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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 1 octobre 1997, n° 95-017695

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Piaggio et CSPA (SA)

Défendeur :

Finetti (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Duvernier

Conseillers :

Mme Mandel, M. Lachacinski

Avoués :

SCP Teytaud, SCP Barrier Monin

Avocats :

Mes Delhomme, Benoliel Claux.

TGI Paris, 3e ch., 2e sect., du 4 mai 19…

4 mai 1995

La société de droit italien Piaggio et CSPA est titulaire de la marque internationale Vespa, déposé à l'OMPI le 20 avril 1978 pour une durée de 20 ans et enregistrée sous le n° 437.943 dans la classe des produits ou services 12 pour désigner dans divers pays dont la France " scooters, motocyclettes, vélomoteurs, vélocipèdes, véhicules à moteur à trois et à quatre roues, embarcations, parties et composants de tous ces produits ".

Cette marque est exploitée en France par sa filiale, la SA Piaggio France laquelle, sous son ancienne dénomination de Vespa Diffusion, a consenti :

- par acte sous seing privé du 31 décembre 1985, enregistré le 7 mars 1986, à la SARL Finetti représentée par son gérant Georges Finetti, la location-gérance d'un fonds de commerce de voitures, cycles, motocycles et autres véhicules, connu sous l'enseigne de " Vespa ", sis 10 bis avenue de la Grande Armée à Paris, pour une durée de cinq ans prenant effet au 1er janvier 1986 mais qui, en vertu d'un avenant du 24 juillet 1990, a pris fin le 31 décembre 1991,

- par acte sous seing privé du 6 mars 1987, à la SARL " Scooter Tri Center " (dont la société Finetti prétend dans ses conclusions du 22 décembre 1996, page 2 que Georges Finetti aurait été également le gérant bien que l'acte susvisé porte à ce titre mention du nom de Serge Fabrega) la sous-location de locaux sis 8 bis et 12 rue Édouard Vaillant à Levallois Perret, à laquelle il a été mis fin le 31 décembre 1991 d'un commun accord par Enrico Arrigo, Président Directeur Général de la société Vespa Diffusion et Georges Finetti.

La société Finetti ayant ultérieurement poursuivi la commercialisation et la réparation de scooters et de motocyclettes Vespa dans un local sis 18 rue Jouffroy d'Abbans à Paris à l'enseigne Vespa, la société Vespa Diffusion a fait dresser les 23 avril et 29 septembre 1992 deux procès-verbaux de constat et délivré le 24 avril 1992 à la société Finetti une sommation interpellative aux fins de la voir cesser immédiatement l'utilisation de la marque Vespa et retirer l'enseigne litigieuse.

Autorisée par ordonnance sur requête du Président du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 23 mars 1994, la société Piaggio et CSPA à faire effectuer les 30 mars et 7 avril suivants une saisie-contrefaçon dans ce lieu.

Celle-ci a révélé que :

- un magasin à enseigne Vespa, sis 18 rue Jouffroy comportait un atelier de réparation dans lequel se trouvaient des scooters,

- un magasin principal, à enseigne Vespa et Piaggio, sis 16 bis rue Jouffroy exposait :

- 1 Vespa Piaggio skipper 80 cm3

- 3 scooters 125 cm3 (2 Cosa. 1 PX)

- 3 scooters 49,9 cm3 (2 V 50 A. 1 Typhon)

- 1 " cyclo CIAO "

- 1 Brochure Piaggio 1993, éditée par Vespa Diffusion SA.

Le 12 avril 1994, les sociétés Piaggio et CSPA et Vespa Diffusion ont assigné la société Finetti (dont Valérie Dahan et Jean-François Maubert sont les co-gérants depuis le 27 février 1993) devant le Tribunal de Grande Instance de Paris aux fins de voir, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :

- constater les actes de contrefaçon et de concurrence déloyale par elles incriminés,

- prononcer les habituelles mesures d'interdiction sous astreinte et de publication,

- ordonner une expertise pour évaluer leur préjudice,

- condamner la défenderesse au paiement d'une indemnité provisionnelle de 500.000 F et d'une somme de 40.000 F en vertu de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile.

