CA Paris, 4e ch. A, 8 juin 1993, n° 93-001154
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Association des Ouvriers en Instruments de Précision, AOIP Mesures (SA), Cemic (SA), Cohen, Campos, Michaud, Doumerc
Défendeur :
Société Générale de Recherche et de Développement Industriel et Agricole Mesurix, Dumoulin (ès qual.), SCP Laureau Jeannerot (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gouge
Conseillers :
Mme Mandel, M. Brunet
Avoués :
Me Ribaut, SCP Gaultier-Kistner
Avocats :
Mes Miellet, Legrand, Maddoli-Restoux.
FAITS ET PROCEDURE :
Référence étant faite au jugement entrepris pour l'exposé des faits et de la procédure de première instance, il suffit de rappeler les éléments essentiels suivants :
La société Mesurix créée en 1980 fabrique et vend des appareils de mesure, des câbles et tous accessoires se rapportant plus particulièrement à l'électricité.
Elle a employé MM. Cohen, Michaux, Campos et Mme Doumerc en qualité respectivement de responsable commercial, responsable des achats et du planning de fabrication, responsable de l'atelier et assistante commerciale.
Elle comptait parmi ses fournisseurs AOIP dont elle était un client important et avec laquelle elle avait conclu le 12 mai 1986 un contrat de distribution.
Entre fin 1988 et début 1989 MM. Cohen, Michaux, Campos et Mme Doumerc vont démissionner pour aller travailler pour le Groupe AOIP et notamment pour le département Ecim-Cemic lequel sera constitué en société distincte le 17 avril 1989 sous la dénomination Cemic filiale à 98 % d'AOIP dont M. Cohen sera nommé directeur général.
M. Cohen sera rejoint dans cette nouvelle société par MM. Michaux, Campos et Mme Doumerc.
Faisant grief à AOIP, aux société AOIP Mesures et Cemic, à MM. Cohen, Michaux, Campos et à Mme Doumerc de se livrer à des actes de concurrence déloyale à son encontre, Mesurix les a par exploit en date du 10 août 1989 assigné devant le Tribunal de grande instance de Paris.
Elle sollicitait leur condamnation conjointe et solidaire à lui payer une indemnité provisionnelle de 1 500 000 F avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation à valoir sur son préjudice à déterminer par expertise par ailleurs requise outre la publication du jugement et paiement de la somme de 100 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MM. Cohen, Michaux, Campos et Mme Doumerc concluaient à ce que Mesurix soit déboutée de l'ensemble de ses demandes et formaient chacune une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts et du chef de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Cemic faisait valoir qu'ayant été immatriculée le 1er juin 1989, les griefs articulés par Mesurix antérieurement à cette date ne la concernent pas et que pour la période postérieure ils ne sont pas fondés.
Elle réclamait à titre reconventionnel paiement de la somme de 500 000 F à titre de dommages-intérêts au motif que Mesurix s'était livrée à son encontre à des actes de dénigrement outre celle de 50 000 F pour procédure abusive ainsi que le bénéfice de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
AOIP et AOIP Mesures concluaient également au rejet de toutes les prétentions de Mesurix subsidiairement elles sollicitaient la désignation d'un expert afin de déterminer la nature et les caractéristiques des capteurs de chaleur incriminés, elles réclamaient chacune paiement de la somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Sur la demande principale et les demandes reconventionnelles le Tribunal par le jugement entrepris a :
- dit que MM. Cohen, Michaux, Campos, la société Cemic et AOIP ont commis des actes constitutifs de concurrence déloyale au préjudice de Mesurix,
- les a condamné in solidum à payer une indemnité provisionnelle de 200 000 F à Mesurix et avant dire droit sur le montant de son préjudice a ordonné une expertise qu'il a confiée à M. Guilguet et ce avec exécution provisoire,
- a condamné les mêmes in solidum à payer à Mesurix la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- a condamné Mesurix à payer à titre de dommages-intérêts une somme de 10 000 F à chacune des parties suivantes : MM. Cohen, Michaux, Mme Doumerc, et Cemic,
- a rejeté toutes autres demandes,
- a dit que les dépens seraient supportés pour les 2/3 in solidum par AOIP, Cemic, MM. Cohen, Michaux et Campos et pour 1/3 par Mesurix.
Toutes les parties à l'exception de Mme Doumerc ont interjeté appel du jugement mais cette dernière a été intimée par Mesurix.
En cours de procédure l'expert Guilguet a déposé son rapport.
Par ailleurs Mesurix ayant été mise en redressement judiciaire le 13 octobre 1992 Me Dumoulin est intervenu à la procédure en qualité de représentant des créanciers de même que la SCP Laureau Jeannerot en qualité d'administrateurs judiciaires.
Cemic , MM. Cohen, Michaud, Campos et Mme Doumerc ont déclaré leurs créances entre les mains du représentant des créanciers le 16 avril 1991, AOIP a fait de même le 17 décembre 1992.
Dans le dernier état de leurs écritures et au vu du rapport de l'expert les parties ont conclu ainsi qu'il suit :
AOIP et AOIP Mesures demandent à la Cour de réformer le jugement sauf en ce qu'il n'a prononcé aucune condamnation à l'encontre d'AOIP Mesures, de débouter Mesurix de toutes ses demandes, de fixer à 200 000 F avec intérêts de droit à compter du 1er octobre 1990 la créance d'AOIP à l'encontre de Mesurix, de condamner Mesurix et la SCP Laureau Jeannerot ès qualités à leur verser la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Cemic prie la Cour de débouter Mesurix de toutes ses demandes y compris le paiement de dommages-intérêts ou tendant à la désignation d'un nouvel expert dans l'hypothèse où la Cour évoquerait, de fixer le préjudice subi par Cemic du fait des actes de concurrence déloyale dont elle a été victime de la part de Mesurix à 500 000 F d'autoriser la publication de l'arrêt à intervenir aux frais de Mesurix et enfin de condamner cette société à lui payer la somme de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
M. Cohen prie la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mesurix à réparer le préjudice qu'elle lui a causé mais de l'émender sur le quantum et de porter l'indemnité à 200 000 F, pour le surplus il sollicite l'infirmation du jugement et conclut à ce que Mesurix soit déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée à lui payer la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts outre 15 000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
M. Michaux poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné Mesurix à lui verser la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts, pour le surplus il en sollicite l'infirmation et demande à la Cour de débouter Mesurix de l'ensemble de ses prétentions et de la condamner à lui payer la somme de 20 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive outre 15 000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
M. Campos prie la Cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions le concernant, de débouter Mesurix de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 15 000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Mme Doumerc poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause et sollicite la condamnation de Mesurix à lui payer la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts pour appel abusif.
Mesurix limitant son appel à l'égard des dispositions du jugement relatives à AOIP Mesures, à Mme Doumerc et à la condamnation la concernant prie la Cour de dire que AOIP, AOIP Mesures, Cemic, MM. Cohen, Campos, Michaux et Mme Doumerc ont commis à son encontre des actes constitutifs de concurrence déloyale, de débouter les défendeurs de leurs demandes reconventionnelles et de la décharger de toutes condamnations à leur profit.
Elle demande à la Cour de faire usage de son pouvoir d'évocation et de condamner conjointement et solidairement, subsidiairement in solidum A.O.I.P, AOIP Mesures, Cemic, MM. Cohen, Campos, Michaux et Mme Doumerc à lui payer la somme de 5 500 000 F en réparation forfaitaire des différents préjudices par elle subis, très subsidiairement de désigner deux experts l'un en électronique l'autre en comptabilité et de lui allouer une indemnité provisionnelle de 1 million de francs.
Par ailleurs elle sollicite outre la publication de l'arrêt à intervenir la condamnation des défendeurs à lui payer la somme de 100 000 F pour appel abusif et la même somme au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 avril 1993.
Le même jour Mesurix a conclu à ce que soient rejetées des débats les pièces communiquées les 16 et 22 avril 1993.
SUR CE, LA COUR,
I - Sur la communication de pièces :
Considérant qu'à l'audience les pièces communiquées le 22 avril 1993 à savoir " les documents originaux remis à l'imprimeur aux fins de l'édition du catalogue Cemic ", les quatre bulletins de paye de M. Cohen pour mai, juin 1986, août 1987 et juillet 1988 ont été spontanément retirées.
Que la demande de Mesurix en ce qui concerne le rejet de ces pièces est donc devenue sans objet.
Considérant que la pièce relative au " budget recherches et développement de la société AOIP " ayant été communiquée le 16 avril 1993 soit 10 jours avant le prononcé de l'ordonnance de clôture Mesurix a été mise en mesure d'en prendre utilement connaissance et de présenter ses observations.
Que le principe du contradictoire ayant été respecté en ce qui concerne la communication de cette pièce, il n'y a pas lieu de la rejeter des débats.
II - Sur la demande principale :
Considérant que les griefs formulés par Mesurix à l'encontre des défendeurs et retenus par les premiers juges s'articulent autour de trois grands points qu'il convient d'examiner successivement.
A - Désorganisation de l'entreprise :
Considérant qu'AOIP soutient qu'elle n'a nullement cherché à prendre le contrôle de Mesurix et que contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal le contrat de distribution signé avec Mesurix n'a pas été résilié mais simplement non reconduit.
Qu'elle ajoute que M. Cohen n'a pas démissionné de Mesurix avec son accord tacite mais en raison de la mauvaise ambiance qui régnait dans cette société.
Considérant que Cemic qui n'a développé aucune argumentation sur le débauchage, le dénigrement, les pratiques discriminatoires fait uniquement valoir qu'il n'est nullement établi qu'elle ait vendu ses produits à perte.
Considérant que M. Cohen soutient que le Tribunal d'une part a gravement dénaturé les faits en sous-entendant qu'il avait été infiltré en 1986 par AOIP au sein de Mesurix et d'autre part a retenu à tort qu'il avait été licencié pour faute grave.
Qu'il expose qu'en raison de ses rapports difficiles avec le gérant de Mesurix il a démissionné de ses fonctions et est entré au service d'AOIP qui lui offrait un emploi lui laissant le maximum d'indépendance.
Qu'enfin il conteste avoir dénigré Mesurix.
Considérant que M. Campos fait valoir qu'il a démissionné de chez Mesurix pour entrer au service de la société Ascot Instruments qui lui proposait un salaire plus intéressant et qu'ultérieurement il est entré au service d'AOIP puis de Cemic.
Qu'il ajoute que rien ne permet d'établir le lien de concertation allégué par les premiers juges.
Considérant que cette dernière argumentation est reprise par M. Michaux lequel conteste par ailleurs avoir dénigré Mesurix.
Considérant que Mme Doumerc dément quant à elle avoir démarché d'anciens clients de Mesurix en la dénigrant auprès d'eux.
