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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 19 juin 1997, n° 96-04274

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Audi AG (société), Groupe Volkswagen France (SA), Volkswagen AG (société)

Défendeur :

Arias automobile (société)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brignol

Conseillers :

MM. Cousteaux, Lopez-Terres

Avoués :

SCP Sorel Dessart, SCP Rives Podesta

Avocats :

SCP Vogel, SCP Cambon Saint Prix.

TGI Montauban, prés., du 23 juill. 1996

23 juillet 1996

Par exploit du 14 Juin 1996, la SA Groupe Volkswagen France (ci-après désignée VWF), la société Volkswagen AG (ci-après désignée VWAG) et la société Audi AG ont fait assigner en référé devant le Président du Tribunal de Grande Instance de Montauban la SARL Arias Automobiles aux fins :

- d'interdire à la SARL Arias Automobiles d'utiliser sous quelque forme que ce soit les marques VAG, VAG France, Volkswagen, Volkswagen France, VW et Audi, ainsi que l'appellation de concessionnaire de ladite marque, sous astreinte de 50.000 F par jour de retard.

- d'ordonner à la SARL Arias Automobiles de retirer de ses façades l'ensemble des panonceaux et de la signalétique Volkswagen et Audi, pré-signalisations incluses, sous astreinte de 50.000 F par jour de retard.

- d'interdire à la SARL Arias Automobiles d'utiliser dans ses documents commerciaux, toutes références au marques et aux logos VAG, VAG France, Volkswagen, Volkswagen France, VW et Audi, sous astreinte de 50.000 Frs par jour de retard.

- d'ordonner la publication aux frais de la SARL Arias Automobiles dans deux journaux locaux en vertu de l'ordonnance à intervenir d'un communiqué.

- de condamner la SARL Arias Automobiles à payer 10.000 F en application de l'article 700 du NCPC

Dans son ordonnance du 23 Juillet 1996, le juge des référés a tout d'abord considéré qu'il était établi, de manière certaine que la SARL Arias Automobiles a utilisé les signes distinctifs des marques Volkswagen et Audi, sans l'autorisation des titulaires de ces marques protégées puisqu'elle n'est pas concessionnaire du réseau de distribution Volkswagen-Audi.

Il a ensuite retenu que la société Arias a continué à les utiliser après le premier constat et la sommation interpellative du 13 mars 1996, ainsi que cela résulte du deuxième constat du 29 Avril 1996.

Il est donc apparu que la société Arias avait commis des actes de concurrence déloyale créant un trouble manifestement illicite même si elle a justifié par un constat du 1er Juillet 1996 qu'il n'y a avait plus dans le garage de panneau portant la marque Volkswagen ou Audi.

Cependant il a été relevé que la société Arias avait opposé à la vue du public une banderole portant l'inscription " Importateur Volkswagen et Audi véhicules récents ", mais le juge a estimé que par référence au règlement CE 1475-95 du 28/6/95 et à l'article 713-4 du Code de la Propriété Industrielle, il était possible à un revendeur dépourvu de la qualité de commissionnaire du réseau de distribution d'une marque automobile, de faire usage de cette marque, à condition de ne pas avoir acquis les produits couverts par la marque, de manière irrégulière notamment en participant au non-respect, par un distributeur agrée, de l'interdiction contractuelle de vendre à un revendeur non membre du réseau de distribution. En l'espèce, le premier juge a estimé qu'il n'était pas établi que la société Arias ait acquis irrégulièrement les produits Volkswagen et Audi de sorte qu'il ne lui a pas semblé certain que l'usage des noms Volkswagen et Audi, accolés à la prestation d'importation, soit en lui même illicite. En conclusions il est apparu à la juridiction que le trouble manifestement illicite invoqué n'était pas établi en ce qui concerne l'apposition de la banderole " Importateur Volkswagen Audi ".

Cependant, il est apparu nécessaire, en raison des contrefaçons antérieures et de sa réticence, de prévenir le renouvellement des troubles illicites en interdisant, sous astreinte, à la SARL Arias, l'usage des marques Volkswagen et Audi (à l'exception de la mention inscrite sur la banderole). En outre le trouble ayant cessé, il n'a pas été fait droit à la demande de publication.

C'est ainsi que le juge des référés a :

- constaté que la SARL Arias Automobile a supprimé tout signe distinctif, panonceaux, chapeaux, publicité ... des marques Volkswagen et Audi caractéristiques de l'appartenance du réseau de distribution de ces marques.

- dit qu'il n'était pas établi que l'apposition par la SARL Arias de la banderole " Importateur Volkswagen Audi Véhicules récents " constitue un trouble manifestement illicite.

- rejeté les demandes des sociétés Volkswagen et Audi tendant à faire supprimer cette banderole et à interdire l'usage de l'appellation d'importateur.