La société Finetti a conclu au rejet de la demande et, reconventionnellement, a sollicité avec exécution provisoire :

- l'attribution des sommes de 100.000 F en indemnisation d'un refus de vente, de 50.000 F en réparation du préjudice tenant aux difficultés d'exploitation suscitées par les demanderesses et de 30.000 F pour ses frais non taxables,

- la publication du jugement à intervenir aux frais des sociétés en cause.

Par jugement du 4 mai 1995, le Tribunal au motif que la société Finetti en utilisant la marque Vespa à titre d'enseigne avait commis des actes de contrefaçon à l'encontre de la société Piaggio et CSPA et de concurrence déloyale à l'encontre de la société Vespa Diffusion, l'a condamnée à verser une indemnité de 5.000 F à la première et de 10.000 F à la seconde et à acquitter une somme de 5.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile.

Observant que le grief de refus de vente, invoqué par la société Finetti était établi, en l'absence de preuve d'un réseau de distribution sélective licite, il a alloué à la défenderesse les sommes de 50.000 F à titre de dommages et intérêts de 8.000 F pour ses frais hors dépens.

La société Piaggio et CSPA et la société Vespa Diffusion désormais dénommée Piaggio France, ont interjeté à l'encontre de cette décision, le 28 juin 1995, un appel aux termes duquel elles poursuivent :

- l'infirmation du jugement en ce qu'il les a condamnées à verser à l'intimée les sommes de 50.000 F et de 8.000 F,

- la condamnation de la société Finetti à payer à la société Piaggio et CSPA une somme de 100.000 F pour contrefaçon de marque et à la société Piaggio France une somme de même montant pour concurrence déloyale,

- la publication du présent arrêt dans deux journaux aux frais de la défenderesse,

- l'attribution d'une somme de 20.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile.

La Société Finetti conclut à l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée pour contrefaçon de marque et concurrence déloyale et conteste la régularité du contrat de concessionnaire exclusif mis au point par la société Vespa Diffusion (Piaggio France).

Sur ce,

I - SUR LA DEMANDE PRINCIPALE

Considérant que les appelantes soutiennent d'une part, que l'usage illicite de la dénomination Vespa est, ainsi que l'a retenu le jugement déféré, constitutif de contrefaçon de marque à l'encontre de la société Piaggio et CSPA et de concurrence déloyale à l'égard de la société Piaggio France et d'autre part, que la commercialisation et la réparation de véhicules Piaggio, au mépris du réseau étanche de distribution sélective instauré à compter du 1er janvier 1994 par la société Piaggio France caractérise également des actes de concurrence déloyale.

1 - Sur l'usage de la marque Vespa à titre d'enseigne

Considérant que les sociétés Piaggio exposent que si, à l'expiration des contrats qui les liaient, soit postérieurement au 31 décembre 1991, la société Piaggio France (alors Vespa Diffusion) a cessé toutes relations commerciales avec la société Finetti, celle-ci s'est cependant reconnu le droit d'utiliser l'enseigne Vespa comme en font foi les procès-verbaux de constat des 24 avril et 29 septembre 1992.

Que si elles ne contestent pas s'être désistées d'une action en référé alors intentée au motif que la société Finetti semblait avoir accepté de déposer spontanément l'enseigne elles font valoir que la saisie-contrefaçon effectuée le 30 mars 1994 a révélé que le magasin exploité par l'intimée portait toujours la dénomination litigieuse.

Qu'elles en déduisent que la société Finetti s'est ainsi rendue coupable de contrefaçon de marque et de concurrence déloyale pendant deux ans.

Considérant que l'intimée réplique que ses cogérants, de bonne foi " n'ont pas utilisé la dénomination Vespa sans l'accord de son propriétaire légitime mais se sont cru autorisés tacitement à l'utiliser à titre d'enseigne dans la mesure où il s'agissait d'une habitude de la société Vespa " qui " en l'absence d'un réseau de distribution ... autorisait l'usage de la marque à titre d'enseigne pour les différents revendeurs " et ce alors que " l'authenticité des produits commercialisés dans la boutique de la rue Jouffroy d'Abbans ne pouvait être mise en cause ".

