurs avec la Camif ait eu pour objet ou ait pu avoir pour effet d'empêcher celle-ci d'accéder au marché et donc de restreindre le jeu de la concurrence ;
Considérant, en troisième lieu, que l'utilisation par l'établissement public du serveur Edutel de l'Education nationale n'est pas, non plus constitutif d'abus ; que l'enquête effectuée par le Conseil a, en effet, montré que l'UGAP avait créé son propre serveur dès la fin de l'année 1989 et, de ce fait, progressivement cessé d'utiliser celui de l'Administration au cours de l'année 1990 ;
Qu'il n'est donc pas avéré que cette pratique, limitée dans le temps, ait eu un objet anticoncurrentiel ou pu avoir un effet sensible sur la concurrence ;
Considérant, en quatrième lieu, que les interventions de membres du gouvernement comme les circulaires et directives et publications du ministère de l'Education nationale, qui ne sont pas imputables à l'UGAP, ne peuvent être retenues à son encontre comme des abus de position dominante ;
Considérant, en cinquième lieu, que les divers griefs relatifs au mode de fixation des prix par l'UGAP, au recrutement des vendeurs de l'établissement public parmi le personnel enseignant, à l'agrément donné par des commissions rectorales aux seuls produits référencés par l'établissement public ne sont étayés d'aucun élément de preuve de nature à établir leur caractère anticoncurrentiel ;
Considérant, en sixième lieu, que les détournements de commandes reprochés à l'UGAP concernant des matériels destinés au lycée de la Versoie, à Thonon-les-Bains, la mise en attente d'une commande du Lycée de Pontcharny (Isère) et le défaut de règlement de factures datées 1986 et 1987, s'agissant de pratiques isolées et marginales, ne suffisent pas à caractériser un objet anticoncurrentiel ou une atteinte sensible à la concurrence sur le marché ;
Mais considérant, en septième lieu, que l'instruction effectuée par le Conseil a établi que l'UGAP, annexait aux marchés de clientèle intitulés " marchés à bons de commande sans engagement minimum maximum " conclus avec ses fournisseurs habituels : MMO, Tubix, Atal, Mullca, AAPI, un document dit " fiche condition produits courants " faisant apparaître les remises, par tranches de commandes, qu'elle consentait elle-même aux collectivités publiques, ses propres clients, pour la fourniture des produits objets du marché;
Que, dans le contexte particulier, ci-dessus décrit, où lesdits fournisseurs réalisent une partie essentielle de leur chiffre d'affaires avec l'établissement public tout en étant ses concurrents, une telle pratique peut avoir pour effet d'inciter ceux-ci à éviter le risque d'une concurrence par les prix ou à les fixer sans tenir compte de leurs propres coûts de revient, seulement en référence à ceux habituellement pratiqués par l'UGAP lorsqu'ils sont directement sollicités pour la vente des mêmes produits par des acheteurs publics ou lors d'un appel d'offre;
Que cette pratique, qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet de restreindre la concurrence, tombe sur le coup de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 85 § 1, du traité, relève aussi, en raison de la position dominante occupée par l'UGAP sur le marché voisin ci-dessus délimité, de l'article 8, 1 de ladite ordonnance et 86 du traité ;
Considérant, en huitième lieu, que dans les catalogues de l'année 1995 (catalogue général, page 484 et catalogue technique, page 244), la rubrique " informations pratiques " figure l'indication :
Pourquoi commander à l'UGAP ?
Avoir un choix (...) qualité prix.
S'épargner les recherches, appels d'offres, négociations auprès de fournisseurs.
Eviter le risque commercial inhérent à l'achat.
S'assurer de la régularité juridique et administrative de la commande.
Bénéficier de procédures du code des marchés publics allégées.
