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Décisions

Cass. com., 29 juin 1993, n° 91-16.976

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Khalifa (Consorts)

Défendeur :

Marie Brizard et Roger international (SA), Business and organisation (SA), Société internationale de boisson, Société de négoce des produits alimentaires

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Nicot

Rapporteur :

M. Gomez

Avocat général :

M. Curti

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, SCP Boré, Xavier.

T. com. Marseille, du 29 juin 1982

29 juin 1982

LA COUR : - Statuant, tant sur le pourvoi principal qu'incident, qui attaquent dans les mêmes termes le même arrêt ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 2 avril 1991), rendu sur renvoi après cassation, que la société Marie Brizard et Roger international (société Marie Brizard), qui détenait une partie des actions de la société Pulco Ralli France, titulaire du secret de fabrication d'une boisson au citron sans sucre dénommée "express pulco citron", en a acquis la totalité par rachat aux consorts Khalifa le 23 juin 1980 et a ultérieurement absorbé cette société ; qu'à la même date, par des actes distincts, les consorts Khalifa ont consenti des clauses d'interdiction d'établissement et de concurrence portant sur cette boisson et sur un concentré de citron jusqu'au 31 décembre 1981 et ont garanti que la société Pulco Ralli France était seule en possession, en qualité de propriétaire, des formules et de la technique relatives à la production de l'express pulco citron ; qu'après jonction de différentes procédures, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a été saisie, notamment, d'une action en concurrence déloyale intentée par les consorts Khalifa et trois sociétés auxquelles ils participaient (le groupe Khalifa) contre la société Marie Brizard et d'une action pour violation des accords du 23 juin 1980 intentée contre les consorts Khalifa et les sociétés déjà en cause qui avaient fabriqué et commercialisé sous la marque Agruma une boisson au citron sans sucre ; que, le 3 mars 1987, la Cour de Cassation a cassé partiellement l'arrêt confirmatif de ce chef du jugement du tribunal de commerce, en ce qu'il avait déclaré la société Marie Brizard coupable de concurrence déloyale et l'avait condamnée au paiement de dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches : - Attendu que les consorts Khalifa font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande tendant au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'existence d'un dénigrement peut s'établir par tout moyen ; qu'ayant constaté que plusieurs articles étaient parus, à quelques jours d'intervalle, dans des revues professionnelles qui faisaient état d'une ordonnance de référé ayant désigné un expert sur la base de "sérieuses présomptions" de la violation par les consorts Khalifa de l'accord de non-concurrence passé avec la société MBRI, et de la perspective d'un retrait des stocks, la cour d'appel en a déduit qu'aucun élément ne permettait d'établir que la société MBRI était à l'origine de la publicité ainsi donnée à une décision de justice provisoire et limitée dans ses effets, sans rechercher si la preuve de l'identité de l'inspirateur de ces articles ne résultait pas de présomptions étrangères à leur lettre, et notamment du fait que le public n'a pas normalement accès à la copie d'une ordonnance de référé, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1341 et 1382 du Code civil ; alors, d'autre part, que les consorts Khalifa avaient fait valoir, dans leurs conclusions devant la cour de renvoi, que la société MBRI avait reconnu avoir communiqué aux revues professionnelles des informations relatives à l'ordonnance de référé intervenue et à la prétendue violation par les consorts Khalifa de leur obligation de non-concurrence ; qu'en déclarant qu'aucun élément n'établissait que la société MBRI était à l'origine des articles parus dans ces revues, sans s'expliquer sur le moyen qui lui était soumis, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, faisant usage de son pouvoir souverain d'appréciation de la force probante des documents soumis à son examen, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche prétendument omise et a répondu, en les écartant aux conclusions, a retenu qu'il n'était pas établi que la société Marie Brizard était à l'origine de la publicité donnée à la décision de justice litigieuse; d'où il suit que le moyen, pris en ses deux premières branches, n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que, pour rejeter la demande de condamnation de la société Marie Brizard en réparation des actes de dénigrement résultant du contenu d'une sommation interpellative, l'arrêt retient que "cet acte s'inscrit dans la recherche de preuves dans le cadre d'un procès en cours et n'excède pas le droit de tout plaideur de se constituer des preuves et des moyens de défense"; Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que "l'examen de cet acte adressé à un prestataire de service publicitaire du groupe Khalifa met en évidence des informations fausses ou tendancieuses", la cour d'appel, qui n'a pas indiqué la nature de ces informations, n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle et n'a pas donné de base légale à sa décision;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la quatrième branche du moyen : casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 avril 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.