- en tant que de besoin, interdit à la SARL Arias de faire usage dans son garage et sur ses papiers commerciaux des marques VAG, VAG France, Volkswagen, Volkswagen France, VW et Audi sous quelque forme que ce soit (à l'exception de la mention " importateur Volkswagen Audi") et ce sous astreinte de 10.000 F par infraction constatée.

- rejeté la demande de publication.

Enfin, la société Arias Automobile était condamnée à payer à la société Groupe Volkswagen France la somme de 5.000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

La société Groupe VWF, la société VWAG et la société Audi AG ont régulièrement relevé appel de cette ordonnance. Elles en demandent la confirmation sur les interdictions prononcées à l'encontre de la société Arias Automobile et sur la condamnation de celle-ci à payer 5.000 F par application de l'article 700 du NCPC.

Elles en demandent l'infirmation, en ce qu'il a été jugé qu'il n'était pas établi que l'apposition par la société Arias de la banderole " Importateur Volkswagen, véhicules récents " constitue un trouble manifestement illicite, et en ce que leur demande tendent à faire supprimer la banderole mentionnant " Importateur Volkswagen-Audi " a été rejetée.

Elles demandent qu'interdiction soit faite à la société Arias Automobile d'utiliser les termes " Importateur Volkswagen-Audi " sous quelque forme que ce soit et ce sous astreinte de 10.000 F par infraction constatée.

Enfin, la société Volkswagen France sollicite 15.000 F par application de l'article 700 du NCPC

Les appelants soutiennent que Arias Automobile n'est pas en droit de se targuer de l'indication " Importateur Volkswagen-Audi. Cette appellation constitue un trouble manifestement illicite car susceptible de tromper les clients sur l'appartenance du réseau de concessionnaires exclusifs de Volkswagen France. A ce titre cette mention constitue un acte de concurrence déloyale.

Elles soulignent que pour entretenir une confusion optimale, Arias ne prétend pas être importateur de véhicules Volkswagen et Audi, mais " importateur Volkswagen et Audi ".

Selon elles, la mention " véhicules récents " n'enlève rien à l'apparence officielle de l'activité d'Arias. De plus il leur apparaît que dans la mesure où des véhicules de marques différentes sont distribuées par Arias, celle-ci ne peut se prétendre importateur d'une marque spécifique.

Selon les appelants, si elle le fait, c'est bien pour entretenir une confusion sur sa qualité de concessionnaire : en effet un mandataire n'est ni un vendeur, ni un importateur d'une marque spécifique. Elles soulignent encore que la référence faite par Arias sur sa qualité d'importateur reste inexacte car cette qualité est contractuellement consentie à la seule société Volkswagen France et que de plus la qualité de mandataire ne confère aucun droit sur cette qualité puisqu'un importateur est un opérateur qui achète sur un marché étranger et qui revend des véhicules. Or, un mandataire n'achète pas en son nom et pour son compte puisque la facture est établie entre le vendeur étranger et le client.

Il leur apparaît en fait que le premier juge ne s'est fondé que sur la notion d'usage de marque alors que la demande était fondée sur la concurrence déloyale, et qu'il s'est laissé abuser par les arguments relatifs au droit d'exercer l'activité de revendeur ou de mandataire automobile et sur le droit d'usage des marques.

Les appelants estiment que les moyens retenus sont sans fondement dès lors que la demande des sociétés Volkswagen et Audi n'était pas fondée sur l'exercice des droits des mandataires ou revendeurs automobiles, ni sur le délit d'usage de marque, mais sur la confusion entretenue sciemment par Arias, sur sa qualité de revendeur agréé Volkswagen et Audi, c'est à dire, sur le fondement de l'action en concurrence déloyale.

Les appelants soulignent qu'en effet, quels que soient les droits reconnus aux mandataires et aux revendeurs en matière de véhicule automobile, ils ne sont pas autorisés à se faire passer comme membre d'un réseau de vendeur agréé.

La société Arias conclut au contraire à la confirmation de l'ordonnance entreprise et sollicite 20.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Elle soutient principalement que les appellations qu'elle utilise n'entraînent aucune confusion et que les couleurs des concessions Volkswagen sont grise et blanche alors que le garage Arias est peint en bleu et blanc.

Elle estime qu'il lui est loisible comme à tout importateur d'avoir à la fois une activité de revendeur indépendant de véhicules et d'intermédiaire mandaté. Invoquant la jurisprudence de la Cour de Justice, elle estime avoir la possibilité de se livrer à la vente de véhicules récents de marques Volkswagen ou Audi, comme elle l'indique sur les publicités connues du public.

Dans leurs conclusions du 15 Avril 1997, les appelants soulignent que la question soumise à la Cour est de savoir si le fait de se prétendre " Importateur Volkswagen et Audi " est licite ou si au contraire une telle appellation entretient une confusion dans l'esprit du public sur l'appartenance au réseau de revendeurs agréés par la société Volkswagen France.

