CA Versailles, 12e ch., 4 novembre 1993, n° 8311-93
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Société française d'assemblage mécanique et d'étanchéité
Défendeur :
Eleco Produits (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
(faisant fonction) : M. Frank
Conseillers :
M. Assie, Mme Lombard
Avoués :
SCP Merle, Carena-Doron, SCP Jullien, Lecharny
Avocats :
Mes Cousin, Monegier du Sorbier.
La société française d'assemblage mécanique et d'étanchéité " Framet " (Demanderesse au jour fixe) a, en vertu d'une Ordonnance rendue par Mr le Premier Président de cette Cour en date du 4 août 1993, assigné la SA Eleco Produits (Défenderesse au jour fixe) pour l'audience du 29 septembre 1993 à 9 H 00.
1-1 La société française d'assemblage mécanique et d'étanchéité, ci-après dénommée Framet, est spécialisée dans la commercialisation de produits adhésifs et en particulier de colle ; l'un de ses produits phares est une colle cyanoacrylate portant la dénomination Super Glue 3, et vendue dans une présentation caractéristique.
1-2 Estimant que la société Eleco Produits commercialisait une colle sous la dénomination Krazy Glue, dans une présentation des plus proches de la sienne, la société Framet a assigné en référé la société Eleco Produits pour voir ordonner notamment l'interdiction de commercialisation de la colle litigieuse sous astreinte.
1-3 Par une ordonnance du 13 juillet 1993, présentement soumise à l'appréciation de la Cour, le juge des référés du Tribunal de Commerce de Nanterre a débouté la société Framet de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamnée à payer à la défenderesse une somme de 8 000 F en application de l'article 700 du NCPC
Le Premier juge a considéré que la ressemblance fautive entre les deux présentations de produits n'était pas établie et qu'il n'existait pas de risque de confusion, les deux blisters étant suffisamment différents l'un de l'autre.
2-1 La société Framet a relevé appel de cette décision ; elle a été autorisée à assigner à jour fixe et a repris ses demandes initiales tendant d'une part à l'interdiction de toute commercialisation de la colle Krazy Glu(e) et à la publication de l'arrêt à intervenir.
Elle soutient que la commercialisation du produit Krazy Glu(e) est à l'évidence fondée sur un principe d'imitation et que la société Eleco Produits s'est délibérément placée dans son sillage pour profiter des efforts qu'elle avait consentis ; elle indique que la colle Supert Glue 3 est vendue dans un conditionnement spécifique par ses parties, ses couleurs et la dispositions de ses éléments nominatifs et figuratifs, qui l'identifie parmi toutes les autres colles ; elle rappelle que la comparaison doit se faire en se plaçant par rapport à l'acheteur d'attention moyenne n'ayant pas simultanément sous le yeux les deux présentations ; elle ajoute que les actes de concurrence déloyale entrent dans le cadre des articles 809 et 873 du NCPC puisqu'ils créent un trouble manifestement illicite.
Par des dernières conclusions, elle expose que la présentation de la colle Super Glue 3 se retrouve dans celle de la société Eleco Produits, dès lors qu'elle reproduit la même combinaison des trois couleurs rouge, bleue et jaune et ce sur un fond blanc, en particulier lorsque le produit Krazy Glu(e) est vendu par deux ou trois tubes.
2-2 La société Eleco Produits demande la confirmation de la décision entreprise et la condamnation de la société appelante à lui payer une somme de 25 000 F en application de l'article 700 du NCPC
Elle rappelle que la demande tendant à l'interdiction de toute commercialisation de la colle Krazy Glu(e) était sans lien par rapport aux faits allégués par la société Framet et constituait en outre une demande en interdiction de marque qui ne pouvait être formée que devant le Tribunal de Grande Instance de Nanterre. Elle ajoute que la société Framet n'est pas propriétaire de la marque Super Glue 3 et que la dénomination Krazy Glu(e) se distingue radicalement de cette marque. Elle précise qu'il n'existe entre la présentation des produits en cause aucune ressemblance servile ou quasi servile susceptible de créer une confusion entre les produits et donc de constituer une manœuvre de concurrence déloyale et parasitaire ; elle indique notamment que la bicolorisme bleu et rouge sur fond blanc du conditionnement de Krazy Glu(e) s'oppose au décor plolychrome du conditionnement de la société Framet, alors encore que l'évocation américaine des éléments typographiques et de géométrie du conditionnement de Krazy Blu(e ) s'oppose à la représentation réaliste de l'anecdote de l'homme collé les pieds au plafond qui figure sur la colle de la société Framet. Elle en déduit qu'il n'existe aucun trouble manifestement illicite.
Sur ce
3-1 Considérant en premier lieu que la société Framet se place sur le terrain de la concurrence déloyale en raison du conditionnement du produit Krazy Glu(e) et nullement sur celui de la marque, ce qu'aurait pu laisser croire le dispositif de son assignation en ce qu'il était demandé l'interdiction de commercialisation de la colle de la société Eleco Produits ; que, par voie de conséquence, le juge des référés du Tribunal de Commerce était parfaitement compétent pour connaître du litige ;
3-2 Considérant en second lieu que le conditionnement de la colle Super Glue 3 est polychrome, en ce qu'il se compose des couleurs rouge pour le nom du produit, d'un bandeau jaune non parallèle au bord du blister, et d'un flash bleu notamment ; qu'en outre et surtout, apparaît sous la lettre G, la photographie d'un homme à l'envers qui semble collé à cette lettre par les chaussures et qui tient dans les bras un emballage de colle ; que, de son côté, la colle Krazy Glu(e) est vendue dans un blister au graphisme sobre, en deux couleurs bleu et rouge sur un fond blanc qui évoque par le parallélisme de ses traits, l'origine américaine du produit ; que cette colle présente en outre, dès lors qu'elle est vendue par trois tubes, un flash jaune ;
3-3 Considérant en droit que le risque de confusion doit s'apprécier au niveau d'un consommateur moyen normalement intelligent et attentif et qui n'aurait pas simultanément les deux produits sous les yeux; qu'en l'espèce, c'est à juste titre que le premier juge a estimé, au vu des divers éléments ci-dessus rappelés, et de l'aspect général différent des deux blisters que le risque de confusion n'existait pas, et qu'il n'y avait pas lieu à référé ; qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et y ajoutant d'accorder à la société Eleco Produits une somme complémentaire de 10 000 F en application de l'article 700 du NCPC au titre des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge ;
Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, - Confirme la décision entreprise ; Y ajoutant : - Condamne la société Framet à payer à la société Eleco Produits une somme complémentaire de 10 000 F en application de l'article 700 du NCPC et en tous les dépens, autorisation étant accordée à la SCP Jullien-Lecharny de les recouvrer en application de l'article 699 du NCPC.