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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 8 octobre 1997, n° 95-025923

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Van Cleef & Arpels (SA)

Défendeur :

Rimbaud

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Duvernier

Conseillers :

Mme Mandel, M. Lachacinski

Avoués :

SCP Varin Petit, SCP Baskal

Avocats :

Mes Kam, Marcus Mandel.

TGI Paris, 3e ch., 1re sect., du 3 mai 1…

3 mai 1995

La SA Van Cleef et Arpels qui a pour objet la création et la commercialisation d'articles de haute joaillerie, a, le 9 mai 1980, déposé à l'Institut National de la Propriété Industrielle sous le n° 556.124 la marque dénominative " Van Cleef & Arpels " laquelle a été enregistrée sous le n° 1.134.074 dans les classes de produits ou services 3, 8, 9, 14, 18, 25 et 35 pour désigner notamment la joaillerie, la bijouterie, l'horlogerie, les vêtements, les chaussures, la chapellerie.

Ce dépôt a été renouvelé le 9 octobre 1985 sous le n° 762.249 et enregistré sous le n° 1.326.119.

Alléguant que Jean Jacques Rimbaud offrait à la vente dans une bijouterie sise au " Louvre des Antiquaires " à Paris, des articles signalés à l'attention de la clientèle par la mention " d'après modèle Van Cleef ", la société susvisée, autorisée par ordonnance sur requête du président du Tribunal de grande instance de Paris en date du 6 janvier 1994, a fait procéder le même jour à une saisie-contrefaçon au siège du magasin en cause.

Les 3 et 9 février 1994, elle a assigné Jean-Jacques Rimbaud devant le Tribunal de grande instance de Paris à l'effet de voir, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, sur le fondement de la contrefaçon ou de l'imitation illicite de marque,

- ordonner les habituelles mesures d'interdiction sous astreinte, de confiscation et de publication,

- prononcer la validation de la saisie-contrefaçon,

- condamner le défendeur à lui verser les sommes de 450 000 F à titre de dommages et intérêts et de 20 000 F en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Jean-Jacques Rimbaud lui a opposé la nullité de la saisie-contrefaçon et a sollicité reconventionnellement le paiement d'une somme de 30 000 F en réparation d'une procédure qualifiée d'abusive et d'une somme de même montant pour ses frais non taxables.

Par jugement du 3 mai 1995, le Tribunal a :

- annulé la saisie contrefaçon,

- débouté la société Van Cleef et Arpels de l'ensemble de ses prétentions,

- condamné ladite société au paiement d'une somme de 8 000 F en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,

- rejeté toutes autres demandes.

La Société Van Cleef et Arpels, a, le 2 octobre 1995, interjeté à l'encontre de cette décision un appel aux termes duquel elle poursuit le prononcé de mesures d'interdiction sous astreinte et de publication ainsi que la condamnation de Jean-Jacques Rimbaud pour contrefaçon ou imitation illicite de marque et concurrence déloyale et parasitaire à lui payer une somme de 450 000 F à titre de dommages et intérêts ainsi que celle de 25 000 F pour ses frais hors dépens.

Jean-Jacques Rimbaud conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a annulé la saisie-contrefaçon et débouté la société Van Cleef et Arpels de ses demandes.

Il sollicite en outre le versement d'une indemnité de 30 000 F pour procédure abusive et d'une somme de même montant conformément à l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Sur ce,

I - Sur la saisie contrefaçon

Considérant que la société Van Cleef et Arpels allègue que les dispositions de l'article L. 716-7 du Code de la Propriété Intellectuelle ne s'appliquent qu'à la saisie réelle et non pas à la partie descriptive du procès-verbal de saisie-contrefaçon et que la nullité en cause ne peut être prononcée en l'absence de preuve d'un grief.

Considérant que le texte susvisé après avoir mentionné que le titulaire d'une marque enregistrée est en droit de faire procéder en vertu d'une ordonnance sur requête soit à la description détaillée avec ou sans prélèvement d'échantillons soit à la saisie réelle des produits ou services qu'il prétend démarqués, offerts à la vente, livrés ou fournis à son préjudice en violation de ses droits, dispose qu'à défaut pour le requérant de s'être pourvu par la voie civile ou correctionnelle dans le délai de quinzaine, la saisie est nulle de plein droit.

Qu'en l'espèce si la saisie-contrefaçon a été effectuée le 6 janvier 1994, l'assignation n'est intervenue que les 3 et 9 février suivants.

Considérant que si l'omission d'une formalité essentielle emporte nullité, même en dehors de tout grief porté à la défense, les termes de l'article L. 716-7 du Code de la Propriété Intellectuelle réservent cette sanction à la seule saisie et non pas à la description des produits en cause.