Elles indiquent également que la mention " véhicules récents " inscrite en petits caractères ne peut avoir pour conséquence d'éradiquer la confusion. En effet, les termes " Importateurs Volkswagen et Audi " sont à eux seuls suffisants pour créer la confusion recherchée sur l'appartenance au réseau de Volkswagen France.

Elles précisent enfin que la quasi totalité des concessions agréés Volkswagen et Audi sont de couleurs bleu et blanche, de sorte que par l'utilisation de ces mêmes couleurs, Arias conforte la confusion qu'elle entretient.

Sur quoi

Ainsi que le rappellent les appelantes, le débat soumis à la Cour ne porte pas sur la licéité des ventes, telles qu'elles sont pratiquées par la société Arias, au regard de la jurisprudence et de la réglementation communautaire, mais de rechercher si le fait pour Arias de se prétendre " Importateur Volkswagen et Audi " est licite, ou si, au contraire, une telle appellation entretient une confusion dans l'esprit du public sur l'appartenance au réseau de revendeurs agrées par la société Volkswagen France.

On peut d'emblée noter, avec les appelants, que la société Arias se prétend " importateur Volkswagen et Audi " et non pas importateur de véhicules Volkswagen et Audi. Ce faisant il est clair que la société Arias revendique aux yeux du public davantage d'importation des marques que de véhicules ce qui peut faire croire en effet que bénéficiant du statut spécial d'importateur de ces marques, elle bénéficie en retour de leur part d'un statut officiel pouvant être proche de celui de concessionnaire. Ainsi se retrouve mis en évidence un premier élément de confusion.

Mais la confusion est également entretenue par la couleur du garage Arias, même si comme il le soutient, la concession locale est de couleur différente, dès lors qu'il n'est pas contesociété que la quasi totalité des concessions agréées Volkswagen et Audi sont revêtues des couleurs bleu et blanche qui sont celles utilisées par la société Arias.

Surtout, c'est à la lumière du comportement antérieur qu'il faut rechercher si l'utilisation actuelle et persistante de l'appellation litigieuse entretient ou non une confusion fautive. A cet égard, il est certain, ainsi que l'a retenu le premier juge qui doit être confirmé sur ce point, que la société Arias a antérieurement aux constats d'huissier des 11 Mars et 29 Avril 1996 utilisé les signes distinctifs des marques Volkswagen et Audi, sans autorisation, donnant alors à penser à sa clientèle qu'elle faisait partie du réseau de distribution Volkswagen-Audi, commettant ainsi des actes de concurrence déloyale. Cette clientèle n'a évidemment pas disparu et ignorant la concurrence déloyale alors commise ne manquera pas le cas échéant de retrouver dans l'appellation litigieuse la confirmation de l'appartenance au réseau agréé des deux marques, et ce d'autant plus, que cette banderole existait déjà au moment de la concurrence déloyale.

Contrairement à ce qui est soutenu, la confusion ne saurait être écartée par l'utilisation des termes " véhicules récents ". En effet, non seulement le caractère minuscule de cette mention atteste encore la volonté de confusion mais de plus, cette mention n'enlève rien à l'apparence officielle de l'activité d'Arias.

De plus, dans la mesure où des véhicules de plusieurs marques différentes sont distribués par Arias, on voit mal pourquoi celle-ci tient absolument à se prétendre importateur d'une marque spécifique. Si elle le fait comme le soulignent les appelantes, c'est bien pour entretenir une confusion sur sa qualité de concessionnaire, puisqu'un mandataire n'est ni un vendeur ni un importateur d'une marque spécifique. Au demeurant, on peut également noter que si la marque Mercedes apparaissait dans le constat du 29 Avril 1996, celle-ci a disposé du contrat du 1er Juillet 1996, aux termes duquel seule subsiste "Importateur Volkswagen Audi".

Quels que soient les droits reconnus aux mandataires et revendeurs en matière de véhicules automobiles, ils ne sauraient être autorisés, au prix d'une concurrence déloyale constituant un trouble manifestement illicite, à se faire passer frauduleusement comme membre d'un réseau de vendeurs agréés ainsi que cela résulte suffisamment de l'ensemble des éléments de la cause.

Il convient par conséquence d'infirmer partiellement l'ordonnance déférée et d'interdire à la société Arias Automobiles l'emploi des termes " Importateur Volkswagen et Audi " et ce sous astreinte de 10.000 F par infraction constatée.

La société Arias qui succombe sera tenue aux dépens ainsi qu'à verser à la société Volkswagen France la somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Par ces motifs : LA COUR ; Reçoit l'appel jugé régulier ; le dit bien fondé. Confirme l'ordonnance déférée sur l'interdiction assortie de l'astreinte de 10.000 F prononcée à l'encontre de la société Arias ainsi que sur la condamnation fondée sur l'article 700 du NCPC. L'infirmant pour le surplus fait interdiction à la société Arias Automobile d'utiliser les termes " Importateur Volkswagen Audi " sous quelque forme que ce soit et ce sous astreinte de 10.000 F par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt.