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Décisions

Cass. com., 23 novembre 1993, n° 91-17.725

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Sama internationale (SA)

Défendeur :

Jacques Jaunet (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Gomez

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, Me Thomas-Raquin.

TGI Paris, 3e ch., 2e sect., du 19 janv.…

19 janvier 1989

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 16 mai 1991), que la société Jacques Jaunet, titulaire de trois marques déposées, la première, le 7 mars 1985, enregistrée sous le numéro 1304569, constituée par un triangle isocèle, la deuxième, le 7 mars 1985, enregistrée sous le numéro 1301570, constituée par le même triangle et la dénomination New Man s'y inscrivant avec un graphisme spécifique, la troisième, déposée le 30 mai 1986, enregistrée sous le numéro 1364465, constituée d'un triangle isocèle comportant un angle droit et des sommets arrondis en métal ou en matière donnant un aspect métallique, ces trois marques désignant des vêtements, a assigné en imitation illicite et concurrence déloyale les sociétés Sama internationale et Ultimo diffusion, respectivement importateur et vendeur en France de vêtements fabriqués au Portugal par la société Mako ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :- Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la marque litigieuse avait été illicitement imitée, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la matière dans laquelle est réalisée la figure déposée comme marque n'est pas en elle-même un signe matériel distinctif, si bien qu'en retenant que l'élément essentiel de la marque n° 1364465 de la société Jacques Jaunet était la matière métallique ou d'aspect métallique dans laquelle était réalisé le triangle revendiqué comme marque, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 31 décembre 1964, alors, d'autre part, qu'en décidant que l'écusson de la société Mako constituait l'imitation illicite du triangle de la société Jacques Jaunet, au seul motif que les deux insignes étaient métalliques et en refusant de tenir compte des différences existant entre eux, la cour d'appel a consacré au profit de la société Jacques Jaunet la protection d'un genre, violant ainsi l'article 1er de la loi du 31 décembre 1964, et alors, enfin, qu'en se bornant, pour retenir que la matière métallique est l'élément essentiel de la marque de la société Jacques Jaunet et l'existence d'un risque de confusion, à des affirmations d'ordre général, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt a retenu qu'un signe métallique ou d'aspect métallique constituait une marque pouvant être protégée et que les signes imitant la marque comportaient suffisamment de ressemblances avec celle-ci pour qu'existe un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit; que la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher, pour caractériser l'imitation illicite, l'existence de différences entre les signes imitant la marque protégée, a, ainsi, en la motivant, légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches : Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que les sociétés Ultimo et Sama avaient commis des actes de concurrence déloyale, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en déclarant les sociétés Ultimo diffusion et Sama internationale coupables de concurrence déloyale et en les condamnant à des dommages-intérêts envers la société Jacques Jaunet, sans relever aucune faute commise par elles, ni qu'elles avaient participé aux manœuvres imputées à la société Mako, la cour d'appel n'a pas donné de vase légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ; alors, d'autre part, que la société Jacques Jaunet n'avait pas soutenu dans ses conclusions que la société Mako avait en 1982, déposé une marque dénominative New Man au Portugal et avait voulu ainsi se placer dans le sillage d'une marque réputée, si bien qu'en fondant ainsi sa décision sur des éléments de fait qui n'étaient pas dans le débat, la cour d'appel a violé les articles 7 et 16 du Nouveau Code de Procédure Civile, et alors, enfin, que l'arrêt constate que l'étiquette apposée sur les vêtements de la société Mako ne pouvait évoquer le triangle de la société Jacques Jaunet, ni être confondue avec lui, que la position différente des insignes en présence contribuait à exclure tout risque de confusion, et, en ce qui concerne la marque 1 364 465, que la forme triangulaire n'avait une fonction distinctive que très accessoire, si bien qu'en décidant que par la position de son écusson et la forme triangulaire de ses étiquettes, la société Mako avait donné un surcroît d'efficacité à l'imitation illicite et aggravé le risque de confusion en résultant, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations de fait les conséquence légales s'en évinçant nécessairement au regard de l'article 1382 du Code Civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui avait retenu l'existence d'une imitation illicite de la marque New Man, alors même que la forme géométrique des signes en présence était différente, a relevé que le risque de confusion créé par cette imitation avait été volontairement accru par le choix de l'emplacement sur les vêtements des signes illicites et par l'emploi d'étiquettes reprenant la forme géométrique de la marque protégée; qu'elle a pu déduire de ces seules constatations et appréciations, le motif relatif au dépôt de la marque New Man au Portugal par la société Mako étant à cet égard surabondant, que les sociétés Sama et Ultimo, dont elle avait relevé que la première importait et le seconde commercialisait les produits litigieux en France, avaient elles-mêmes commis des actes de concurrence déloyale; qu'elle a ainsi, toute contradiction, légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen, qui ne peut pas être accueilli dans sa deuxième branche, n'est pas fondé dans ses première et troisième branches ;

Sur le troisième moyen, pris en ses trois branches : Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné les sociétés Ultimo et Sama au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en se déterminant ainsi par le seul visa de documents dont la nature n'est pas précisée et qui n'ont fait l'objet d'aucune analyse même sommaire, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile, alors, d'autre part, que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, si bien qu'en allouant à la société Jacques Jaunet une indemnité définitive en réparation de son préjudice, bien qu'elle ne soit saisie par celle-ci d'une demande de provision non motivée, la cour d'appel a violé l'article 4 du Nouveau Code de Procédure Civile, et alors, enfin , que le juge doit en toute circonstance faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que la société Jacques Jaunet se bornait, dans ses écritures, à demander une provision et une mesure d'expertise pour évaluer son préjudice sans invoquer aucun moyen de fait ou de droit, ni aucun moyen de fait ou de droit, ni aucun élément de preuve à l'appui de cette prétention, si bien qu'en statuant comme elle l'a fait, sans inviter les parties à s'expliquer contradictoirement sur le préjudice de la société Jacques Jaunet, la cour d'appel a violé les articles 4, 6, 9, 15 et 16 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui s'est fondée sur les éléments soumis à son appréciation et qu'elle avait concrètement analysés pour motiver les griefs d'imitation illicite de marque et de concurrence déloyale, et non sur des documents qu'elle n'aurait pas analysés, a retenue que l'atteinte au droit privatif que constitue une marque protégée compte tenu notamment de ce que cette marque était très connue, lui permettait, sans recourir à une expertise, d'accueillir la demande présentée par la société Jaunet tendant à la réparation du préjudice subi par elle ; qu'elle a ainsi, faisant usage de son pouvoir souverain d'appréciation, sans violer le principe de la contradiction, dès lors que al demande de réparation formée par la société Jaunet tendant à la réparation du préjudice subi par elle ; qu'elle a ainsi, faisant usage de son pouvoir souverain d'appréciation, sans violer le principe de la contradiction, dès lors que la demande de réparation formée par la société Jaunet était dans le débat, fixé le montant des dommages-intérêts ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le quatrième moyen, pris en ses trois branches : Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté les sociétés Sama et Ultimo de leur appel en garantie de la société Mako jeans, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les sociétés Ultimo diffusion et Sama internationale soutenaient dans leurs écritures qu'elles demandaient la garantie de la société Mako en sa qualité de fabricant des vêtements litigieux, si bien qu'en retenant que cette demande n'était pas motivée, la cour d'appel a violé l'article 4 du Nouveau Code de Procédure Civile ; alors, d'autre part, qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les actes de concurrence déloyale retenus ont été commis par la société Mako, si bien qu'en opposant aux sociétés Ultimo diffusion et Sama internationale qu'elles ne sauraient être garanties contre les conséquences de quasi-délits commis par elles en toute connaissance de cause la cour d'appel n'a pas tiré les conséquence légales de ses constations de fait au regard de l'article 1382 du Code Civil, et alors, enfin, qu'en se déterminant par un motif d'ordre général, sans préciser sur quels éléments elle se fondait pour considérer que les sociétés Ultimo diffusion et Sama international avait agi en toute connaissance de cause, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui avait retenu par une décision concrètement motivée, que l'importation et la commercialisation en France de produits litigieux par les sociétés Sama et Ultimo devaient s'analyser en une faute caractérisant la concurrence déloyale qui leur était imputable, a, hormis le motif surabondant tenant à l'absence de motivation de la demande d'appel en garantie de la société Mako jeans, légalement justifié sa décision en rejetant cette demande ; d'où il suit que le moyen, qui ne peut pas être accueilli dans sa première branche, n'est pas fondé dans ses deuxième et troisième branches.

Par ces motifs : rejette le pourvoi.