Cass. com., 18 novembre 1997, n° 95-17.445
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Orangina France (Sté)
Défendeur :
Catalina marketing France (Sté), Coca-Cola Beverages (SA), Sogec (SA), Tropicana France Maxime Delrue (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Léonnet
Avocat général :
M. Raynaud
Avocats :
Me Le Prado, SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Defrenois, Lévis.
LA COUR : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 juin 1995) que la société Catalina marketing France (société Catalina) a mis au point et diffusé sur le territoire national un système dit de " couponnage électronique " ; que ce système permet, à partir de la connexion d'un micro-ordinateur et d'une imprimante et au moyen de la lecture optique d'un code à barres permettant l'accès aux caisses enregistreuses des magasins de grande distribution, de déclencher, au moment du passage en caisse, d'un produit acheté par un client et appartenant à une catégorie déterminée à l'avance entre un annonceur et la société Catalina, l'émission d'un bon de réduction d'une valeur fixe à valoir sur l'achat ultérieur avant une certaine date et dans un des points de vente du distributeur, d'un produit relevant de la même catégorie que celui acheté ; qu'en l'espèce la société Orangina s'estimant victime d'agissements anticoncurrentiels, a assigné en 1994 en dommages-intérêts devant le tribunal de commerce, la société Catalina et la société Coca-Cola Beverages (société Coca-Cola) qui, pour promouvoir la boisson Fanta qu'elle commercialise, avait adhéré à ce système de "couponnage électronique", l'achat par un client du magasin Casino Sainte-Anne près de Marseille d'une boisson fruitée figurant parmi trente-six produits de marques différentes déclenchant automatiquement un bon de réduction (écobon) pour l'achat ultérieur et dans la même grande surface, d'une boisson portant la marque Fanta ;
Sur le deuxième moyen de cassation : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter la demande en dommages-intérêts de la société Orangina, l'arrêt infirmatif énonce que le code à barres qui permet l'identification immédiate et à un coût réduit d'un article à tous les stades de sa commercialisation, s'il est attribué exclusivement à un producteur, ne contient aucune information confidentielle, et ne peut faire l'objet d'aucune appropriation par son attributaire qui ne peut interdire à un distributeur, en l'absence de convention expresse, d'en faire une utilisation conforme aux usages en vigueur dans le secteur de la grande distribution ; que l'utilisation du code à barres par le dispositif litigieux ne méconnaît pas ces usages et que le recours à ce dispositif ne peut, de la sorte, être tenu pour déloyal, dès lors que les données fournies par les codes à barres sont transmises par les distributeurs à des sociétés d'études de marchés ; que le système litigieux a pour caractéristique de permettre, en un seul trait de temps, d'analyser le comportement des consommateurs et d'en tirer aussitôt les conséquences par l'émission du bon de réduction destiné à augmenter le taux de la pénétration du produit promu ; que ce système répond à la finalité des études de marché conventionnelle, sans requérir la participation active du consommateur dont l'anonymat et la liberté de choix sont ainsi préservés ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait des constatations de l'arrêt que le couponnage électronique permettait, en l'espèce, à l'occasion de ventes d'un produit déterminé, de remettre à un acheteur, lors du passage en caisse un bon de réduction destiné à augmenter le taux de pénétration sur le marché d'un produit également proposé à la vente par un concurrent dans le magasin, ce dont il ressortait qu'un tel agissement était constitutif de détounement de clientèle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer, sur les autres moyens pris en leurs diverses branches : casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 juin 1995, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.