Cass. com., 8 juillet 1997, n° 95-16.984
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Lyon meubles et décoration (SA)
Défendeur :
Lyon meubles (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Léonnet
Avocat général :
M. Mourier
Avocats :
Mes Choucroy, Ricard.
LA COUR : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Lyon, 12 mai 1995) que la société Lyon meubles exploite à Lyon, depuis le mois de janvier 1979, un fonds de commerce de négoce, fabrication et réparation de mobiliers d'intérieur et de plein air qu'elle a acquis d'un commerçant qui l'exploitait antérieurement sous une enseigne identique à la raison sociale adoptée par cette société ; qu'ayant constaté l'usurpation de cette dénomination sociale " Lyon meubles " par une société constituée au mois d'août 1990 avec un objet social similaire et un siège social implanté également à Lyon la société Lyon meubles a mis celle-ci en demeure de modifier sa dénomination sociale en raison du risque de confusion entre les deux établissements; qu'estimant que la transformation par la société Lyon meubles de sa dénomination en Lyon meubles et décoration, et le transfert de son siège à Saint-Priest dans la banlieue lyonnaise, ne suffisaient pas à écarter ce risque, la société Lyon meubles l'a assignée en 1991 en concurrence déloyale devant le tribunal de commerce pour la voir condamnée sous astreinte à modifier sa dénomination sociale et pour qu'elle lui verse des dommages et intérêts pour le préjudice subi ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Lyon meubles et décoration fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée, alors, selon le pourvoi, que l'action en concurrence déloyale ou illicite suppose une faute ; que viole l'article 1382 du Code civil, la cour d'appel qui, tout en constatant que la société Lyon meubles et décoration est connue de la clientèle sous le nom d'Ameubl'Eco écartant tout risque de confusion, que le siège social de la société est à Saint-Priest, que l'activité des deux sociétés n'est pas identique, que de plus la société anonyme Lyon meubles et décoration ne créé aucune confusion avec la société à responsabilité limitée Lyon meubles; qu'elle retient que la dénomination sociale adoptée par elle est constitutive de concurrence déloyale ;
Mais attendu que l'arrêt constate que la société Lyon meubles et décoration exerçait la " même activité essentielle de vente de mobiliers dans un périmètre qui s'étendait à l'ensemble de l'agglomération lyonnaise ", dont fait partie la commune de Saint-Priest, et qu'elles étaient de ce fait en situation de concurrence; qu'il relève en outre, que l'adjonction des mots " et décoration " n'avait aucun effet pour dominer la confusion entre les deux entreprises, celle-ci pouvant apparaître aux yeux des tiers comme une modification apportée par la société Lyon meubles à sa propre dénomination ; qu'il constate, enfin, que la société Lyon meubles et décoration, bien qu'elle commercialise ses produits sous la marque " Ameubl'Eco " faisait figurer sur ses papiers commerciaux la double appellation ce qui n'avait pas pour effet de faire disparaître la confusion entre les deux sociétés, cette confusion étant établie par des documents non " constitués pour les besoins de la cause, tels que les chèques ou courriers destinés à la société Lyon meubles et décoration et adressés à tort à la société Lyon meubles " ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu estimer, sans encourir les griefs du moyen, que la dénomination sociale adoptée par la société Lyon meubles et décoration était constitutive de concurrence déloyale au préjudice de la société Lyon meubles; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen : - Attendu que la société Lyon meubles et décoration fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, que les faits de concurrence déloyale générateurs d'un trouble commercial impliquent l'existence d'un préjudice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a pu sans se contredire et violer l'article 456 du nouveau Code de procédure civile constater, tout à la fois, l'absence de préjudice commercial directement imputable à ses agissements prétendument déloyaux de la société demanderesse et la condamner à verser des dommages-intérêts pour frais de procédure indemnisés au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il découle nécessairement de la constatation d'actes déloyaux de la part d'une entreprise à l'égard d'une autre, l'existence pour sa concurrente d'un préjudice, fût-il seulement moral, sauf pour l'auteur de ces actes à établir que ces faits n'ont pas généré de dommages; qu'en l'espèce la cour d'appel, ayant relevé que le seul élément de préjudice qui était établi, résultait " des désagréments occasionnés par les démarches que la société Lyon meubles a dû entreprendre " et, ayant évalué le montant de ce dommage à la somme de 20 000 F, a pu statuer ainsi qu'elle l'a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.