Considérant que Mesurix réplique que la désorganisation de son entreprise résulte :
- des démissions concertées de MM. Cohen, Campos, Michaux et de Mme Doumerc à l'initiative de M. Cohen, et au profit d'AOIP laquelle aurait cherché à s'emparer de la substance de Mesurix par " la ruse et en utilisant sur plusieurs années les moyens les plus illicites ",
- de propos dénigrants tenus à son encontre par MM. Cohen, Michaux et Mme Doumerc lesquels dans le même temps ont cherché à démarché sa clientèle avec l'appui logistique et commercial d'AOIP,
- de pratiques discriminatoires de vente de la part d'AOIP et AOIP Mesures, d'un abus de droit de résiliation du contrat de distribution la liant à AOIP, de pratiques de dumping de la part de Cemic.
Considérant les moyens des parties ainsi exposés qu'il résulte des pièces mises aux débats qu'il ne peut être retenu que AOIP ait cherché après que sa tentative de rachat de Mesurix ait échoué à déstabiliser Mesurix par l'intermédiaire de M. Cohen et en usant de pratiques de vente discriminatoires.
Considérant en effet que tant la lettre de la CERMS en date du 6 novembre 1985 que celle de la SEGOCE du 7 septembre 1989 établissent qu'au cours du 3ème trimestre 1985 Mesurix était en pourparlers avec plusieurs sociétés et non avec AOIP seule pour une éventuelle prise de participation dans son capital social lequel avait été augmenté.
Considérant par ailleurs que M. Cohen qui était entré chez AOIP en 1973 a quitté cette société en 1986 pour se mettre au service de Mesurix parce que cette dernière lui offrait un salaire plus élevé.
Que d'ailleurs Mesurix a fait une certaine publicité autour de cette embauche en diffusant une lettre circulaire faisant état de ce que : " M. René Cohen, que vous rencontrez en qualité d'ingénieur commercial de AOIP Mesures assure désormais les relations commerciales et techniques pour les mêmes produits dans le cadre de la société Mesurix " propos qui ne pouvaient que déplaire à AOIP
Considérant de même que Mesurix ne justifie pas qu'à compter de la formation de Cemic elle se soit heurtée à une discrimination flagrante dans les conditions de ses approvisionnements par AOIP Mesures.
Qu'en effet qu'il est exact que Mesurix a dû attendre cinq mois pour obtenir d'AOIP Mesures la livraison d'un pyromètre optique il ressort du bon de commande qu'il s'agissait d'une TR. 7020 T spéciale alors qu'en ce qui la concerne AOIP avait passé commande à AOIP Mesures d'un appareil vraisemblablement standard référencé TR 70205.
Considérant que pas davantage ne démontre-t-elle que Cemic ait commercialisé des produits identiques aux siens à perte, à des prix six fois inférieurs à ceux d'AOIP Mesures, les catalogues AOIP et Cemic produits ne contenant aucun tarif et le rapport de M. Geoffrion faisant état de telles différences de prix (p. 13) n'ayant pas été établi de manière contradictoire et ne contenant pas en annexe ces tarifs.
Mais considérant que la chronologie des faits démontre clairement que M. Cohen avec l'aide d'AOIP a suscité la démission simultanée de tout le personnel d'encadrement de Mesurix alors que dans le même temps AOIP privait Mesurix d'un chiffre d'affaires important en résiliant le contrat de distribution.
Considérant en effet qu'il est constant que Mesurix employait 11 personnes en 1988.
Que MM. Cohen, Michaux et Mme Doumerc qui constituaient trois des quatre cadre commerciaux et M. Campos qui était le plus ancien et le principal animateur de l'atelier et gérait le stock des capteurs ont démissionné entre le 15 novembre 1988 et le 3 février 1989.
Qu'il convient de préciser que Mme Doumerc qui avait été embauchée en 1982 était devenue actionnaire de Mesurix.
Considérant que M. Campos a été employé chez Asco Instruments de novembre 1988 à février 1989.
Que M. Cohen s'est mis immédiatement au service d'AOIP et qu'il a été rejoint au sein du département ECIM par MM. Campos et Michaux le 16 février 1989 (si on se réfère aux déclarations que ceux-ci ont faites aux autorités de police) ainsi que par Mme Doumerc après que celle-ci ait effectué un très court séjour au Canada.
Que M. Campos a précisé aux autorités de police qu'il avait été contacté par M. Cohen lequel lui avait indiqué qu'il créait un département capteurs au sein d'AOIP et lui avait offert un salaire supérieur de 1 500 F par mois.
Considérant qu'il n'est pas contesté que ces personnes ont exercé d'abord chez AOIP puis chez Cemic à compter de son immatriculation au registre du commerce des fonctions identiques à celles qu'elles avaient chez Mesurix.
Considérant que même si aucun de ces salariés n'était lié par une clause de non-concurrence et même si la liberté du travail permet à un salarié de démissionner de ses fonctions pour se mettre au service d'une autre entreprise, il n'en demeure pas moins qu'en embauchant presque simultanément MM. Campos, Michaux et Mme Doumerc quelques jours après s'est attaché le concours de M. Cohen dont elle n'ignorait pas les fonctions de responsabilité au sein de Mesurix, AOIP a cherché à désorganiser le fonctionnement de son concurrent direct Mesurix, laquelle s'est vue privée presque simultanément de la quasi totalité de son personnel d'encadrement.
Que cette volonté se trouve confirmée par le fait que dans le même temps, le 9 février 1989 le contrat de distribution était résilié par AOIP.
Qu'en effet cette société ne peut soutenir qu'il s'agissait d'une simple non reconduction dès lors que le contrat conclu le 12 mai 1986 pour une durée d'un an s'est prolongé et est devenu un contrat à durée indéterminée.
Que d'ailleurs dans sa lettre du 9 février 1989 AOIP a visé la procédure prévue en cas de résiliation à savoir l'octroi d'un préavis de 9 mois.
