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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch. civ., 3 avril 1997, n° 94-1701

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ciemi (SA)

Défendeur :

SEDIF (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dragon

Conseillers :

M. Isouard, Mme Cordas

Avoués :

SCP Aube-Bottai, SCP De Saint-Ferreol-Touboul

Avocats :

Mes Tanton, Boisneault.

TGI Marseille, du 25 nov. 1993

25 novembre 1993

Exposé du litige

La Société Ciemi, fabricant d'appareils électroménagers, commercialise depuis 1989, un appareil combinant table de cuisson, four et lave-vaisselle sous le nom de " Trio " " qu'elle associe à sa dénomination commerciale Candy, en général sous la forme Trio de Candy. La Société Européenne de Diffusion (Sedif) vend un appareil similaire sous les appellations " Trio Résidence Star " et " Trio Résidence Sancy " qu'elle a déposées comme marque le 5 juillet 1991.

Estimant que l'utilisation du mot " Trio " par la Sedif pour désigner un produit identique au sien constituait une concurrence déloyale, la société Ciemi l'a attraite devant le tribunal de grande instance de Marseille. Par jugement du 25 novembre 1993, elle a été déboutée de ses demandes.

Le 29 décembre 1993, la société Ciemi a interjeté appel de cette décision.

Elle soutient qu'en choisissant le terme " Trio ", connu du public comme désignant un produit " Candy " et en associant en outre à ce vocable le nom de " Sancy " qui ressemble tant visuellement ou phonétiquement au nom commercial Candy, la Sedif a cherché à bénéficier de l'avance que la société Ciemi s'était constitué sur le marché de l'électroménager, détournant à son profit, par la confusion ainsi créé, sa clientèle.

Elle reproche aussi à la Sedif d'avoir déposé à titre de marque, la dénomination " Trio " seulement pour l'empêcher de l'utiliser, agissant ainsi de manière frauduleuse, fraude d'autant plus manifeste qu'elle n'utilise pas dans ses publicités les marques déposées mais uniquement l'expression " Trio Sancy " ;

Elle sollicite avec l'infirmation du jugement attaqué :

- la nullité partielle des marques " Trio Résidence Star " et " Trio Résidence Candy " en ce qu'elles comportent le mot " Trio ".

- l'interdiction pour la Sedif d'user du terme " Trio " pour désigner des produits similaires aux siens sous astreinte définitive de 1 000 F par infraction constatée.

- l'inscription de cet arrêt en marge du Registre national des marques de l'INPI

- la condamnation de la Sedif à lui payer la somme de 300 000 F de dommages intérêts pour concurrence déloyale.

- la publication de cet arrêt dans cinq journaux de son choix ; aux frais de la Sedif à concurrence de 25 000 F par insertion,

- la condamnation de la Sedif à lui payer la somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

La Sedif conclut à la confirmation de la décision déférée et à la condamnation de la société Ciemi à lui payer la somme de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Elle soutient que le terme " Trio " n'est pas protégeable car il présente un caractère générique et n'a pas au surplus été déposé comme marque. Elle prétend également que l'appareil de son adversaire est commercialisé sous le nom de " Trio " et non pas de " Trio Candy " et qu'elle vend le sien sous la marque " Trio Résidence ", qu'ainsi il ne peut lui être apposé une ressemblance, d'ailleurs inexistante, entre les noms " Trio Candy " et " Trio Sancy ".

Enfin, elle nie que son adversaire ait subi un préjudice.

Motifs de la décision

La recevabilité de l'appel n'est pas contestée et rien dans le dossier des parties ne conduit la cour à la décliner d'office. L'appel sera reçu.

La société Ciemi n'est pas le créateur du terme " trio " nom courant de la langue française qui signifie réunion de trois personnes ou de trois choses.

Elle n'a pas déposé ce mot comme marque soit seul, soit associé avec un autre notamment avec son nom commercial Candy.

Ne bénéficiant d'aucun droit privatif sur ce terme, elle ne peut s'opposer à ce que la Sedif l'emploie, surtout pour désigner un appareil combinant trois fonctions habituellement séparées.

Le dépôt par la Sedif de marques comportant le mot " Trio " ne s'avère pas frauduleux. Tout d'abord cela ressort du caractère pour le moins fortement évocateur de ce mot. Ensuite il n'existait pas de rapports commerciaux entre la société Ciemi et la Sedif et donc, ce n'est pas à l'occasion de ceux-ci que cette dernière a découvert l'usage de ce terme.

Enfin le dépôt des marques n'a pas été fait pour interdire à la société Ciemi l'emploie du mot " Trio " car la Sedif, non seulement n'a jamais formé aucune demande en ce sens, mais au contraire, allègue dans ses écritures que ce mot n'est pas à lui seul protégeable, car descriptif d'une qualité essentielle de l'appareil.

Il n'est pas justifié non plus que la désignation de l'appareil de la société Ciemi par " Trio Candy " ait acquis une notoriété.

Si la société Ciemi souligne la ressemblance entre son nom commercial Candy et le mot Sancy utilisé par son adversaire et prétend que l'association par ce dernier des termes Trio et Sancy est de nature à créer une confusion dans le public, elle ne se plaint pas d'une violation de ses droits par l'usage du seul mot Sancy et ne tire de cet emploi aucune conséquence sur la validité des marques déposées par la Sedif puisqu'elle sollicite seulement la nullité partielle de ces marques en ce qu'elles comportent le mot " Trio ".

Ainsi les marques " Trio Résidence Star " et " Trio Résidence Sancy " déposées par la Sedif s'avèrent valables.

L'usage par la Sedif de ces marques dont elle est régulièrement propriétaire pour les produits pour lesquels leur dépôt a été effectué, ne saurait être fautifmême en l'absence du terme " Résidence " nullement nécessaire pour assurer aux dites marques leur caractère distinctif.

Dès lors en l'absence de faute de son adversaire la société Ciemi ne peut se plaindre d'une concurrence déloyale ou d'un quelconque parasitisme qui proviendrait de l'utilisation des marques.

La confirmation de la décision attaquée s'impose.

Succombant à son appel la société Ciemi doit être condamnée à payer à la Sedif la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire ; Reçoit l'appel, Confirme le jugement du 25 novembre 1993 du tribunal de grande instance de Marseille. Y ajoutant, Condamne la société Ciemi à payer à la société Européenne de Diffusion la somme de 10 000 F (Dix Mille Francs) au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile. Condamne la société Ciemi aux dépens et autorise la SCP d'Avoués de Saint-Ferreol-Touboul à recouvrer directement ceux d'appel dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.