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Décisions

CA Paris, 5e ch. C, 27 juin 1997, n° 95-010046

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Romuald (SARL)

Défendeur :

Guerin Coiffure (SA) ; Cinderella (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rognon

Conseillers :

Mme Cabat, M. Betch

Avoués :

SCP Duboscq, Pellerin, SCP Taze-Bernard, Belfayol-Broquet, SCP Gibou Pignot

Avocats :

Mes Guillard, Tily, Dureau.

T. com. Paris, 7e ch., du 31 janv. 1995

31 janvier 1995

Faits et procédure antérieure

1.1 - Faits

La SARL Sevres Coiffure, devenue Guerin Coiffure ensuite d'une fusion-absorption, exploite un salon de coiffure à l'enseigne Maniatis.

Christian Magny-Petit, salarié, lié à son employeur par une clause de non-concurrence lui interdisant de se rétablir pendant un an dans un rayon de 2 km à vol d'oiseau du salon où il exerçait, a démissionné le 1er juillet 1993 et a quitté son employeur le 31 juillet 1993.

Le 24 août 1993, il a constitué une SARL dénommée Société Romuald, immatriculée au RCS le 30 novembre 1993, dont il est le gérant et qui, 20 rue Littré à Paris 6e, exploite un salon de coiffure à l'enseigne JC Biguine, en qualité de franchisée de la SA Cinderella.

1.2 - Procédure

La SARL Guerin Coiffure a, par exploit d'huissier de justice du 16 mars 1994, fait assigner la SARL Romuald et la SA Cinderella pour faire :

- condamner sous astreinte définitive de 10 000 F par jour la SARL Romuald à cesser l'exploitation de son salon,

- condamner in solidum la SARL Romuald et la SA Cinderella à lui payer une somme de 200 000 F à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et celle de 20 000 F par application de l'article 700 du NCPC.

Par jugement du 31 janvier 1995, le Tribunal de Commerce de Paris a :

- rejeté les demandes de sursis à statuer jusqu'à la décision de cette Cour d'Appel, saisie d'une ordonnance du juge des référés du Conseil des Prud'hommes saisi par Guerin Coiffure contre son ancien salarié,

- retenu que la SARL Romuald avait violé en connaissance de cause la clause de non-concurrence et ainsi fait une concurrence déloyale à Guerin Coiffure,

- fixé à 80 000 F le préjudice en résultant,

- relevé que la responsabilité du franchiseur avait " un caractère si limité et indirect qu'il n'est pas justifié de le sanctionner ",

Et, en conséquence, a :

- condamné la SARL Romuald à payer à la SARL Guerin Coiffure la somme de 80 000 F à titre de dommages et intérêts,

- ordonné la publication du jugement par extraits dans des journaux professionnels au choix de la Société Guerin et au frais de Romuald " dans le cadre d'un budget total de 10 000 F ",

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné la SARL Romuald à payer à Guerin Coiffure la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Ce jugement a été régulièrement frappé d'appel par la SARL Romuald selon déclaration déposée le 3 avril 1995.

II - Prétentions et moyens des parties

2.1 - La SARL Romuald, appelante, poursuit l'infirmation du jugement déféré et demande à la Cour :

- de surseoir à statuer dans l'attente de la décision au fond après appel d'un jugement du Conseil des Prud'hommes de Paris, sur le litige né de la clause de non-rétablissement,

- subsidiairement, de dire et juger que la SARL Romuald n'exerce pas d'acte de détournement de clientèle au détriment de la Société Guerin Coiffure et qu'en tout état de cause celle-ci ne rapporte pas la preuve de son préjudice.

Elle réclame une indemnité de 5 000 F pour ses frais de procédure non répétibles.

Elle fait valoir que les deux sociétés ont des clientèles, des prestations et des prix différents : Maniatis pratique une coiffure de haute gamme pour hommes et JC Biguine essentiellement pour dame et de moindre standing. Elle soutient qu'ainsi Magny-Petit a du recevoir une nouvelle formation.

Elle ajoute que le coût de celle assurée par Guerin Coiffure à Magny-Petit est amortie de longue date.

2.2 - Guerin Coiffure est incidemment appelante et reprend sa demande initiale sur le montant des dommages-intérêts sollicitant une nouvelle indemnité de 15 000 F pour frais de procédure.

Son argumentation est essentiellement développée autour des pratiques déloyales du franchiseur Cinderella.

Sur son préjudice, elle relève que Magny-Petit avait réalisé au cours des 7 derniers mois, un chiffre d'affaires de 351.151 F alors que son " remplaçant " n'avait réalisé que 87.405 F.

Elle recherche Cinderella en qualité de complice de la violation et lui reproche de ne pas avoir rompu le contrat de franchise.

2.3 - La SA Cinderella soutient, afin de confirmation, sauf à obtenir une indemnité de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC, l'absence d'actes de concurrence déloyale, et subsidiairement, l'absence de preuve d'une collusion fautive.

Ceci exposé, LA COUR,

Sur le sursis à statuer :

Attendu que l'action engagée devant la juridiction prud'homale par Guerin Coiffure contre Magny-Petit pour violation de la clause contractuelle de non-rétablissement est parfaitement étrangère à la présente procédure, initiée sur un fondement délictuel ;

Qu'il ne saurait donc être sursis à statuer ;

Sur la responsabilité :

Attendu qu'une action en concurrence déloyale suppose que la SARL Guerin Coiffure établisse la faute de son concurrent, le préjudice en résultant et le lien de causalité;

Qu'or elle se contente d'invoquer le débauchage de son ancien salarié Magny-Petit, dont la démission est antérieure à la création de la SARL Romuald, et l'embauche du premier par celle-ci qui, c'est évident, ne pouvait ignorer l'existence de la clause contractuelle de non-concurrencecompte tenu de l'identité dans la personne du salarié démissionnaire, du fondateur de la SARL et de son gérant ;

Qu'elle ne prouve pas ni l'offre de prouver que la SARL Romuald ait ainsi détourné une clientèle qui lui serait acquise voire se soit livrée à des actes de dénigrement et autres manœuvres pour capter celle-ciet qu'il en serait ainsi résulté une baisse significative de son chiffre d'affaires ;

Qu'il est par ailleurs constant que les clientèles respectives des deux salons sont différentes ;

Que le seul rapprochement des recettes procurées à Guerin Coiffure par Magny-Petit puis par son remplaçant, n'établit ni une diminution du résultat d'exploitation et du bénéfice comptable ni le lien de cette baisse alléguée du chiffre d'affaires avec la seule faute commise par la SARL Romuald ;

Que d'ailleurs, la SARL Guerin Coiffure n'a pas jugé utile de mettre au débat ses comptes, dûment certifiés par son expert-comptable dont la seule attestation n'est pas probante ;

Attendu enfin que le franchiseur, la SARL Cinderella, en l'absence de toute faute propre, ne peut être tenu pour son franchisé dont il n'est pas civilement responsable, alors que le contrat de franchise n'a d'effets qu'entre les parties;

Attendu que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du NCPC ;

Par ces motifs, LA COUR, par arrêt contradictoire, Déclare recevables les appels, Infirme le jugement déféré, Statuant à nouveau, Déboute la SARL Guerin Coiffure de l'intégralité de ses demandes en paiement et aux fins de publication, la SA Cinderella et la SARL Romuald de leur action en indemnité pour frais, Condamne la SARL Guerin Coiffure aux dépens et pour ceux d'appel admet la SCP Duboscq Pellerin et la SCP Gibou Pignot et Grappotte Benetreau, avoués, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du NCPC.