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Décisions

CA Lyon, 1re ch., 16 janvier 1997, n° 94-04321

LYON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Entrecôte (SA), Gineste de Saurs

Défendeur :

Maison de l'Entrecôte (SA), Reverdy (ès qual.), Entrecôte Grenoble (SARL), CT Restauration (SARL), L'Entrecôte (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mermet

Conseillers :

Mme Biot, M. Jacquet

Avoués :

SCP Junillon-Wicky, Me Morel, SCP Brondel-Tudela

Avocats :

Me Véron, SCP Berlioz, Lévy.

TGI Lyon, du 9 mai 1994

9 mai 1994

Faits procédure prétentions des parties

Titulaire de la marque l'Entrecôte enregistrée à l'INPI sous le numéro 1 56 1935, pour les services de restauration classe 42, Monsieur Henri Gineste de Saurs a créé dans différentes villes de France des restaurants dénommés " L'entrecôte " proposant des menus comprenant notamment une entrecôte accompagnée de pommes frites et d'une sauce.

Estimant que ces sociétés usurpaient cette marque et leur faisaient une concurrence déloyale, Monsieur Henri Gineste de Saurs et la Société l'Entrecôte qu'il avait créée, assignaient la Société Maison de l'entrecôte, la Société T'Bone Entrecôte et la Société l'Entrecôte de Grenoble pour voir cesser les faits et réparer leur préjudice.

Par jugement du 9 mai 1994, auquel la Cour se réfère expressément pour un exposé plus complet des faits et de la procédure, le tribunal de grande instance de Lyon a rendu la décision suivante :

- rejette l'exception d'incompétence territoriale,

- déboute Monsieur Henri Gineste de Saurs et la Société l'Entrecôte de toutes leurs demandes,

- déclare nul l'enregistrement de la marque l'Entrecôte conformément aux dispositions de l'article L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle,

- dit que cette décision sera inscrite sur le registre national des marques sur réquisition du greffier en application des dispositions de l'article 25 du décret du 30 janvier 1992,

- condamne in solidum Monsieur Henri Gineste de Saurs et la Société l'Entrecôte à payer à la Société la Maison de l'Entrecôte la somme de 10 000 F et la somme de 5 000 F à la Société Entrecôte Grenoble, à la Société CT Restauration et à Maître Réverdy, es qualités de liquidateur de la société T'Bone Entrecôte en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- rejette toutes autres demandes des parties,

Monsieur Henri Gineste de Saurs et la Société l'Entrecôte ont régulièrement interjeté appel de cette décision.

Ils exposent que cette dénomination était utilisée depuis 1959 par le père de Monsieur Henri Gineste de Saurs et qu'actuellement ses deux soeurs l'utilisent dans la région parisienne alors qu'il en a l'usage en province et notamment à Toulouse depuis 1962. La société l'Entrecôte a été créée en 1971. Monsieur Henri Gineste de Saurs a également acquis la marque déposée par un restaurant lyonnais en 1972. Il a régulièrement renouvelé ses dépôts. Or, à la fin des années 1980, divers restaurants ont été créés par Monsieur Chartier et La société la Maison de l'Entrecôte à Lyon. En 1989 s'est créée la Société T'Bone Entrecôte pour l'exploitation d'un restaurant à Lyon et la même année se créait la Société Entrecôte Grenoble.

Monsieur Henri Gineste de Saurs et la Société l'Entrecôte, soutiennent que l'Entrecôte est une marque qui peut être protégée pour désigner des services de restauration puisque ce terme n'est pas la désignation nécessaire générique et usuelle du service désigné, les restaurants de Monsieur Henri Gineste de Saurs servent d'autres pièces de viande que de l'entrecôte. Ils servent aussi des desserts.

Les appelants soutiennent qu'ils sont titulaires de la marque et qu'ils l'exploitent régulièrement.

Ils reprochent à leurs adversaires une contrefaçon de leur marque : c'est en effet la dénomination l'Entrecôte qui domine dans les restaurants de la société La Maison de l'Entrecôte. Leur dénomination sociale crée le risque de confusion, car Monsieur Henri Gineste de Saurs a été alerté par ses clients de la création des restaurants des intimés.

Enfin, Monsieur Henri Gineste de Saurs et la Société l'Entrecôte soutiennent que leur action en concurrence déloyale est également fondée tant du fait du risque de confusion que par parasitisme.

Ils prient donc la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté l'exception d'incompétence territoriale opposée par la Société Entrecôte Grenoble,

- l'infirmer en ce qu'il a déclaré que la dénomination l'Entrecôte n'était pas distinctive pour désigner les services de restauration,

- en conséquence infirmer ce jugement en ce qu'il a déclaré la marque l'Entrecôte nulle pour défaut de distinctivité,

- en revanche, confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré que les droits de Monsieur Henri Gineste de Saurs sur la marque l'Entrecôte remontent au premier dépôt de la marque en date du 2 octobre 1969 sous le numéro 807 832,

- confirmer ce jugement en ce qu'il a dit que les droits de Monsieur Henri Gineste de Saurs et de la Société l'Entrecôte sont antérieurs à ceux dont la Société La Maison de l'Entrecôte se prévaut pour la dénomination La Maison de l'Entrecôte,

- dire que la société La Maison de l'Entrecôte, la Société Entrecôte Grenoble et la Société T'Bone Entrecôte ont commis des actes de contrefaçon ou à tout le moins d'imitation de la marque l'Entrecôte appartenant à Monsieur Henri Gineste de Saurs,

- dire que la société La Maison de l'Entrecôte, la Société Entrecôte Grenoble, la société CT Restauration et la Société T'Bone Entrecôte ont commis des actes d'usurpation de la dénomination sociale de la société l'Entrecôte,

- dire que la société La Maison de l'Entrecôte, la Société Entrecôte Grenoble, la société CT Restauration et la Société T'Bone Entrecôte ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société l'Entrecôte,

- faire défense aux dites sociétés de récidiver sous astreinte définitive de 1 000 F par infraction constatée, dès la signification du présent arrêt, étant précisé que chaque usage de la marque ou de la dénomination sociale l'Entrecôte devra être considéré au regard de cette disposition comme une infraction distincte,

- condamner la société La Maison de l'Entrecôte, la Société Entrecôte Grenoble, la société CT Restauration et la Société T'Bone Entrecôte in solidum entre elles à payer 100 000 F à titre de dommages et intérêts à Monsieur Henri Gineste de Saurs et 100 000 F à titre de dommages et intérêts à la Société l'Entrecôte,

- ordonner la publication du présent arrêt dans cinq journaux aux choix des appelants aux frais de la société La Maison de l'Entrecôte, la Société Entrecôte Grenoble, la Société CT Restauration et la Société T'Bone Entrecôte in solidum à concurrence de 30 000 F hors taxe par insertion,

- condamner in solidum la société La Maison de L'Entrecôte, la Société Entrecôte Grenoble, la Société CT Restauration et la Société T'Bone Entrecôte à payer à chacun des appelants la somme de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Trois Sociétés, l'Entrecôte de Nantes, Bordeaux et Montpellier dont le président directeur général est aussi Monsieur Henri Gineste de Saurs interviennent volontairement devant la Cour au soutient des demandes de Monsieur Henri Gineste de Saurs et de la Société l'Entrecôte Toulouse.

La Société La Maison de l'Entrecôte, la Société Entrecôte Grenoble concluent à la confirmation du jugement.

Elles soutiennent que Monsieur Henri Gineste de Saurs ne peut se prévaloir d'antériorité sur la marque puisqu'il ne peut prétendre à un droit avant 1979, l'acquisition de 1969 ne lui ayant pas cédé de droits. Or à l'époque, Monsieur Chartier utilisait déjà la marque depuis deux ans à Lyon.

Subsidiairement, elles forment une demande en déchéance de la marque, Monsieur Henri Gineste de Saurs ne rapportant pas la preuve de l'usage de sa marque. Elles invoquent la nullité de la marque comme retenue par les premiers juges, en soutenant notamment qu'il existe cent cinquante restaurants sur le territoire national français portant le nom " l'Entrecôte ". Elles soutiennent que si la Cour disait que la marque est valable, les faits de contrefaçon ne sont pas établis du fait de l'adjonction d'autres termes à celui d'entrecôte.

Elles contestent usurper la dénomination sociale et les faits de concurrence déloyale qui leur sont reprochés, qui ne sont pas différents de ceux invoqués pour la contrefaçon.

Elles prient donc la Cour de

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur Henri Gineste de Saurs et la société l'Entrecôte de toutes leurs demandes,

- en ce qu'il a déclaré nul l'enregistrement de la marque l'Entrecôte sous le numéro 1 561 935 conformément aux dispositions de l'article L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle,

- en ce qu'il a dit que cette décision sera inscrite sur le registre national des marques sur réquisition du greffier,

- condamné in solidum Monsieur Henri Gineste de Saurs et la Société l'Entrecôte à payer à la Société La Maison de l'Entrecôte la somme de 10 000 F et la somme de 5 000 F à la Société Entrecôte Grenoble, à la Société CT Restauration et à Maître Reverdy, es qualités de liquidateur de la société T'Bone Entrecôte en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- faire droit à leur appel incident et

- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté leur demande en dommages et intérêts, au titre de l'action et de la procédure abusive,

- condamner Monsieur Henri Gineste de Saurs et la Société l'Entrecôte à payer à la Société La Maison de l'Entrecôte et à la Société Entrecôte Grenoble une somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts,

Subsidiairement et pour le cas où la Cour ne confirmerait pas les dispositions du jugement ayant annulé la marque,

- dire qu'il y a lieu de faire droit à leur action en déchéance de marque,

- déclarer Monsieur Henri Gineste de Saurs déchu de ses droits sur la marque française numéro 1 561 935, encore plus subsidiairement si la Cour ne faisait pas droit à cette action en déchéance,

- dire que les dénominations La Maison de l'Entrecôte et l'Entrecôte Grenoble ne constituent pas une contrefaçon de la marque l'Entrecôte et débouter les appelants de leurs demandes,

En tout état de cause

- Condamner Monsieur Henri Gineste de Saurs et la Société l'Entrecôte à leur payer la somme de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La Société CT Restauration conclut elle aussi à la confirmation du jugement déféré. Elle indique qu'elle vient aux droits, en suite d'un changement de dénomination, de la SARL Entrecôte Presqu'Ile. Elle avait acquis un fonds de commerce de restaurant de la SARL L'Entrecôte comportant l'enseigne et le nom commercial dont elle a usé en toute bonne foi.

Subsidiairement, elle sollicite la garantie de son vendeur. Elle réclame 50 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure Civile.

Maître Reverdy es qualités de mandataire liquidateur de la Société T'Bone Entrecôte, régulièrement assigné n'a pas constitué avoué de sorte que le présent arrêt sera réputé contradictoire.

2 - Motifs et décision

Attendu que la compétence des juridictions lyonnaises n'est plus contestée en cause d'appel ;

- Sur la validité de la marque l'entrecôte

Attendu que la marque revendiquée est utilisée depuis 1969, que la loi applicable est donc celle du 31 décembre 1964, dont les dispositions ont d'ailleurs été reprises par la loi du 28 décembre 1991 ;

Attendu que pour être reconnu comme marque, le signe ou le terme employé doit être distinctif, c'est à dire être apte à distinguer les produits ou services visés dans l'acte de dépôt ;

Attendu que pour être distinctive, une marque ne doit être ni nécessaire, ni générique, ni usuelle, pour distinguer les produits ou services visés dans l'acte de dépôt, ni descriptive de ces mêmes produits ou services ;

Attendu que Monsieur Henri Gineste de Saurs revendique la marque l'Entrecôte pour désigner des restaurants ;

Attendu que le terme Entrecôte désigne une pièce de boeuf découpée entre les côtes c'est à dire un morceau de viande ;

Attendu que ce terme ne constitue pas la désignation générique usuelle et nécessaire d'un restaurant, qu'en effet un restaurant peut être désigné de bien des manières, mais qu'il n'est pas courant de dire qu'on va se restaurer dans une " entrecôte ", que ce terme ne désigne pas un ensemble de services ayant un caractère commun ;

Attendu que le terme " entrecôte ", s'il évoque l'idée de nourriture, n'est pas descriptif du restaurant, même si l'entrecôte est un des plats plus particulièrement servis dans ce restaurant, que la marque l'Entrecôte présente donc un caractère original et distinctif et peut, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, constituer une marque valable, qu'il convient donc de réformer le jugement déféré en ce qu'il a dit nulle la marque l'Entrecôte pour un restaurant ;

Attendu qu'il importe peu, comme le soutiennent les intimés, que de nombreux restaurants portent le nom l'Entrecôte, puisque les intimés ne démontrent pas l'antériorité d'usage du mot par les restaurants dont ils donnent la liste, que les sociétés intimées ne peuvent opposer que l'antériorité de leurs droits, et que les multiples contrefaçons d'une marque n'enlèvent rien à son caractère distinctif,

- Sur l'antériorité des droits sur la marque

Attendu que le terme l'Entrecôte étant reconnu comme une marque distinctive pour un restaurant, il convient de rechercher qui de Monsieur Henri Gineste de Saurs ou de Monsieur Henri Chartier a utilisé le premier cette dénomination ;

Attendu que par d'exacts et pertinents motifs, fondés sur une exacte analyse des éléments du dossier, les premiers juges ont relevé que Monsieur Henri Gineste de Saurs pouvait se prévaloir de l'usage de la marque depuis 1969, alors que l'usage par la société La Maison de l'Entrecôte ne remonte qu'au 1er novembre 1977, début de l'exploitation par Monsieur Chartier, du fonds de commerce sous l'enseigne La Maison de l'Entrecôte ;

- Sur la déchéance de la marque

Attendu que les intimés invoquent la déchéance de la marque pour non usage pendant cinq ans en soutenant que Monsieur Henri Gineste de Saurs et la Société l'Entrecôte ne prouvent pas avoir utilisé la marque dans des conditions utiles à préserver leurs droits, que ce soit sous l'empire de la loi du 31 mars 1964, ou sous celui de la loi du 4 janvier 1991 ;

Attendu qu'il résulte des documents produits que le dépôt a été régulièrement renouvelé en 1979 et en 1989, que la marque est exploitée sans discontinuité à Toulouse, Nantes, Bordeaux et Montpellier, que les intimés affirment sans en rapporter la preuve que cette marque n'est pas utilisée ;

Attendu en outre que le droit sur la marque est conservé par l'exploitation du signe sous une forme modifiée dès l'instant que la modification n'altère pas le caractère distinctif essentiel de la marque, de sorte que si les enseignes des restaurants l'Entrecôte ne sont pas écrites dans le même graphisme que celui du dépôt, cela est sans aucune incidence ;

Attendu qu'il convient donc de rejeter la demande en déchéance de marque ;

Sur la contrefaçon de marque

Attendu que les intimés contestent les faits de contrefaçon qui leurs sont reprochés en faisant valoir que les mots ajoutés au terme l'Entrecôte : Maison de l'Entrecôte, Entrecôte Grenoble et T'Bone Entrecôte sont suffisants pour différencier les établissements exploités sous ces appellations de ceux exploités sous la marque l'Entrecôte par Monsieur Gineste de Saurs et la Société l'Entrecôte ;

Attendu que l'adjonction à une marque reproduite ne supprime pas la contrefaçon sauf dans le cas où dans l'ensemble formé par la marque reproduite et l'adjonction apportée, la marque reproduite perd son individualité et son pouvoir distinctif ;

Attendu que chacune des sociétés intimées a un nom différent qu'il convient de rechercher les éléments de contrefaçon pour chacune d'elles ;

Attendu qu'en ce qui concerne la Société T'Bonne Entrecôte actuellement en liquidation judiciaire depuis 1993, il apparaît que le terme essentiel est le mot T'Bone, le terme Entrecôte n'étant qu'un vocable secondaire substantif banal et commun, que l'adjonction apportée au mot Entrecôte, lui fait en l'espèce perdre son pourvoir distinctif de sorte qu'il convient de mettre Maître Reverdy es qualités hors de cause ;

Attendu qu'il en va différemment en ce qui concerne La Maison de l'Entrecôte et l'Entrecôte Grenoble, puisque dans ces appellations, l'accent est mis surtout sur le mot Entrecôte ;

Attendu au surplus qu'une confusion peut se produire et que le risque existe en l'espèce, puisque Monsieur Henri Gineste de Saurs a ouvert des restaurants dans plusieurs villes de France : Nantes, Bordeaux, Montpellier, Toulouse et que sa clientèle est en droit de penser qu'il existe une chaîne des restaurants l'Entrecôte, dont font partie les restaurants intimées ;

Attendu que la Société CT Restauration qui s'appelait précédemment Entrecôte Presqu'Ile a changé de dénomination ;

Attendu qu'il résulte des documents produits par l'appelante et notamment d'un procès verbal de constat du 9 juillet 1991, dressé par Maître Alain Dodet, huissier associé, que 10 rue du Palais Grillet à Lyon, établissement exploité par la Société CT Restauration, figure la dénomination Entrecôte sur le fronton lumineux au-dessus de la porte d'entrée rue du Palais Grillet, et sur les bandeaux des deux stores extérieurs en toile des fenêtres du premier étage ;

Attendu que sur les autres façades du restaurant figure le terme Entrecôte Presqu'Ile : façade 1, rue Tupin, ou La Maison de l'Entrecôte rue Tupin et rue Palais Grillet ;

Attendu qu'il s'en suit que la Société CT Restauration utilise toujours la dénomination Entrecôte pour distinguer son établissement ;

Attendu qu'il résulte encore de ce même procès-verbal que 67 bis cours Vitton à Lyon 6e, figure la dénomination l'Entrecôte sur le fronton de la porte d'entrée, tandis que les deux faces de l'enseigne lumineuse en seillie de façade portent les mentions l'Entrecôte Rive Gauche ;

Attendu que de même 184 rue Garibaldi à Lyon 3e, figurent les dénominations l'Entrecôte, La Maison de l'Entrecôte, l'Entrecôte Part Dieu ;

Attendu qu'un autre constat du 9 juin 1992 du même huissier a entraîné les mêmes constatations, sauf que cours Vitton, il n'y a plus de mention l'Entrecôte seule, mais seulement les mentions La Maison de l'Entrecôte ;

Attendu que des appels téléphoniques des 20, 28 janvier, 3, 12 et 17 février 1993, 23, 25 et 30 novembre 1993, 6, 8 et 10 août 1996, effectués toujours par Maître Dodet, huissier ont démontré que les établissements ; 10 rue du Palais Grillet, 67 bis cours Vitton et 184 rue Garibaldi, répondent l'Entrecôte Presqu'Ile, l'Entrecôte Rive Gauche, l'Entrecôte Part Dieu, qu'il en est de même en 1996 pour l'établissement 10 rue du Palais Grillet et celui du 184 rue Garibaldi, tandis que celui du cours Vitton répond l'Entrecôte ;

Attendu qu'un nouvel essai fait en septembre 1996 a amené une seule réponse dans tous les établissements : " l'Entrecôte " ;

Attendu qu'il en résulte que c'est bien le terme " Entrecôte " qui est le terme distinctif des établissements de Monsieur Chartier à Lyon, que la contrefaçon est établie qu'il convient de faire défense à la société La Maison de l'Entrecôte, à la Société CT Restauration et à la Société Entrecôte Grenoble d'utiliser comme actuellement, le terme l'Entrecôte dans leurs dénominations de restaurant, dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt sous peine passé ce délai d'une astreinte de 1 000 F par infraction constatée et par établissement, l'utilisation du mot quelqu'en soit l'emplacement constituant une seule infraction par établissement ;

Attendu que cette condamnation n'a d'effet que pour l'avenir de sorte que point n'est besoin de faire droit à la demande de la Société CT Restauration d'être relevée et garantie par son vendeur ;

- Sur la demande en usurpation de dénomination sociale de la Société Entrecôte

Attendu que cette société a adopté cette dénomination sociale dans ses statuts du 21 octobre 1971 ;

Attendu qu'il a été précisé que la dénomination l'Entrecôte est distinctive pour désigner des restaurants de sorte que cette appellation pour une société constitue une dénomination sociale protégeable;

Attendu que cette dénomination est antérieure à l'appellation La Maison de l'Entrecôte ou l'Entrecôte Grenoble utilisée par Monsieur Chartier en 1977 ou après, que la dénomination sociale, nom qui individualise une personne morale est protégeable quelque soit le rayonnement de la dite personne morale sur le territoire national ;

Attendu qu'il convient donc d'ordonner sous la même astreinte et dans le même délai que ci-dessus la suppression du terme Entrecôte dans les dénominations sociales de la société La Maison de L'entrecôte et de la Société Entrecôte Grenoble ;

- Sur la demande en concurrence déloyale

Attendu que par d'exacts motifs adoptés par la Cour, les premiers juges ont rejeté l'action en concurrence déloyale en relevant que l'éloignement géographique des diverses sociétés en litige ne permet pas de dire que les intimées ont entendu se placer dans le sillage de l'Entrecôte ou de détourner sa clientèle, que les faits de parasitisme ne sont pas davantage établis, Monsieur Henri Gineste de Saurs ne démontrant pas un empêchement quelconque de s'installer en région Rhône-Alpes, qu'au surplus les faits invoqués sont les mêmes que ceux retenus pour établir la contrefaçon ;

- Sur le préjudice

Attendu que Monsieur Henri Gineste de Saurs et la Société l'Entrecôte réclament 100 000 F chacun en réparation du préjudice causé par les faits de contrefaçon, qu'ils ne démontrent pas un préjudice financier quelconque qui serait établi par les pièces produites au dossier, qu'au contraire l'éloignement sur le territoire national des différents établissements permet de penser qu'il n'existe aucun préjudice autre que le préjudice moral résultant de la contrefaçon qui peut être réparé par le franc symbolique ;

Attendu qu'une autre réparation du préjudice sera accordée en faisant droit à la demande de Monsieur Henri Gineste de Saurs et de la Société l'Entrecôte de voir publier le présent arrêt, qu'ils pourront faire publier dans trois journaux de leur choix aux frais des intimées le montant de chaque insertion ne devant pas dépasser 15 000 F hors taxe ;

Attendu que la Société CT Restauration ne saurait être relevée et garantie par son vendeur pour les dernières condamnations prononcées contre elle, puisqu'il résulte de ses écritures que malgré son changement de dénomination sociale, elle a continué en toute connaissance de cause depuis l'introduction du présent litige à conserver sur ses façades la marque l'Entrecôte ;

- Sur l'appel incident

Attendu que les intimées forment appel incident pour réclamer 100 000 F à titre de dommages et intérêts pour usage abusif de droit ;

Attendu qu'ils font valoir que cette procédure n'a été lancée par Monsieur Henri Gineste de Saurs que dans le but de s'implanter en Rhône-Alpes pour venir récupérer la clientèle de Monsieur Chartier bien implantée dans la région depuis 1977 ;

Attendu que la Cour a estimé valable la marque l'Entrecôte déposée par Monsieur Henri Gineste de Saurs de sorte qu'il n'y a aucun abus de droit à intenter une procédure pour défendre sa marque, que le préjudice de détournement de clientèle allégué n'est à ce jour pas constitué puisque Monsieur Henri Gineste de Saurs n'est pas implanté dans la région, que de toute façon, les intimées ont par leurs agissements couru ce risque, qu'aucune réparation d'un préjudice futur et incertain n'est admise, que la Société CT Restaurant, la Société La Maison de l'Entrecôte et la Société Entrecôte Grenoble seront déboutées de leur appel incident ;

Attendu que chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions devant la Cour, il n'y a lieu, ni à dommages et intérêts, ni à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, que chacune d'entre elle gardera ses frais de première instance et d'appel, que toutefois, les frais de Maître Reverdy es qualités s'ils existent, seront supportés par l'appelante qui succombe en ses prétentions contre la Société T'Bone Entrecôte ;

Par ces motifs, La Cour, reçoit l'appel et l'appel incident, Donne acte aux sociétés l'Entrecôte de Nantes, Bordeaux et Montpellier et leur intervention volontaire en cause d'appel aux côtés de Monsieur Henri Gineste de Saurs et de la Société l'Entrecôte, Infirmant pour partie le jugement déféré et statuant à nouveau, Dit que la dénomination l'Entrecôte est distinctive pour désigner des services de restauration, Dit que la marque l'Entrecôte déposée sous le numéro 1 561 935 par Monsieur Henri Gineste de Saurs est valable, Dit que les droits de Monsieur Henri Gineste de Saurs remontent au premier dépôt de la marque en date du 2 octobre 1969 sous le numéro 807 832, Dit que les faits de contrefaçon ne sont pas établis à l'encontre de la Société T'Bone Entrecôte, en conséquence met hors de cause Maître Reverdy es qualité de mandataire liquidateur de cette société, Dit que la Société CT Restauration, la Société Entrecôte Grenoble ont commis des actes de contrefaçon de la marque l'Entrecôte appartenant à Monsieur Henri Gineste de Saurs, Fait défense à ces sociétés de récidiver sous astreinte définitive de 1 000 F par établissement et par infraction constatée étant précisé que l'utilisation par chacun des établissement quelque soit la forme et l'emplacement de la marque constitue une infraction globale, Dit que la société La Maison de l'Entrecôte, la Société CT Restauration, la Société Entrecôte Grenoble ont commis des actes d'usurpation de dénomination sociale de la Société l'Entrecôte, Dit qu'elles devront dans le délai de un mois à compter de la signification du présent arrêt supprimer le Mot Entrecôte et leur dénomination sociale sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 1 000 F par jour de retard, Condamne in solidum la société La Maison de l'Entrecôte, la Société Entrecôte Grenoble et la Société CT Restauration à payer à Monsieur Henri Gineste de Saurs et à la Société l'Entrecôte, la somme de 1 francs en réparation de leur préjudice, Ordonne la publication du présent arrêt dans trois journaux au choix des appelants et aux frais de la Société La Maison de l'Entrecôte, de la Société Entrecôte Grenoble et de la Société CT Restauration, le montant de chaque insertion ne devant pas dépasser 15 000 F hors taxes, Déboute la Société l'Entrecôte et Monsieur Henri Gineste de Saurs de leurs demandes en réparation d'un préjudice pour concurrence déloyale, Déboute les sociétés intimées de toutes leurs demandes notamment en déchéance de marque et de leur appel incident, Déboute la Société CT Restauration de son appel en garantie contre son vendeur, Dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts, ni à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens de première instance et d'appel sauf ceux afférents éventuellement à la mise en cause de Maître Reverdy es qualités de mandataire liquidateur de la Société T'Bone Entrecôte, qui seront supportés par la Société l'Entrecôte et Monsieur Henri Gineste de Saurs.