CA Montpellier, 3e ch. corr., 7 avril 1993, n° 778-92
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Suttel (SA), Motosport (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cavallino
Conseillers :
MM. Jammet, Pfeiffer
Avocats :
Mes Nougaret, Pallies.
Rappel de la procédure :
Le jugement rendu le 26 juin 1992 par le Tribunal correctionnel de Montpellier a :
Sur l'action publique, déclaré M Richard et Frédéric S coupables :
- d'avoir à Montpellier, courant et fin 1988, de mauvaise foi, par annonce parue à la page 7 de l'annuaire 1989 de la Ligue Motocycliste Languedoc-Roussillon dans laquelle il était indiqué que la société X était concessionnaire exclusif Honda, effectué une publicité comportant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur au préjudice des sociétés Motosport et Suttel ; infraction prévue et réprimée par l'article 44 II al. 9 loi 73-1193 du 27-12-73, et l'article 1er de la loi du 01-08-1905 ;
en répression, les a condamnés chacun à la peine de 2 500 F d'amende.
Sur l'action civile, a reçu la constitution de partie civile des sociétés Suttel SA et Motosport SARL ; a condamné Richard M et Frédéric S à leur payer solidairement la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 3 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Appels :
Les appels ont été interjetés :
Par les prévenus et par le Ministère public le 6 juillet 1992,
Ces appels, réguliers en la forme et dans les délais, sont recevables ;
Décision :
LA COUR, après en avoir délibéré,
Attendu que M Richard comparait assisté de son conseil ; qu'il sera statué par arrêt contradictoire à son égard ;
Attendu que S Frédéric Victor Emmanuel comparait assisté de son conseil ; qu'il sera statué par arrêt contradictoire à son égard ;
Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure et des débats les faits suivants :
" Le 20 avril 1989, la SA Suttel Sport représentée par son PDG, Jean-Frédéric Suttel et la SARL Motosport prise en la personne de son gérant, Jean-Michel Boronat ont déposé plainte contre X auprès du doyen des juges d'instruction à Montpellier pour le délit de publicité mensongère en faisant valoir que ces deux sociétés concessionnaires exclusives dans la distribution des motos Honda pour le département de l'Hérault, ont eu la surprise de lire dans l'annuaire 1989 de la Ligue Motocycliste Languedoc-Roussillon, une publicité en page 6 et 7 indiquant que l'entreprise X serait concessionnaire exclusif Honda ce qui était contraire à la réalité;
Les parties civiles entendues le 14 décembre confirmaient les termes de leur plainte en soulignant que cette publicité trompeuse avait attiré une clientèle qui était potentiellement la leur, et leur avait créé ainsi un préjudice certain ;
Richard M, gérant de la société X, inculpé de publicité mensongère, indiquait lors de sa première comparution qu'il s'occupait de l'aspect technique dans la société, tandis que " l'administratif " était confié à Frédéric S ;
Ce dernier, inculpé le 23 novembre 1990, déclarait dans son procès-verbal d'interrogatoire en date du 25 mars 1991 que pendant l'année 1988, la société X était en pourparlers avec Honda France pour devenir concessionnaire exclusif pour l'option " dite cadre rouge " ;
Qu'à la fin de 1988, il avait donné la maquette en litige à la " Ligue Motocycliste du Languedoc " qui devait attendre leur autorisation pour la publier puisque cette autorisation était liée à la signature du contrat avec Honda France ;
Il mentionnait que la ligue avait imprimé son annuaire avec cette publicité, alors que le contrat n'avait jamais été signé ce qui avait été catastrophique pour X, qui a cessé toute activité de vente ultérieurement " ;
Demandes et moyens des parties :
Les prévenus contestent le caractère délictueux des faits en affirmant que la preuve que la publicité reprochée soit la conséquence d'un acte volontaire n'est pas rapportée ; ils sollicitent leur relaxe et la condamnation de la SA Suttel à leur payer chacun la somme de 1 F de dommages intérêts sur le fondement de l'article 472 du Code de procédure pénale.