Qu'elle allègue au surplus " qu'avant la mise en place du réseau de distribution restrictif, l'usage de la dénomination Vespa était parfaitement licite au regard des dispositions de l'article L. 713.4 CPI " et que " la société Piaggio ne peut justifier avoir informé son ancien partenaire commercial de la mise en place du réseau ", dont elle conteste au demeurant la licéité.

Considérant, ceci exposé, que la responsabilité civile étant engagée par le seul fait dommageable, indépendamment de toute intention frauduleuse, toute atteinte portée à une marque constitue une faute qui doit être sanctionnée sans qu'il y ait lieu de rechercher si elle a été commise de bonne ou de mauvaise foi.

Que la société Finetti établit d'autant moins l'existence d'un accord tacite à l'utilisation d'une enseigne Vespa que cet usage a donné lieu dès le 24 avril 1992 à une sommation interpellative que les actuels co-gérants de l'intimée ne pouvaient ignorer, eu égard à leur qualité à l'époque de salariés de cette dernière.

Considérant, d'autre part que la société Finetti ne saurait invoquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 713.4 du Code de la Propriété Intellectuelle lesquelles concernent expressément et limitativement l'usage d'une marque pour désigner des produits et non pas un établissement commercial.

Qu'en faisant illicitement usage de la dénomination Vespa à titre d'enseigne, la société Finetti a commis des actes de contrefaçon de marque au préjudice de la société Piaggio et CSPA et de concurrence déloyale à l'égard de la société Piaggio France.

2. Sur la commercialisation et la réparation de véhicule Piaggio

Considérant que la société Piaggio allègue qu'il est " de principe qu'est constitutive de concurrence déloyale la mise en vente de produits faisant l'objet d'un réseau de distribution sélective dès lors qu'il est prouvé par le fait qu'il n'avait pas la qualité de distributeur agréé que le vendeur avait obtenu des produits auprès de distributeurs agréés ayant enfreint leurs obligations de membres du réseau de distribution sélective ".

Que la société Finetti lui oppose l'illicéité dudit réseau " au regard du droit de la concurrence communautaire et interne ".

Considérant que, pour déterminer si les dispositions de l'article L. 713.4. CPI sont ou non opposables au grief incriminé, il convient de distinguer les faits antérieurs au 1er janvier 1994 des faits postérieurs à cette date.

Sur les faits antérieurs au 1er janvier 1994

Considérant qu'aux termes de l'article L. 713-4 CPI, le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le Commerce dans la Communauté européenne sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement.

Or considérant que la société Finetti soutient sans en être démentie par les appelantes que les produits par elle acquis ont tous été fabriqués par la société Piaggio et CSPA et mis dans le commerce dans la Communauté européenne par la titulaire de la marque.

Que la demande, de ce chef, est en conséquence mal fondée.

Sur les faits postérieurs au 1er janvier 1994

Considérant que l'épuisement du droit de marque ne peut intervenir que lorsque le produit qui en est revêtu a été commercialisé dans la Communauté avec le consentement du titulaire de ce droit à l'usage précis qui en est fait.

Que l'article L. 713.4 du Code de la Propriété Intellectuelle autorise en effet le propriétaire d'une marque à s'opposer à tout nouvel acte de commercialisation s'il justifie de motifs légitimes.

Que ce texte en visant " notamment " à ce titre la modification ou l'altération ultérieurement intervenue, de l'état des produits, n'en exclut pas pour autant d'autres causes.

Qu'il en résulte que l'existence d'un réseau de distribution sélective conforme aux critères de licéité imposés par le droit communautaire, constitue un juste motif pour écarter l'effet d'épuisement et interdire la distribution des produits et, de ce fait, la diffusion de la marque en cause lorsque celles-ci sont opérées en violation des règles du réseau.

Considérant que la société Finetti conteste tant la réalité que la validité du réseau aux motifs d'une part, que les appelantes ne rapporteraient pas la preuve de l'obtention, au sens de l'article 85 du Traité de Rome, d'un règlement d'exemption dont elle précise qu'en toute hypothèse, il comporterait des éléments juridiques et de fait qui le priveraient de toute effectivité d'autre part que le prétendu réseau ne recouvrirait aucune réalité économique et serait irrégulier eu égard au caractère subjectif et imprécis des critères d'agrément et à leur application discriminatoire.

