Cass. com., 21 octobre 1997, n° 95-15.401
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
De Choiseul
Défendeur :
Mazet de Montargis (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Gomez
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
Me Thomas-Raquin, SCP Piwnica et Molinié
LA COUR :
Sur le moyen unique, pris en ses six branches :
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 14 mars 1995), que le 5 mai 1911, M. Mazet, confiseur à Montargis, a déposé les marques Véritables Praslines du Duc de Praslin, Praslines du Duc de Praslin, que par arrêté du 4 juillet 1911, M. Jean-Baptiste Gaston de Choiseul-Praslin a été autorisé à porter le titre de Duc de Praslin et le 11 juillet 1912, il a signé un acte donnant autorisation à M. Mazet " de se servir du titre de mon aïeul et de libeller l'enseigne ainsi : " Au maréchal de Praslin Duc de Choiseul " ; que la société Mazet de Montargis, constituée en 1961, a pris la succession de l'activité de confiserie-chocolaterie de luxe exercée par M. Mazet et elle vend ses produits à Paris sous l'enseigne Au Duc de Praslin ; que M. de Choiseul a été reconnu par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, successeur au titre de duc de Praslin dont son oncle décédé, le 8 septembre 1937, était investi et qu'il a assigné la société Mazet de Montargis pour qu'il lui soit interdit d'utiliser le patronyme Praslin accompagné ou non du titre Duc ;
Attendu que M. de Choiseul fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'autorisation donnée intuitu personae à une personne physique ne peut être transmise à une personne morale, peu important que cette personne morale soit à une certaine époque dirigée par un héritier du bénéficiaire de l'autorisation ; qu'en se bornant à relever, pour reconnaître à la société Mazet de Montargis le droit de se prévaloir de l'autorisation donnée à Léon Mazet, que son " actuel directeur général est la fille " de ce dernier, la cour d'appel a violé les articles 1122 et 1165 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'une attitude purement passive ne peut créer une obligation à la charge de son auteur ou valoir renonciation de sa part à un droit ; qu'en se bornant, pour déclarer opposable à lui l'autorisation donnée par le précédent porteur du titre en 1912, à relever que " l'inertie du demandeur " de 1980 à 1993 vaudrait " confirmation tacite de l'autorisation accordée en 1912 ", la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; alors, en outre, qu'une simple autorisation d'usage du nom à titre d'enseigne, sans contrepartie et sans durée fixée, ne constitue pas une cession définitive mais une simple concession d'usage par nature révocable ; qu'en décidant le contraire au motif que ladite autorisation ne comportait " aucune clause de précarité ou de révocabilité ", la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; alors, au surplus, que le titulaire d'un titre nobiliaire, auquel il échoit non pas en qualité d'héritier mais en vertu de l'acte de collation, doit le recevoir tel qu'il a été créé, c'est-à-dire ayant conservé intact son caractère honorifique et, par suite, non engagé dans des activités commerciales ; que le titre, hors du commerce, ne peut donc faire l'objet d'une convention relative à son utilisation commerciale ; que le titre de " Duc de Praslin ", octroyé par le roi Louis XV, ne pouvait donc échoir à l'exposant grevé d'une quelconque autorisation d'usage commercial au profit d'un tiers ; qu'en conférant à une telle autorisation l'effet obligatoire d'une convention qui s'imposerait aux titulaires ultérieurs du titre, la cour d'appel a violé les lettres patentes du roi Louis XV du 3 novembre 1762, l'arrêté du Garde des Sceaux du 17 juin 1980 et l'article 1128 du Code civil ; alors, de surcroît que ne peut être adoptée comme marque une dénomination qui porte atteinte au nom patronymique ou au titre d'un tiers ; que la cour d'appel, qui ne relève aucune autorisation donnée pour un usage à titre de marque, ne pouvait donc refuser d'annuler les marques influant la dénomination " duc de Praslin " sans violer ensemble les articles 1134 du Code civil, 1er et suivants de la loi du 31 décembre 1964 et L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle ; et alors, enfin, que le titulaire d'un titre nobiliaire qui ne peut être porté que par une seule personne en vertu d'un acte de collation est fondé à en interdire l'utilisation par un tiers indépendamment de tout préjudice ou risque de confusion ; qu'en retenant qu'il ne démontrait pas en l'espèce un préjudice quelconque ou un risque de confusion, la Cour viole encore ensemble les lettres patentes du roi Louis XV du 3 novembre 1762, l'arrêté du Garde des Sceaux du 17 juin 1980 et les articles 544 et 545 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que le titre litigieux n'était pas porté à la date du dépôt de la marque et que l'autorisation consentie en juillet 1911 par l'oncle de M. de Choiseul ne comprenait pas de clause de précarité ou de révocabilité et n'a pas été remise en cause pendant plus de 80 années; qu'il retient en outre que M. de Choiseul ne démontre pas que l'existence de la marque soit de nature à créer une confusion avec sa personne, la société Mazet de Montargis ne suggérant pas de lien entre les produits commercialisés par elle et le porteur actuel du titre ; que la cour d'appel a pu en déduire que dans ces conditions, l'utilisation par la société Mazet de Montargis des dénominations Au Duc de Praslin ou au Maréchal Duc de Praslin ou Praslines du Duc de Praslin dans ses activités commerciales comme enseigne ou comme marque ne pouvait pas lui être interdite ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi.