CA Colmar, 1re ch. civ. A, 19 août 1997, n° 9606247
COLMAR
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Pyrmo Chimie France (SARL) ; Schwartz ; Pyrmo Chemie GmbH et Co Kg (Sté)
Défendeur :
Sodexro (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gueudet
Conseillers :
Mme Bertrand, M. Schmitt
Avocats :
Mes Sengel, Crovisier, Diebold, Heichelbech, Associés, Wedrychowski, Bueb, Ruhlmann.
La société Sodexro a été créée le 16 juillet 1981, son objet social consistant dans l'achat à des fabricants de produits chimiques destinés à la réparation des carrosseries automobiles, aux fins de revendre ces produits à des grossistes spécialisés.
Le 25 mars 1982, elle a conclu un "contrat de représentation générale pour la France" avec la société de droit allemand Pyrmo Chemie GmbH, laquelle lui transférait "le droit de vente exclusif des produits Pyrmo sur l'ensemble de la France".
Le 10 juillet 1989, la société de droit allemand Pyrmo Chemie GmbH adressa à la Sodexro une correspondance à laquelle était annexé un projet d'avenant aux termes duquel la société Sodexro s'engageait à ne pas distribuer ou à ne plus proposer aucun autre produit concurrent aux produits fabriqués par la société Pyrmo.
La société Sodexro n'ayant pas retourné cet avenant signé, la société Pyrmo Chimie la relançait à cette fin le 07 mai 1990 ; par retour de courrier (28 mai 1990), la société Sodexro faisait connaître à la société Pyrmo Chemie GmbH qu'elle n'acceptait pas les "amendements proposés de manière unilatérale".
Par courrier du 29 juin 1990, réceptionné par la société Sodexro le 02 juillet suivant, la société Pyrmo Chemie GmbH lui notifiait la résiliation du contrat du 25 mars 1982 avec préavis de six mois, soit à compter du 31 décembre 1990.
Au cours de cette même période et par lettre datée du 30 avril 1990, Monsieur Roger Schwartz, cadre commercial de la société Sodexro a donné sa démission avec préavis de trois mois, restant cependant dans la société après le 1er août 1990 mais réitérant sa démission par lettre recommandée avec accusé de réception du 08 décembre 1990, avec effet au 31 décembre 1990
Sur insistance de la société Sodexro il accepta de travailler pour elle jusqu'au 13 janvier 1991.
Le 1er février 1991, étaient signés les statuts d'une société Pyrmo Chimie France, SARL dont les associés étaient d'une part la société de droit allemand Pyrmo Chemie GmbH et d'autre part M. Roger Schwartz, son objet social étant le même que celui de la société Sodexro.
Soutenant qu'il y a eu des actes de concurrence déloyale (débauchage de son personnel, création d'une société concurrente ayant pour associé et gérant son ancien responsable commercial et disparition subséquente de sa clientèle) la SARL Sodexro a, en date du 19 octobre 1993, fait citer la société Pyrmo Chimie France, la société de droit allemand Pyrmo Chemie GmbH et Monsieur Roger Schwartz devant la Chambre Commerciale du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg concluant à voir dire que sont établis à leur encontre des actes de concurrence déloyale, constater qu'elle a subi un préjudice incontestable en relation directe avec lesdits actes de concurrence déloyale, et en conséquence condamner solidairement les défendeurs à lui payer la somme de 2.386.053 F au titre des pertes de marge brute (avec intérêts légaux à compter de l'assignation), 1.000.000 F à titre de dommages et intérêts pour le dommage commercial qu'elle a subi, 100.000 F au titre de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'à supporter les entiers frais et dépens.
Les défendeurs Pyrmo Chimie France et Monsieur Roger Schwartz concluaient au débouté de la demande réclamant 200.000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 100.000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC ; ils soutenaient qu'il n'y a pas eu suppression d'approvisionnement des produits, que la disparition de la clientèle est due à l'absence de compétence de la société Sodexro, que le départ de Monsieur Schwartz n'a pas été programmé pour reprendre le contrat et que les commerciaux de la société Sodexro ont quitté cette dernière en raison de son comportement à leur encontre.
La société Pyrmo Chemie GmbH concluait également au débouté de la demande, sollicitant 100.000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC elle faisait valoir que la résiliation du contrat était régulière, qu'elle n'avait commis aucun acte de concurrence déloyale et qu'elle n'a cessé d'approvisionner la société Sodexro qu'à compter de la date de rupture du contrat.
Par jugement prononcé le 22 novembre 1996, la Deuxième Chambre Commerciale du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg a :
- dit que les défendeurs ont commis des actes de concurrence déloyale,
- les a condamnés à payer solidairement à titre de provision en réparation du préjudice commercial une somme de 300.000 F à la société Sodexro avec intérêts légaux à compter de la décision,
- a sursis à statuer pour le surplus,
- a ordonné une expertise comptable désignant Monsieur Claude Bernheim en qualité d'expert et en définissant sa mission,
- a dit que l'expert devra déposer son rapport dans les trois mois de sa saisine,
- a subordonné l'exécution des opérations d'expertise à la consignation par la SARL Sodexro d'une avance de 10.000 F à valoir sur les frais,
- a ordonné l'exécution provisoire, et
- renvoyé la procédure à une audience de mise en état ultérieure pour vérification du paiement de la vente et clôture en l'état en cas de non-paiement.
Selon déclaration du 29 novembre 1996, reçue au Greffe le 02 décembre suivant, la SARL Pyrmo Chimie France et Monsieur Roger Schwartz ont interjeté appel.
Le 26 février 1997, la société de droit allemand Pyrmo Chemie GmbH a également interjeté appel.
Selon deux assignations en référé, la société Pyrmo Chemie GmbH d'une part et la société Pyrmo Chimie France et Monsieur Roger Schwartz d'autre part ont demandé l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement, la société Pyrmo Chemie GmbH sollicitant à titre subsidiaire la consignation de la somme de 300.000 F pour l'ensemble des appelants sur un compte de dépôts et consignation jusqu'à la date de prononcé de l'arrêt à intervenir et la condamnation de la société Sodexro aux frais et dépens.
Par ordonnance de référé datée du 07 mars 1997, la jonction des deux procédures de référé a été ordonnée, la demande d'arrêt d'exécution provisoire du jugement a été rejetée mais son maintien a été subordonné à la fourniture par la société Sodexro avant le 18 mars 1997 d'un cautionnement bancaire garantissant le remboursement de la condamnation en principal et intérêts mis à la charge de Monsieur Schwartz et des sociétés Pyrmo Chimie France et Pyrmo Chemie GmbH jusqu'à l'arrêt à intervenir sur le fond.
Par mémoire daté du 17 février 1997, la SARL Pyrmo Chimie France et Monsieur Roger Schwartz ont conclu à l'infirmation du jugement déféré, afin de voir
- constater qu'il n'existe aucun acte de concurrence déloyale de leur part à l'égard de la société Sodexro,
- constater qu'il n'existe aucun lien causal entre leur attitude et le préjudice allégué par la société Sodexro,
- déclarer la demande de la société Sodexro irrecevable et mal fondée,
- l'en débouter,
- sur demande reconventionnelle, constater que la société Sodexro a utilisé des procédures déloyales à leur encontre et que la procédure est abusive,
- condamner la société Sodexro à payer à la SARL Pyrmo Chimie France 200.000 F à titre de dommages et intérêts (avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir) et 150.000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC,
- et condamner la société Sodexro à payer à Monsieur Schwartz la somme de 150.000 F au titre de l'article 700 du NCPC,
- enfin condamner la société Sodexro à supporter les entiers frais et dépens.
Ils font valoir :
- qu'ils n'ont pas organisé et programmé la rupture du contrat signé le 25 mars 1982, celui-ci ayant été rompu avec préavis de six mois parce que la société Sodexro refusait de signer l'avenant qui ne modifiait pourtant pas leurs relations commerciales ;
- que ce n'est que consécutivement à cette rupture que la société Sodexro n'a plus été approvisionnée, celle-ci ayant par contre agi de la sorte parce qu'elle comptait créer sa propre marque et changer de mode de distribution ;
- que c'est d'ailleurs parce qu'elle avait commencé à acheter des produits concurrents de Pyrmo, qu'elle avait quant à elle souhaité la signature de l'avenant proposé, les achats de produits ayant considérablement baissé entre 1989 et 1990 ;
- que c'est donc la société Sodexro qui s'est détournée de la société Pyrmo Chemie GmbH ;
- que c'est consécutivement à la rupture du contrat que la société Pyrmo Chimie France a été créée, Monsieur Schwartz, qui venait d'être embauché auprès de la société Procolor ayant alors été contacté à cette fin par la société Pyrmo Chemie GmbH ;
- que l'activité de la société Pyrmo Chimie France n'a cependant démarré que le 1er mars 1991 et que Monsieur Schwartz ne pouvait savoir à la date de sa démission que le contrat serait rompu entre les parties ;
- qu'il a en fait saisi l'opportunité de créer sa propre société sans commettre un quelconque acte de concurrence déloyale ;
- qu'il n'y a pas eu débauchage du personnel, aucun salarié n'étant lié à la société par une clause de non-concurrence, tous l'ayant quitté libre de tout engagement; qu'ainsi, Monsieur Schwartz a quitté la société au moment où elle lui avait trouvé un remplaçant, Monsieur Bardonnenche (en raison des rapports tendus avec son employeur, après signature d'un protocole d'accord) Monsieur Peslier (engagé par la société Pyrmo le 1er août 1991, l'ayant quittée pour un revenu inférieur à celui qu'il touchait auprès de Sodexro) et Monsieur Bonoris ayant été dispensé de préavis et libéré de sa clause de non-concurrence ;
- qu'aucune manœuvre pour débaucher ces salariés ne peut lui être reprochée et que ces démissions n'ont été ni simultanées, ni brutales (discussions préalables) ;
- que Monsieur Schwartz n'était d'ailleurs que "commercial" de la société Sodexro, le débauchage du personnel ne pouvant lui être reproché;
- que la perte de la clientèle ne lui est pas imputable, celle-ci ayant pour cause l'absence de sérieux de la société Sodexro et l'attitude de son gérant ;
- que par ailleurs, une autre société concurrente a été créée concomitamment (société Gro-Chimie) ceci ayant évidemment des répercutions sur le chiffre d'affaires de la société Sodexro.
Par mémoire du 14 avril 1997, la société Sodexro conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement déféré, sauf à l'émender quant à l'indemnité de procédure, sollicitant cependant en outre : condamnation solidaire des sociétés Pyrmo Chimie et de Monsieur Schwartz à lui payer un montant de 100.000 F au titre des dommages subis pour procédure et appel abusifs, condamnation solidaire des sociétés Pyrmo Chimie et de Monsieur Schwartz à lui payer une indemnité de procédure pour la première instance de 150.000 F (avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'arrêt à intervenir), condamnation solidaire des sociétés Pyrmo Chimie et de Monsieur Schwartz à lui payer une indemnité de procédure pour l'instance d'appel de 150.000 F (avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'arrêt à intervenir), et condamnation solidaire des sociétés Pyrmo Chimie et de Monsieur Schwartz aux entiers frais et dépens des deux instances.
Elle expose que le contrat de représentation générale pour la France qu'elle avait conclu avec la société Pyrmo ne comportait aucune interdiction pour elle de représenter respectivement ou de vendre des produits de marques différentes, qu'aucun reproche ne pouvait lui être fait relativement audit contrat et qu'elle n'a pas accepté de signer l'avenant au contrat que la société Pyrmo Chimie lui imposait que cette société a alors résilié le contrat dans le cadre d'un plan organisé de longue date pour la faire disparaître du marché français, créant la société Pyrmo Chimie France à la tête de laquelle se trouvait Monsieur. Roger Schwartz, cadre commercial qui avait démissionné de sa société avec préavis se terminant le 13 janvier 1991.
Elle insiste :
- sur la coïncidence de la date d'effet de la démission de Monsieur Schwartz avec celle de la prise d'effet de la résiliation du contrat entre Pyrmo Chemie GmbH et Sodexro;
- sur le dépôt par Monsieur Doring, Président de la société Pyrmo Chimie Allemagne, de la marque Titan à l'INPI, l'usage de cette marque lui ayant auparavant été concédée pour les produits qu'elle distribuait en France
- sur la signature des statuts de la société Pyrmo Chimie France le 1er février 1991, soit deux semaines à peine après le départ de Monsieur Schwartz de Sodexro;
- et sur les démissions successives de son personnel commercial de vente au cours des premiers mois de l'année 1991.
Elle réplique aux moyens de défense soulevés par les appelants :
-1- sur la suppression de l'approvisionnement en produits Pyrmo :
- que la SARL Pyrmo Chimie France et son gérant Monsieur Schwartz ainsi que Pyrmo Chemie GmbH sont liés par des intérêts communs et convergents et qu'ils encourent les mêmes responsabilités,
- que si la régularité de la résiliation du contrat ne peut être contestée sur le plan formel, sauf quant à la date de son effet, l'attitude de la société Pyrmo Chemie GmbH est inadmissible car tout en effectuant ses livraisons jusqu'au mois de janvier 1991 elle a détourné sa clientèle au bénéfice de Pyrmo Chimie France adressant à sa clientèle (Sodexro) une circulaire du 28 février 1991 ;
-2- sur la disparition de la clientèle de Sodexro :
- que les allégations de Pyrmo Chimie France et de Monsieur Schwartz sur le manque de sérieux de Sodexro concernent des faits de l'année 1992 date à laquelle elle rencontrait en effet des difficultés considérables du fait de leurs agissements,
- que si Pyrmo Chemie GmbH ne fait pas de commentaire sur le détournement de clientèle sa circulaire du 28 février 1991 (précitée) l'établit avec certitude.
-3- sur les conclusions d'appel de Pyrmo Chimie France et de Monsieur Schwartz :
- qu'ils ne peuvent contester la réalité des faits qu'elle allègue,
- que la rupture du contrat est exclusivement imputable aux défendeurs car il est faux de prétendre qu'elle n'aurait volontairement pas réagi à la proposition d'avenant au contrat pour provoquer une rupture de celui-ci alors qu'elle a au contraire organisé la mise en œuvre de sa propre marque et changé de mode de distribution " en catastrophe " toutes ses démarches n'ayant démarré qu'en janvier 1991,
- que si son chiffre d'achats auprès de Pyrmo Chemie GmbH avait diminué entre 1989 et 1990 ceci n'est que le reflet d'une tendance des marchés,
- que la création de Pyrmo Chimie France a coïncidé avec la démission effective de Monsieur Schwartz,
- qu'il n'y a pas eu de relations de travail difficiles entre le gérant et les commerciaux mais que ce sont les manœuvres de Pyrmo Chimie France et de Monsieur Schwartz pour embaucher toute l'ancienne force de vente de Sodexro qui ont suscité les démissions successives dont il est fait état ; que Monsieur Schwartz était entré à son service le 1er avril 1984 non en qualité de VRP mais de salarié et s'il prétend avoir manifesté le souhait de ne plus effectuer de grands déplacements parce qu'il était affaibli physiquement, il est incohérent qu' il ait alors créé une nouvelle société ; que Monsieur Bardonnenche a quitté Sodexro le 15 avril 1991 pour travailler au service de la société Pyrmo avec un pourcentage de 3 % sur un chiffre d'affaires connu de nature à lui garantir que son salaire brut serait largement dépassé ; que Monsieur Peslier, engagé par Pyrmo le 1er août 1991 lui donnait pleine satisfaction et qu'elle n'avait pas davantage l'intention de licencier Monsieur Bonoris, engagé le 28 janvier 1991 pour remplacer Monsieur Schwartz, qui a cependant démissionné en décembre suivant pour entrer au service de Pyrmo ;
- que ceci révèle clairement que le débauchage a été organisé par la société Pyrmo Chimie France, les offres d'emploi et réponses spontanées ayant été confectionnées de manière "manifestement fictive" pour les besoins de la cause.
Elle fait valoir que l'ensemble des actions commises concomitamment par Pyrmo Chemie GmbH, Pyrmo Chimie France et Monsieur Schwartz constitue, apprécié globalement, des actes de concurrence déloyale méritant réparation, développant que sa perte de marge brute entre 1990 et 1992 s'établit à 2.386.053 F
Invoquant le caractère abusif de l'appel interjeté par les sociétés Pyrmo et par Monsieur Schwartz qui ont sollicité et obtenu qu'elle dépose caution à hauteur de 300.000 F pour exécuter le jugement de première instance quant à la provision allouée, elle réclame le montant de 100.000 F à titre de dommages et intérêts et 150.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Par mémoire du 17 avril 1997, la société Pyrmo Chemie GmbH conclut à voir infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, pour voir,
- constater que la société Sodexro porte l'entière responsabilité de la rupture de ses relations contractuelles avec la société Pyrmo Chemie GmbH,
- constater que les faits relevés par les premiers juges ne constituent pas des actes de concurrence déloyale,
- constater que la société Sodexro n'a pas rapporté la preuve d'une faute intentionnelle qui lui soit imputable et qui soit constitutive de concurrence déloyale,
- constater que la société Pyrmo Chemie GmbH n'est pas responsable des difficultés rencontrées par la société Sodexro,
par voie de conséquence,
- déclarer la société Sodexro mal fondée en sa demande,
- la débouter de toutes ses fins et conclusions,
- et la condamner à lui payer une somme de 150.000 F en application de l'article 700 du NCPC et à supporter les entiers frais et dépens.
