CA Agen, 1re ch., 10 septembre 1997, n° 95000619
AGEN
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
2 A Sérigraphie (SARL), Dugachard, Pornin, Roubinet
Défendeur :
Boisseau (SA), Roche (ès qual.), Sérigraphie Carpentier (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Valere
Conseiller :
M. Louiset
Avoués :
Me Vimont, SCP Tandonnet
Avocats :
Mes Darmendrail, Latournerie.
Statuant en audience solennelle, en exécution d'un arrêt de la Cour de Cassation, Chambre Commerciale, Financière et Économique du 18 octobre 1994 et sur l'appel dont la régularité n'est pas contestée interjeté par la société 2 A Sérigraphie et par les consorts Roubinet-Pornin-Dugachard d'un jugement en date du 28 février 1990 par lequel le tribunal de Commerce de Pau les a condamnés solidairement à indemniser la SA Boisseau de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre dans l'instance l'opposant à la société Médiaffiche et a ordonné une mesure d'expertise à l'effet d'évaluer le préjudice spécifique subi par la SA Boisseau ;
Attendu que les faits de la cause ont été exactement relatés par les premiers juges en des énonciations auxquelles la cour se réfère expressément et qu'il suffit de rappeler :
- que la Société Médiaffiche, qui exploitait à Billère un fonds de commerce de conception et de réalisation de supports publicitaires par impression d'affiches en sérigraphie, l'a donné le 29 décembre 1986 en location-gérance à la Boisseau moyennant une redevance mensuelle de 30 000 F ;
- que le même jour les associés de la Société Médiaffiche ont consenti à la SA Boisseau une promesse de cession de parts moyennant le prix de 25 000 F ;
- que la SA Boisseau, dans le cadre de cette location-gérance, a repris les contrats de travail de Messieurs Roubinet et Dugachard et conclu le 20 octobre 1987 un contrat de stagiaire avec Monsieur Pornin ;
- que Monsieur Dugachard a donné sa démission au mois de février 1987, Monsieur Pornin le 10 mars 1988 et Monsieur Roubinet le 12 mars 1988 ; qu'ils ont constitué le 26 février 1988 une société concurrente dénommée " 2 A Sérigraphie ",
- que la SA Boisseau a cessé ses activités dans le cadre de la location-gérance dans le courant de l'année 1988 et que les redevances sont demeurées impayées ;
- que la résiliation du contrat de location-gérance a été constatée par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 10 avril 1989, ayant condamné la SA Boisseau à payer à la société Médiaffiche les redevances impayées, celles qui auraient dû être réglées jusqu'à la fin du contrat et la somme de 500 000 F à titre de dommages et intérêts, soit au total 1.189.997 F ;
- que la SA Boisseau a fait appel de ce jugement et assigné la société 2 A Sérigraphie et les consorts Roubinet-Pornin-Dugachard en déclaration d'arrêt commun ;
- que la Cour d'Appel de Bordeaux par arrêt du 16 juillet 1991 a déclaré cette assignation irrecevable et confirmé pour l'essentiel le jugement rendu par le tribunal de commerce, sauf en ce qui concerne le quantum de la condamnation relative aux redevances de location gérance ;
- que préalablement et par exploits des 22 et 23 juin 1989 la SA Boisseau avait assigné la société 2 A Sérigraphie et Messieurs Dugachard, Roubinet et Pornin devant le tribunal de commerce de Pau pour les entendre condamner " conjointement et solidairement à la garantir et relever indemne de toutes condamnations prononcées contre elle dans le litige l'opposant à la société Médiaffiche " et à lui payer sous la même solidarité la somme de 500 000 F à titre de dommages et intérêts ;
- que les premiers juges ont fait droit à cette assignation, du moins en ce qui concerne la garantie, par décision dont appel du 28 février 1990 ;
- que le 7 octobre 1991 la cour d'appel de Pau a réformé cette décision en considérant que " les moyens invoqués à l'appui de la demande étaient de nature à justifier une action en concurrence déloyale et non une action en garantie d'une responsabilité contractuelle " ;
- que cet arrêt a été cassé et annulé dans toutes ses dispositions au motif unique qu'en statuant ainsi, alors que la société Boisseau dans ses conclusions fondait sa demande sur l'existence d'actes de concurrence déloyale, la cour d'appel de Pau avait violé les dispositions de l'article 4 du Nouveau Code de procédure civile (NCPC) aux termes duquel l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ;
- que la cause et les parties ont été renvoyées devant ce siège ;
