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Décisions

CA Versailles, 15e ch., 29 juin 1993, n° 7342-92

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Demay

Défendeur :

Chavanne de Dalmassy (ès qual.), FNGS-GARP

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Salomon

Conseillers :

Mmes Brady, Weill

Avoué :

SCP Hadengue

Avocats :

Mes Weill, Pinard.

Cons. Prud'h. Saint-Germain en Laye, du …

18 mai 1992

LA COUR : - Monsieur Pascal Demay est régulièrement appelant d'un jugement du Conseil de Prud'hommes de Saint Germain en Laye, qui le 18 mai 1992, a considéré, qu'à la suite de sa démission, le 6 mai 1990, de sa fonction de chef de produit qu'il exerçait depuis le 20 octobre 1986 au sein de la SA U et P, et par la suite de son poste d'administrateur, il avait créé une société concurrente et commercialisé des produits dont elle avait l'exclusivité sur le territoire français ; qu'il s'était donc rendu coupable d'un détournement de la clientèle au préjudice de son employeur. Il a été condamné à verser à ce dernier 300.000 F au titre de concurrence déloyale pendant l'exécution de son contrat de travail et 3.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de Procédure Civile.

Depuis le prononcé du jugement, la SA U et P a été mise en liquidation judiciaire, d'où la présence aux débats de Me Chavanne de Dalmassy, en qualité de mandataire liquidateur et du GARP.

Au soutien de son appel, visant à l'infirmation du jugement et à l'octroi de 8.000 frs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de Procédure Civile , Monsieur Demay fait valoir :

1) qu'il n'a commis aucun acte de concurrence déloyale durant l'exécution de son contrat de travail, comme le lui reproche le Conseil de Prud'hommes, par suite de l'accord des parties de convenir du 8 juin 1990 comme date de la cessation du contrat de travail, date libératoire à son égard des obligations issues de ce contrat, qui ne comportait aucune clause de non-concurrence ;

2) que pour les faits postérieurs au 8 juin 1990, la juridiction prud'homale devait se déclarer incompétente ;

3) que, subsidiairement, en ce cas, l'action pourrait trouver son fondement dans les dispositions de l'article 1382 du Code Civil impliquant une faute, un préjudice et un lien de causalité entre eux ; qu'ayant retrouvé sa liberté de travail, il pouvait exercer une activité concurrente sauf l'emploi par lui de moyens illégaux, de manœuvres ou de procédés frauduleux, non prouvés en l'espèce.

Le mandataire liquidateur, reprenant l'argumentation déjà exposée devant le premiers juges, consistant principalement à affirmer qu'en l'absence de toute dispense pour le salarié d'effectuer l'intégralité de son préavis, le contrat de travail n'était pas rompu lorsqu'il a créé en juillet 1990 sa propre société, la SARL Kokanee, sollicite la confirmation du jugement, demande à laquelle s'associe le GARP.

Motifs de la décision :

L'absence de tout paiement de salaire au titre du préavis, postérieurement au 8 juin 1990, et le libellé de la lettre signée des deux parties le 13 juin 1990 valant solde de tout compte, accompagné de la fiche de salaire pour la seule période du 1er au 6 juin 1990, lettre constatant le départ effectif de Monsieur Demay le 8 juin 1990, est la démonstration de la volonté des parties de fixer au 8 juin 1990 la cessation de leurs relations contractuelles avant la fin de la période de préavis, et, par là, de mettre fin au contrat de travail les liant tous deux, contrat qui ne comportait aucune clause de non-concurrence.

Monsieur Demay, créateur de sa propre entreprise, exploitée par lui à compter du 19 juillet suivant, donc postérieurement à la rupture du contrat de travail, ne peut avoir commis un acte de concurrence déloyale durant l'exécution de son contrat de travail, sauf à démontrer, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, l'avoir commis pour son propre compte, en contravention avec l'obligation de fidélité inhérente à l'exécution du contrat de travail.

L'employeur, qui, par lettre du 6 août 1990, s'est plaint d'un acte de concurrence déloyale de la part de la société créée par son ancien salarié, ne démontre par la faute commise par ce dernier, pouvant engager sa responsabilité. Effectivement, par l'intermédiaire de Monsieur Demay, spécialiste du saumon du Pacifique, la SA U et P avait obtenu la commercialisation des produits de la société américaine Aaro Fisheries. Le retrait par ce commettant de cette commercialisation et son apport à la Société crééepar Monsieur Demay, postérieurement à la rupture du contrat de travail de ce dernier, dégagé alors de son obligation de fidélité à l'égard de son employeur, n'est pas une démonstration de manœuvres déloyales de la part de l'ancien salarié, créatrice d'un droit à indemnisation dans le cadre des relations employeur-employé. D'autant qu'est versée aux débats un compromis en date du 19 mai 1989 par lequel le dirigeant de U et P s'engage pour compenser l'apport par Monsieur Demay de la clientèle d'Océan Fisheries à son arrivée, de lui donner toute liberté, lors de son départ, d'emporter une autre représentation de saumon, notamment d'Alaska si le commettant éventuel le soutient, ce qui est bien le cas en l'espèce.

En conséquence, il convient de faire droit à l'appel de Monsieur Demay et d'infirmer le jugement.

L'article 700 du nouveau code de Procédure Civile :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Demay les frais irrépétibles engagés par lui, tant en première instance qu'en appel. Une somme de 5.000 F doit lui être allouée de ce chef.

Les entiers dépens resteront à la charge de la Société représentée par son mandataire liquidateur, ceci en présente du GARP.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, en présence du GARP, Fait droit à l'appel de Monsieur Pascal Demay et infirme totalement le jugement du Conseil de Prud'hommes de Saint Germain en Laye. Statuant à nouveau, déboute de ses demandes la SA U et P, représentée par son mandataire liquidateur, Maître Chavanne de Dalmassy, La condamne, sous la même représentation et en présence du GARP, à verser à Monsieur Demay 5.000,00 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile. La condamne, dans la même forme, aux dépens de première instance et d'appel.