Que même si AOIP justifie de ce que Mesurix ne réglait pas toujours aux échéances prévues les factures émises, il est indéniable qu'AOIP en mettant fin à ce contrat a privé Mesurix d'un chiffre d'affaires de deux millions de francs.
Considérant que si on se réfère notamment aux déclarations de M. Campos et de Mme Doumerc à la Gendarmerie AOIP a indéniablement été aidée dans cette opération par M. Cohen à qui elle a confié des responsabilités importantes.
Que celui-ci a suscité directement les démissions de MM. Michaux, Cohen, Campos et de mme Doumerc.
Considérant en revanche qu'il n'est pas établi par Mesurix que MM. Michaux, Campos, Mme Doumerc, la société AOIP Mesures ou la société Cemic, qui n'avait pas d'existence légale au moment où les salariés de Mesurix ont démissionné, aient cherché à titre personnel à désorganiser cette société ou aient commis des manœuvres en ce sens.
Que les circulaires diffusées par Cemic ne contiennent aucun propos dénigrant à l'encontre de Mesurix.
Que l'attestation de M. Prudhomme qui n'identifie pas le vendeur qui aurait tenu des propos désobligeants à l'égard de Mesurix n'est pas pertinente, étant observé au surplus que celui-ci est un ancien salarié de Mesurix.
Que MM. Briatte et Caude font simplement état de ce qu'ils ont reçu la visite pour l'un de M. Cohen, pour l'autre de M. Michaux lesquels leur ont fait état de ce qu'ils travaillaient désormais pour AOIP et étaient en mesure de fournir des produits identiques à ceux de Mesurix à des prix légèrement inférieurs.
Que l'attestation de M. Munier qui apparaît très bien connaître M. Roggeman dirigeant de Mesurix n'est pas de nature faute d'être corroborée par des éléments objectifs à établir la réalité du dénigrement allégué.
Que le grief de désorganisation de l'entreprise est donc établi à l'encontre de M. Cohen et de AOIP lesquels ont engagé leur responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.
B - Sur la copie du catalogue Mesurix :
Considérant que les premiers juges ont retenu que le catalogue édité en mars 1989 constituait une copie servile de celui de Mesurix, certaines erreurs en étant même reprises.
Considérant que Cemic fait valoir au soutien de son appel qu'en ce qui concerne la plaquette éditée en mars 1989 les objets reproduits étaient soit factices soit sans aucune valeur soit des reproductions d'objets prêtés par AOIP Mesures ou des représentants de sociétés tierces.
Qu'en ce qui concerne le catalogue proprement dit s'appuyant sur le rapport de M. Guilguet elle prétend qu'il ne constitue pas une copie servile du catalogue Mesurix.
Qu'elle ajoute enfin que l'expression " du capteur au calculateur " est banale et générique et qu'aucune conséquence ne peut être tirée du fait que Cemic ait choisi le même imprimeur que Mesurix.
Considérant que Mesurix s'appuis au contraire sur le rapport de M. Geoffrion pour soutenir que la copie de son catalogue est établie tant par la méthode statistique que par la méthode analogique et fait valoir que l'expert Guilguet se contredit.
Qu'elle prétend par ailleurs que la recherche de confusion se trouve amplifiée par la reprise du même slogan.
Qu'enfin la sollicitation du même imprimeur est selon elle révélatrice de l'état d'esprit de Cemic.
Considérant ceci exposé qu'il résulte des écritures de Mesurix qu'elle incrimine le catalogue édité par Cemic le 13 mars 1989 et non la plaquette publicitaire.
Considérant qu'il convient d'observer que le catalogue Cemic est un catalogue unique comportant 87 pages et présentant dans l'ordre les capteurs, les accessoires tels que les câbles et les connecteurs, les instruments (pyromètres, détecteurs d'alarme, indicateurs etc.).
Que les instruments et appareils de Mesurix qui occupent les pages 34 à 87 soit environ les 2/3 proviennent pour l'essentiel d'AOIP qui les fabrique si on se réfère au catalogue de cette société de 1988.
Qu'en relation avec chacun de ces appareils le catalogue comporte une photographie de celui-ci parfois un ou plusieurs schémas et une notice de présentation.
Considérant que les capteurs présentés sont répartis en six catégories (de température, chemises métal, de surface, d'immersion, industriels, d'ambiance) et que chaque type de capteur est illustré par un schéma succinct accompagné d'une courte description et d'une référence.
Considérant que les accessoires comportent également chacun une référence et un schéma voire une photographie et que là encore il faut noter qu'ils ne sont pas fabriqués par Cemic mais achetés en l'état et revendus tels quels.
Considérant que le catalogue Mesurix comporte quatre livrets distincts (bleu, vert, marron, rouge) deux ayant une première page de couverture dépourvue de toute reproduction d'appareil alors que les deux autres comportent des illustrations.
Que toutefois la première page de couverture du catalogue Cemic ne reproduit aucun des appareils photographiés sur les couvertures des livrets Mesurix.
Considérant que la gamme des produits présentés par Mesurix est plus large et que notamment un livret entier est consacré aux capteurs, connecteurs, câbles et montages.
Que s'agissant des capteurs proprement dit si on retrouve les mêmes catégories elles ne sont pas présentées dans le même ordre, que la mise en page de Cemic est très sobre, très aérée alors que celle de Mesurix est plus confuse, que Mesurix offre un plus grand choix.
Qu'enfin les produits ne sont pas disposés de façon similaire, que les schémas sont plus précis plus détaillés chez Mesurix, que les prix sont indiqués dans le livret Mesurix alors qu'ils ne sont pas mentionnés chez Cemic.
