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Décisions

Cass. com., 24 juin 1997, n° 95-12.154

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Cecopart (SARL)

Défendeur :

Nissan France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Huglo

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Ryziger, Bouzidi, SCP Ancel, Couturier-Heller.

T. com. Charleville-Mézières, du 8 juill…

8 juillet 1993

LA COUR : - Sur le pourvoi principal : - Donne acte à la société Nissan France du désistement de son pourvoi incident ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 14 décembre 1994), que la société Nissan France, importateur exclusif pour la France de véhicules automobiles de marque Nissan, a assigné en concurrence déloyale la société Cecopart, en soutenant que celle-ci exerçait l'activité de mandataire agréé, définie par le règlement d'exemption n° 123-85 de la Commission concernant les accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles, sans en respecter les conditions et avait désorganisé par des actions de dénigrement son propre réseau de vente ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Cecopart fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de la société Nissan France fondée sur les actions de dénigrement alors, selon le pourvoi, d'une part, que le principe de liberté de la concurrence autorise une entreprise donnée à critiquer l'ensemble d'une profession concurrente et ses méthodes ; qu'il résulte de la décision attaquée que les prétendus dénigrements visent les réseaux de distribution exclusive des constructeurs et des importateurs, et non les réseaux de distribution de la société Nissan en particulier ; que la cour d'appel n'a donc pu déduire des faits par elle constatés des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Nissan en particulier ; qu'en affirmant que la société exposante aurait commis une faute à l'encontre de la société Nissan, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a, par là-même, violé l'article 1382 du Code civil ; et alors, d'autre part, que les juges du fond sont liés par les conclusions des parties ; qu'en l'espèce actuelle, la société Nissan, dans ses conclusions, en date du 23 septembre 1993, avait affirmé que Cecopart voulait débaucher les concessionnaires et agents du réseau Nissan, pour les faire entrer dans son propre réseau, mais, sans affirmer le moins du monde que ce fût en violation de leurs engagements contractuels, et pendant la durée de leurs contrats ; qu'elle s'était contentée en ce qui concerne la violation des obligations contractuelles, d'affirmer que la société Cecopart n'hésitait pas à inciter les concessionnaires à violer les engagements contractuels en les incitants à devenir mandataires multi-marques, en leur affirmant qu'ils pourront tout à fait conserver leur panneau ; que la décision attaquée a donc violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt constate que la société Cecopart a adressé à de nombreux concessionnaires et agents de la marque Nissan des circulaires incitant ces derniers à violer leurs engagements contractuels en adhérant à son système de distribution et à son service télématique de centralisation des commandes, circulaires qui dénigrent les réseaux de distribution exclusive des constructeurs en qualifiant ces derniers de " requins " à l'égard de leurs distributeurs ; que la cour d'appel a pu en déduire, sans modifier les termes du litige, que la diffusion systématique de ces documents aux professionnels faisant partie du réseau de distribution de l'importateur de la marque Nissan doit être considérée comme une tentative de désorganisation de ce réseau et constitue un acte de concurrence déloyale; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen : - Attendu que la société Cecopart fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à une somme de 300 000 F de dommages-intérêts alors, selon le pourvoi, que les juges du fond, liés par les conclusions des parties, ne peuvent introduire, pour apprécier l'existence du préjudice subi par une partie, de faits qui ne soient allégués par celle-ci ; qu'en l'espèce actuelle, dans ses conclusions du 23 septembre 1993, la société Nissan invoquait seulement le fait que son image de marque soit ternie dans l'esprit des consommateurs et dans l'esprit des concessionnaires, et que, du fait de Cecopart les concessionnaires Nissan sont découragés ; que la société Cecopart aurait constitué un réseau équivalent à celui de Nissan à la revente, que dans ses conclusions du 26 août 1994, elle invoquait le fait qu'aux termes de la jurisprudence de la Cour de Cassation, le préjudice s'induirait directement de l'existence des faits de concurrence déloyale ; qu'il importait peu de savoir si certains concessionnaires ont abandonné le réseau ; qu'en se fondant, pour établir et évaluer le préjudice de la société Nissan France sur le fait que celle-ci aurait été contrainte d'entreprendre des actions coûteuses en vue de restaurer la confiance de ses partenaires, la décision attaquée s'est fondée sur des faits qui n'étaient pas allégués par la société Nissan et a, par là-même, violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que c'est sans dénaturer les termes du litige que l'arrêt constate que les agissements de la société Cecopart ont créé un trouble au sein du réseau de distribution de la marque Nissan en altérant l'image de l'importateur exclusif vis-à-vis des membres du réseau, trouble constitutif d'un préjudice dont il a apprécié souverainement le montant par l'évaluation qu'il en a faite; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.