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Décisions

Cass. com., 13 janvier 1998, n° 95-14.346

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Sonauto (SA), Porsche AG (SA)

Défendeur :

Sport Autogalerie (Sté), Établissements Mourier (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Gomez

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Ryziger, Bouzidi, SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin.

T. com. Montpellier, prés., du 3 juin 19…

3 juin 1993

LA COUR : - Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, statuant en matière de référé (Montpellier, 23 février 1995), que la société Sonauto, importateur en France des véhicules automobiles de marque Porsche, les commercialise par l'intermédiaire d'un concessionnaire exclusif qui, pour le département de l'Hérault, est la société Etablissements Mourier (société Mourier) ; que ces deux sociétés ont assigné la société Sport Autogalerie pour qu'il lui soit interdit l'utilisation du nom Porsche et la référence à la qualité de spécialiste Porsche dont elle avait fait état dans des publicités parues dans des magazines en 1991 et en 1992 ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que les sociétés Sonauto et Porsche font grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable l'intervention en appel de la société Porsche, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'intervention de la société Porsche tendant à appuyer son importateur exclusif pour la France, est fondée sur la propriété qu'elle avait des marques, tendait aux mêmes fins que l'instance introduite en première instance par la société Sonauto qui demandait que soit interdit à la société Sport Autogalerie toute utilisation de la marque Porsche ; que le problème de la marque s'était du reste trouvé introduit aux débats de la première instance par la société Sport Autogalerie elle-même ; qu'en effet, il résulte des motifs de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Montpellier que la société Sport Autogalerie avait demandé le rejet de l'instance introduite contre elle au motifs que la marque Porsche n'appartient pas à la société Sonauto ; que l'arrêt est donc entaché de violation de l'article L. 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que celui qui intervient en cause d'appel au soutien des prétentions d'une autre partie est fondé à le faire par des moyens propres, différents de ceux de la partie au soutien des intérêts de laquelle il intervient ; que l'arrêt a donc violé l'article L. 554 du nouveau Code de procédure civile en déclarant irrecevable l'intervention de la société Porsche qui n'avait pas pour objet de soumettre un nouveau litige à la cour d'appel mais de soulever des moyens propres à faire reconnaître l'illicéité du comportement de la société Sport Autogalerie (constituait un lot privatif attaché au lot 4) ; et alors, enfin, en toute hypothèse, qu'est recevable en cause d'appel la demande nouvelle formée par un intervenant, lorsqu'elle est indivisible avec celle formée par le demandeur principal ; qu'à supposer que la demande de la société Porsche ait constitué une demande nouvelle en tant qu'elle était fondée sur une violation de son droit privatif sur sa marque, cette demande présentait manifestement un caractère d'indivisibilité avec la demande tendant à faire constater la concurrence déloyale dont s'était rendue coupable la société Sport Autogalerie en utilisant de façon irrégulière la marque Porsche en violation des droits des membres de son réseau ; qu'ainsi l'arrêt a violé l'article L. 554 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la société Sonauto a fait valoir devant le juge des référés que la société Sport Autogalerie, qui n'est pas un concessionnaire, en utilisant les dénominations " spécialiste Porsche " et " spécialiste 911 " créait un trouble manifestement illicite justifiant l'interdiction de cet usage ; que la cour d'appel a pu déduire de ces constatations que l'intervention en cause d'appel de la société Porsche fondée sur l'utilisation frauduleuse des marques dont elle se dit propriétaire relevait d'un litige différent de celui qui était soumis au juge des référés ; d'où il suit que le moyen n'est fondé eu aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que les sociétés Sonauto et Porsche font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de la société Sonauto, alors, selon le pourvoi, que le seul fait d'utiliser une marque automobile en se déclarant spécialiste de celle-ci constitue par lui-même une faute dont l'importateur exclusif de la marque est en droit de se prévaloir pour demander l'interdiction en référé de l'utilisation abusive qui constitue par elle-même un trouble illicite dans le jeu de la concurrence ; qu'en refusant de reconnaître l'existence d'un acte de concurrence déloyale et de prononcer l'interdiction au motif que la confusion entre les concessionnaires exclusif locaux et l'utilisation du terme " spécialiste Porsche " n'était pas de nature à créer dans l'esprit de la clientèle une confusion avec le concessionnaire exclusif local, la cour d'appel a posé une condition qui ne s'imposait pas pour que le fait reproché à société Sport Autogalerie puisse être qualifié de faute et constitue un trouble manifestement illicite l'arrêt a violé l'article 1382 du Code civil et l'article 873 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la société Sport Autogalerie emploie une personne compétente en matière de moteurs de marque Porsche, qu'il n'est pas démontré un risque de confusion entre cette société et les concessionnaires de la marque Porsche dont la liste figure sur un livret intitulé " Porsche service " remis à chaque acquéreur d'un véhicule de la marque, que les publicités incriminées ne font état que d'un réparateur motoriste distinct d'un concessionnaire; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que le comportement de la société Sport Autogalerie ne créait pas un trouble manifestement illicite; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que les sociétés Sonauto et Porsche font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de la société Sonauto, alors, selon le pourvoi, d'une part, que fait pour la société Autogalerie de ne pas respecter l'engagement pris dans une lettre dont l'existence n'était pas contestée de ne plus procéder à des publicités dans des conditions jugées irrégulières par la société Sonauto constituait bien un trouble manifestement illicite auquel le juge des référés pouvait mettre fin ; qu'en décidant le contraire l'arrêt a violé l'article 809 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que le juge des référés peut prendre toute mesure pour faire cesser un trouble manifestement illicite même en présence d'une contestation sérieuse ; que la simple contestation par la société Sport Autogalerie des conditions dans lesquelles elle avait pris son engagement qui ne constituait même pas une contestation sérieuse ne pouvait faire obstacle à la compétence du juge des référés ; que l'arrêt a donc violé l'article 809 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la lettre du 10 décembre 1991 constituait une simple mise en demeure de la société Sonauto (en réalité faite par l'intermédiaire de son avocat) ; que la lettre de l'avocat de la société Sonauto, du reste rigoureusement conforme aux usages du barreau de Paris, demandant à la société Sport Autogalerie de lui faire connaître son avocat dans un délai de 8 jours, faute de quoi la société Sport Autogalerie reprendrait sa liberté d'action pour toute procédure judiciaire (lettre produite à l'appui de leurs conclusions en réponse), ne pouvait constituer une lettre ayant vicié le consentement de la société Sport Autogalerie ; que la simple affirmation par la société Sport Autogalerie de ce que son consentement aurait été vicié, ne pouvait créer un obstacle à la compétence du juge des référés ; que pour cette raison encore, l'arrêt a violé l'article 809 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt rappelle que la société Sport Autogalerie fait valoir que la lettre litigieuse invoquée à l'appui de leurs prétentions par les sociétés Sonauto et Porsche n'est que la réponse à une demande comminatoire de la société Sonauto et qu'elle a été faite en méconnaissance de la portée de ce courrier ; que la cour d'appel a pu déduire de ces constatations que le seul fait de ne pas respecter un engagement pris par courrier est insuffisant pour caractériser un trouble manifestement illicite lorsque les conditions de l'engagement sont contestées ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.