Considérant que si la panoplie des capteurs industriels représentée en haut de la page 15 du catalogue Mesurix et en bas de la page 6 du catalogue Cemic est identique il a été communiqué à l'expert Guilguet un extrait du catalogue Deguesa-Messtechnik montrant en partie les mêmes schémas.
Considérant qu'en ce qui concerne la présentation des autres appareils ou instruments de mesure on relève dans certains cas la reproduction strictement semblable des illustrations et du texte les accompagnant
(ex : multimètre numérique p. 10 Mesurix p. 86 Cemic
multimètre de poche p. 9 Mesurix p. 85 Cemic
calibrateur haute précision p. 30 Mesurix p. 76 Cemic
enregistreur à pointé p. 37 Mesurix p. 78 Cemic
enregistreur à tracé continu p. 36 Mesurix p. 77 Cemic
indicateur p. 12 Mesurix p. 56 Cemic).
Mais considérant qu'il apparaît que ces analogies s'expliquent par le fait que ces appareils sont fabriqués par AOIP ou par des sociétés tierces (Chessel-Siemens-Gulant etc.) qui élaborent elles-mêmes le texte de présentation de ces produits et en fournissent une photographie, étant observé que sur certaines photographies la référence du constructeur a été masquée ou remplacée de façon assez grossière (ex. : indicateur).
Qu'au demeurant le rapport Geoffrion sur lequel s'appuie Mesurix relève lui-même l'origine commune de nombreux appareils (p. 28-29 Analyse Catalogue Cemic).
Qu'au surplus il est justifié par la production du catalogue AOIP de 1983, étant rappelé que Cemic établit par la production de factures qu'AOIP est fournisseur, que cette société offrait à la vente dès 1983 certains de ces appareils en les présentant avec la même photographie et le même texte (ex : p. 29 multimètre de poche p. 77 enregistreur).
Considérant dans ces conditions que dès lors que certaines présentations similaires s'expliquent par l'origine des produits, que pour les autres appareils et les capteurs il n'existe aucune reprise à l'identique et que l'aspect extérieur, la mise en page et les couleurs utilisées sont différents Mesurix est mal fondée à soutenir que Cemic a reproduit son catalogue à l'identique.
Que même si Cemic a fait choix du même imprimeur que Mesurix la typographie par elle choisie est différente.
Considérant enfin que Mesurix ne peut être grief à Cemic d'avoir repris son slogan commercial.
Qu'en effet la première de ces sociétés emploie l'expression " votre système de mesure du capteur au calculateur " alors que le deuxième a choisi la formule " du capteur au calculateur nos compétences à votre service ".
C - Sur le savoir-faire :
Considérant que le Tribunal a retenu qu'il résultait des documents fournis notamment des conclusions de M. Renaud, sapiteur technique, que la société Mesurix avait une réelle activité créatrice et un savoir-faire avec une bonne maîtrise électronique analogique et numérique, que les actuels salariés de Cemic utilisaient toutes les compétences acquises chez Mesurix pour son propre compte, et qu'enfin une partie du matériel trouvé chez Cemic provenait des stocks de Mesurix.
Que pour déterminer l'importance de ce savoir-faire et des secrets de fabrication de Mesurix il a toutefois ordonné une expertise qu'il a confiée à M. Guilguet.
Considérant que l'expert dans son rapport chapitre III après avoir défini les notions de secret de fabrication et de savoir-faire et rappelé quelles étaient les activités de Mesurix, précise que Mesurix ne dispose d'aucun secret de fabrique concernant la conception, la mise au point, le développement et la fabrication de capteurs et sondes de mesure.
Qu'il ajoute que si cette société possède dans le secteur technique considéré une bonne expérience et des connaissances certaines celles-ci ne se différencient pas sensiblement de celles acquises à la même époque et de façon indépendante par AOIP.
Qu'il précise par ailleurs que la société Mesurix comme Cemic ne fabrique pas de capteurs proprement dits, ces produits étant achetés à des fabricants spécialisés et que le savoir-faire technique qu'elle a développé se situe uniquement au niveau d'astuces éventuelles dans la réalisation des montages de ces capteurs.
Que la qualité des appareils ainsi réalisés est largement tributaire de l'habilité manuelle des exécutants et que sur ce point M. Campos a joué un rôle primordial.
Considérant que tant Cemic qu'AOIP s'appuient sur ce rapport pour contester tout savoir-faire à Mesurix.
Qu'AOIP Mesures et AOIP ajoutent qu'elles ont démontré à l'expert bénéficier d'une longue expérience dans ce domaine technique et qu'elles ont justifié de l'origine des matériels relevés par l'huissier le jour de la saisie.
Que les défenderesses soutiennent que les appareils figurant sur le catalogue Cemic ne proviennent nullement d'emprunts effectués dans le stock de Mesurix.
Considérant que Mesurix qui se prévaut de la consultation de M. Geoffrion et qui critique sévèrement le rapport de l'expert Guilguet qui selon elle " a méconnu sa mission de façon manifeste " et s'est contredit fait valoir qu'elle possède un savoir-faire dans le domaine des capteurs, que ce savoir-faire est très spécifique et nullement simple à mettre en œuvre, que sa sélection de capteurs est originale, issue de ses milliers d'applications réalisées.
Que les processus d'adaptation et de montage ne sauraient selon elle être assimilés à des assemblages simplistes.
Qu'elle fait par ailleurs valoir que le constat dressé par Me Millet le 19 juillet 1989 établit que Cemic lui a soustrait son savoir-faire dès lors que les matériels n° 1 à 11 figurant sur le catalogue Cemic sont des copies fidèles de produits Mesurix ou ont été réalisés en subtilisant des composants à Mesurix.