Considérant que, contrairement à ce que soutient l'UGAP, cette mention n'est pas un simple rappel de l'article 25 du décret du 30 juillet 1985; que les termes employés " s'assurer de la régularité juridique et administrative de la commande " et " bénéficier de procédure de code des marchés public allégés ", excédant largement la présentation objective des services offerts par l'établissement public, ont un caractère ambigu et peuvent être interprétés comme une mise en garde injustifiée contre d'hypothétiques irrégularités, visant à décourager les acheteurs publics, soit de recourir aux procédures de mise en concurrence classiques, soit de faire appel, dans le cadre de procédures allégées, à d'autres fournisseurs, alors que, dans la limite des montants fixés par le code des marchés publics, tous peuvent vendre sans appels d'offres ; que dès lors, en l'absence d'une telle précision, cependant essentielle, l'argument commercial utilisé par l'UGAP est de nature à limiter artificiellement l'exercice de la concurrence pour lesdits fournisseurs;
Qu'en raison de la position dominante occupée par l'établissement public sur le marché ci-dessus défini, une telle pratique est contraire aux dispositions des articles 8, 1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 86 du traité ;
Considérant, enfin, que le Conseil a relevé que si, en théorie, certaines conventions passées entre l'UGAP et les collectivités territoriales, en application de l'article 25 du décret du 30 juin 1985, prévoient que ces dernières demeurent libres de traiter avec le fournisseur de leur choix, il paraît illusoire de penser que la concurrence puisse, en pratique, véritablement jouer sur la partie des fournitures objet du contrat ; qu'en effet si de telles conventions stipulent généralement qu'aucune exclusivité n'est réservée à l'UGAP, il s'avère que, dans les faits, la pratique de l'attribution " d'enveloppes budgétaires " à cette dernière, en début et en cours d'exercice, rend difficile, voire quasiment impossible, l'éventualité d'une mise en concurrence ultérieure/ ;
Qu'il résulte, en particulier, du rapport établi dans le cadre de la procédure d'avis et des pièces versées par la Camif :
- que la convention conclue par la Région Picardie, pour l'année 1990, prévoit que le volume d'achat annuel confié à l'UGAP est estimé à 68 millions de francs minimum et qu'il ferait l'objet d'un financement par le versement d'une provision égale à 50 % du montant prévisible de l'opération, le 1er avril 1990, de 30 % le 1er septembre 1990 et de 10 % le 1er décembre ; que la convention reconduite en 1995, par la même région, reprend des dispositions similaires ;
- qu'une convention identique, conclue le 29 juin 1989, avec la région Nord-Pas-de-Calais et portant sur un courant d'affaires de 100 millions de francs stipule, aussi, le versement d'acomptes ;
- que la convention passée en 1989 avec la région Auvergne prévoit le versement d'un premier acompte représentant 40 % de la valeur des commandes enregistrées par l'UGAP durant l'exercice précédant, soit une somme de 4 800 000 F versée par l'organisme utilisateur le 15 mars 1989 et, d'un troisième, représentant 10 % de la valeur réelle de la commande, au cours du mois de septembre 1989 ;
- que les crédits consacrés à la convention de clientèle de l'Académie de Paris, conclue en 1989, relatifs à la fourniture de matériel informatique, audiovisuel et technique se sont élevés, en 1994, à 16,4 millions de francs, soit la quasi-totalité de la dotation budgétaire annuelle pour cette catégorie de produits ;
Que, s'il ne peut être reproché à l'UGAP de conclure avec les collectivités territoriales les conventions prévues par l'article 25 du décret du 30 juin 1985, afin de prévoir la nature et les modalités des services attendus ou des opérations qui lui sont confiées ainsi que les obligations de chacune des parties, la pratique consistant à stipuler, dans lesdites conventions des montants prévisionnels minimums d'achats correspondant à une partie importante de la dotation budgétaire de la collectivité pour les produits concernés et le versement d'avances, en début et en cours d'exercice, épuisant le montant de la dépense correspondante, imposant ainsi, de fait, à ses cocontractants une obligation d'approvisionnement exclusif, caractérise, de la part d'une entreprise en position dominante, un abus, tant au regard de l'article 8, 1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que de l'article 86 du traité ;
III - SUR LES REPARATIONS ET INJONCTIONS
Considérant que les pratiques anticoncurrentielles telles que ci-dessus constatées ont pu causer à la Camif un préjudice pour l'évaluation duquel la Cour ne dispose pas d'éléments d'appréciation suffisants ; qu'une expertise doit donc être ordonnée aux fins de donner un avis sur l'ampleur desdites pratiques ainsi que sur le montant du dommage qui en est résulté pour la Camif ;
Qu'eu égard à l'incertitude sur le quantum des indemnisations à accorder, le versement d'une provision ne peut être ordonné ;
Qu'il n'y a lieu, non plus, de faire droit à la demande de publication du présent arrêt ;
Que, toutefois, à titre de mesure de remise en état, il sera, sous astreinte, fait injonction à l'UGAP de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles constatées ;
IV - SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE L'UGAP
Considérant que l'UGAP a formé une demande reconventionnelle au fondement de laquelle elle prétend avoir été dénigrée, aux mois de février et mai 1991, par une campagne de presse et que, à la suite de l'arrêt du 31 octobre 1994, la Camif a expédié une lettre circulaire, datée du 5 janvier 1995, à de nombreux dirigeants scolaires et à des organes de presse ; qu'elle invoque encore que la Camif a tenté de débaucher certains de ses responsables commerciaux ;
Mais considérant qu' en faisant connaître sa position en 1991, lors de l'engagement de la procédure puis sa propre interprétation de la décision rendue en 1994, comme l'UGAP devait le faire par la suite, la Camif n'a commis ni faute ni acte de concurrence déloyale ; que par ailleurs l'UGAP ne produit aucun élément de preuve propre à établir la réalité de la prétendue tentative par la Camif de débauchage de ses cadres commerciaux, laquelle sera, en conséquence, déboutée de sa demande reconventionnelle.