Considérant qu'un système de distribution sélective est licite lorsque les critères du choix des revendeurs ont un caractère objectif, sont justifiés par la nécessité de la distribution adéquate des produits en cause, n'ont pas pour objet ou pour effet d'exclure par nature une ou plusieurs formes déterminées de distribution et ne sont pas appliquées de manière discriminatoire.

Qu'il appartient à celui qui s'en prévaut d'en établir l'existence et la licéité puis de prouver la faute de celui qu'il poursuit.

Considérant qu'à l'appui de l'existence du réseau, les appelantes qui soulignent que l'annonce de la création de celui-ci a été faite dans le n° 3591 d'avril 1994 de l'Officiel du Cycle et de la Moto puis rappelée dans le n° 3602 d'avril 1995 de cette revue, produisent les contrats de " concessionnaire agréé exclusif Piaggio " conclus :

- le 1er janvier 1994 avec la société RB Cyclos, de Paris 15ème

- le 26 décembre 1994 avec la SARL Chapelle Moto Auto (CMA) de Paris 18ème

- le 5 janvier 1995 avec la société Atelier Urgence Scooter, de Puteaux

- le 9 février 1995 avec la société " Vélos-cyclos-Motos F. Cournut " de Rodez

- le 28 mars 1995, avec la SA Rithiand Rhône Scooter, de Lyon

- le 29 mars 1995, avec la SARL S.E. Maison Boulanger, de Reims.

Qu'il en résulte que l'effectivité et la réalité économique dudit réseau sont démontrées.

Considérant que les appelantes établissent que la demande de dérogation au principe d'interdiction des ententes fondée sur les dispositions de l'article 85.3 du Traité de Rome a donné lieu à une lettre administrative de classement en date du 28 juillet 1993 aux termes de laquelle la Commission des Communautés Européennes, (direction générale de la concurrence) prenait acte du fait que le contrat-type qui lui avait été soumis était " conforme au règlement CEE n° 1983-83 du 22 juin 1983 de la Commission (G.U. n° l. 173 du 30 juin 1983 p.1) concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du Traité et des catégories d'accords distribution exclusive ".

Considérant cependant qu'il ne saurait être contesté comme le fait observer pertinemment l'intimée, que ladite lettre constitue non pas une décision d'attestation négative ou d'application de l'article 85.3 du Traité de Rome mais seulement un document de caractère administratif qui reflète une appréciation de la Commission, clôt une procédure d'examen par les services compétents de celle-ci et est utilisé par elle pour régler rapidement les cas dont elle estime qu'ils ne posent aucun problème relative au droit des ententes.

Que s'il apparaît comme un élément d'appréciation dont il convient de tenir compte, l'avis ainsi exprimé ne lie pas formellement les juridictions nationales et, de ce fait, la Cour.

Considérant que la société Finetti allègue qu' " en l'espèce de contrat de licence dûment enregistré auprès de l'Institut Nationale de la Propriété Industrielle, la société Piaggio France ne peut en aucun cas se prévaloir des droits de la société Piaggio et CSPA ", " prétendre à aucun droit sur l'enregistrement international n° 437.943 fait auprès de l'OMPI au profit exclusif de Piaggio et CSPA ", et " encore moins signer en son nom des contrats de concession exclusive ".

Qu'elle en déduit que le contrat de concession exclusive qui prétend lui interdire, en son article 8, l'usage desdites marques, doit être annulé, de ce seul fait.

Considérant que le " contrat de concessionnaire agréé exclusif Piaggio " est une convention instaurée à l'initiative de la société alors dénommée Vespa Diffusion, désignée comme le " fournisseur " et présentée comme une société filiale du groupe Piaggio et le distributeur exclusif des produits de celui-ci en France (c.f. préambule p. 2).