Les parties civiles et le Ministère public concluent à la confirmation du jugement entrepris.
Sur quoi,
Sur l'action publique :
Attendu qu'il n'est pas établi par les pièces de la procédure et par les débats que Richard M soit l'auteur de la publicité et ait pris une part quelconque dans la réalisation de celle-ci ; qu'à l'audience de la cour, Frédéric S a confirmé ce point, précisant que dans le cadre de la société X il s'occupait de toute la partie administrative ; que dans ces conditions Richard M est en voie de relaxe.
Attendu que l'élément matériel du délit ne peut être contesté,ce même si l'annuaire de la ligue avait une diffusion limitée aux seuls adhérents ayant réglé leur cotisation ;
Attendu sur l'élément moralque l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973 n'exige pas la mauvaise foi ;
Qu'il appartient à l'annonceur de vérifier préalablement la teneur de ladite publicité et de prendre toutes précautions pour éviter une éventuelle erreur ;
Attendu qu'en communiquant une maquette publicitaire alors que le contrat qui en était le soutien n'était pas signé, Frédéric S a commis une grave négligence permettant de caractériser l'élément moral de l'infraction ;
Attendu au surplus que S n'apporte pas, malgré le temps écoulé depuis le dépôt de la plainte et de sa première audition par le magistrat instructeur, la confirmation par la production de tous documents utiles (attestation, etc...) de ses affirmations relatives à des instructions données au publicitaire d'attendre une autorisation pour la publication effective de la maquette remise.
Attendu que les faits sont donc établis à l'égard de Frédéric S par les éléments du dossier et par les déclarations du prévenu ;
Attendu que les circonstances de la cause ont été exactement appréciées par le tribunal dont la décision doit être confirmée dans toutes ses dispositions à l'encontre de Frédéric S, la peine prononcée assurant une répression satisfaisante et nullement excessive de l'infraction ;
Attendu qu'il convient en application de l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 d'ordonner la publication par extraits du présent arrêt dans ses dispositions à l'encontre de Frédéric S.
Sur l'action civile :
Attendu que les constitutions de partie civile sont régulières et recevables à l'encontre de Frédéric S ; qu'elles sont mal fondées à l'égard de Richard M qui doit être débouté de ses demandes.
Attendu que le montant des dommages intérêts et du remboursement des frais non répétibles engagés par la partie civile a été équitablement arbitré au vu des éléments du dossier et des débats ; qu'il convient donc de confirmer à l'égard de Frédéric S les dispositions civiles du jugement critiqué ;
Attendu qu'il n'apparaît pas de la procédure et des débats que les parties civiles aient agi de mauvaise foi ou témérairement à l'égard de Richard M qui doit être débouté de sa demande au titre de l'article 472 du Code de procédure pénale ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt : Contradictoire à l'égard de M Richard, Contradictoire à l'égard de S Frédéric Victor Emmanuel, Contradictoire à l'égard de la société Suttel SA (en la personne de son représentant légal), Contradictoire à l'égard de Motosport SARL (en la personne de son représentant légal) ; et en matière correctionnelle ; En la forme : Reçoit les appels réguliers et dans les délais. Au fond : Sur l'action publique : Réformant pour partie la décision déférée, Renvoie Richard M des fins de la poursuite. Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions pénales à l'encontre de Frédéric S. Y ajoutant, ordonne la publication par extrait dans le journal " Le Midi Libre " du présent arrêt dans ses dispositions à l'encontre de Frédéric S sans que le coût maximum de l'insertion puisse excéder 3 000 F TVA comprise. Sur l'action civile : Reçoit les sociétés Suttel et Motosport SARL dans leur constitution de partie civile, Les déclare mal fondées dans leurs demandes à l'encontre de Richard M, les en déboute ; Confirme les dispositions civiles du jugement à l'égard de Frédéric S. Déboute Richard M de sa demande au titre de l'article 472 du Code de procédure pénale. Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Fixe comme de droit la contrainte par corps à l'encontre de Frédéric S. Le tout par application des textes visés au jugement et à l'arrêt, des articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.