Livv
Décisions

CA Nîmes, 2e ch. B, 11 septembre 1997, n° 96-2637

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Schabaver (SA)

Défendeur :

Marcel Justet (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Martin

Conseillers :

M. Bestagno, Mme Miquel-Pribile

Avoués :

SCP Tardieu, Me Aldebert

Avocats :

SCP Matheu Mariez Rivière-Sacaze, SCP Allheilig Galzin.

T. com. Ales, du 21 mai 1996

21 mai 1996

Faits et procédure :

La Société Schabaver fabrique et commercialise des pompes centrifuges.

Après avoir constaté que la Société Marcel Justet copiait servilement ses produits, et les commercialisait, elle a saisi le tribunal de commerce d'Ales pour que défense soit faite à ce concurrent déclaré déloyal de poursuivre de telles activités, et pour que réparation lui soit assurée de son préjudice.

Par un jugement prononcé le 21 mai 1996 la Société Schabaver était déboutée de toutes ses demandes, fins et conclusions, et condamnée à payer à la Société Marcel Justet une somme de 2.000 F par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les dépens.

Appel de cette décision était interjeté le 11 juin 1996.

Moyens et prétentions des parties :

A l'appui de son appel la Société Schabaver expose :

- que les pièces et les pompes commercialisées ne sont que la réplique des siennes ;

- que par ce copiage servile la Société Marcel Justet a entendu tromper les acquéreurs, et créer à son profit une confusion évidente entre les deux fabrications ;

- que le fait de savoir si les produits concurrents sont d'une meilleure qualité est indifférent, quand il s'agit seulement d'imitation servile ;

- que cette concurrence déloyale a bien été durable et organisée ;

- que le jugement déféré doit être, en conséquence, infirmé ;

- que la commercialisation des produits dont s'agit doit être interdite, sous astreinte ;

- qu'à valoir sur l'indemnisation définitive et globale de son préjudice une provision de 500.000 F lui doit être allouée ;

- qu'un expert doit être désigné ;

- qu'en réparation de son préjudice moral son concurrent doit lui payer une somme de 400.000 F ;

- qu'au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, c'est une somme de 70.000 F qui doit lui revenir.

La SARL Marcel Justet oppose :

- que le procès-verbal de constat communiqué le jour même de la clôture de l'instruction doit être rejeté des débats, comme tardif ;

- que son activité relève de la mécanique générale, du tournage sur métaux et activités annexes ou connexes ;

- qu'elle produit des pièces mécaniques diverses usinées, alors que la Société Schabaver fabrique du matériel neuf et complet ;

- que ses pièces de rechange adaptables aux pompes de marque Schabaver comportent des caractéristiques évidentes attestant aussi bien de leur origine que de leur qualité ;

- que des différences substantielles existent, à l'avantage de sa fabrication ;

- que la différence de prix qui lui est par ailleurs reprochée résulte d'une situation quasi monopolistique dont a bénéficié ce fabricant qui n'a pas, pour autant, amélioré la qualité de ses produits ;

- que la faute alléguée est inexistante,

- que la clientèle n'a pu être troublée par des prétendues similitudes,

- que la Société Schabaver reste taisante sur la nature et le contenu de son préjudice,

- que la présente action procède de l'intention de nuire qui doit être sanctionnée par l'octroi de dommages et intérêts ;

- qu'à ce titre une somme de 100.000 F lui doit être allouée ;

- que le jugement entrepris doit être confirmé ;

- qu'elle se trouve fondée à réclamer paiement d'une somme de 10.000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les dépens.

Sur quoi,

L'incident de communication de pièces :

Attendu que la pièce dont la société intimée réclame le rejet consiste dans un procès-verbal de constat dressé par la SCP Aribaut-Abadie, huissiers de justice, le 28 mai 1997 ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que ladite pièce a été communiquée le jour même du prononcé de la clôture de l'instruction du présent dossier ;

Attendu qu'en raison de la tardiveté de sa communication ledit procès-verbal doit être rejeté du débat ;

L'action en concurrence déloyale :

Attendu que la Société Schabaver, spécialisée dans la construction de pompes centrifuges pour transport de solides, ne peut se prévaloir d'aucun droit privatif interdisant toute concurrence ;

Attendu qu'en l'espèce cette concurrence est exercée par la SARL Marcel Justet & Compagnie qui commercialise des pièces de rechange adaptables aux pompes fabriquées par la Société Schabaver ;

Attendu qu'à la condition de ne pas bénéficier d'économies injustifiées, provenant d'une appropriation déloyale du travail d'autrui, et de ne pas créer de confusion dans l'esprit de la clientèle, une pareille concurrence, faute de protection spécifique des produits d'origine, est licite, et aucune obligation ne peut être imposée à la clientèle de n'utiliser que des pièces de rechange provenant de la société appelante ;