Que l'article 8.4. de la convention rappelle expressément que " la marque de fabrique, les marques spécifiques des produits, les logos... sont la propriété exclusive et absolue de la société Piaggio dont le fournisseur est le représentant légal contractuel pour la France qui assure la défense de ses intérêts ".

Qu'il en résulte que la société Vespa Diffusion était fondée à assurer la protection des droits de représentation et de distribution exclusifs qui lui avaient été concédés et notamment à se prémunir de tout préjudice personnel tel que résultant de la diffusion non autorisée de produits revêtus de la marque de sa société mère, par le moyen d'un réseau de distribution sélective.

Considérant que la société Finetti soutient d'autre part que le premier critère énoncé à l'article 1.2.1. de l'annexe I du contrat de concession est non seulement imprécis mais également subjectif dans la mesure où il serait susceptible d'une application discriminatoire.

Qu'elle précise qu'il serait en effet beaucoup trop général et ferait dépendre de la seule volonté du fournisseur l'agrément préalable des distributeurs.

Considérant que la clause incriminée dispose que " les candidats seront choisis, essentiellement sur la connaissance que le fournisseur peut avoir d'eux et sur la conception qu'il se fait d'un bon revendeur dans le sens d'une appréciation communément acceptée par la profession, à savoir : être un bon gestionnaire tant dans les achats et ventes, entretenir un bon relationnel avec la clientèle, en particulier dans le cadre services après-vente et réparations, présenter régulièrement une situation financière nette et en totale adéquation avec les objectifs quantitatifs et qualitatifs projetés et être en mesure de contribuer au développement des parts du marché des " produits " du fournisseur ".

Que la référence à des critères généraux et de pur bon sens tels que la nécessité d'une situation financière, d'une gestion saines et la manifestation d'un dynamisme commerciale normal ne saurait à l'évidence s'interpréter autrement que comme un préambule aux " critères relatifs aux objectifs du contrat ", " liés au personnel ou à la situation juridique et financière " qu'expriment de manière précise et détaillée les paragraphes 1.2.2., 1.2.3., et 1.2.4.

Considérant que si la société Finetti fait enfin valoir que " la volonté de la société Vespa de contrôler l'accès à son réseau par la mise en place de critères purement subjectifs " résulterait du fait " qu'à aucun moment, cette dernière n'a été en mesure de s'expliquer sur son refus (de l') intégrer dans son réseau ", il convient d'observer qu'elle ne justifie pas avoir sollicité son admission dans celui-ci et que les appelantes lui objectent en conséquence à juste titre qu'elles n'ont pu rejeter une demande qui ne leur avait jamais été faite.

Considérant que l'examen de la convention invoquée révèle, outre que celle-ci est le contrat-type approuvé après modification par la Direction Générale de la Concurrence de la Commission des Communautés Européennes, qu'elle a pour seule finalité la vente des produits concernés dans des conditions :

- conformes à la liberté du revendeur, celui-ci gérant son entreprise indépendamment de l'objet du contrat et n'étant lié au fournisseur que dans le cadre du contrat et des obligations limitativement énumérées pouvant développer en accord avec le fournisseur et dans le respect du contrat son propre réseau de revente, de distribution, de services et d'assistance à l'intérieur de son territoire (article 3.2. et annexe II.1) et pouvant enfin déterminer librement ses prix, le fournisseur ne lui remettant qu' " un tarif détail conseillé ",

- conformes aux règles de sélection des revendeurs, en l'absence de clauses réservant ou excluant à priori une forme de distribution, les clauses relatives tant à la qualification des concessionnaires qu'au niveau, à l'agencement et à la situation des magasins, aux stocks et conditions de paiement relevant de critères qualitatifs objectivement définis en considération des produits à distribuer,

- conformes, à une mise en œuvre normale des clauses contractuelles, l'application conjointe et cumulée de celles-ci ne permettent pas au fournisseur un choix discrétionnaire de son distributeur en l'absence de fixation d'un chiffre d'affaires minimum, de stocks et assortiments minimum et de garanties de paiement de nature à exclure des catégories particulières et déterminées de revendeurs.

