CA Montpellier, 2e ch. A, 20 août 1997, n° 96-0003107
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
France Conseil (SARL)
Défendeur :
Société Digit, Casteran, Michel
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ottavy
Conseillers :
Mme Minini, M. Prouzat
Avoués :
Me Auche-Hedou, SCP Capdevilla-Gabolde
Avocats :
Mes Esquirol, Deplanque.
La SARL France Conseil commercialise, sous les marques Canon et Minolta, du matériel d'équipement de bureau, tel que photocopieurs et télécopieurs ; la SARL Digit exerce une activité commerciale concurrente, distribuant du matériel de la marque Konica.
Jean Pierre Casteran a été directeur commercial au sein de la Société France Conseil jusqu'au 12 novembre 1993, date de son licenciement, et Patrick Michel qui était employé comme attaché commercial, a démissionné de ses fonctions le 15 novembre 1993.
Reprochant à la Société Digit, ainsi qu'à Messieurs Casteran et Michel des actes de concurrence déloyale, la Société France Conseil les a assignés les 3 et 8 mars 1995 devant le Tribunal de Commerce de Perpignan en responsabilité et indemnisation de son préjudice sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil.
Par jugement du 6 mai 1996, la juridiction consulaire a notamment débouté la Société France Conseil de ses demandes et l'a condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer aux défendeurs la somme de 8.000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La Société France Conseil a régulièrement relevé appel de ce jugement et expose pour l'essentiel que
- la Société Digit a débauché Messieurs Casteran et Michel qui étaient ses principaux vendeurs, tentant également de débaucher d'autres membres du personnel de l'entreprise,
- avant son départ de l'entreprise, Monsieur Casteran s'est livré à une tentative de déstabilisation auprès du personnel, laissant entendre que la Société se trouvait en état de cessation des paiements,
- Messieurs Casteran et Michel ont, avant et après leur départ, dénigré la Société auprès de la clientèle, jetant le doute sur la pérennité même de l'entreprise,
- les intéressés ont créé une confusion dans l'esprit des clients, allant même jusqu'à reprendre des photocopieurs de marque Canon ou Minolta, dont il est résulté la conclusion de ventes pour le compte de la Société Digit.
Elle conclut donc, par infirmation du jugement, à la condamnation de la société Digit, ainsi que de Messieurs Casteran et Michel à lui payer la somme de 750.000 F à titre de dommages-intérêts compensatoires du préjudice consécutif à la diminution de son chiffre d'affaires, outre l'allocation de la somme accessoire de 8.000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La Société Digit conclut pour sa part, avec Messieurs Casteran et Michel, à la confirmation du jugement entrepris, sollicitant par ailleurs la condamnation de la Société France Conseil à leur payer les sommes de 200.000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 20.000 F en remboursement de leurs frais irrépétibles ; ils soutiennent notamment qu'il ne peut y avoir de lien commercial entre deux revendeurs de marque concurrente, que tous les clients de la Société France Conseil ont été avertis, par courrier du 25 novembre 1991 du départ de Messieurs Casteran et Michel et qu'au surplus, cette société ne justifie d'aucun préjudice.
Sur ce,
Attendu que l'action en concurrence déloyale fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code Civil implique l'existence d'une faute mais aussi d'un préjudice, dont il appartient aux demandeurs de rapporter la preuve.
Attendu qu'en l'espèce, la Société France Conseil soutient que du fait des agissements déloyaux de la Société Digit et de Messieurs Casteran et Michel, elle a subi une diminution de son chiffre de d'affaires d'environ 250.000 F soit, pour une marge de 30%, un préjudice sensiblement équivalent à 750.000 F (sic) ;
Mais attendu qu'aucune justification n'est apportée d'un tel préjudice, consécutif à une perte de chiffre d'affaires; que la Société France Conseil ne produit en effet aucun document comptable propre à caractériser le préjudice qu'elle invoque, particulièrement les comptes d'exploitation de l'entreprise; que les intimés ont pour leur part régulièrement communiqué les résultats de la Société France Conseil, diffusés par "Info-Greffe ", dont il résulte que cette société a réalisé pour la période de septembre 1993 en septembre 1994, un chiffre d'affaires de 5.408.331,00 F et, pour l'exercice clos en septembre 1995 un chiffre d'affaires de 5.519.685,00 F, résultats traduisant ainsi une légère progression du chiffre d'affaires d'un exercice à l'autre, nonobstant l'existence d'actes de concurrence déloyale au cours de la période considérée ;
Attendu qu'à défaut de justification d'un préjudice, la Société France Conseil ne peut qu'être déboutée de son action, quelque soit les comportements concurrentiels déloyaux susceptibles d'être reprochés à la Société Digit et à Messieurs Casteran et Michel;
Attendu que l'action engagée par la Société France Conseil n'apparaît pas cependant constitutive d'un abus de droit caractérisé de sa part ou d'une faute lourde équivalente au dol ;
Attendu que le jugement entrepris doit dès lors être confirmé dans toutes ses dispositions ;
Attendu que l'appelant qui succombe doit être condamné aux dépens, sans toutefois que l'équité ne commande l'application, en faveur des intimés, des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement ; Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Commerce de Perpignan en date du 6 mai 1996 ; Condamne la Société France Conseil aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Dit toutefois n'y avoir lieu à l'application, en faveur de la Société Digit et de Messieurs Casteran et Michel, des dispositions de l'article 700 du même Code.