Attendu que les appelantes continuent de soutenir à titre principal que l'assignation qui leur a été délivrée par actes des 22 et 23 juin 1989 étaient un appel en garantie et que cet appel en garantie, formé par la SA Boisseau devant le tribunal de commerce de Pau alors que les appelés en garantie n'avaient pas été mis en cause en première instance devant le tribunal de commerce de Bordeaux saisi de la demande originaire, était irrecevable au regard des dispositions combinées des articles 331 et 333 du NCPC ;
Attendu qu'ils font valoir à titre subsidiaire :
- que les faits qui leur sont reprochés n'engagent pas leur responsabilité ;
* que les démissions de Messieurs Dugachard, Roubinet et Pornin n'étaient pas fautives, qu'elles n'étaient pas concertées et que la dispense de préavis avait été négociée par l'employeur ou accordée par lui ; que ces trois salariés étaient parfaitement libres de créer une société concurrente et que leur démission était justifiée par les circonstances, la SA Boisseau n'ayant établi aucun projet sérieux de redressement de l'entreprise et ayant laissé son personnel sans objectif,
* que la création de la société 2 A Sérigraphie n'était pas constitutive par elle même d'un acte de concurrence déloyale dès lors que ses fondateurs n'étaient pas liés par une clause de non-concurrence et que les actes dénoncés par la partie adverse étaient inexistants, comme la prétendue soustraction d'un " cahier " sur lequel aurait été consigné le nom de tous les clients du fonds de commerce Médiaffiche ou comme la prétendue soustraction de films servant à réaliser les commandes des clients, ou procédaient d'une activité concurrentielle loyale, comme la prospection du musée Grevin de Lourdes, celles de la maison Dumon Larquie ou la prospection de la Foire de Pau ;
- qu'il n'y a pas de lien de causalité entre les faits reprochés et le préjudice allégué ; que le non paiement des redevances de location-gérance et la rupture du contrat de gérance n'ont pas eu d'autre cause que l'impéritie de la SA Boisseau ; que celle ci en réalité ne s'est jamais donné les moyens de relancer l'activité commerciale d'une entreprise qu'elle s'est contentée de reprendre, pour éliminer un concurrent, mais qu'elle a toujours négligé au profit de son siège social situé à Bordeaux ; que les salariés démissionnaires n'avaient en ce qui les concerne que des fonctions de production et qu'ils ne sauraient être tenus pour responsables de la baisse continue du chiffre d'affaires depuis septembre 1987 ;
- qu'enfin il s'agit d'un préjudice purement éventuel puisque l'arrêt de la Cour d'Appel de Bordeaux ayant condamné la SA Boisseau dans l'instance l'opposant à la société Médiaffiche a fait l'objet d'un pourvoi en cassation ;
Attendu qu'ils demandent en conséquence à la Cour de réformer la décision déférée et de condamner la partie adverse à leur payer la somme de 40 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 40 000 F également en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la Société Sérigraphie Carpentier, venant aux droits de la SA Boisseau conclut au contraire à la confirmation du jugement dont appel en ce qu'il a condamné les appelants à la relever indemne de toutes les condamnations prononcées à son encontre au profit de la société Médiaffiche et demande par voie d'appel incident qu'ils soient de surcroît condamnés à lui payer la somme de 830 927,64 F en réparation de son préjudice complémentaire outre celle de 10 000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que Maître Roche est intervenu volontairement aux débats en sa qualité de représentant des créanciers du redressement judiciaire de la société 2 A Sérigraphie prononcé par jugement du 14 janvier 1997 et qu'il a déclaré s'en remettre à justice ;
Attendu que la société Sérigraphie Carpentier a régulièrement déclaré sa créance le 12 février 1997 ;
Sur quoi
I°) Sur la procédure
Attendu que l'action introduite par assignation des 22 et 23 juin 1989 n'a pas d'autre objet que la réparation du préjudice qu'aurait subi la SA Boisseau en raison des actes de concurrence déloyale dont ses adversaires se seraient rendu coupables ;
Qu'il ne s'agit pas d'une action en garantie mais d'une action en concurrence déloyale, les condamnations prononcées à l'encontre de la SA Boisseau dans le cadre de l'instance l'opposant à la société Médiaffiche ne constituant que l'un des éléments du préjudice dont il est demandé réparation ;