Elle expose qu'elle s'associe à l'argumentation développée par la SARL Pyrmo Chimie France et par Monsieur Schwartz dans leurs conclusions justificatives d'appel et fait valoir :
-1- que la société Sodexro est exclusivement responsable de la rupture de leurs relations contractuelles :
- car elle a refusé l'adaptation de son contrat à la situation de distributeur exclusif qui était la sienne,
- les dispositions prévues à l'avenant ne faisant que lui rappeler la contrepartie de l'exclusivité de vente dont elle bénéficiait pour la France,
ajoutant que le délai qu'elle a laissé à la société Sodexro pour régulariser la signature de l'avenant avant de procéder à la rupture du contrat avec un préavis de six mois enlève tout caractère brutal à la rupture des relations contractuelles,
-2- que la création de la société Pyrmo Chimie France est une conséquence de ladite rupture du contrat car elle devait disposer d'une structure de remplacement de la société Sodexro,
-3- que les faits concernant la démission des salariés ont été dénaturés car ils n'ont pas démissionné brutalement, la société Sodexro ayant au contraire souhaité se défaire de certains d'entre eux qu'elle trouvait trop peu performants,
- que d'ailleurs le seul fait que trois salariés aient souhaité successivement rejoindre la société créée par Monsieur Schwartz ne constitue pas un élément fautif,
-4- qu'on ne saurait lui reprocher en tant que propriétaire d'une marque d'avoir pris toutes les mesures légalement offertes pour garantir à ses droits de propriété la protection maximale, ce qu'elle a fait afin d'éviter l'usage illicite de la marque "Titan" sous laquelle elle avait livré de manière ininterrompue divers produits à la société Sodexro depuis 1984-1985,
-5- que la société Sodexro ne rapporte ni la preuve d'une faute qu'elle aurait commise, ni celle d'un préjudice qui en découlerait.
Par conclusions du 29 avril 1997 intitulées "Conclusions d'appel provoqué" la société Pyrmo Chemie GmbH précise qu'il résulte nettement du dispositif des conclusions précitées qu'elle a formé un appel provoqué et qu'en tant que de besoin elle dépose un acte intitulé "Appel provoqué" maintenant ses précédentes conclusions.
Par mémoires des 24 et 28 avril 1997, la SARL Pyrmo Chimie France et Monsieur Roger Schwartz répliquent :
-1- en fait :
- concernant la démission de Monsieur Schwartz :
- qu'il n'a jamais été responsable des ventes mais avait la qualité de VRP; qu'il a subi une grave intervention chirurgicale en 1987 et ne souhaitait plus faire de grands déplacements et qu'il n'était pas d'accord avec la nouvelle stratégie qui nécessitait pour lui un énorme travail pour convaincre sa clientèle d'accepter de nouveaux produits ; que Monsieur Rusenberg, gérant de Sodexro était au courant de son départ depuis plus de huit mois lorsqu'il a quitté la société pour travailler au sein de la société Procolor, laquelle n'aurait pas accepté de faire toutes les démarches d'embauche si elle avait su qu'il n'y resterait que quinze jours,
- que son départ et la création de la société Pyrmo Chimie France n'ont pas été prémédités,
- que les pièces produites établissent qu'il n'y a pas eu de manœuvre ayant abouti au débauchage du personnel de la société Sodexro,
- qu'ils ne sont en rien responsables de la résiliation du contrat souscrit entre Sodexro et Pyrmo Chemie GmbH en 1990,
- que la diminution du chiffre d'affaires de la société Sodexro est essentiellement due à l'attitude de cette dernière, dont le gérant d'ailleurs a téléphoné à l'auteur d'une attestation pour lui demander de la retirer,
- que l'on peut s'interroger quant aux raisons pour lesquelles Monsieur Schwartz, gérant minoritaire de la société Pyrmo Chimie France a été assigné dans cette procédure, la société Sodexro ne pouvant lui reprocher d'avoir démissionné alors qu'il était libre de travailler où bon lui semblait,
- que les reproches dirigés contre la société Pyrmo ne sont pas mieux fondés car sa création n'avait pas été programmée et qu'il n'existe aucun débauchage de personnel,
- que la société Sodexro a minimisé l'importance de la création de Gro-Chimie, cette société ayant fonctionné et vendu des produits identiques à ceux de Pyrmo et les deux sociétés ayant été inscrites sous la même rubrique à la même adresse dans l'annuaire des pages professionnelles ; qu'en outre, la correspondance du 07 mai 1991 de Gro-Chimie a été signée par Monsieur Rusenberg lui-même (gérant de Sodexro),
- que si la société Sodexro prétend n'avoir jamais possédé ni mis en circulation la moindre étiquette portant la marque Titan avant 1991 elle a pourtant vendu des produits Titan dès le 31 janvier 1989 notamment à la société Strammform Polyester,
- que la société Sodexro a proposé des marques différentes de Pyrmo dès 1990 et que dès le 02 janvier 1991 elle adressait à des grossistes des prix sur lesquels était spécifiée "Liquidation Pyrmo".