Le grief de confusion

Attendu que les pièces fournies par la société intimée sont la réplique exacte de celles provenant de la Société Schabaver, réalisées sur la base de plans fournis par le client lui-même (cf. pièce cotée XI, établie par Rhône Poulenc Industries) ;

Attendu, cependant, que la provenance desdites pièces est matérialisée par des mentions spécifiques, qui ne se retrouvent pas sur les pièces d'origine, tels le sigle MN et un numéro d'identification ;

Attendu, bien plus, que sur les documents contractuels que constituent les offres de prix et les bons de livraison, les références des matériels proposés à la vente, ou vendus, sont propres à la Société Justet (ex. S 35 - S 40, S 25, S 15, S 10 - S 10 V - C 100, S 6,5, FNH), et distinctes des références de la Société Schabaver (ex. D 150-200, C 040 - 065 - 100 - 150 - 250, M 040 - 065 - 100 - 150 - 250) ;

Attendu, à cet égard, que la correspondance des chiffres relevée par la société appelante se justifie par le caractère interchangeable de la production litigieuse, appelant une certaine équivalence dans l'identification des composants;

Attendu, surtout, que ces composants sont destinés à d'importantes entreprises industrielles, telles Rhône Poulenc ou Pechiney, dont les compétences des dirigeants ou l'organisation interne du travail interdisent toute confusion sur l'origine et les caractéristiques des produits et l'identité des fournisseurs;

Attendu, ainsi, que sur le catalogue, produit par la société appelante, de la Société Friguia Aluminium Pechiney, établi pour le magasin de son usine de Kimbo, figurent, de façon séparée, une rubrique Pompe Schabaver, et une rubrique Pompe Justet, ces deux fournisseurs distincts se trouvant identifiés par un code différent (Schabaver 086550 - Justet 050917) ;

Attendu, dès lors, et par référence toujours à l'équivalence des produits, la similitude relevée du Code Ensemble (877706) attribué aux pompes Schabaver et Justet ne peut être retenue comme un élément de confusion ;

Attendu, tout autant, que la Société CBM qui pour permettre à la Société Schabaver de matérialiser la concurrence des Etablissements Justet a passé auprès de ceux-ci une commande portant les références propres au premier de ces fournisseurs, n'a pu ignorer, outre leur existence distincte, la spécificité du produit proposé par le second qui a porté sur son offre de prix ses propres références, qui ne correspondaient pas à celle de la demande de prix et de délais de livraison ;

Attendu que c'est donc de façon pertinente que les premiers Juges ont rejeté ce grief de confusion en retenant que l'initiative de la recherche d'un fournisseur plus avantageux revient à l'utilisateur lui-même qui cherche à acheter moins cher ailleurs ce qu'il trouve d'habitude chez son fournisseur, et qui, eu égard à ses compétences n'a pu être abusé sur la provenance des pièces dont il équiperait sa pompe Schabaver

L'économie injustifiée :

Attendu que la SA Schabaver allègue un long, difficile et coûteux travail de conception et de réalisation du corps de pompe et de la roue fermée, dont seule la reproduction à l'identique est justifiée par le procès-verbal de constat dressé par Maître Jean-Claude Belot, huissier de justice à Bordeaux, le 13 décembre 1994, mais ne le démontre pas ;

Attendu que de la seule similitude, obligée, des pièces dont s'agit ne peut être tirée la preuve d'une appropriation déloyale du travail d'autrui, ni de l'utilisation fautive de techniques propres au concurrent ;

Attendu que ce second grief ne peut être davantage retenu ;

Les autres moyens :

Attendu que le reproche adressé à l'encontre de la décision entreprise, relatif à la qualité des produits dont il n'y a pas lieu de tenir compte, comme l'affirme la société appelante, ne pouvant avoir aucune incidence sur la solution du présent litige, ce moyen manque de pertinence ;

Attendu qu'il en va de même pour celui tiré de la situation de concurrence dont il a été dit qu'elle existait bien ;

La demande reconventionnelle de la société intimée :

Attendu que la Société Marcel Justet & Cie, qui affirme avoir été l'objet d'une tentative d'intimidation commerciale, ne démontre pas qu'un préjudice est résulté pour elle de l'action intentée par la Société Schabaver ;

Attendu que cette demande reconventionnelle ne peut donc prospérer ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ; En la forme, reçoit l'appel ; Rejette comme tardivement communiqué le procès-verbal dressé par la SCP Aribaut-Abadie, huissiers de justice, le 28 mai 1997 ; Confirme le jugement entrepris ; Déboute la SARL Marcel Justet & Compagnie de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ; Condamne la SA Schabaver à payer à la SARL Marcel Justet & Compagnie la somme de 10.000 F par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Condamne la même aux dépens, et autorise Maître Aldebert, avoué, à recouvrer directement ceux de ces dépens dont celui-ci a fait l'avance sans recevoir provision.