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Décisions

CA Caen, 1re ch. sect. civ. et com., 15 avril 1993, n° 2613-91

CAEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Netto Décor (SARL), Netto Service (SARL)

Défendeur :

Ouest Service Nettoyage (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonne

Conseillers :

Mme Varin, M. Le Henaff

Avoués :

Mes Sebire, Parrot

Avocats :

Mes Berthout, Lepasteur

T. com. Vire, du 16 juill. 1991

16 juillet 1991

La Société Ouest Service Nettoyage (OSN) a employé Monsieur Auvray de 1974 jusqu'au 25 novembre 1989, date de son licenciement, comme responsable des rapports avec la clientèle, de la prise d'ordres des travaux, de gestion administrative et de coordination. Le contrat de travail comprenait une clause de non-concurrence par laquelle Monsieur Auvray s'est engagé à n'exercer aucune activité similaire à celle qu'il a été amené à exercer pendant une période de deux ans à partir du jour où il quitterait la société OSN et dans un rayon de 200 km.

Considérant que Monsieur Auvray avait été embauché en fraude de ses droits par un groupe d'entreprises concurrentes à compter du mois de juin 1990, la société OSN a assigné la société Netto Décor et la société Netto Service, le 17 janvier 1991, en paiement d'une somme de 250 000 F à titre de dommages et intérêts pour acte de concurrence déloyale.

Par jugement rendu le 16 juillet 1991 le Tribunal de Commerce de Vire a condamné solidairement les sociétés Netto Décor et Netto Service à payer la somme réclamée à la société OSN outre 3 000 F pour les frais non recouvrables.

Les sociétés Netto Décor et Netto Service demandent à la cour de réformer cette décision, de débouter la société OSN de ses demandes et de la condamner à payer une somme de 30 000 F à titre de dommages et intérêts et 5 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elles soutiennent essentiellement que l'activité de Netto Service n'était pas similaire à celle de OSN et qu'aucune situation de concurrence n'a existée, qu'il n'est pas démontré que les deux sociétés ont eu une attitude pouvant être déloyale et que la société OSN n'a pas apporté la preuve d'une éventuelle perte ou d'une baisse de clientèle.

La société OSN demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner les appelantes au paiement d'une indemnité de 7 000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle soutient que la société Netto Décor avait une activité concurrente ; que le comportement de l'employeur démontre l'action de concurrence déloyale et que le préjudice a été d'autant plus important que Monsieur Auvray était responsable de la branche nettoyage et connaissait parfaitement les clients et les fournisseurs.

I Sur la situation de concurrence

Attendu qu'il n'est pas contesté que l'objet de la société OSN comprend les activités d'entretien et de nettoyage ;

Attendu qu'il résulte de l'extrait du registre du commerce et des sociétés que la société Netto Service qui a employé Monsieur Auvray en qualité d'agent commercial à compter du 25 juin 1990 comprenait les activités de nettoyage d'entretien et rénovation de tous locaux et que c'est à compter du 1er juillet 1990 que l'objet social a été étendu à la désinfectation, la dératisation, la désinsectisation et d'une manière générale à toutes les activités d'assainissement ;

Attendu que l'objet social de Netto Service malgré l'extension survenue comprenait une activité concurrente à celle de la société OSN ; qu'il apparaît au surplus que le fonds a été donné depuis le 1er janvier 1989 à la SARL Netto Décor, qui est propriétaire de la moitié du capital, et dont l'existence est semblable à celle d'OSN ;

Attendu en dernier lieu qu'il résulte des comptes de la SARL Netto Service que celle-ci a vendu à la SARL Netto Décor, au cours de l'exercice allant du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1991, la clientèle nettoyage et entretien ; qu'il est ainsi démontré que Netto Service avait une clientèle pour l'activité nettoyage plusieurs mois après l'embauche de Monsieur Auvray qui était le seul salarié ;

Attendu que les premiers juges ont justement relevé que les sociétés Netto Décor et Netto Service étaient imbriquées; que la société OSN peut soutenir valablement que ces sociétés constituaient un groupe d'entreprises concurrentes;

II Sur l'acte de concurrence déloyale

Attendu que le certificat de travail de Monsieur Auvray a été versé aux débats et qu'il fait état de l'existence de la clause de non-concurrence que les sociétés Netto Service et Netto Décor n'ont pu ignorer ;

Attendu que le contrat de travail précise que Monsieur Auvray allait travailler au siège à Saint Lô et dans des agences notamment celle de Vire qui se trouve au siège de Netto Décor ;

Attendu en conséquence que l'embauche de Monsieur Auvray pour le compte d'entreprises ayant une activité de nettoyage et dont l'activité s'exerce à moins de 200 km du siège de la société OSN constitue un acte de concurrence déloyale;

III Sur le préjudice

Attendu que Monsieur Auvray était responsable de la branche nettoyage de la société OSN dont il connaissait la clientèle, les fournisseurs et les projets ;

Attendu que le certificat de travail mentionnant la clause de non-concurrence faisait référence au contrat de travail et qu'il n'a pu échapper aux sociétés Netto Service et Netto Décor que Monsieur Auvray et la société OSN avaient convenu que la violation de cette clause entraînerait le versement à cette dernière d'une indemnité égale à 24 mois du dernier traitement ce qui témoigne de l'importance des conséquences que la violation de la clause revêtait ;

Attendu qu'en exerçant une activité dans la même branche et dans le secteur déterminé, Monsieur Auvray a apporté au concurrent la connaissance du marché qu'il avait pu acquérir et la faculté de définir les objectifs commerciaux en fonction des moyens, des éventuelles faiblesses et des projets de la société OSN ;

Attendu qu'il y a lieu de fixer à la somme de 100 000 F le montant du préjudice que les sociétés Netto Service et Netto Décor devront réparer ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société OSN les frais exposés non compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une indemnité de 3 000 F qui s'ajoutera à celle que les premiers juges ont fixé sur le même fondement ;

Par ces motifs, - Confirme le jugement entrepris à l'exception du montant des dommages et intérêts ; Condamne les sociétés Netto Service et Netto Décor à payer solidairement à la société OSN la somme de 100 000 F ; Condamne les sociétés Netto Service et Netto Décor à payer solidairement à la société OSN la somme de 4 000 F par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Condamne les sociétés Netto Service et Netto Décor aux dépens et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de Maître Sebire, avoué.