-2- en droit :
- qu'il appartient à celui qui invoque la concurrence déloyale de la démontrer en prouvant qu'il existe une faute, un préjudice et un lien causal entre les deux,
- qu'aucune faute ne peut être reprochée ni à Monsieur Schwartz ni à la société Pyrmo Chimie France,
- qu'en ce qui concerne le préjudice, si la société Sodexro invoque une baisse de son chiffre d'affaires, elle a aussi reconnu que celui-ci avait considérablement augmenté après l'arrivée de Monsieur Schwartz ; qu'il est donc évident qu'une partie de la clientèle l'a suivi mais qu'en outre une diminution de l'activité économique au moment des faits explique aussi la baisse du chiffre d'affaires.
Ils réitèrent leurs conclusions sur appel principal et concluent au rejet de l'appel incident de la société Sodexro.
Par mémoires des 18 et 23 avril 1997 et par deux mémoires successifs du 28 avril suivant, la SARL Sodexro a d'abord soulevé l'irrecevabilité des conclusions de la société Pyrmo Chemie GmbH, non intimée pour n'avoir pas formé un appel provoqué développant ensuite,
- que les modifications que cette société entendait apporter au contrat initial étaient inhérentes aux obligations du concessionnaire constituant la contrepartie de l'exclusivité qui lui était concédée,
- qu'elle n'avait aucune raison d'accepter les modifications de la substance du contrat, dont Pyrmo Chemie GmbH a alors pris l'initiative de la rupture,
- qu'elle avait toujours travaillé avec d'autres fournisseurs que Pyrmo Chemie GmbH ainsi que le contrat l'y autorisait,
- que la société Pyrmo Chemie GmbH lui reproche d'avoir recherché des solutions permettant la survie de son entreprise dès le début de l'année 1991 mais qu'elle a ainsi limité les conséquences dommageables de la rupture du contrat et des actes de concurrence déloyale commis,
- que l'attestation de Monsieur Bardonnenche, lequel a organisé sa démission et débuté son activité chez Pyrmo Chimie France dès le mois de mai 1991 doit être examinée avec circonspection,
- que rien ne laissait prévoir la démission de Monsieur Schwartz,
- que la création de la société Pyrmo Chimie France est le fruit d'un montage visant à la dépouiller au profit des sociétés Pyrmo et de Monsieur Schwartz,
- que le débauchage du personnel est établi,
- que concernant la suppression de l'approvisionnement, les sociétés Pyrmo et Monsieur Schwartz ont organisé ensemble la rupture du contrat de Pyrmo Chemie GmbH et Sodexro,
- que les attestations adverses relatives à la disparition de la clientèle ne sont pas pertinentes,
- que la lettre circulaire du 28 février 1991 constitue à elle seule la preuve d'une volonté délibérée de détournement de clientèle,
- que Monsieur Schwartz a organisé la rupture et le pillage de la société Sodexro dans le cadre d'une structure commerciale mise en place par ses soins,
- que la société Gro-Chemie n'a pas eu d'activité et à plus forte raison aucune activité concurrentielle à l'égard des produits Pyrmo,
- que Pyrmo Chemie GmbH avait autorisé l'usage de la marque TITAN pour l'écoulement des produits Pyrmo,
- qu'elle pensait poursuivre son activité avec Pyrmo car cette dernière avait effectué d'importantes livraisons en janvier 1991.
Elle maintient qu'il y a faute, l'ensemble des faits établissant les actes de concurrence déloyale, que son préjudice est établi car elle a perdu à l'issue du mois de janvier 1991 l'essentiel de sa gamme de produits, son équipe de vente et toute sa clientèle et que le lien de causalité entre la faute qu'elle reproche aux parties adverses et son préjudice est évidente.
Elle réitère ses conclusions antérieures et conclut à voir déclarer la société Pyrmo Chemie GmbH irrecevable et mal fondée dans ses fins, moyens et conclusions et à l'en débouter.