Qu'il en résulte que cette dernière demeure valablement invoquée par l'appelante.

II - Sur la contrefaçon de marque

Considérant que l'huissier de Justice requis pour dresser procès-verbal relève :

" ... En vitrine, côté rue de Rivoli, j'ai trouvé exposés à la vente les bijoux suivants, chacun ayant une étiquette comportant le prix et la formule indiquant " Modèle d'après Van Cleef " :

- 1 abeille en " Melchior " avec strasse et cristal

- 2 boucles d'oreilles en " Melchior " avec strass et cristal

- 4 noeuds papillon en " Melchior " et cristal

- 1 bracelet en " Melchior " et cristal

- 1 éléphant en " Melchior " et cristal

- 1 chien en " Melchior " et cristal

- 1 escargot en " Melchior " et cristal "

Considérant que la reproduction d'une marque même avec l'adjonction d'une référence constituant selon l'article L. 713-2 du Code de la Propriété Intellectuelle une contrefaçon, il en résulte, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur les attestations de Bruno Pegaz-Trojan et de Frédéric Gilbert Zink, tous deux employés de l'appelante, que le grief invoqué est établi au sens de l'article L. 716-1 du Code de la Propriété Intellectuelle.

II - Sur la concurrence déloyale ou parasitaire

Considérant que la société Van Cleef et Arpels incrimine à ce titre la référence expresse à son nom.

Mais considérant que celle-ci est sanctionnée sur le fondement de la contrefaçon de marque.

Que l'appelante soutient en outre qu'un procès-verbal de constat dressé les 7 et 9 octobre 1996 a révélé que Jean-Jacques Rimbaud portait sur les étiquettes des bijoux par lui mis en vente des mentions telles que : " modèle exceptionnel, digne des bijoux de la Place Vendôme, attribué à Trifari " ou " signé Jonaz " ou " modèle de serti dans l'esprit de bijoux d'un bijoutier de la Place Vendôme ".

Que l'indication de créateurs comme Trifari ou Jonaz, tiers à la présente procédure exclut toute référence illicite à l'appelante.

Que l'emploi du mot " serti " rapproché de l'allusion à " un bijoutier de la place Vendôme " est manifestement insuffisant à caractériser une manœuvre préjudiciable à la société Van Cleef et Arpels eu égard à la généralité de ces mots tant au regard de la technique invoquée que du joaillier en cause, la Place Vendôme étant le siège de nombreuses entreprises de cette nature.

Considérant que l'appelante ne rapportant pas la preuve de faits distincts de ceux incriminés sous la qualification de contrefaçon de marque, sera déboutée de ce chef de demande.

IV - Sur la réparation du préjudice

Considérant que la référence à la marque de l'appelante sur des bijoux de fantaisie suffit à caractériser un dommage dont la réparation peut être valablement fixée à la somme de 150 000 F.

Considérant que s'il convient d'ordonner à titre de complément de dommages et intérêts la publication du présent arrêt ainsi qu'il sera précisé au dispositif, il n'y a lieu à interdiction sous astreinte, la société Van Cleef et Arpels ne rapportant pas la preuve du renouvellement du dépôt de sa marque, opéré pour la dernière fois le 9 octobre 1985.

V - Sur la demande reconventionnelle

Considérant que Jean Jacques Rimbaud ne saurait valablement invoquer le caractère abusif d'une demande à laquelle il est en partie fait droit.

VI - Sur les frais non taxables

Considérant qu'il est équitable de rejeter la demande formée par l'intimé sur les dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, mais d'allouer en revanche sur ce fondement à la société Van Cleef et Arpels une somme de 20 000 F.

Par ces motifs : Réforme le jugement entrepris et, statuant à nouveau, Annule la saisie réelle pratiquée par procès-verbal de saisie-contrefaçon du 6 janvier 1994, Dit la demande en contrefaçon de marque recevable et bien fondée, Condamne Jean Claude Rimbaud à payer à la Société Van Cleef et Arpels les sommes de : - Cent Cinquante Mille Francs (150 000 F) à titre de dommages et intérêts, - Vingt Mille Francs (20 000 F) en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, Autorise la publication du présent arrêt dans trois journaux ou revues au choix de la société Van Cleef et Arpels et aux frais de Jean Jacques Rimbaud dans la limite d'un coût de 25 000 F HT par insertion, Rejette toutes autres demandes, Condamne Jean-Jacques Rimbaud aux dépens de première instance et d'appel, Admet la SCP Varin Petit titulaire d'un office d'avoué, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.