Considérant ceci exposé que le savoir-faire correspond à un ensemble de connaissances scientifiques, techniques technologiques et le cas échéant commerciales qui ont été rassemblées et expérimentées et qui une fois combinées sont directement applicables dans la pratique sans avoir à procéder à des recherches ou à des essais.
Qu'au surplus pour qu'existe réellement un savoir-faire il faut que celui-ci soit sinon secret du moins difficilement accessible, hors de la portée de tous.
Que très souvent le savoir-faire constitue l'accessoire d'un brevet.
Qu'enfin ce savoir-faire ne doit pas être confondu avec la simple habileté technique du praticien qui relève de sa dextérité personnelle.
Considérant qu'en l'espèce même si Mesurix a une activité de simple revendeur pour des appareils notamment électroniques ou électromécaniques tels que ceux ayant fait l'objet du contrat de distribution avec AOIP, il n'en demeure pas moins qu'en ce qui concerne les capteurs les connaissances approfondies et l'expérience par elle acquises depuis 1980 et même depuis 1974 date de création du fonds de commerce par M. Roggeman, lui ont permis de développer un savoir-faire.
Que si les caractéristiques du montage des composants entrant dans la réalisation des capteurs comme la nature de ces composants sont immédiatement apparentes, le choix des composants eux-mêmes et/ou d'un montage particulier, répondant à tel ou tel besoin est le résultat de recherches et d'essais tout comme la sélection des appareils.
Qu'elle fait valoir qu'à l'exception des pyromètres n° 10 et 11 Cemic a été dans l'impossibilité de fournir le moindre plan de montage, la moindre facture ou bon de livraison des composants utilisés.
Considérant que M. Renault homme de l'art ayant assisté l'huissier indique dans son rapport qu'aucun des appareils présents sur le catalogue ne lui a été présenté et que M. Cohen lui avait déclaré que les produits étaient des montages fictifs réalisés pour les besoins de la photographie prise aux environs du 13 mars 1989.
Qu'il relève par ailleurs qu'aucun plan de réalisation ne lui a été montré à l'exception de celui du manche de pyromètre portable alors que curieusement les objets photographiés présentent pour certains les mêmes cotes.
Qu'il s'agit d'appareils complexes faisant ressortir des dizaines de cotes et composants devant être maintenus dans des niveaux de précision que l'absence de plans rend impossible à tenir.
Qu'il ajoute qu'on retrouve une volonté de copie servile et de recherche de confusion puisque les sous-ensembles ont été placés aux mêmes endroits.
Considérant que M. Geoffrion consulté par Mesurix affirme également qu'il est impossible que Cemic ait pu réaliser ces pièces sans plans ou modèles Mesurix et obtenir des produits aussi proches dans leurs cotes.
Considérant qu'au contraire M. Guilguet estime que les produits en question sont d'une grande banalité qu'on les retrouve nécessairement dans tout atelier du même genre.
Qu'il expose que Cemic a fourni quelques factures en ce qui concerne les composants mais que la plupart proviennent vraisemblablement du stock AOIP Mesures.
Qu'en ce qui concerne les deux pyromètres et l'appareil enregistreur dit Chessel 306 il s'agit pour les deux derniers appareils fabriqués par des tiers et pour le PY 9 d'un pyromètre étudié par Electrona.
Qu'enfin il estime que les connaissances et l'expérience qui caractérisent le cas échéant le savoir-faire de Mesurix n'étaient pas indispensables pour réaliser les simples ébauches des appareils en cours de fabrication ayant fait l'objet du constat du 19 juillet 1989, le simple choix de composants ordinaires ne pouvant être estimé comme ayant été dicté par l'appropriation illégitime du savoir-faire en question.
Considérant ceci exposé qu'il ne peut être déduit de la reproduction de huit capteurs et sondes que Cemic se soit emparée du savoir-faire de Mesurix dans le domaine des capteurs ou lui ait soustrait des composants.
Considérant en effet que d'une part Cemic ne propose pas à sa clientèle une gamme aussi complète et aussi diversifiée de capteurs.
Que d'autre part rien n'établit qu'elle ait eu connaissance par les anciens employés de Mesurix de tous les moyens permettant d'obtenir la meilleurs qualité des mesures, une excellente précision, de déceler les causes d'un mauvais fonctionnement ou de faire face notamment aux difficultés de mesure des surfaces ou en immersion.
Considérant qu'il n'est pas démontré que mis à part les huit capteurs et sondes visés au procès-verbal d'huissier du 19 juillet 1989 qui au demeurant étaient pour certains factices Cemic ait reproduit servilement d'autres capteurs ou sondes de Mesurix et les ait proposés à la clientèle.
Que la grande diversité des capteurs présentés par Mesurix dans son catalogue démontre à l'évidence comme le relève M. Geoffrion (p. 17) que Mesurix fait preuve dans ce domaine d'une compétence industrielle et commerciale incontestable.
Qu'elle a su analyser les besoins de la clientèle et y répondre le mieux possible.
Que Cemic qui dans son catalogue indique à propos des capteurs : " qu'un capteur est avant tout un élément sensible, une association mécanique qu'il faut définir avec soin en fonction d'un environnement ... que certains capteurs sont figés dans leur présentation, d'autres demandent une définition en fonction de l'utilisation, sans oublier le temps de réponse, la température de service, le montage, la fixation, l'environnement " est mal fondée à soutenir que les capteurs ne sont pas des appareils de haute technologie et ne supposent qu'un banal assemblage tel que celui réalisé par M. Campos devant l'expert.