Sur ce,
Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments ;
Attendu qu'il y a lieu de préciser à titre liminaire, qu'il y avait eu jonction des deux procédures de référé sursis par ordonnance du 07 mars 1997 et que les deux procédures relatives aux appels respectivement interjetés par la SARL Pyrmo Chimie France et Monsieur Schwartz d'une part (lA 6247/96) et par la société Pyrmo Chemie GmbH (1B 1007/97) ont également été jointes par ordonnance du 29 avril dernier, lors de l'audience fixée pour plaidoirie ;
Qu'entre-temps, la société de droit allemand a d'ailleurs régularisé les conclusions d'appel provoqué dans le dossier lA 6247/96 (lequel subsiste), de sorte que les conclusions relatives à l'irrecevabilité de celui-ci s'avèrent à présent dénuées de fondement ;
Au fond :
Attendu que si les entreprises sont libres de rivaliser entre elles afin de conquérir et de retenir la clientèle, s'agissant là d'une conséquence directe du principe de la liberté du commerce et de l'industrie consacrée en France par les lois des 02 et 17 mars 1791, encore faut-il que cette liberté soit loyalement exercée ;
Que l'action en concurrence déloyale, fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code Civil permet de sanctionner les pratiques entre concurrents contraires à la loyauté et aux usages professionnels ;
Que dans la pratique un acte de concurrence déloyale se manifeste rarement de manière isolée, le comportement excessif d'un concurrent se révélant souvent au travers d'un ensemble d'agissements dont le caractère déloyal n'apparaît que si l'on opère entre eux un rapprochement ;
Qu'en l'espèce, pour caractériser la concurrence déloyale à l'encontre des trois défendeurs, les premiers juges ont retenu la concomitance de la date de la création de la [société] Pyrmo Chimie France avec celle de la rupture des liens contractuels entre Pyrmo Chemie GmbH et la société Sodexro, le débauchage des salariés de Sodexro et le dépôt par la société Pyrmo Chemie GmbH de la marque Titan, dont la société Sodexro avait fait usage de 1984 à 1990 ;
Qu'il convient d'examiner successivement ces faits en répondant aux moyens et à l'argumentation des diverses parties ;
- Sur la création de la société Pyrmo Chimie France :
Attendu que c'est à bon droit que les premiers juges ont relevé que l'absence de livraison des produits Pyrmo Chemie GmbH à la société Sodexro à compter de 1991 était la conséquence de la rupture des liens contractuels unissant les parties et que ce fait n'était pas constitutif de faute ;
Qu'en effet, l'action en concurrence déloyale est exclusive de toutes relations contractuelles entre les parties ;
Qu'en conséquence, c'est vainement que la SARL Pyrmo Chimie France et Monsieur Roger Schwartz insistent sur la baisse des achats de la société Sodexro auprès de la société Pyrmo Chemie GmbH, déduisant que cette société s'est peu à peu détournée de la société Pyrmo Chimie GmbH, laquelle invoque tout aussi vainement la responsabilité exclusive de Sodexro dans la rupture des relations contractuelles ;
Qu'en effet, la Cour n'est pas saisie de ce problème d'ordre contractuel, qui impliquerait en tout cas une analyse des stipulations prévues à l'avenant au contrat du 25 mars 1982 afin d'apprécier s'il tendait à une modification substantielle ou non dudit contrat ;
Qu'il est par contre certain que c'est la société Pyrmo Chemie GmbH et non la société Sodexro qui a pris l'initiative tant de proposer un avenant que de rompre le contrat ;
Qu'en tout état de cause, la société Sodexro n'agissant pas sur le terrain contractuel car elle n'a pas actionné la société Pyrmo Chemie GmbH en rupture abusive du contrat de concession, il y a lieu de dire que l'absence de livraison des produits Pyrmo à compter du 31 décembre 1990 n'est pas constitutive d'une faute ;
Qu'il y a cependant lieu de constater qu'une société Pyrmo Chimie France a été créée dès le 1er février 1991 et que ses associés étaient d'une part la société Pyrmo Chemie GmbH et d'autre part Monsieur Schwartz, lequel occupait au préalable un poste essentiel dans l'équipe de vente de la société Sodexro ;
Que sans rechercher si la création Pyrmo Chimie France était ou non prévue de longue date, il est certain que cette société a immédiatement pris le relais de la société Sodexro, laquelle était jusqu'alors seule approvisionnée par la société Pyrmo Chemie GmbH ;
Que si ce fait n'est pas en soit constitutif de concurrence déloyale, le contrat liant la société Sodexro et la société Pyrmo Chemie GmbH étant rompu et Monsieur Schwartz n'ayant pas été lié à la société Sodexro par une clause de non-concurrence, encore fallait-il que cette société nouvellement créée exerce son activité concurrentielle de façon loyale ;
Qu'en effet, l'objet social de la société Sodexro et celui de la société Pyrmo Chimie France consistent dans l'achat et la vente de produits chimiques et techniques destinés à l'entretien de véhicules, de sorte qu'elles étaient en situation de concurrence directe, dans le même secteur géographique ;
Qu'il appartenait en conséquence à la société Pyrmo Chemie GmbH, contractuellement liée à la société Sodexro jusqu'à une date très récente (fin décembre 1990) et à Monsieur Schwartz lequel avait jusqu'en janvier 1991 travaillé pour le compte de ladite société, de faire preuve d'une rigoureuse vigilance pour éviter tout risque de confusion entre les deux entreprises ;
Qu'en l'espèce, et bien au contraire la société Pyrmo Chemie GmbH a le 28 février 1991 adressé à sa clientèle française, laquelle achetait des produits Pyrmo auprès de la société Sodexro et étaient donc des clients Sodexro une lettre portant mention "Messieurs et Chers Clients" et les informant d'une réorganisation de sa distribution "Pour une meilleure implantation sur le marché français" et de la création de sa filiale "Pyrmo Chimie France" avec toutes les coordonnées de celle-ci et la mention de son gérant "Monsieur Schwartz Roger", lequel était auparavant responsable des ventes de la société Sodexro ;
Qu'il convient d'ailleurs d'observer que ce courrier émane du "Président Directeur Général Hans Doping" mais a été signé "par ordre" par Monsieur Roger Schwartz dont la signature, d'ailleurs lisible, se retrouve sur d'autres documents des pièces annexes remises ;
