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Décisions

Cass. com., 27 mai 1997, n° 95-16.622

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Herrero

Défendeur :

Devy

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Boré, Xavier, SCP Delaporte, Briard.

Cass. com. n° 95-16.622

27 mai 1997

LA COUR : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Rouen, 20 avril 1995) que, par acte sous seing privé du 2 avril 1991, les époux Herrero ont vendu à Mme Devy un fonds de coiffure "mixte" dont ils étaient propriétaires à Malaunay (76770); qu'à cette occasion, les vendeurs se sont engagés à ne pas exploiter, diriger directement ou indirectement, même à titre de salariés ayant contact avec la clientèle, aucun fonds de commerce similaire dans un rayon de 5 000 mètres à vol d'oiseau pendant une durée de 5 années; qu'il était toutefois prévu, par dérogation à ce principe, que les époux Herrero exploitaient deux autres salons de coiffure, l'un à Maromme et l'autre à Montville; que Mme Devy était informée de cette exploitation et s'engageait à n'exercer aucun recours contre les époux Herrero quant à la clause de non-concurrence prévue par le contrat; qu'à la fin de l'année 1992, Mme Devy a appris que les époux Herrero s'apprêtaient à créer un nouveau fonds de coiffure à Maromme en y transférant le fonds de commerce qu'ils avaient conservé dans cette même ville; qu'elle a alors fait savoir à ces derniers qu'elle s'opposait à ce transfert qui était contraire aux engagements qu'ils avaient souscrits; que les parties se seraient alors rapprochées, Mme Devy donnant son accord au transfert du salon de coiffure en contrepartie d'une indemnité forfaitaire de 150 000 francs payable en 40 mensualités; que cet accord a fait l'objet d'une convention en date du 15 décembre 1992; que toutefois, le 12 janvier 1993, les époux Herrero ont assigné Mme Devy en nullité de cet accord pour violence par contrainte morale et, subsidiairement, pour absence de cause; que Mme Devy a reconventionnellement réclamé le paiement de l'intégralité de l'indemnité convenue, le premier billet à ordre souscrit par les époux Herrero étant revenu impayé ;

Sur le premier moyen : - Attendu que les époux Herrero font grief à l'arrêt confirmatif de les voir condamnés à payer à Mme Devy la somme de 150 000 francs, alors, selon le pourvoi, qu'il résulte de l'acte de vente du 2 avril 1991 que "M. et Mme Herrero précisent qu'ils exploitent deux autres salons de coiffure, l'un à Maronne, 127, rue des Martyrs de la Résistance, et l'autre à Montville, 12, rue Sadi-Carnot. Mlle Tailleux déclare être informée de l'exploitation de ces deux salons de coiffure et s'engage à n'employer aucun recours contre M. et Mme Herrero quant à la clause de non-concurrence ci-dessus stipulée, pour l'exploitation de ces deux salons", que, le 18 novembre 1992, les exposants ont transféré leur salon du 12, rue Sadi-Carnot dans un autre, à 80 mètres de celui-ci, situé 13, Pace du Marché; qu'en déclarant que ce transfert constituait une violation de la clause de non-concurrence aux motifs qu'il y aurait eu augmentation de surface et extension à la clientèle féminine bien que l'acte de vente ne spécifiait pas l'activité du fonds 12, rue Sadi-Carnot ni davantage sa superficie, pour les condamner à payer une somme de 150 000 francs à Mme Tailleux épouse Devy, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1382 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui s'est référée à la clause de non-concurrence contenue dans l'acte de vente du 2 avril 1991, a constaté qu'il résultait "tant de la lettre que de l'esprit des sitpulations correspondantes,que l'exception convenue au profit des époux Herrero" devait s'entendre du fonds de commerce de Maromme qu'ils conservaient "dans sa nature et sa consistance à la date de la vente" et a déduit de ces constatations que le transfert de ce fonds de commerce "ne pouvait à l'évidence s'accompagner de circonstances -telles que substantielle augmentation de la superficie du salon, extension à la clientèle féminine- bouleversant les données du maintien d'une concurrence étroitement circonscrite"; qu'ainsi la cour d'appel n'a pas encouru les griefs du moyen ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen : - Attendu que les époux Herrero font grief à l'arrêt d'avoir refusé d'annuler la convention du 15 décembre 1992 et de les avoir condamnés à payer une somme de 150 000 francs à Mme Devy, alors, selon le pourvoi, que les époux Herrero avaient fait valoir que c'était sous la menace de fermeture de leur fonds qu'ils avaient été obligés de signer un protocole litigieux mettant à leur charge le paiement d'une somme de 150 000 francs et en déduisaient que leur consentement avait été vicié pour violence morale, que l'existence de ce vice du consentement n'est pas nécessairemet concomitant à l'acte entaché de ce vice, qu'en écartant la violence morale alléguée, aux motifs inopérants que les exposants seraient des professionnels avertis, qu'ils auraient postérieurement à ce protocole émis des billets à ordre et que ces pourparlers seraient intervenus dans les quelques jours précédant la signature du protocole, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1111 et suivants du Code civil;

Mais attendu que, tant par motifs propres qu'adoptés, la cour d'appel, pour écarter la violence morale dont auraient été victimes les époux Herrero lorsqu'ils ont signé l'accord conclu le 15 décembre 1992 en vue d'indemniser Mme Devy, a relevé, non seulement l'expérience professionnelle des vendeurs du fonds de commerce, mais également la circonstance que cet accord avait fait l'objet de négociations entre les conseils des deux parties "plusieurs jours" avant la signature de la convention; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel n'encourt pas les griefs du moyen; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.