Que la demande de la société Sérigraphie Carpentier venant aux droits de la SA Boisseau est donc recevable ;
II°) Sur le fond
1°) Sur la démission de MM. Dugachard, Roubinet et Pornin
Attendu qu'un salarié a toujours le droit de démissionner mais qu'il est en l'espèce constant que les salariés démissionnaires ont été dispensés du préavis ;
Que les démissions se sont succédés dans un court laps de temps mais que cette seule circonstance ne les rendait pas fautives ;
Que les salariés n'ont pas prévenu leur employeur qu'ils créaient une société concurrente mais que cette attitude en elle même n'était pas constitutive d'une manœuvre déloyale ;
Que la concurrence déloyale ne résulte pas davantage du seul fait de la création de la société 2 A Sérigraphie dès lors que les appelants n'étaient pas liés par une clause de non-concurrence ;
Que cette solution s'impose même si la société créée avait le même objet que celle qu'ils quittaient et qu'elle visait la même clientèle, dans un même secteur d'activité ;
Que les démissions en litige deviennent en revanche répréhensibles du seul fait, non contesté par les intéressés, que Messieurs Pornin et Roubinet étaient encore salariés de la SA Boisseau au moment de la constitution de la société 2 A Sérigraphie et que le second nommé n'a pas hésité à devenir co-gérant de cette société avant même de démissionner ;
Qu'il s'agit là d'une première faute qui n'explique certes pas la disparition du fonds de commerce mais qui, déjà révélatrice du comportement des appelants et de leur déloyauté, entre dans le faisceau des actes délictueux ;
2°) Sur les actes de concurrence déloyale
* sur la soustraction du cahier sur lequel aurait été consigné le nom de tous les clients du fonds de commerce Médiaffiche
Attendu que les appelants contestent l'existence même de ce cahier et soutiennent qu'il existait certes un document comptable de cette nature dans lequel étaient comptabilisées les opérations passées avec les clients mais qu'il avait été emporté par Monsieur Boisseau au siège social de la société à Bordeaux ;
Attendu qu'ils versent à cet égard aux débats une attestation de Madame Medard, secrétaire, qui atteste que le " cahier client " lui avait été enlevé après l'arrivée de M. Boisseau " car toute la comptabilité, y compris la facturation était faite sur Bordeaux "
Attendu qu'il est soutenu en réplique par l'intimée que les opérations comptables étaient certes centralisées à Bordeaux mais qu'il s'agissait uniquement de la facturation et de la comptabilité, toute la gestion commerciale et technique étant réalisée à Pau où se trouvaient l'ensemble des documents s'y rapportant ; que spécialement le cahier sur lequel étaient consignés le nom des clients, les commandes et les devis était tenu par Monsieur Roubinet lui même qui y mentionnait tous les travaux en cours et en particulier les films réalisés ;
Attendu qu'elle produit au soutien de ses prétentions deux attestations établies par Mrs Michel Boisseau et Éric Morier qui travaillaient à cette époque comme commerciaux à son service, le second nommé expliquant de façon très claire qu'il lui a été impossible, après le départ de Monsieur Roubinet, de retrouver le cahier dont s'agit ;
Attendu que ces attestations ne sont pas utilement critiquées par les appelants et qu'elles caractérisent un acte de concurrence déloyale ;
* sur la soustraction des films servant à réaliser les commandes des clients
Attendu qu'il est ici prétendu par les appelants que la société 2 A Sérigraphie ne pouvait pas utiliser d'autres films que ceux qu'elle fabriquait elle même et que spécialement la fabrication des affiches obéissait à des standards différents dans les deux sociétés concurrentes ;
Mais attendu qu'ils ne répondent pas aux conclusions par lesquelles l'intimée explique qu'après avoir détourné un film " typon " " relatif à la réalisation d'une affiche publicitaire intéressant la société Dudon Larquie, ils ont fabriqué une affiche de même format que l'affiche antérieurement réalisée par la SA Boisseau ;
Et attendu que Monsieur Morier a constaté qu'après leur démission les films, maquettes et typons réclamés par certains clients n'existaient plus ;
* sur la prospection du musée Grevin de Lourdes
Attendu que ce musée avait avec la société Médiaffiche un contrat de trois ans venant à expiration en 1988 et qu'il a par la suite traité avec la société 2 A Sérigraphie ;
Attendu que, pour tenter de démontrer qu'ils sont restés dans le cadre d'une activité concurrentielle loyale, les appelants prétendent que Monsieur Roubinet lorsqu'il a démarché le Directeur du Musée, Monsieur Abadie, ne lui a jamais caché son appartenance à la société nouvellement créée et ne lui a pas laissé croire qu'il agissait pour le compte de la SA Boisseau ;
Attendu qu'ils versent à cet égard aux débats une attestation de Monsieur Menghini, attaché commercial de la société Giraudy qui accompagnait Monsieur Roubinet au moment de la visite ;
Mais attendu que s'il est exact que Monsieur Roubinet à l'occasion de cette visite a laissé à son interlocuteur un papier à en tête de la société 2 A Sérigraphie, il est non moins certain qu'il n'a rien dit à Monsieur Abadie, celui ci demeurant persuadé qu'il travaillait toujours pour Médiaffiche, et qu'il a profité de cette ambiguïté pour prendre le marché;
* sur la prospection de la maison Dudon Larquie
Attendu que les appelants prétendent avoir réalisé une nouvelle affiche à partir des éléments qui leur auraient été remis par cette cliente ;
Mais attendu qu'il a d'ores et déjà été relevé que l'affiche ainsi réalisée était en tous points identique à celle que la SA Boisseau avait antérieurement conçue et fabriquée pour le compte de la même maison ; que l'on est par conséquent en présence d'une confusion caractéristique de la concurrence déloyale ;
Attendu que d'une manière générale, l'ensemble des actes susvisés, qu'ils aient crée un risque de confusion entre les deux sociétés ou qu'ils aient désorganisé la SA Boisseau, sont des actes déloyaux de nature à engager la responsabilité délictuelle des appelants;
3°) Sur le lien de causalité
Attendu qu'il est soutenu par les appelants que la diminution du chiffre d'affaires de la SA Boisseau est sans relation avec leur départ, qu'elle aurait été très antérieure à leur démission et qu'elle aurait commencé dès la signature du contrat de location-gérance ;
Qu'ils n'avaient aucune fonction commerciale et que la stagnation du chiffre d'affaires ne peut donc pas leur être imputées ; que l'intimée est en réalité seule responsable de la disparition du fonds pour n'avoir pas voulu réaliser d'investissements à Pau ;
Mais attendu que l'on ne voit pas pourquoi la SA Boisseau qui avait pris le fonds de commerce en location-gérance et qui se proposait de l'acquérir l'aurait volontairement laissé péricliter ou disparaître ; que bien au contraire la seule manière pour elle de s'implanter dans la région de Pau était de le développer ;
Et attendu que s'il est vrai que le chiffre d'affaires a légèrement diminué pendant les trois premiers mois de location, en raison de la réorganisation de l'entreprise, il est non moins certain qu'il a par la suite augmenté pour atteindre des sommets en avril, mai et juin 1987 ; qu'il a baissé mais de façon parfaitement compréhensible pendant les congés annuels avant de reprendre en septembre puis de baisser à nouveau en novembre et de s'effondrer début 1988 ;
Que la lecture des documents comptables permet donc d'affirmer que la location-gérance, contrairement à ce que prétendent les appelants, s'est accompagnée d'une reprise de l'activité et que celle-ci ne s'est ralentie puis n'a cessé qu'au moment où les salariés ont démissionné ou dans les mois qui ont précédé leur démission ;
Que ce n'est en effet qu'à partir du mois de janvier 1988, au moment où la création de la société 2 A Sérigraphie était envisagée et où les salariés de la SA Boiseau étaient davantage préoccupés du fonctionnement de cette nouvelle société que de l'activité dont ils étaient chargés, que la baisse du chiffre d'affaires est devenue sensible ;
Attendu que le préjudice allégué par l'intimée est donc dans un rapport de causalité certain avec les actes de concurrence déloyale commis par ses adversaires, alors surtout que ces derniers, et spécialement Monsieur Roubinet, ne se contentaient pas d'un travail de production mais restaient en contact avec la clientèle ;
4°) Sur le préjudice
Attendu en premier lieu que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le préjudice de l'intimée est purement éventuel au seul motif que l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux a fait l'objet d'un pourvoi en cassation dès lors que ce dernier, voie de recours extraordinaire, n'a pas d'effet suspensif et que l'arrêt dont s'agit est exécutoire ;
Attendu en second lieu que les condamnations prononcées par cette décision à l'encontre de la SA Boisseau constituent un premier élément de son préjudice ;