Considérant qu'il ne saurait être contesté que le réseau de distribution sélective instauré qui a pour but de rechercher " une optimisation tant quantitative que qualitative de la distribution des Produits en comprimant les coûts dans le souci de vendre à une meilleurs prix tout en offrant toujours un meilleur service à la clientèle " valorise le produit et est de nature à augmenter la demande de celui-ci et s'intègre dans une structure de marché largement ouverte et concurrentielle.

Considérant, en conséquence, que l'existence du réseau de distribution sélective suffit à écarter l'effet d'épuisement du droit de marque.

Considérant que si le fait de commercialiser des produits relevant d'un réseau de distribution sélective ne constitue pas en lui-même un acte fautif, l'achat de marchandises dans des conditions illicites ou frauduleuses caractérise un acte de concurrence déloyale.

Qu'ainsi, un tiers à un réseau de distribution sélective commet une faute en acquérant d'un distributeur agréé, en violation du contrat liant celui-ci au réseau, des produits commercialisés selon ce mode de distribution.

Or considérant, en l'espèce, que le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 30 mars 1994 révèle que la société Finetti, distributeur non agréé, s'est approvisionnée auprès de la société RB Cyclos, distributeur agréé, alors que l'article 3.4. du contrat de distribution du 1er janvier 1994 liant celle-ci à la société Vespa Diffusion disposait expressément : " le concessionnaire s'interdit de revendre des produits à un revendeur qui ne serait pas membre du réseau Piaggio pour la France ".

Que le grief de concurrence déloyale invoqué de ce chef par la société Piaggio France est donc également établi .

3. Sur la réparation du préjudice

Considérant qu'aux termes de leurs conclusions du 10 juin 1996 modifiant de ce chef leurs écritures du 27 octobre 1995, les appelantes sollicitent la condamnation de la société Finetti à verser :

- à la société Piaggio et CSPA la somme de 100.000 F pour contrefaçon de marque,

- à la société Piaggio France une somme de même montant pour concurrence déloyale.

Qu'il sera fait droit à ces demandes bien fondées dans leur principe dans les conditions précisées au dispositif.

Qu'il convient en outre d'autoriser la publication du présent arrêt.

II - SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE

Considérant que le réseau de distribution sélective étant déclaré licite, la société Finetti ne saurait soutenir que les appelantes se sont rendues coupables de refus de vente à son préjudice.

Que sa demande de dommages et intérêts sera donc rejetée.

III - SUR LES FRAIS NON TAXABLES

Considérant que la société intimée qui succombe, sera déboutée de la demande par elle fondée sur les dispositions de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile.

Qu'il est en revanche équitable d'allouer de ce chef aux appelantes une somme de 20.000 F.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme dans les limites ci-dessus précisées le jugement entrepris en ce qu'il a dit bien fondée la demande en contrefaçon de marque de la société Piaggio et CSPA et la demande en concurrence déloyale de la société Vespa Diffusion désormais Piaggio France, pour usage illicite d'une enseigne Vespa, Le réforme pour le surplus et, statuant à nouveau, Dit qu'en vendant des véhicules ou des pièces de rechange du groupe Piaggio ou en procédant à la réparation de véhicules Piaggio, la société Finetti s'est livrée à des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Piaggio France, Fait interdiction à la société Finetti de poursuivre de tels actes sous astreinte de 5.000 F par infraction constatée passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt et pendant une durée de trois mois à l'expiration de laquelle la Cour qui se réserve expressément la liquidation de l'astreinte statuera à nouveau, Condamne la société Finetti à payer : à la société Piaggio et CSPA, une somme de Cinquante Mille Francs (50.000 F) à titre de dommages et intérêts, à la société Piaggio France, une somme de Soixante Quinze Mille Francs (75.000 F) à titre de dommages et intérêts, aux sociétés appelantes, une somme de Vingt Mille Francs (20.000 F) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile, - Autorise la publication du présent arrêt dans deux périodiques au choix des sociétés Piaggio et CSPA et Piaggio France, dans la limite d'un coût de 25.000 F HT par insertion, Rejette toutes autres demandes, Condamne la Société Finetti aux dépens de première instance et d'appel, Admet la SCP Teytaud titulaire d'un office d'avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de Procédure Civile.