CA Dijon, 1re ch. sect. 1, 3 juillet 1997, n° 2963-95
DIJON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Objet Automobiles (SARL)
Défendeur :
Autos Sélection (SA), Cure (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Littner
Conseillers :
M. Jacquin, Mme Arnaud
Avoués :
SCP André-Gillis, SCP Marque-Monneret-Marque
Avocats :
Mes Gerbay, Sotty
La SA Autos Sélections a été concessionnaire exclusif Mitsubishi pour le département de Côte-d'or jusqu'au 1er décembre 1994, date à laquelle la SARL Objet Automobiles lui a succédé;Soutenant que l'ancien concessionnaire exerçait à son encontre des actes de concurrence déloyale consistant à utiliser le logo Mitsubishi, à vendre des pièces détachées de cette marque, à poursuivre l'entretien des véhicules Mitsubishi et à n'avoir pas fait modifier la mention la concernant sur le minitel, la SARL Objet Automobiles l'a assignée devant le tribunal de commerce de Dijon pour obtenir la cessation immédiate de ces agissements, sous astreinte, et sa condamnation à lui payer 300 000 F à titre de dommages-intérêts et 5 000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par jugement du 12 octobre 1995, le tribunal a considéré que les faits allégués n'étaient pas établis ou ne constituaient pas des actes de concurrence déloyale et il a rejeté l'ensemble des demandes et accordé à la société défenderesse 5 000 F en remboursement de ses frais irrépétibles.
La SARL Objet Automobiles a fait appel et elle renouvelle sa demande de dommages-intérêts. Elle fait valoir :
- que le concessionnaire a seul qualité pour vendre des pièces, véhicules et accessoires automobiles portant la marque Mitsubishi,
- que la SA Autos Sélection a utilisé le logo Mitsubishi après résiliation du contrat de concession,
- que la mention " concessionnaire Mitsubishi " a été maintenue pendant plusieurs semaines sur l'annuaire minitel,
- que la société intimée a continué la vente de pièces au détail aux clients et l'entretien des véhicules Mitsubishi,
- que les actes de dénigrement sont prouvés par l'attestation du témoin Belaidi.
Elle considère que l'ancien concessionnaire a entretenu la confusion dans l'esprit du public, soutient que son comportement altère directement la rentabilité de ses investissements et sollicite, à tout le moins, la désignation d'un expert chargé de déterminer l'étendue de son préjudice.
Elle souhaite obtenir 10 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La SA Autos Sélection sollicite la confirmation du jugement. Elle conteste les actes de concurrence déloyale, explique que la régularisation de ses rapports avec le concédant a eu lieu fin 1994 et début 1995 et rétorque à la société appelante :
- que l'ancien concessionnaire n'a pas interdiction de conserver des pièces de rechange,
- que les factures portant le logo Mitsubishi sont en nombre réduit et ne sont pas de nature à induire en erreur la clientèle,
- que l'huissier, dont les procès-verbaux sont invoqués, est intervenu de façon irrégulière,
- que l'ordre de modification de l'annonce dans l'annuaire Minitel a été donné le 24 janvier 1994,
- que la vente de pièces détachées a été très limitée tandis que l'entretien des véhicules Mitsubishi n'est pas irrégulière,
- que le dénigrement rapporté par le témoin Belaidi est contestée.
Elle affirme n'avoir jamais voulu entretenir une confusion sur la qualité de concessionnaire, déclare que le règlement européen n° 1475-95 n'était pas applicable à la date des faits et soutient, à titre subsidiaire, qu'aucun préjudice n'est démontré.
Elle réclame 15 000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Me Cure a enfin déclaré intervenir en qualité de liquidateur de la SA Autos Sélection, dont la liquidation judiciaire a été prononcée le 19 novembre 1996.