Considérant dans ces conditions que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit que Mesurix disposait d'un savoir-faire, que toutefois celui-ci est limité aux capteurs, seul domaine au demeurant pour lequel elle revendique un savoir-faire selon ses conclusions du 1er mars 1993.
Considérant ce principe étant posé qu'il convient de rechercher si Cemic a soustrait ce savoir-faire ou a subtilisé certains composants à Mesurix.
Considérant qu'à l'appui de sa demande Mesurix se prévaut principalement du constat dressé par Me Millet huissier le 19 juillet 1989 et soutient que les matériels n° 1 à 11 sont des copies fidèles des produits Mesurix.
Que les schémas du catalogue Cemic sont trop imprécis pour en tirer une telle conclusion.
Considérant par ailleurs que Cemic justifie par la production de catalogues et de plans détaillés qu'AOIP dont elle est la filiale fabrique depuis 1977 des capteurs et des sondes.
Considérant enfin et surtout que M. Campos ancien chef d'atelier chez Mesurix a pu de par sa longue expérience reconstituer la sélection et le montage des divers composants des capteurs et sondes en cause sans profiter de la communication des connaissances spéciales qui lui avait été faite.
Qu'il convient de relever sur ce point que les seuls plans de capteurs communiqués à l'expert Guilguet par Mesurix portent la signature de M. Campos et que ce dernier a été en mesure de montre un capteur devant l'expert sans plan.
Considérant par ailleurs que la plainte pour vol déposée par Mesurix a fait l'objet d'un classement sans suite après enquête.
Qu'il est vraisemblable qu'AOIP Mesures a fourni à Cemic plusieurs des composants et qu'il est justifié par la production de bons de livraison que des sociétés tierces, Meia, Degussa France, Specitec ont remis gratuitement divers composants à M. Cohen.
Considérant dans ces conditions que Mesurix ne rapportant pas la preuve que Cemic lui ait soustrait partie de son savoir-faire le jugement doit donc être réformé sur ce point.
D - Sur le détournement de clientèle :
Considérant que bien que Mesurix invoque ce grief pour établir l'importance de son préjudice, il convient avant tout de rechercher si Cemic a réellement détourné partie de la clientèle de Mesurix.
Considérant qu'une entreprise ne bénéficie d'aucun droit privatif sur sa clientèle et qu'une entreprise ouvrant dans le même domaine d'activité est en droit de démarcher la clientèle des concurrents dès lors qu'elle respecte les usages du commerce et n'utilise pas des procédés déloyaux.
Or considérant qu'en l'espèce Mesurix ne produit aux débats aucune pièce tendant à démontrer que Cemic ait usé de manœuvres ou ait cherché à créer une confusion dans l'esprit de la clientèle.
Que l'expert Guilguet relève dans son rapport (V 5) " que le fait pour Cemic d'avoir démarché une clientèle qui pour partie était également celle de Mesurix doit être relativisée dans la mesure où par la production de leurs factures de ventes respectives, versées à l'expertise de manière non contradictoire, il a pu être constaté que cette clientèle n'est pas captive au seul profit de Mesurix mais comporte pour une par notable de celle-ci des clients propres d'AOIP Mesures qui le cas échéant ne s'adressaient à Mesurix qu'en raison du contrat de distribution dont elle bénéficiait jusqu'à ce qu'il soit décidé de le résilier ".
Qu'en conséquence Mesurix ne peut valablement soutenir que Cemic ait détourné partie de sa clientèle.
III - Sur le préjudice de Mesurix :
Considérant que Mesurix sollicite l'évocation sur ce point du litige.
Considérant que les défendeurs qui ont conclu de ce chef ne s'y opposent pas.
Qu'eu égard à l'ancienneté des faits il apparaît de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive.
Considérant que seul doit donner lieu à indemnisation le préjudice subi par Mesurix du fait de la désorganisation de son entreprise, les autres griefs par elle invoqués étant mal fondés.
Que cette désorganisation étant uniquement imputable à AOIP et à M. Cohen pour les motifs ci-dessus exposés, Mesurix ne peut solliciter la condamnation de AOIP, de Cemic, de MM. Campos, Michaux et de Mme Doumerc.
Considérant que Mesurix justifie de ce que son chiffre d'affaires a connu entre 1979 et 1988 une progression constante à l'exception de l'année 1983 en raison de perturbations provenant de l'ouverture de l'atelier en Vendée.
Que ce chiffre a notamment connu une progression de près de 30 % en 1986 et 23 % en 1987 années au cours desquelles elle a bénéficié du contrat de distribution AOIP pour chuter de 23 % en 1989.
Considérant que même si cette baisse spectaculaire peut s'expliquer en partie par la conjoncture économique, par l'évolution du marché, par l'insuffisance relative des moyens techniques de Mesurix face à la concurrence tels que relevés par l'expert Guilguet, il est certain qu'elle trouve en grande partie sa cause dans les agissements dont a été victime Mesurix.
Qu'en privant brusquement cette société à la fois de son personnel d'encadrement et d'un contrat de distribution qui lui permettait de réaliser un chiffre d'affaires de 2 millions de francs en 1987 AOIP et M. Cohen, dans une moindre part, ont gravement perturbé son développement et son équilibre financier.
Que Mesurix qui en dépit de sa taille réduite occupait dans le domaine des capteurs de température la cinquième place sur le marché français (fait non contesté) a dû dans le même temps restructurer son équipe dirigeante et faire face à un nouveau concurrent Cemic qui bénéficiait de l'appui d'un groupe puissant.
Que compte tenu de ces éléments et des rapports comptables mis aux débats le préjudice subi par Mesurix doit être évalué à la somme de 1 million de francs.