Attendu que la première de ces condamnations, d'un montant de 57 429 19 F porte sur le montant des redevances impayées en juillet, août et septembre 1988 et que, compte tenu de ce qui précède, la société Sérigraphie Carpentier est en droit d'en poursuivre le remboursement sur ses adversaires ;
Qu'il en est de même de la seconde, d'un montant de 528 922,38 F correspondant aux 14 mensualités restant à courir jusqu'au terme prévu [du] contrat de location gérance ;
Qu'en revanche la somme de 500 000 F mise à la charge de la SA Boisseau à raison des actes de concurrence déloyale dont elle s'est elle même rendue coupable par le transfert du siège social et de la ligne téléphonique dans les bureaux d'un concurrent, Bearn Autocollant, imprimeur sérigraphe, ne saurait faire l'objet de la garantie des appelants qui, s'agissant des condamnations prononcées par la cour d'appel de Bordeaux, sera par conséquent limitée à la somme de 586 351,57 F ;
Attendu pour le surplus que la société Sérigraphie Carpentier demande réparation du préjudice supplémentaire qui lui aurait été causé par les versements faits au titre de la location gérance jusqu'en juin 1988, par les investissements qu'elle a réalisés et enfin par la perte des profits qu'elle n'aurait pas manqué de dégager si le contrat de location gérance s'était poursuivi ;
Que le tribunal sur ces trois points avait ordonné une mesure d'expertise mais que l'intimée demande à la cour de les évoquer ;
Que les appelants soutiennent quant à eux que les deux premiers postes constituent des demandes nouvelles en cause d'appel ;
Attendu qu'il est exact que ces deux chefs de préjudice n'étaient pas mentionnés dans l'assignation introductive d'instance mais que l'on n'est pas pour autant en présence d'une demande nouvelle, les prétentions soumises à la cour ne différant que par leur montant de celles dont avaient été saisies les premiers juges et tendant aux mêmes fins que ces dernières ;
Attendu que la cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour évaluer le préjudice subi par la société Sérigraphe Carpentier et qu'il est de bonne justice de donner une solution définitive à l'affaire en évoquant les points non jugés ;
Attendu qu'en réalisant en pure perte des investissements pour la somme non contestée de 81 867 64 F, mais aussi en réglant pour 249 060 F avant juin 1988 des redevances qui auraient dû être normalement prises en compte dans l'acquisition du fonds, l'intimé a subi en raison de la concurrence déloyale dont elle a été victime, un dommage complémentaire qui, compte tenu du surcroît des profits dont elle a été privée, doit être évalué à la somme de 350 000 F ;
Attendu que les appelants qui succombent pour l'essentiel doivent être condamnés en tous les dépens exposés devant les juridictions du fond ainsi qu'à payer à l'intimée la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs : LA COUR, Réformant la décision déférée et évoquant les points non jugés, Condamne Messieurs Dugachard, Roubinet et Pornin à relever et garantir à hauteur de la somme de 586 351,57 F (cinq cent quatre vingt six mille trois cent cinquante un francs cinquante sept centimes) la SA Sérigraphie Carpentier des condamnations prononcées à son encontre par la cour d'appel de Bordeaux suivant arrêt du 16 juillet 1991 ; Dit que la SARL 2 A Sérigraphie, en redressement judiciaire, sera tenue de la même garantie dans la limite et selon les modalités de son plan de redressement ; Fixe en outre la créance de la société Sérigraphie Carpentier sur la société 2 A Sérigraphie au titre du préjudice complémentaire à la somme de 350 000 F (trois cent cinquante mille francs) ; Condamne solidairement Messieurs Dugachard, Roubinet et Pornin à payer cette somme de 350 000 F (trois cent cinquante mille francs) à la société Sérigraphie Carpentier ; Les condamne en outre en tous les dépens exposés devant les juridictions du fond, y compris ceux afférents à l'arrêt cassé, et autorise la SCP JH Tandonnet avoué à recouvrer directement contre eux ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante ; Condamne enfin Messieurs Dugachard, Roubinet et Pornin à payer à la société Sérigraphie Carpentier la somme de 10 000 F (dix mille francs) en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ; Dit que les condamnations ci dessus prononcées au titre des dépens et des frais irrépétibles constitueront des frais privilégiés de redressement judiciaire de la société 2 A Sérigraphie.