V - SUR L'ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE
Considérant qu'il convient d'allouer à la Camif la somme de 10 000 F pour les frais non compris dans les dépens exposés devant la Cour ;
Par ces motifs : Déclare irrecevables les passages de la note en délibéré de l'Union des Groupement d'Achats Publics relatifs à la scission de la Coopérative de Consommation des adhérents de la Mutuelle Assureurs des Instituteurs de France ; Constate que l'Union des Groupements d'Achats Publics a commis des abus de position dominante : - en faisant figurer dans ses catalogues une mention excédant la présentation objective des services offerts par l'établissement public conformément à ses statuts et pouvant être interprétés comme une mise en garde visant à décourager les acheteurs publics, soit de recourir aux procédures de mise en concurrence classique, soit de procéder, en conformité au code des marchés publics à des achats directs auprès d'autres fournisseurs ; - en annexant aux marchés conclus avec ses fournisseurs habituels une fiche faisant apparaître les remises, par tranches de commandes, qu'elle-même consentait aux collectivités territoriales et autres personnes publiques, ses propres clientes, sur les produits objets du marché ; - en stipulant, dans les conventions passées avec les collectivités territoriales et autres personnes publiques, en application de l'article 25 du décret du 30 juin 1985, des montants prévisionnels minimums d'achats correspondant à une partie importante de la dotation budgétaire de celle-ci pour les produits objets de la convention et le versement d'avances, en début et en cours d'exercice, épuisant le montant de la dépense correspondante, imposant ainsi, de fait, à ses cocontractants une obligation d'approvisionnement exclusif, Fait injonction à l'Union des Groupements d'achats publics de cesser les pratiques ainsi décrites, sous astreinte de 10 000 F par infraction constatée ; Désigne M. Maurice Nussenbaum, 11, rue Leroux, 75016 Paris, en qualité d'expert, avec mission d'entendre les représentants des parties et tout sachant, se faire communiquer tout document utile à l'accomplissement de la mission, réunir tous éléments permettant d'établir l'ampleur des pratiques anticoncurrentielles ci-dessus décrites et d'évaluer le préjudice subi, du fait desdites pratiques, par la Coopérative de consommation des adhérents de la Mutuelle Assureurs des Instituteurs de France ; Fixe à 100 000 F le montant de la provision, à valoir sur la rémunération de l'expert, que la Coopérative de consommation des adhérents de la Mutuelle Assureurs des instituteurs de France devra consigner dans le mois du présent arrêt au greffe de la Cour et dit que passé ce délai, la désignation de l'expert sera caduque ; Dit que l'expert devra déposer son rapport au plus tard le 1er septembre 1998 ; Désigne le magistrat chargé de la mise en état de la première chambre, section A, pour connaître de toutes difficultés relatives au déroulement de la présente expertise ; Condamne l'Union des groupements d'achats publics à payer à la Coopérative de Consommation des Adhérents de la Mutuelle Assureurs des Instituteurs de France la somme de 100 000 F, en application de l'article 700 du code du nouveau code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne l'Union des Groupements d'Achats Publics aux dépens de première instance et d'appel ; Dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés par la SCP Jobin, avoué à la Cour, dans les conditions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.