Motifs de la décision
Attendu que le contrat de concession exclusive, dont bénéficiait la SA Autos Sélection a pris fin le 30 novembre 1994 ;
Que ce contrat prévoyait (art. 23-6) qu'après la fin du contrat, le concessionnaire s'interdisait " tout usage des sigles, noms et marques appartenant ou utilisés par Sonauto et/ou Mitsubishi " ;
Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que les 16 décembre 1994 et 26 janvier 1995, la SA Autos sélection a établi des factures sur des imprimés portant la mention " Mitsubishi Motors " ;
Qu'un bon remis à M. Belaidi le 30 août 1995 pour l'achat d'une pièce Mitsubishi portait également la mention " Autos Sélection SA Pièces d'origine - Porsche - Mitsubishi " ;
Attendu que la société Autos Sélection a donc irrégulièrement continué à utiliser le logo Mitsubishi, ce qui crée un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle et constitue donc un acte de concurrence déloyale;
Qu'il doit cependant être relevé que cet acte ne révèle pas la volonté systématique d'entretenir la confusion puisque les pièces produites démontrent également que, dès le mois de janvier 1995, l'ancien concessionnaire utilisait des papiers commerciaux ne portant plus aucune référence à la marque Mitsubishi ;
Attendu qu'il est encore reproché à la société intimée d'avoir procédé à la vente de pièces détachées Mitsubishi, qu'il doit être en premier lieu précisé que le règlement n° 1475-95 du 28 juin 1995 n'est pas applicable à la cause ;
Attendu ensuite que le concessionnaire exclusif a seul qualité pour vendre à l'utilisateur final les pièces de rechange et accessoires de la marque de sorte que les pièces de rechange d'origine non reprises par le concédant conformément à l'article 25-3 du contrat, ne peuvent être utilisées que pour effectuer des travaux sur des véhicules de la marque ;
Attendu qu'il résulte de l'attestation établie par le témoin Belaidi que la SA Autos Sélection lui a vendu une pièce détachée Mitsubishi le 30 août 1995 ; que le magasinier qui l'a servi lui a en outre précisé que les pièces vendues par sa société étaient bien moins chères que chez le concessionnaire d'en face, ce qui révèle une pratique qui n'est pas exceptionnelle et constitue en outre un dénigrement;
Attendu en revanche que les opérations effectuées les 3 janvier 1995 et 31 août 1995 par un huissier, non régulièrement désigné par ordonnances, qui n'a pas révélé son identité et qui n'a pas seulement procédé à des constatations mais a fait intervenir des tiers dont on ignore dans quelles conditions ils ont été sollicités, ne peuvent être utilisées ;
Attendu que le fait de continuer à entretenir les véhicules Mitsubishi des clients ne peut être critiqué dès lors que l'auteur de cet entretien ne se présente pas comme concessionnaire de la marque ;
Attendu qu'il est enfin démontré que la mention " concessionnaire Mitsubishi " figurait encore dans l'annuaire Minitel le 19 janvier 1995;
Que la SA Autos Sélection ne démontre pas que France Télécom soit responsable de ce retard dans la mise à jour de l'inscription ; que l'ordre d'insertion donné par elle le 24 janvier 1994 ne visait pas à supprimer la mention concessionnaire Mitsubishi, le tampon apposé sur ce document comportant d'ailleurs encore cette mention ; que la demande de surpression a en réalité été formulée tardivement le 10 janvier 1995 ;
Attendu qu'il apparaît ainsi que la SA Autos Sélection a commis des actes risquant de créer une confusion dans l'esprit de la clientèle ; que cependant ces actes, qui n'ont pas permis à l'intimée d'éviter une procédure collective, sont d'importance modeste et le préjudice subi par le nouveau concessionnaire, qui ne démontre pas une diminution de sa clientèle, est essentiellement d'ordre moral ; qu'il n'apparaît pas nécessaire d'instaurer une mesure d'expertise ;
Attendu que la société appelante a déclaré une créance de 300 000 F ;
Qu'en considération de l'ensemble de ces éléments, le préjudice de la SARL Objet Automobile doit être fixé à la somme de 10 000 F ;
Que l'indemnité à accorder au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile doit être fixé à la somme de 3 000 F ; que la SA Autos Sélection, qui succombe, ne peut bénéficier de ce texte.
Décision
Par ces motifs, LA COUR : Donne acte à Me Cure de son intervention en qualité de liquidateur de la SA Autos Sélection, Réforme le jugement entrepris et, statuant à nouveau, Dit que la SA Autos Sélection s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale au préjudice de la SARL Objet Automobiles, Fixe la créance de la SARL Objet Automobiles au passif de la procédure collective de la SA Autos Sélection à la somme de 10 000 F, outre 3 000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamne la SA Autos Sélection aux dépens d'appel.