Qu'en conséquence il convient de débouter AOIP de sa demande tendant à ce que sa créance à l'encontre de Mesurix soit fixée à 200 000 F montant de l'indemnité provisionnelle par elle versée en vertu de l'exécution provisoire.
Considérant qu'il convient de prononcer une condamnation in solidum entre AOIP et M. Cohen mais seulement dans la limite de 100 000 F en ce qui concerne M. Cohen.
Considérant qu'à juste titre les premiers juges ont rejeté la demande tendant à ce que des mesures de publication soient ordonnées.
Que la publication de l'arrêt ne se justifie pas davantage.
IV - Sur les demandes reconventionnelles :
Considérant que Mesurix soutient que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée pour avoir adressé à ses clients une lettre circulaire les mettant en garde contre AOIP, Cemic, MM. Cohen et Michaux et Mme Doumerc.
Qu'elle prétend que devant la gravité des dénigrements et du pillage de ses produits, elle était contrainte de prévenir sa clientèle afin d'éviter que les manœuvres dont elle était l'objet n'aboutissent.
Mais considérant que le Tribunal a justement estimé qu'en adressant courant septembre 1989 à ses clients une telle lettre avec avis de réception doublée d'une remise par huissier qui portait au surplus à leur connaissance le jugement non définitif du 5 juillet 1990 avec la mention qu'il s'agissait d'une grave affaire de concurrence déloyale dans laquelle AOIP et Cemic avaient été condamnées, Mesurix a commis une faute engageant sa responsabilité vis-à-vis des personnes nommément désignées dans cette lettre et ayant présenté une demande à ce titre.
Que ni M. Campos ni les sociétés AOIP et AOIP Mesures n'ont formulé de demande de ce chef.
Considérant qu'eu égard aux termes particulièrement virulents de cette correspondance, le Tribunal a fait une appréciation insuffisante du préjudice subi par Cemic et M. Cohen ayant observé que les destinataires de cette lettre sont des fournisseurs de Cemic et qu'ils connaissent dont parfaitement son directeur M. Cohen.
Qu'il convient donc de fixer à 20 000 F le préjudice moral subi par M. Cohen et à 50 000 F le préjudice commercial subi par Cemic.
Qu'en revanche les premiers juges ont justement apprécié le préjudice de M. Michaux et de Mme Doumerc en leur allouant la somme de 10 000 F.
Que ceux-ci n'ont d'ailleurs pas formé appel incident de ce chef.
Qu'en conséquence compte tenu de ce que la société Mesurix est en redressement judiciaire il convient uniquement de fixer à ces montants les créances des personnes susvisées.
Considérant que tant Mesurix que Mme Doumerc, MM. Cohen, Michaux, Campos forment une demande pour procédure et appel abusifs.
Mais considérant que Mesurix qui a elle-même formé appel et qui succombe pour partie ne saurait qualifier la procédure d'abusive.
Qu'elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef.
Que pour les mêmes motifs M. Cohen sera également débouté de sa demande.
Considérant que MM. Michaux et Campos seront également déboutés de leur demande dès lors qu'ils ne démontrent pas que Mesurix qui avait obtenu gain de cause à leur encontre en première instance ait poursuivi la procédure dans le but de leur nuire.
Que le simple exercice d'une voie de recours n'étant pas en lui-même abusif Mme Doumerc ne saurait qualifier l'appel diligenté à son encontre d'abusif.
V - Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile aux sociétés Mesurix, AOIP Mesures, à M. Cohen.
Considérant en revanche que Cemic, MM. Campos, Michaux ayant été contraints d'engager des frais non taxables pour défendre leurs intérêts tant en première instance qu'en appel il serait inéquitable qu'ils en supportent la charge intégrale.
Qu'il convient de leur allouer la somme globale de 30 000 F.
Que Mme Doumerc n'a formulé aucune demande de ce chef.
Par ces motifs : Réforme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a ordonné une expertise ; Le confirmant de ce seul chef, statuant à nouveau pour le surplus et y ajoutant ; Constate que la demande de Mesurix tendant au rejet des pièces communiquées le 22 avril 1993 est devenue sans objet ; Déboute Mesurix de sa demande tendant au rejet des pièces communiquées le 16 avril 1993 ; Dit que René Cohen et la société AOIP ont commis des actes constitutifs de concurrence déloyale au préjudice de la société Mesurix ; Evoquant sur le préjudice subi par la société Mesurix ; Condamne in solidum René Cohen et la société AOIP à payer à la société Mesurix la somme de 1 million de francs (un million de francs) mais dans la limite de 100 000 F (cent mille francs) en ce qui concerne M. Cohen ; Dit que la société Mesurix a engagé sa responsabilité au sens de l'article 1382 du Code civil vis-à-vis de la société Cemic, de MM. Cohen, Michaux et de Mme Doumerc ; Fixe à 50 000 F (cinquante mille francs) la créance de dommages-intérêts de la société Cemic à l'encontre de la société Mesurix ; Fixe à 20 000 F (vingt mille francs) la créance de M. Cohen à l'encontre de la société Mesurix ; Fixe à 10 000 F (dix mille francs) la créance respective de dommages-intérêts de M. Michaux et de Mme Doumerc à l'encontre de la société Mesurix ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes ; Condamne Mesurix à payer à Cemic, à MM. Campos et Michaux une somme globale de 30 000 F (trente mille francs) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés pour 2/3 in solidum par AOIP et M. Cohen et pour 1/3 par Mesurix et autorise Me Ribaut et la société civile professionnelle Gaultier, avoués, à recouvrer conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.