CA Rennes, 5e ch., 29 avril 1997, n° 96-3783
RENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Painchaud
Défendeur :
Photogravure de l'Ouest (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Burdeau
Conseiller :
Mmes Algier Citray
Avocats :
Mes Masson, Treguier.
Monsieur Jean-Claude Painchaud a été employé du 12 mars 1987 au 23 mai 1989, en qualité de Monteur-Couleur en photogravure par la SA " Photogravure de l'Ouest ".
A compter du 1er juin 1989 il est engagé comme attaché commercial par la SARL " 7 Photogravure " qui a fait l'objet d'une fusion-absorption par la société " Photogravure de l'ouest " en décembre 1933.
Monsieur Painchaud a été licencié le 14 octobre 1994 pour motif économique.
Contestant le motif de ce licenciement et revendiquant le statut de VRP Monsieur Painchaud a saisi le Conseil de prud'Hommes de Rennes le 23 octobre 1995.
Par jugement en date du 30 avril 1996, cette juridiction a débouté Monsieur Painchaud de l'ensemble de ses demandes.
Monsieur Painchaud a régulièrement interjeté appel de cette décision le 7 mai 1996.
Il fait valoir qu'il exerçait une activité correspondant au statut de VRP tel que défini par la loi et la jurisprudence, que son chiffre d'affaires était en hausse et son secteur rentable, que son poste n'a pas été supprimé mais confié à Monsieur Lesaux. Il présente les demandes suivantes :
- Au titre du statut de VRP :
* 28 156,70 F, indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents.
* 331 933 F contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence.
* 248 000 F indemnité de clientèle, avec remise des bulletins de paie correspondants.
- Au titre du licenciement :
* 1 800 000 F au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
* 18 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Photogravure de l'Ouest réplique que Monsieur Painchaud n'avait pas de secteur d'activité délimité, qu'il ne justifie pas d'une clientèle, qu'il ne peut se prévaloir d'un exercice exclusif et constant de son activité au profit de son employeur, qu'il ne peut donc prétendre au statut de VRP. Elle précise qu'à la suite de son licenciement, Monsieur Painchaud a été engagé par la société Quadriscan et qu'il n'a créé aucune clientèle ce qui exclut toute indemnisation de ce chef ou au titre de la clause de non-concurrence. Elle indique par ailleurs que les difficultés économiques qu'elle rencontrait ont nécessité une restructuration de l'entreprise avec suppression de postes.
A titre reconventionnel la société Photogravure de l'Ouest expose que Monsieur Painchaud en travaillant pour le compte de la société Quadriscan du 1er novembre 1994 au 15 avril 1995 a violé la clause de non-concurrence et doit être condamné en conséquence à lui verser une somme de 120 000 F à titre de dommages-intérêts.
Elle sollicite également une somme de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Discussion et décision :
Considérant que les parties ont défini leurs relations par plusieurs contrats successifs ; que le contrat du 2 janvier 1993 doit seul être pris en compte dans la mesure où il redétermine entièrement les conditions d'emploi et de rémunération de Monsieur Painchaud ;
Considérant que ce contrat fait référence à la Convention Collective Nationale des Imprimeurs de Labeur et Industries Graphiques ; que le poste occupé par Monsieur Painchaud est qualifié de " Technico-Commercial " ; que le lieu de travail est la région de l'Ouest, départements 35 et 53 à la date de la signature du contrat, avec possibilité de changement d'affectation au sein de cette région selon les besoins de l'entreprise ; que la rémunération comprend un fixe et des commissions calculées sur les commandes menées à bonne fin ; qu'une clause de non-concurrence est prévue pour une durée de 24 mois à compter de la rupture du contrat sur la zone antérieure de prospection ; qu'aucune contrepartie financière n'a été fixée ;
Considérant qu'il résulte de ce contrat que le secteur géographique de prospection n'est pas fixe, qu'il est soumis aux besoins de l'entreprise et donc aux décisions de ses dirigeants; que de plus Monsieur Painchaud ne peut se prévaloir de la non-application de la clause de contrat; qu'en effet ce contrat signé en janvier 1993 a été rompu en octobre 1994, soit une courte période d'exécution, et que d'autre part, Monsieur Painchaud avait antérieurement occupé ce même poste en partageant la clientèle D'Ille-et-Vilaine avec Monsieur Janvier ; qu'à partir de janvier 1994 c'est Monsieur Lesaux qui sera affecté sur ce département ; que Monsieur Painchaud lui-même sur son curriculum vitae produit aux débats reconnaît avoir également travaillé sur les départements 22 et 29 ; qu'ainsi la clause de mobilité géographique, non contredite par l'activité effective de Monsieur Painchaud ne lui permet pas d'obtenir le statut de VRP revendiqué; que le jugement sera confirmé sur ce point ;
Considérant en ce qui concerne le licenciement que le motif économique allégué est une baisse conjoncturelle importante du niveau d'activité dans la profession et une baisse du chiffre d'affaires dans la société entraînant une restructuration de l'entreprise avec suppression du poste occupé par Monsieur Painchaud.
Considérant que le seul élément produit par la société Photogravure de l'Ouest est un tableau comparatif du chiffre d'affaires ; que toutefois seuls les mois de janvier à août sont pris en compte ce qui enlève tout caractère probant à ce document ; que la pièce fournie par Monsieur Painchaud, non contestée par son ex-employeur atteste d'un redressement de la société au cours de l'année 1994 ;
Considérant de plus qu'aucun élément n'est fourni sur la restructuration qui aurait été faite au sein de l'entreprise ;
Considérant qu'aucun motif conjoncturel ou structurel n'étant établi il convient de dire que le licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le préjudice de Monsieur Painchaud peut être évalué à 140 000 F ;
Considérant que la clause de non-concurrence limitée dans le temps et l'espace n'était pas de nature à empêcher Monsieur Painchaud d'exercer une activité professionnelle conforme à sa qualification ; que par ailleurs Monsieur Painchaud a été présent dans l'entreprise Quadriscan dans le cadre de la Convention de Conversion pour un stage d'adaptation avant embauche ; que la société Photogravure de l'Ouest ayant soulevé en justice la question de la violation de la clause de non-concurrence, aucun contrat de travail n'a été signé avec Quadriscan ;
Considérant en conséquence que les deux parties seront donc déboutées de ce chef ;
Considérant enfin que les frais irrépétibles engagés par Monsieur Painchaud dans la présente instance justifient que lui soit allouée une somme de 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement par arrêt contradictoire ; Réformant partiellement le jugement ; Condamne la SA " Photogravure de l'Ouest " à verser à Monsieur Jean-Claude Painchaud : - la somme de 140 000 F (cent quarante mille francs) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; - la somme de 6 000 F (six mille francs) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Ordonne le remboursement par la SA Photogravure de l'Ouest aux organismes concernés des allocations chômage versées à Monsieur Painchaud dans la limite de 6 mois d'indemnité ; Rejette toutes autres demandes des parties ; Condamne la société Photogravure de l'Ouest aux dépens.