CA Besançon, 2e ch. com., 27 octobre 1993, n° 1834-92
BESANÇON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Callod
Défendeur :
Rolet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
(faisant fonction) : M. Bougon
Conseillers :
MM. Deglise, Polanchet
Avoués :
Me Economou, SCP Leroux-Meunier
Avocats :
Mes Favoulet, Charmont.
Faits et prétentions des parties
Patrick Callod, armurier à Lons-le-Saunier poursuit Yves Rolet, armurier à Champagnole en concurrence déloyale.
Le Tribunal de Commerce de Lons-le-Saunier, par jugement du 28 août 1992 auquel il est expressément référé pour plus ample libellé des faits et moyens développés par les parties, va débouter Patrick Callod de ses demandes fins et conclusions et le condamnera à payer à Yves Rollet la somme de 1 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Patrick Callod relève appel de cette décision dont il demande la réformation ;
Il chiffre son préjudice à la somme de 80 000 F outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation et il réclame la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
A l'appui de son recours, Patrick Callod explique qu'Yves Rolet à faire paraître un encart publicitaire, par lequel il annonçait l'embauche d'un armurier qualifié formé aux établissements Callod.
Il fait valoir que cette publicité, qui constitue un dénigrement des établissements Callod, désorganise le marché commun aux deux commerçants, car les établissements Rolet vont profiter, avant l'heure, des moyens de production du concurrent dont ils pillent la notoriété.
Yves Rolet conclut à la confirmation de la décision déférée et après avoir expliqué que le recours est manifestement abusif, il réclame 50 000 F à titre de dommages et intérêts et 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Yves Rolet fait valoir que l'existence d'un quelconque préjudice n'est pas démontré et qu'en tout état de cause la publicité reprochée, loin de dénigrer Callod serait plutôt flatteuse et pour avoir clairement indiqué la date d'entrée en fonction du nouveau salarié, ne peut avoir engendré quelque désorganisation que ce soit.
Sur ce,
Attendu qu'il est constant, qu'en décembre 1991 l'armurerie Rolet de Champagnole annonce son changement d'adresse à ses clients par un encart publicitaire publié dans une revue spécialisée, dont le texte comporte notamment des lignes suivantes ;
(...) Pour mieux vous servir à dater du 2 janvier 1992 nous renforçons notre force de vente d'un :
Armurier professionnel diplômé
(ses références : Armurerie SIPP Strasbourg
Armurerie Kettner Metz
Armurerie Callod Lons-le-Saunier)
(...) ;
Attendu que Patrick Callod voudrait que cette annonce soit constitutive d'une concurrence déloyale ;
Attendu qu'il convient de rappeler que le succès de l'action en concurrence déloyale, qui n'est qu'une variété de l'action en responsabilité, suppose démontrés, faute, préjudice et relation de lien de causalité entre les deux ;
Attendu que pour justifier de son préjudice, l'appelant produit divers documents qui voudraient retracer les difficultés qu'il a rencontré pour trouver un remplaçant à son employé démissionnaire ;
Attendu que lorsque l'on aura rappelé, ce que ne conteste plus l'appelant, qu'il ne peut se prévaloir d'un " débauchage ", les inconvénients liés à la vacance de poste ne peuvent se rattacher à la publication de l'encart publicitaire ci-dessus détaillée ;
Attendu que cette seule constatation suffirait à débouter l'appelant de ses prétentions ;
Attendu toutefois, à titre didactique, qu'il convient de préciser que la publicité reprochée n'est constitutive d'aucune faute au regard de la loyauté due par le commerçant vis à vis de ses concurrent ;
Attendu que dès lors que reste anonyme l'armurier qualifié présenté pour venir rejoindre l'équipe Rolet au 1er janvier 1992, il ne peut être sérieusement soutenu que l'intimé se soit approprié de la force de production de l'appelant ni dans les faits, ni dans l'esprit du public ;
Attendu que l'utilisation du nom de Callod comme référence professionnelle du nouvel arrivant, que d'aucun qualifierait de flatteuse pour le maître pour être associées à celles de SIPP ou Kettner, ne saurait constituer un dénigrement;
Attendu qu'il ne s'agit pas non plus de parasitisme pour emprunt de la notoriété, alors que les références avancées, si elles sont la marque d'une formation n'affectent en rien la force commerciale des établissements Patrick Callod ;
Attendu que le seul fait que l'appelant n'ait pas même recherché à asseoir son préjudice rend son appel particulièrement abusif, même si le premier juge n'avait pas répondu complètement à la totalité de son argumentation sur la faute ;
Attendu que cette attitude sera sanctionnée par l'octroi à l'intimé d'une somme de 5 000 F à titre de dommages et intérêts ;
Attendu que l'intimée se verra allouer une somme de 5 000 F pour les frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré, Déclare l'appel recevable en la forme, Dit que l'appelant ne démontre pas que l'encart publicitaire soit constitutif d'un comportement fautif, ni que sa publication ait généré quelque préjudice que ce soit, Confirme la décision déférée, Y ajoutant, Condamne Patrick Callod à payer à Yves Rolet la somme de Cinq Mille Francs (5 000 F) à titre de dommages-intérêts et Cinq Mille Francs (5 000 F) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamne Patrick Callod aux dépens et en ordonne la distraction au profit de la SCP Leroux-Meunier, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.