Que la diffusion de cette circulaire ne constitue pas une manœuvre loyale d'implantation de la société Pyrmo Chimie France et révèle une collusion entre la société Pyrmo Chemie GmbH, la société Pyrmo Chimie France et Monsieur Roger Schwartz, au détriment de la société Sodexro, laquelle devait alors tenter loyalement de proposer à ses clients, soit aux destinataires de la circulaire de Pyrmo Chimie France des produits de substitution aux produits Pyrmo alors que lesdits produits constituaient l'essentiel de ses ventes ;
Qu'après rupture du contrat de concession entre la société Pyrmo Chemie GmbH et la société Sodexro, à l'initiative de la société Pyrmo Chemie GmbH, cette dernière a donc, avec Monsieur Schwartz créé en France une société concurrente de la société Sodexro mais a aussi par la diffusion d'un courrier émanant de Pyrmo Chemie GmbH, signé par Monsieur Schwartz et adressé aux clients de la société Sodexro manifestement tenté de détourner la clientèle de cette dernière, sans d'aucune façon mentionner que la société Sodexro poursuivait son activité ;
Que la production par les sociétés Pyrmo d'attestations de clients insatisfaits des services de la société Sodexro ne sont pas de nature à atténuer de quelque façon que ce soit la faute commise par la société Pyrmo Chemie GmbH, par la société Pyrmo Chimie France et par Monsieur Schwartz, lesquels ont ensemble diffusé la circulaire litigieuse du 28 février 1991 à toute la clientèle de la société Sodexro ;
- Sur le débauchage des salariés de la société Sodexro :
Attendu qu'en vertu du principe de la liberté du travail, il est loisible à un salarié de changer d'emploi, au mieux de ses intérêts et d'exploiter chez un nouvel employeur l'expérience acquise précédemment ;
Que cependant, en l'espèce, Monsieur Schwartz, a outre sa participation à la création de la société Pyrmo Chimie France, accepté la gérance de celle-ci et les autres salariés commerciaux de la société Sodexro quittèrent successivement cette dernière ;
Qu'ainsi, Monsieur Guy Bardonnenche a quitté la société le 14 mars 1991 après avoir répondu à une "offre d'emploi" parue dans un journal, Monsieur Peslier le 21 juin suivant et Monsieur Bonoris le 09 décembre 1991 ;
Qu'il en résulte que sur une période de neuf mois, la société Sodexro a perdu quatre des cinq salariés qu'elle employait, lesquels ont tous été embauchés par la société Pyrmo Chimie France ;
Que si la SARL Pyrmo Chimie France et Monsieur Schwartz font état de ce que Monsieur Bardonnenche souhaitait quitter la société Sodexro en raison de rapports extrêmement tendus avec son employeur, ils ne caractérisent, ni à fortiori ne justifient lesdits rapports extrêmement tendus ;
Que par contre il est certain que la lettre de candidature de Monsieur Bardonnenche est parvenue à la société Pyrmo Chimie France juste après sa création et s'il a été engagé pour un salaire sensiblement égal à celui qu'il percevait chez Sodexro, le pourcentage de 3 % sur un chiffre d'affaires connu était de nature à lui garantir que son salaire fixe brut de 7.000 F serait nettement dépassé ;
Qu'en ce qui concerne Monsieur Peslier, la société Pyrmo Chimie France et Monsieur Roger Schwartz affirment sans en justifier que la société Sodexro "n 'était que trop contente de se débarrasser de lui en raison du peu de chiffre d'affaires qu'il faisait" qu'en tout cas, il est constant qu'à la suite de Monsieur Schwartz et de Monsieur Bardonnenche il a quitté l'équipe de vente de la société Sodexro et était embauché par la société Pyrmo Chimie France ;
Qu'en ce qui concerne Monsieur Bonoris, les parties appelantes allèguent sans l'établir que la société Sodexro voulait le licencier et son attestation (de Monsieur Bonoris) selon laquelle il a posé sa "candidature à Pyrmo Chimie France, compte tenu de la politique commerciale désastreuse de Sodexro et de l'attitude de Monsieur Rusenberg qui parlait souvent de le "licencier" ne suffit à prouver la réalité de ces faits ;
Qu'en effet, les attestations des différents salariés précités n'établissent que la réalité de leur crainte quant à l'avenir de la société Sodexro, lequel a en effet été compromis par l'attitude fautive commune des sociétés Pyrmo Chemie GmbH, Pyrmo Chimie France et de Monsieur Schwartz, la société Pyrmo Chimie France ayant d'ailleurs débauché lesdits salariés pour les embaucher immédiatement à son service ;
Que les démissions successives de quatre des cinq salariés employés par l'équipe de vente de la société Sodexro étaient à l'évidence de nature à désorganiser cette entreprise et ce d'autant plus que ce débauchage était doublé d'un détournement de clientèle au profit du concurrent, la société nouvellement créée ayant réalisé ses premières affaires avec les clients de la société Sodexro, dont elle verse au dossier des attestations faisant état de "difficultés rencontrées" sans qu'aucune d'entre elles ne définissent de façon précise lesdites difficultés, dont Sodexro serait la cause ;
Que selon une jurisprudence constante, la création par un ancien associé ou par un ancien salarié d'une société concurrente et l'embauche successive de la quasi-totalité des anciens représentants de la première société constitue une manœuvre de débauchage ayant pour effet de désorganiser l'entreprise et constituant en soi un acte de concurrence déloyale, car même si lesdits salariés ont été remplacés, ils n'avaient pas l'expérience dont bénéficiaient leurs prédécesseurs ;
Que la réalité établie de l'embauche de remplaçants des salariés partants démontre à l'évidence que la société Sodexro ne pouvait se passer de leurs services et le fait de les avoir libéré de la clause de non-concurrence (en ce qui concerne Peslier et Bonoris) n'implique pas qu'elle donnait son accord à la constitution par la société Pyrmo Chimie France nouvellement créée d'une équipe de vente composée des quatre cinquièmes de ses éléments ;
Que la chronologie des faits et leur importance constitue la preuve d'actes positifs de débauchage accomplis de façon concertée par les trois parties défenderesses et appelantes, actes constitutifs de concurrence déloyale.
- Sur le dépôt par la société Pyrmo Chemie GmbH de la marque "Titan" :
Attendu qu'il résulte des pièces produites que le Président Directeur Général de la société Pyrmo Chemie GmbH a déposé la marque "Titan" un mois avant de notifier à la société Sodexro la résiliation du contrat lui ayant accordé l'exclusivité de la vente en France des produits Pyrmo ;
Que ce grief élevé par la société Sodexro à l'encontre des appelants ne constitue pas un grief sérieux alors qu'il est établi que depuis 1984 la société Pyrmo Chemie GmbH livrait de manière ininterrompue à la société Sodexro des produits sous la marque "Titan" ;
Que le dépôt de cette marque par la société Pyrmo Chemie GmbH était la conséquence logique de la résiliation du contrat et ce fait ne serait pas constitutif en soi d'un acte de concurrence déloyale s'il n'était accompagné des agissements déloyaux ci-dessus exposés ;
Attendu en conséquence que c'est à bon droit que les premiers juges ont dit que la SARL Pyrmo Chimie France, la société de droit allemand Pyrmo Chemie GmbH et Monsieur Roger Schwartz ont commis des actes de concurrence déloyale, ce qu'ils ont en effet accompli ensemble dans un intérêt commun ;
Que pour se défendre, les appelants ne peuvent reprocher à la société Sodexro d'avoir proposé à sa clientèle des produits d'une autre marque dès avant la résiliation du contrat, alors même que ceci n'était pas en contradiction avec les termes dudit contrat ;
Que ce fait n'est d'importance qu'en ce qui concerne l'évaluation du préjudice subi par la société Sodexro ;
Attendu, qu'en effet, l'action en concurrence déloyale trouve son fondement dans les articles 1382 et 1383 du Code Civil, lesquels impliquent non seulement l'existence d'une faute mais aussi celle d'un préjudice souffert par le demandeur ;
Que le demandeur doit établir que le préjudice existe et présente les caractères du préjudice réparable à savoir être certain et non simplement éventuel ;
Qu'en l'espèce, la diffusion fautive à la clientèle de la société Sodexro d'une circulaire émanant de la société Pyrmo Chemie GmbH l'informant de la création de la société Pyrmo Chimie France, document signé par Monsieur Roger Schwartz a nécessairement généré une confusion dans l'esprit des clients, lesquels ont valablement pu penser que la société Pyrmo Chimie France se substituait à la société Sodexro, ce qui est de nature à expliquer la baisse notable du chiffre d'affaires de cette dernière ;
Que par ailleurs la désorganisation orchestrée par les parties appelantes par le biais du débauchage des quatre cinquièmes du personnel a incontestablement généré un trouble commercial constitutif de préjudice ;
Que la preuve d'un préjudice chiffré n'est pas une condition nécessaire au succès d'une demande en réparation du préjudice découlant d'une action en concurrence déloyale, dès lors que la démonstration d'un risque de confusion entre les deux sociétés ainsi que de la désorganisation de l'équipe de vente de la société Sodexro impliquent nécessairement l'existence d'un préjudice ;
Qu'il résulte d'ailleurs des pièces comptables produites que le chiffre d'affaires a considérablement baissé, 9.000.000 F en 1990, 6.000.000 F en 1991 et 3.000.000 F en 1992 ;
Qu'au vu de ces éléments et sans tenir compte des attestations non circonstanciées, dont les sociétés Pyrmo ont sollicité l'établissement de la part d'une clientèle avec laquelle ils sont en relations d'affaires, il convient faute d'élément d'appréciation permettant une évaluation exacte du préjudice commercial subi par la société Sodexro du fait de la concurrence déloyale exercée de façon concertée par les sociétés Pyrmo Chemie GmbH, Pyrmo Chimie France et par Monsieur Schwartz, préjudice s'ajoutant à un préjudice moral certain, une expertise comptable aux fins de déterminer le chiffrage global du préjudice subi par la société Sodexro s'imposait et c'est à bon droit que les premiers juges l'ont ordonnée ;
Qu'eu égard à l'importante baisse du chiffre d'affaire de la société Sodexro à compter de la création de la société Pyrmo Chimie France, baisse qui est patente, les premiers juges ont justement apprécié et fixé le montant de la provision allouée à la somme de 300.000 F ;
Que par contre, si les appels interjetés par les sociétés Pyrmo Chemie GmbH, Pyrmo Chimie France et Monsieur Roger Schwartz s'avèrent mal fondés, ils ne peuvent être qualifiés d'abusifs de ce seul fait et en l'espèce la société Sodexro ne justifie d'aucune façon du caractère abusif du droit exercé par les parties appelantes ni du dommage en résultant pour elle ;
Qu'il y a donc lieu de la débouter de sa demande formée à ce titre ;
Qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions mais y ajoutant de condamner solidairement la société Pyrmo Chimie France, Monsieur Schwartz et la société Pyrmo Chemie GmbH à supporter les entiers dépens d'appel et à payer à la société Sodexro une somme de 10.000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Qu'il y a lieu de renvoyer la procédure devant les premiers juges pour continuation de celle-ci (sur le fond ainsi que sur les dépens et l'article 700 du NCPC pour la première instance).
Par ces motifs, Et ceux non contraires des premiers juges, La Cour, statuant publiquement et contradictoirement, Déclare les appels interjetés par la SARL Pyrmo Chimie France et Monsieur Roger Schwartz d'une part et par la société de droit allemand Pyrmo Chemie GmbH et CCO Kg d'autre part contre le jugement prononcé le 22 novembre 1996 par la Deuxième Chambre Commerciale du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg réguliers et recevables en la forme, Les dit mal fondés et les rejette, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Debout la SARL Sodexro de sa demande de dommages et intérêts pour procédure et appel abusifs, Renvoie la cause et les parties devant les premiers juges pour statuer sur le préjudice global subi par la société Sodexro après dépôt du rapport de l'expert, Condamne solidairement la société Pyrmo Chemie GmbH et CCO Kg, la SARL Pyrmo Chimie France et Monsieur Roger Schwartz à supporter les entiers dépens d'appel et à payer à la SARL Sodexro une somme de 10.000 F (dix mille francs) en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles d'appel.